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Les meilleurs romans de Paul Auster – Notre sélection

Paul Auster en 10 romans – Notre sélection

Paul Benjamin Auster (3 février 1947 – 30 avril 2024) est un écrivain, scénariste et réalisateur américain majeur. Né à Newark dans le New Jersey, il passe la majeure partie de sa vie à Brooklyn, New York, quartier qui deviendra central dans son œuvre.

Issu d’une famille juive d’Europe centrale et de l’Est, il développe très tôt une passion pour l’écriture. Après des études de littérature à l’université Columbia, il séjourne en France où il vit de traductions d’auteurs comme Mallarmé, Sartre et Simenon. Son premier succès littéraire survient avec « L’invention de la solitude » (1982), une autobiographie écrite après la mort de son père.

Sa renommée internationale s’établit avec la « Trilogie new-yorkaise » (1985-1986), suivie de nombreux romans acclamés dont « Moon Palace » et « Léviathan » (Prix Médicis étranger 1993). Il s’aventure également dans le cinéma, scénarisant « Smoke » et réalisant « Lulu on the Bridge » et « La Vie intérieure de Martin Frost ».

Marié à la romancière Siri Hustvedt depuis 1981, il est le père de deux enfants : le photographe Daniel Auster (décédé en 2022) et la chanteuse Sophie Auster. Son dernier roman, « Baumgartner », est paru l’année de sa mort, alors qu’il luttait contre un cancer du poumon. Il s’est éteint à Brooklyn le 30 avril 2024, laissant derrière lui une œuvre abondante qui lui a valu de nombreuses distinctions.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Trilogie new-yorkaise (1985)

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« La Trilogie new-yorkaise » se compose de trois récits entrelacés qui se déroulent dans le New York des années 1980. Dans « Cité de verre », Daniel Quinn, un écrivain de romans policiers endeuillé par la perte de sa femme et de son fils, reçoit par erreur un appel téléphonique destiné à un détective. Il décide de se faire passer pour lui et accepte une mission : protéger Peter Stillman de son père qui sort de prison après l’avoir séquestré pendant des années.

Les deux autres volets poursuivent cette réflexion sur l’identité et la solitude urbaine. « Revenants » met en scène un détective nommé Bleu, engagé pour surveiller un homme mystérieux appelé Noir. « La Chambre dérobée » suit un écrivain qui usurpe peu à peu la vie de son ami d’enfance disparu – sa femme, son fils et même ses manuscrits.

Ces romans, qui ont établi la réputation de Paul Auster, transcendent le genre policier traditionnel. Les intrigues labyrinthiques se nourrissent des errances de personnages qui perdent pied avec la réalité. Paul Auster entremêle références littéraires et philosophiques, notamment à Don Quichotte et à la Tour de Babel, pour questionner la nature du langage et de l’écriture. Refusé par dix-sept éditeurs avant d’être finalement publié en 1985, le livre est rapidement devenu un classique de la littérature américaine contemporaine.

Aux éditions BABEL ; 448 pages.


2. 4 3 2 1 (2017)

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En 1947 naît Archibald Ferguson dans le New Jersey, petit-fils d’un immigré juif russe dont le nom fut transformé par erreur à son arrivée à Ellis Island. De parents modestes – Stanley, vendeur d’électroménager, et Rose, photographe – le jeune Archie s’apprête à vivre non pas une, mais quatre existences parallèles.

Selon que son père meurt dans l’incendie de son magasin ou survit, que ses parents divorcent ou restent unis, que la famille s’enrichit ou sombre dans les difficultés, quatre trajectoires distinctes se dessinent. Dans chacune d’elles, Archie traverse les bouleversements des années 1950-1960 : la guerre du Vietnam, les luttes pour les droits civiques, les assassinats de Kennedy et Martin Luther King. Passionné de sport et d’écriture, il tente de se construire entre New York et Paris, entre amours et ambitions littéraires.

Paul Auster a consacré trois années d’écriture quotidienne à ce projet. Les 1216 pages de « 4 3 2 1 » déploient une mécanique narrative d’une rare audace. Le choix de multiplier les trajectoires ne relève pas du simple exercice de style – il permet d’observer comment les petits évènements du quotidien sculptent une personnalité, comment les décisions minuscules d’hier transforment les destins de demain. La manière dont les grandes mutations des années 60 (Vietnam, droits civiques, révoltes étudiantes) impactent différemment chaque version du personnage donne une dimension supplémentaire à cette réflexion sur les forces qui nous façonnent.

