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Jean-Paul Sartre en 9 livres majeurs – Notre sélection

Jean-Paul Sartre en 9 livres – Notre sélection

Jean-Paul Sartre (1905-1980) est l’un des intellectuels français les plus influents du XXe siècle. Philosophe, écrivain et dramaturge, il est considéré comme le père de l’existentialisme.

Né dans une famille bourgeoise parisienne, il perd son père très jeune et grandit entouré de livres chez ses grands-parents maternels. Brillant élève, il intègre l’École Normale Supérieure où il rencontre Simone de Beauvoir, qui deviendra sa compagne de vie.

Après avoir enseigné la philosophie au Havre puis à Paris, sa carrière prend un virage décisif pendant la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier en 1940, il est libéré en 1941. La publication de « L’être et le néant » (1943) et sa conférence « L’existentialisme est un humanisme » (1945) le propulsent comme figure majeure de la philosophie contemporaine.

L’après-guerre marque le début de son engagement politique intense. Il soutient diverses causes : l’anticolonialisme, la révolution cubaine, Mai 68. Compagnon de route du Parti communiste dans les années 1950, il s’en éloigne après l’intervention soviétique en Hongrie en 1956. En 1964, il refuse le prix Nobel de littérature, fidèle à son principe de ne pas accepter les honneurs officiels.

Son œuvre est considérable et diverse : romans (« La nausée »), pièces de théâtre (« Huis clos »), essais philosophiques et politiques. Sa philosophie met l’accent sur la liberté absolue de l’homme, résumée par sa célèbre formule « l’existence précède l’essence ».

Diminué par la maladie dans ses dernières années, particulièrement par la cécité, il meurt le 15 avril 1980 à Paris. Ses funérailles attirent une foule de 50 000 personnes, témoignant de son immense influence sur la vie intellectuelle française.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. L’être et le néant (essai philosophique, 1943)

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Résumé

Dans cet essai d’ontologie phénoménologique, Sartre interroge la nature de l’être en partant de l’apport essentiel de la phénoménologie : la réduction de l’existant à ses apparitions. Cette approche permet de dépasser les dualismes traditionnels (être/apparence, chose en soi/phénomène, intérieur/extérieur) pour atteindre le monisme du phénomène.

La réflexion s’articule autour de deux modes d’être fondamentaux : l’être-en-soi et l’être-pour-soi. L’être-en-soi caractérise les objets, qui se contentent d’être ce qu’ils sont sans conscience d’eux-mêmes. L’être-pour-soi définit la conscience, qui ne coïncide jamais avec elle-même et se définit par ce qu’elle n’est pas.

Le néant occupe une place centrale dans cette ontologie. Il surgit par l’homme dans le monde à travers la question, la négation, la perception. La conscience introduit ce néant car elle peut prendre du recul par rapport à l’être, créer une distance. Cette capacité de néantisation fonde la liberté humaine.

Cette liberté engendre l’angoisse existentielle : l’homme réalise qu’il n’existe aucun déterminisme pour justifier ses choix, pas même des valeurs transcendantes puisque c’est lui qui les crée. Pour fuir cette angoisse, l’homme adopte la « mauvaise foi » : il nie sa liberté en se concevant comme une chose déterminée, à l’image du garçon de café qui joue à n’être que son rôle social.

Dans son analyse des relations avec autrui, Sartre met en lumière le regard comme rapport fondamental. Par le regard d’autrui, l’homme devient objet, perd sa liberté de sujet. Les relations humaines se caractérisent ainsi par un conflit insurmontable : chacun tente de préserver sa subjectivité face à l’objectivation par l’autre. L’amour même échoue car il vise l’impossible : posséder la liberté de l’autre tout en la préservant comme liberté.

La dernière partie se penche sur les catégories cardinales de l’avoir, du faire et de l’être. L’action s’avère intentionnelle mais non déterminée : si elle obéit à des mobiles, c’est la conscience qui leur confère leur valeur de mobile. La liberté se révèle ainsi l’étoffe même de notre être, nous condamnant à être libres dans un monde résistant.

