George Berkeley naît le 12 mars 1685 à Kilkenny, en Irlande, dans une famille de petite noblesse anglo-irlandaise de confession anglicane. Il grandit à Dysart Castle et commence ses études au collège de Kilkenny qu’il quitte en 1700 pour le Trinity College de Dublin. Il y obtient son Master of Arts en 1707 et y devient chargé de cours, enseignant le grec tout en étant ordonné prêtre anglican.
Sa carrière intellectuelle débute véritablement avec la publication de son « Essai sur une nouvelle théorie de la vision » en 1709, suivi de près par son œuvre majeure, « Principes de la connaissance humaine » en 1710. Il développe alors sa théorie philosophique selon laquelle le monde n’existe qu’en tant qu’il est perçu.
Entre 1714 et 1720, Berkeley voyage à travers l’Europe comme secrétaire et chapelain de Lord Peterborough, visitant notamment l’Italie, l’Espagne et la France. De retour en Irlande, il devient doyen de Derry en 1724, mais abandonne bientôt ce poste lucratif pour un projet ambitieux : la création d’un collège aux Bermudes. Ce projet l’amène en Amérique où il s’installe près de Newport, mais faute de financement, il doit y renoncer et rentre à Londres en 1732.
Nommé évêque de Cloyne en 1734, Berkeley poursuit ses travaux philosophiques et scientifiques. Il publie notamment « Alciphron » et s’intéresse aux vertus médicinales de l’eau de goudron. Il se retire finalement à Oxford en 1752, où il meurt le 14 janvier 1753, laissant derrière lui l’héritage d’une pensée originale qui continue d’influencer la philosophie moderne.
Homme aux manières douces et affectueuses, Berkeley aura marqué son époque non seulement par ses théories philosophiques audacieuses, mais aussi par son engagement dans diverses causes sociales, notamment la création d’un asile pour enfants abandonnés à Londres. Son nom reste aujourd’hui attaché à plusieurs institutions prestigieuses, dont l’université de Berkeley en Californie.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Principes de la connaissance humaine (1710)
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Publié en 1710 à Dublin, « Principes de la connaissance humaine » constitue l’œuvre maîtresse du philosophe irlandais George Berkeley, alors âgé de 25 ans. Ce traité philosophique s’inscrit dans la continuité de son « Essai sur une nouvelle théorie de la vision » paru quelques mois plus tôt, et se positionne comme une réfutation directe des thèses de John Locke sur la nature de la perception humaine.
L’ouvrage s’articule autour d’une thèse centrale : l’existence même des choses réside dans leur perception (« esse est percipi »). Berkeley démontre méthodiquement que nous ne percevons que des idées, jamais des objets matériels indépendants de l’esprit. Les qualités sensibles comme les couleurs, les sons ou les formes n’existent que dans la mesure où un esprit les perçoit. Cette conception radicale nie l’existence d’une substance matérielle autonome et affirme que le monde extérieur se compose uniquement d’idées. Pour répondre à l’objection évidente de la permanence des objets lorsque personne ne les observe, Berkeley invoque la perception continue de Dieu, garant de la stabilité et de la cohérence du monde.
La démonstration se déploie en trois temps : les 33 premiers paragraphes exposent la thèse principale, suivis d’une série de 13 objections possibles et leurs réfutations, avant d’examiner les conséquences de cette doctrine sur la nature des idées et de l’intelligence. Cette structure argumentative rigoureuse permet à Berkeley de démonter systématiquement les fondements du matérialisme et du scepticisme.
Le paradoxe apparent de cette thèse immatérialiste suscita initialement des réactions moqueuses – certains crurent même à une plaisanterie lors de sa parution. L’ouvrage ne connut qu’une seule réédition du vivant de Berkeley, en 1734. Ce n’est qu’après sa mort que parurent deux éditions majeures : l’une en 1776, annotée par un disciple de Locke qui en proposait une réfutation, l’autre en 1878, présentée par un partisan de l’immatérialisme. La densité conceptuelle et la clarté des analyses de Berkeley sur la philosophie du langage marquèrent durablement la pensée anglo-saxonne, au point que ses réflexions sur la nature des idées abstraites et le rôle du langage dans la connaissance demeurent des références.
Aux éditions FLAMMARION ; 192 pages.
2. Trois Dialogues entre Hylas et Philonous (1713)
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En 1713, George Berkeley publie les « Trois Dialogues entre Hylas et Philonous », une œuvre philosophique majeure qui met en scène une joute intellectuelle entre deux personnages : Hylas, défenseur du matérialisme, et Philonous, partisan de l’immatérialisme. Le premier dialogue s’ouvre dans un jardin où Hylas accuse Philonous de scepticisme pour avoir nié l’existence de la matière. S’ensuit une discussion serrée sur la nature des perceptions sensibles – chaleur, saveur, son, couleur – au terme de laquelle Philonous démontre qu’aucune de ces qualités n’existe hors de l’esprit qui les perçoit.
Dans le deuxième dialogue, Philonous approfondit sa démonstration : si les qualités sensibles n’existent que dans l’esprit, alors la substance matérielle censée les supporter n’a aucune raison d’être. Hylas tente plusieurs parades, notamment en invoquant un « substrat matériel » qui soutiendrait ces qualités, mais Philonous démontre l’incohérence de cette notion. Le troisième dialogue s’ouvre sur un Hylas converti au scepticisme radical, persuadé que rien n’existe vraiment. Philonous doit alors clarifier sa position : l’immatérialisme ne nie pas la réalité du monde sensible mais affirme que cette réalité existe dans l’esprit de Dieu qui la perçoit continuellement.
Cette œuvre constitue une réécriture plus accessible des « Principes de la connaissance humaine » publiés trois ans plus tôt. Le choix du dialogue, inspiré de Platon, permet à Berkeley de répondre aux objections suscitées par son premier traité tout en rendant sa philosophie plus digeste. Le texte frappe par sa dimension apologétique : en niant l’existence de la matière, Berkeley entend couper court au matérialisme qui menace selon lui la religion. La forme dialoguée n’est donc pas un simple artifice rhétorique mais le moyen de mettre en scène une conversion philosophique, celle d’Hylas abandonnant progressivement ses préjugés matérialistes. Les révisions effectuées dans l’édition de 1734, notamment sur la distinction entre « idée » et « notion », témoignent du souci constant de l’auteur d’affiner sa pensée.
Aux éditions FLAMMARION ; 297 pages.