Aux éditions BABEL ; 1216 pages.


3. Mr Vertigo (1994)

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Saint-Louis, 1927. Un gamin des rues prénommé Walt croise la route de maître Yehudi, un homme énigmatique qui lui fait une proposition extraordinaire : lui apprendre à voler. L’enfant le suit jusqu’à une ferme perdue du Kansas, où il rejoint une étrange maisonnée : Maman Sioux, une Indienne au visage marqué par les épreuves, et Esope, un jeune Noir estropié mais doué d’une intelligence exceptionnelle. Commence alors un apprentissage impitoyable qui durera trois ans.

Le miracle se produit : Walt parvient à s’élever dans les airs. Son don stupéfiant le propulse sous les projecteurs des plus grandes salles de spectacle du pays. Mais le succès a un prix : le Ku Klux Klan massacre ses amis, son oncle avide le traque sans relâche, et ses pouvoirs commencent à le faire souffrir atrocement. La mort tragique de maître Yehudi marque le début d’une longue descente aux enfers.

Cette histoire atypique marque un écart dans l’univers habituel de Paul Auster. Les éléments fantastiques s’entremêlent à une critique musclée de la société américaine, entre racisme, gangstérisme et show-business. Le récit se construit comme une parabole sur l’ambition et ses limites, où le don surnaturel de Walt symbolise les promesses de l’American Dream. La structure en deux parties – l’ascension fulgurante puis la longue chute – donne au texte sa puissance métaphorique. Un conte cruel sur le prix de la réussite.

Aux éditions BABEL ; 400 pages.


4. La Musique du hasard (1990)

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Au début des années 1990, Jim Nashe, un pompier de Boston, hérite de deux cent mille dollars d’un père qu’il n’a jamais connu. Après une séparation douloureuse qui l’a éloigné de sa fille de deux ans, il décide de tout plaquer. Il achète une Saab et se lance sur les routes américaines, roulant sans but précis pendant plus d’un an, jusqu’à ce que ses fonds s’amenuisent dangereusement.

C’est alors qu’il rencontre Jack Pozzi, un jeune joueur de poker professionnel sans le sou. Celui-ci lui propose de miser ses derniers dollars dans une partie contre deux millionnaires excentriques, Stone et Flower. La défaite les contraint à rembourser leur dette en érigeant un gigantesque mur de pierres sur la propriété de leurs créanciers. Cette construction absurde va peu à peu se transformer en prison à ciel ouvert.

« La Musique du hasard » tire sa force de la façon dont il transforme une situation banale en cauchemar métaphysique. Le point de départ – un héritage inattendu – semble ouvrir le champ des possibles. Mais chaque choix de Nashe le conduit inexorablement vers une forme d’emprisonnement qu’il accepte presque avec soulagement. La route elle-même devient une prison : plus il roule, moins il peut s’arrêter.

La première partie du roman suit une logique d’expansion : la route, l’horizon, les possibilités infinies. La seconde partie inverse brutalement cette dynamique : un lieu unique, un mur à construire, un espace qui se referme. Les deux riches excentriques, Stone et Flower, fonctionnent comme des doubles grotesques de Nashe et Pozzi. Leur fortune tombée du ciel (gains du loto) fait écho à l’héritage de Nashe.

La singularité du livre réside dans sa manière de faire basculer le réalisme le plus terre à terre dans l’allégorie sans qu’on puisse identifier le moment exact de cette transformation. Les dialogues conservent leur naturel même quand les situations deviennent complètement absurdes. Cette normalité apparente rend l’étrangeté d’autant plus inquiétante.

Aux éditions BABEL ; 320 pages.


5. Au pays des choses dernières (1987)

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Dans une ville en pleine décomposition, Anna Blume recherche son frère William, un journaliste dont elle n’a plus de nouvelles. Cette quête l’emmène dans un lieu sans nom ni époque précise, coupé du reste du monde, où les rues s’effacent et les immeubles s’effondrent. Elle y découvre une société qui survit tant bien que mal, entre « chasseurs d’objets » qui fouillent les décombres et « ramasseurs d’ordures » qui recyclent jusqu’aux cadavres.