L’ouvrage se conclut sur l’échec nécessaire du projet humain fondamental : devenir un être-en-soi-pour-soi, une conscience qui coïnciderait parfaitement avec elle-même tout en restant conscience. Cette synthèse impossible, que Sartre assimile à l’idée de Dieu, fait de l’homme une « passion inutile ».

Autour du livre

Rédigé en pleine occupation allemande dans une salle du premier étage du Café de Flore à Paris, « L’être et le néant » naît dans un contexte historique singulier qui marque profondément sa philosophie. La même salle où Sartre écrit accueille également Simone de Beauvoir, qui la fréquente pour sa température plus clémente que les cafés voisins. Cette genèse particulière, au cœur de l’occupation, n’est pas anodine : le philosophe y développe une réflexion sur la liberté enracinée dans le monde, comme un acte de résistance intellectuelle.

L’ouvrage se distingue par son ambition de créer une nouvelle idéologie pour l’après-guerre, en opposition aux totalitarismes – fascisme et stalinisme – mais aussi aux visions bourgeoises et chrétiennes traditionnelles. Il marque également un tournant dans la pensée de Sartre, qui évolue de l’individualisme pur vers une philosophie plus sociale, sans pour autant renoncer à sa conception anarchiste de la liberté.

La réception de « L’être et le néant » s’avère contrastée. Si certains philosophes comme Gabriel Marcel soulignent son « incontestable » importance et saluent particulièrement l’analyse de la mauvaise foi, d’autres comme A.J. Ayer critiquent sa « thèse métaphysique prétentieuse ». Susan Sontag loue les passages sur le corps et les relations concrètes avec autrui, y voyant l’expression d’une tradition française de pensée sérieuse sur des questions fondamentales.

Les contributions originales de Sartre à la philosophie du sexe et sa notion centrale que « l’existence précède l’essence » marquent durablement la pensée contemporaine. Ses réflexions sur la liberté et sa théorie du regard deviennent des références. En France, un sondage de la Fnac et du journal Le Monde classe l’ouvrage à la treizième place des cent meilleurs livres du XXe siècle.

Paradoxalement, malgré sa grande notoriété, « L’être et le néant » reste souvent mal compris. Bernard Waldenfels souligne la complexité de sa lecture, due à l’entremêlement des influences de Hegel, Husserl et Heidegger. Cette densité philosophique n’empêche pas l’œuvre d’exercer une influence considérable sur la pensée existentialiste et de devenir un pilier de la philosophie du XXe siècle.

Aux éditions GALLIMARD ; 700 pages.


2. L’existentialisme est un humanisme (essai philosophique, 1945)

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Résumé

La thèse fondamentale de « L’existentialisme est un humanisme » repose sur le principe que « l’existence précède l’essence ». Cette affirmation signifie que l’être humain existe d’abord, puis se définit ensuite à travers ses actes. Contrairement aux objets, comme le coupe-papier dont la fonction préexiste à sa fabrication, l’homme ne possède pas de nature prédéfinie – il devient ce qu’il se fait.

Cette liberté absolue entraîne une responsabilité totale. Chaque fois qu’un individu fait un choix, il ne décide pas seulement pour lui-même mais engage l’humanité entière. En choisissant, l’homme définit une image de ce que tous les humains devraient être. Cette responsabilité écrasante provoque l’angoisse existentielle.

Sartre illustre sa pensée à travers l’exemple d’un de ses étudiants, confronté au dilemme entre rejoindre la Résistance à Londres ou rester auprès de sa mère malade. Aucune morale, qu’elle soit religieuse ou rationnelle, ne peut lui dicter la bonne décision. L’homme se trouve seul face à ses choix, sans valeurs préétablies pour le guider.

L’absence de Dieu ne constitue pas un motif de désespoir mais fonde la liberté. Sans être suprême pour dicter le bien et le mal, l’homme doit inventer ses propres valeurs. Il ne peut se réfugier derrière aucun déterminisme – biologique, psychologique ou social – pour justifier ses actes.

Sartre développe également sa théorie des « lâches » et des « salauds ». Les premiers nient leur liberté en invoquant des excuses déterministes, tandis que les seconds tentent de présenter leur existence comme nécessaire alors qu’elle relève de la pure contingence.