C’est à travers une lettre qu’Anna confie son histoire, sans savoir si ces mots atteindront un jour leur destinataire. Elle y décrit sa métamorphose : de jeune fille privilégiée à « chasseuse d’objets », elle apprend les codes brutaux de la survie. Entre les rencontres qui la sauvent et celles qui manquent de la détruire, elle s’accroche à son humanité dans un univers qui perd peu à peu sa mémoire.

Publié en 1987, ce récit dystopique trace les contours d’un effondrement social qui résonne étrangement avec notre époque. La narration épistolaire installe une proximité troublante avec Anna, tandis que l’absence d’explications sur l’origine du chaos renforce le sentiment de désorientation.

Aux éditions BABEL ; 272 pages.


6. Brooklyn Follies (2005)

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À Brooklyn, au printemps 2000, Nathan Glass entame une nouvelle vie. Fraîchement divorcé, rescapé d’un cancer en rémission, cet agent d’assurances de 60 ans s’installe dans ce quartier de son enfance pour y attendre la mort. Pour tromper sa solitude, il entreprend d’écrire un livre sur les petites absurdités de l’existence, jusqu’au jour où il tombe sur son neveu Tom dans une librairie d’occasion.

Cette rencontre fortuite change tout. Tom, ex-doctorant prometteur reconverti en libraire désabusé, devient son compagnon d’infortune. Leur duo s’élargit peu à peu : Harry le libraire escroc, Lucy la petite nièce mutique débarquée sans prévenir, Aurora la mère de celle-ci prisonnière d’une secte… Ensemble, ils retrouvent goût à la vie dans le microcosme bouillonnant de Brooklyn.

Cette chronique new-yorkaise dépeint avec tendresse et humour la renaissance d’êtres cabossés par la vie. Les dialogues percutants et l’atmosphère du quartier insufflent une énergie singulière au récit, qui s’achève brutalement le matin du 11 septembre 2001. La dimension politique affleure en filigrane, entre critique de l’ère Bush et réflexion sur l’Amérique d’avant les attentats.

Aux éditions BABEL ; 368 pages.


7. Moon Palace (1989)

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En 1965, Marco Stanley Fogg arrive à New York pour ses études. Orphelin de mère, élevé par un oncle musicien qui vient de mourir, le jeune homme s’installe dans un minuscule studio miteux où les cartons de livres hérités de son oncle lui servent de meubles. Sans ressources, il vend peu à peu sa bibliothèque puis se retrouve à la rue. Il erre dans Central Park, se nourrissant de déchets, jusqu’à ce que son ami Zimmer et une jeune femme, Kitty Wu, le sauvent in extremis.

Une fois remis sur pied, il devient l’assistant de Thomas Effing, un vieillard acariâtre cloué dans un fauteuil roulant. Cette rencontre bouleverse son existence : le vieil homme lui raconte son passé mystérieux et lui demande d’écrire sa nécrologie. À sa mort, Fogg rencontre son fils, Solomon Barber, qui lui révèle des secrets de famille inattendus.

Les destins s’entremêlent dans ce roman paru en 1989 qui mêle la quête d’identité aux grands mythes américains. Les personnages s’égarent entre New York et les déserts de l’Ouest, tandis que la Lune – celle des astronautes comme celle du restaurant chinois Moon Palace – illumine leurs errances. Cette construction en poupées russes dévoile peu à peu une réflexion sur la solitude et la filiation.

Aux éditions BABEL ; 480 pages.


8. Le Livre des illusions (2002)

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Dans le Vermont des années 1980, David Zimmer, un professeur de littérature, perd sa femme et ses deux fils dans un accident d’avion. Écrasé par le chagrin, il sombre dans l’alcool et s’enferme chez lui. Un soir, le hasard lui fait découvrir à la télévision un film muet. Pour la première fois depuis des mois, il rit. L’acteur s’appelle Hector Mann. Sa moustache danse sur son visage, ses yeux pétillent de malice. Mann a mystérieusement disparu en 1929, au sommet de sa gloire. Cette étincelle de vie le pousse à entreprendre des recherches sur cet artiste oublié.

Après avoir parcouru le monde pour visionner les douze films existants de Mann, Zimmer publie sa biographie. Il reçoit alors une lettre de la prétendue épouse de l’acteur, affirmant que celui-ci est vivant et souhaite le rencontrer. Une jeune femme, Alma, vient le chercher pour le conduire au chevet du vieil homme dans le Nouveau-Mexique. Durant le trajet, elle lui révèle l’histoire extraordinaire de Mann depuis sa disparition.