L’existentialisme s’oppose au quiétisme et au pessimisme. Il incite à l’action en affirmant que l’homme n’existe que par ses actes. Cette philosophie rejette aussi l’individualisme : partant du cogito cartésien, elle montre que la conscience de soi implique nécessairement la conscience des autres.

En conclusion, Sartre définit deux formes d’humanisme. Il rejette celui qui fait de l’homme une fin en soi, car cela mène au culte de l’humanité et au fascisme. Il défend en revanche un humanisme où l’homme se réalise en se projetant hors de lui-même, dans un univers de subjectivité humaine où il reste l’unique créateur de valeurs.

Autour du livre

La genèse de « L’existentialisme est un humanisme » s’inscrit dans un contexte historique particulier : celui de l’immédiat après-guerre en France. Le 29 octobre 1945, dans une salle parisienne surchauffée, Jean-Paul Sartre prononce une conférence qui marque un tournant décisif. L’événement, organisé par le Club Maintenant sous l’impulsion de Jacques Calmy et Marc Beigbeder, dépasse toutes les attentes. Boris Vian en livre un compte-rendu saisissant : la foule se presse, les chaises se brisent, des femmes s’évanouissent, tandis que le philosophe doit jouer des coudes pour atteindre l’estrade.

Ce qui ne devait être qu’une simple conférence devient, presque malgré son auteur, un livre fondateur. En effet, l’éditeur Nagel publie le texte en 1946 sans l’accord préalable de Sartre. Cette publication, enrichie par la suite de notes explicatives rédigées par Arlette Elkaïm-Sartre, sa fille adoptive, propulse définitivement Sartre et Simone de Beauvoir comme figures emblématiques de toute une génération.

« L’existentialisme est un humanisme » se construit comme une réponse aux critiques formulées tant par les penseurs chrétiens que marxistes, notamment les communistes dont Sartre cherche à se rapprocher. Il y développe sa conception de l’existentialisme athée, en opposition avec l’existentialisme chrétien de Jaspers et Marcel. Sa thèse centrale – « l’existence précède l’essence » – bouleverse la conception traditionnelle de la nature humaine.

La réception de l’œuvre s’avère contrastée. Si elle contribue à la popularisation massive de l’existentialisme, elle suscite aussi des critiques acerbes. Martin Heidegger, dans sa « Lettre sur l’Humanisme », rejette catégoriquement l’interprétation sartrienne de sa pensée. La philosophe Iris Murdoch le qualifie même de « plutôt mauvais petit livre ».

Paradoxalement, Sartre lui-même finit par renier ce texte, estimant que sa simplicité dessert la complexité de sa pensée. Cette distance prise par l’auteur n’empêche pas « L’existentialisme est un humanisme » de devenir un classique de la philosophie contemporaine, régulièrement étudié dans les classes de terminale françaises.

L’importance historique de cette conférence dépasse largement son contenu philosophique : elle marque l’avènement public de l’existentialisme comme mouvement intellectuel majeur de l’après-guerre. Les circonstances rocambolesques de sa tenue, immortalisées par Boris Vian, témoignent de l’extraordinaire effervescence intellectuelle qui caractérise cette période charnière de l’histoire française.

Aux éditions FOLIO ; 108 pages.


3. Les mots (autobiographie, 1963)

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Résumé

« Les mots » retrace les dix premières années de la vie de Jean-Paul Sartre. Le récit s’ouvre sur la présentation des deux branches familiales : les Schweitzer, famille d’intellectuels alsaciens dont sa mère Anne-Marie est issue, et les Sartre, médecins périgourdins du côté paternel. À la mort de son père Jean-Baptiste en 1906, la jeune veuve Anne-Marie retourne vivre chez ses parents avec son fils unique.

Sous le toit des grands-parents Schweitzer, le petit Jean-Paul grandit dans un univers dominé par la figure patriarcale de Charles, professeur d’allemand et directeur d’un institut de langues à Paris. L’enfant devient l’objet d’une véritable adoration de la part de ce grand-père qui le surnomme « sa merveille », tandis que sa relation avec sa mère s’apparente davantage à celle d’un frère et d’une sœur. Dans cet environnement familial clos, le jeune Sartre apprend très tôt à jouer la comédie pour plaire aux adultes.

La bibliothèque du grand-père constitue le cœur de cet univers. Avant même de savoir lire, l’enfant voue un véritable culte aux livres qu’il considère comme des « pierres levées ». Il apprend à lire seul grâce au roman « Sans famille » d’Hector Malot. Sa mère l’initie parallèlement à une littérature plus enfantine qu’il dévore en cachette, menant ainsi une « double vie » de lecteur.

Les tentatives de scolarisation se soldent par des échecs. Au lycée Montaigne puis à l’école d’Arcachon, ses difficultés d’adaptation conduisent la famille à lui faire suivre des cours particuliers. Isolé de ses pairs jusqu’à dix ans, l’enfant prend peu à peu conscience de son imposture et de sa contingence. Il découvre sa laideur, son strabisme, et s’enfonce dans un malaise existentiel qu’il tente de compenser par l’imaginaire.

La seconde partie du livre relate la naissance de sa vocation d’écrivain. Tout commence par une correspondance en vers avec son grand-père lors de vacances à Arcachon. Rapidement, l’enfant se met à remplir des « Cahiers de romans », souvent plagiés de ses lectures. Charles Schweitzer, tout en encourageant cette précocité littéraire, souhaite canaliser cette vocation vers une carrière plus respectable de professeur-écrivain.

Le récit s’achève avec l’entrée du jeune Sartre au lycée Henri-IV en 1915. Cette première confrontation réelle avec ses pairs marque la fin de la comédie familiale, mais pas de sa « névrose littéraire » qui continuera selon lui à déterminer son existence. Les dernières pages offrent le bilan désabusé d’un homme qui dit avoir mis trente ans à se défaire de l’idéalisme hérité de cette enfance bourgeoise, sans pour autant renoncer à l’écriture devenue son « habitude » et son « métier ».

Autour du livre

Publié en 1963, « Les mots » occupe une place singulière dans l’œuvre de Jean-Paul Sartre. Cette autobiographie, qui relate exclusivement les années d’enfance de l’écrivain, marque paradoxalement ses adieux à la littérature au moment même où elle lui vaut une reconnaissance internationale avec le prix Nobel, qu’il refuse.

Le texte s’élabore sur une dizaine d’années, entre 1952 et 1963, dans un contexte où Sartre s’engage aux côtés du Parti communiste. Cette dimension politique sous-tend l’ensemble du projet : il ne s’agit pas de céder à la nostalgie mais d’examiner comment se construit dialectiquement le rapport entre l’individu et la société. Pour ce faire, Sartre mobilise à la fois une grille d’analyse marxiste et psychanalytique, cette dernière lui permettant d’étudier « la démarche par laquelle un enfant, dans le noir, à tâtons, va tenter de jouer sans le comprendre le personnage social que les adultes lui imposent. »

L’ironie mordante qui caractérise le texte traduit cette volonté de démystification. Le narrateur adulte pose un regard sans concession sur l’enfant qu’il était, ce « monstre fabriqué par les adultes avec leurs regrets ». La structure même de l’ouvrage, divisée en deux parties « Lire » et « Écrire », masque selon Philippe Lejeune une organisation plus profonde en cinq « actes », qui retracent la construction puis la déconstruction d’une imposture.

Le livre peut ainsi se lire comme une entreprise de liquidation critique du mythe de l’enfance et de la mystique littéraire bourgeoise. Sartre y dévoile les mécanismes de sa vocation contrainte d’écrivain, fruit d’une comédie familiale où l’enfant solitaire cherche à plaire en jouant le rôle qu’on attend de lui. La névrose littéraire qu’il décrit – cette croyance en la toute-puissance salvatrice des mots – apparaît comme le produit d’une aliénation sociale dont il prétend s’être libéré.