Ce roman joue sur plusieurs niveaux de narration qui s’imbriquent avec une habileté remarquable. La trame principale suit David Zimmer et son deuil impossible, mais elle ouvre sur l’histoire d’Hector Mann, qui elle-même contient les récits de ses films, créant un effet de miroirs qui démultiplie les perspectives.

À travers la description méticuleuse des films muets d’Hector Mann, le texte réussit la prouesse de rendre vivantes des œuvres imaginaires. Un tour de force d’autant plus saisissant que ces films n’existent que dans la fiction, pourtant leur évocation est si précise qu’ils semblent réels. La traduction française de Christine Le Bœuf restitue admirablement cette capacité à faire surgir des images par les mots.

Le roman évoque des thèmes chers à Paul Auster – le deuil, la culpabilité, la rédemption – autour de la question centrale de la mémoire et de la trace que nous laissons. Les personnages de Zimmer et Mann se répondent comme deux faces d’une même pièce : l’un tente de sortir du néant par l’écriture, l’autre y retourne volontairement en détruisant son œuvre.

Aux éditions BABEL ; 384 pages.


9. Léviathan (1992)

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En 1990, Peter Aaron apprend dans le journal qu’un homme s’est tué en manipulant une bombe. Il comprend aussitôt qu’il s’agit de son ami Benjamin Sachs, écrivain comme lui. Tandis que le FBI enquête sur cette mort mystérieuse, Aaron entreprend de raconter la trajectoire de cet homme brillant qu’il a connu quinze ans plus tôt à New York.

L’histoire remonte le fil des événements qui ont conduit Sachs à sa perte : une chute quasi-mortelle dans un escalier, un divorce, l’abandon de l’écriture, puis une retraite dans le Vermont. Sa rencontre fortuite avec un homme qu’il tue par accident le précipite dans une spirale destructrice. Il devient alors le « Fantôme de la Liberté », un poseur de bombes qui s’attaque aux répliques de la célèbre statue à travers les États-Unis.

« Léviathan » constitue à la fois une radiographie de l’Amérique des années Reagan et une réflexion sur l’engagement intellectuel. Paul Auster y entrelace plusieurs thèmes – la création littéraire, l’amitié entre écrivains, la dérive terroriste – dans une construction narrative qui joue avec les codes du thriller et de la biographie. Le narrateur Peter Aaron (dont les initiales P. A. renvoient à Paul Auster) reconstruit le parcours de son ami Benjamin Sachs comme un puzzle identitaire, croisant vérité et fiction.

Par sa structure en miroir et son questionnement sur la radicalisation d’un intellectuel, « Léviathan » témoigne d’une Amérique qui perd ses repères tout en interrogeant la responsabilité de l’écrivain face à son époque. Ce roman, Prix Médicis étranger 1993, marque une étape importante dans l’œuvre d’Auster, entre critique sociale et mise en abyme de l’acte d’écrire.

Aux éditions BABEL ; 432 pages.


10. La Nuit de l’oracle (2003)

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À Brooklyn, en 1982, Sidney Orr sort d’une longue hospitalisation qui a failli lui coûter la vie. Cet écrivain trentenaire, criblé de dettes médicales, peine à retrouver l’inspiration. Un matin, il découvre une mystérieuse papeterie tenue par un certain M. Chang et y achète un carnet bleu qui lui redonne aussitôt le goût d’écrire. Dès qu’il pose son stylo sur le papier, les mots jaillissent comme par magie.

Dans un état quasi hypnotique, Sidney commence à noircir les pages de son carnet. Il y raconte l’histoire de Nick Bowen, un éditeur new-yorkais qui, après avoir échappé de justesse à la mort, décide de tout quitter et s’envole pour Kansas City avec le manuscrit d’un roman intitulé « La Nuit de l’oracle ». Mais tandis que la fiction prend forme, la réalité de Sidney vacille : sa femme Grace devient distante, son ami John Trause agit étrangement, et le carnet bleu semble exercer une influence inquiétante sur sa vie.

À travers un labyrinthe narratif fait d’histoires enchâssées et de notes en bas de page vertigineuses, le texte brouille les frontières entre création et existence. Les personnages se perdent dans les méandres du réel et de l’imaginaire, tandis que les mots acquièrent le pouvoir troublant de façonner le destin de ceux qui les écrivent.

Aux éditions BABEL ; 240 pages.

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