Pourtant, « Les mots » atteint une forme de perfection stylistique qui contredit cette volonté de rupture. « Un objet qui se conteste soi-même doit être écrit le mieux possible », justifie Sartre. Le texte manifeste une maîtrise absolue du verbe, fruit d’un travail acharné selon Annie Cohen-Solal qui évoque un manuscrit « retaillé, remâché, retravaillé […] dans un travail d’artisan qu’il n’avait jamais fait auparavant. »

Ce qui devait être le premier volume d’une autobiographie plus vaste restera finalement sans suite. Mais cette tentative unique de Sartre pour « régler ses comptes avec l’enfant roi et bouffon » constitue un monument de la littérature française du XXe siècle, unanimement salué pour sa lucidité corrosive et sa puissance d’écriture.

Aux éditions FOLIO ; 224 pages.


4. Huis clos (pièce de théâtre, 1944)

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Résumé

Dans l’enfer imaginé par Sartre en 1944, point de flammes ni de torture physique. Trois damnés se retrouvent enfermés pour l’éternité dans un salon bourgeois du Second Empire : Garcin, un journaliste déserteur, Inès, une employée des postes, et Estelle, une mondaine de la haute société. Sans miroir, sans possibilité de dormir et sans échappatoire possible, ils sont condamnés à une proximité forcée qui devient rapidement insupportable.

Les masques tombent peu à peu alors que chacun révèle la noirceur de son passé. Garcin a torturé psychologiquement sa femme et s’est comporté en lâche. Inès, lesbienne assumée, a poussé la femme de son cousin au suicide après l’avoir séduite. Estelle, quant à elle, a noyé l’enfant né de son amant, provoquant le suicide de ce dernier. Un triangle infernal se met alors en place : Inès désire Estelle, qui elle-même cherche à séduire Garcin, lequel ne pense qu’à obtenir l’absolution d’Inès pour sa lâcheté.

Autour de la pièce

Créée dans les derniers mois de l’année 1943 et présentée pour la première fois au théâtre du Vieux-Colombier le 27 mai 1944, « Huis clos » s’impose comme l’une des œuvres théâtrales majeures de Jean-Paul Sartre. Cette pièce en un acte incarne les principes fondamentaux de l’existentialisme, courant philosophique qui définit l’être humain par ses actions plutôt que par une essence prédéterminée.

L’œuvre naît dans un contexte particulier : Sartre répond initialement à une demande de l’éditeur Marc Barbézat. Les contraintes matérielles de l’époque le conduisent à concevoir une pièce minimaliste avec seulement trois acteurs et un décor unique, ce qui facilite sa mise en scène et ses représentations en tournée. À l’origine, le rôle de Garcin devait être interprété par Albert Camus, qui participe aux premières répétitions avant de se désister.

La pièce suscite des réactions contrastées dès sa création. La presse collaborationniste s’indigne, particulièrement concernant l’homosexualité d’Inès. André Castelot, dans La Gerbe, réclame même l’interdiction de ce qu’il qualifie d’œuvre « pleine d’immoralité ». Paradoxalement, certains critiques allemands saluent la représentation : Albert Buesche la considère comme « un événement théâtral de premier ordre » dans la Pariser Zeitung.

La célèbre réplique « L’enfer, c’est les autres » cristallise de nombreux malentendus. En 1964, Sartre précise sa pensée : il ne s’agit pas d’affirmer que toute relation humaine est infernale, mais plutôt que notre dépendance excessive au jugement d’autrui peut transformer nos relations en enfer. Cette dimension sociale et psychologique de l’œuvre prend racine dans la propre expérience de Sartre comme prisonnier de guerre, où la promiscuité forcée et le regard permanent des autres créent une situation proche de celle décrite dans la pièce.

Le succès international ne se dément pas : la pièce connaît de nombreuses adaptations cinématographiques, notamment par Jacqueline Audry en 1954 et Tad Danielewski en 1962. En 1990, sa consécration institutionnelle se concrétise par son entrée au répertoire de la Comédie-Française. Plus récemment, son influence se manifeste dans des productions contemporaines comme la sitcom « The Good Place », qui reprend le concept d’un enfer psychologique où les personnages deviennent leurs propres bourreaux.

L’originalité de « Huis clos » réside dans sa capacité à transformer une situation apparemment simple – trois personnes enfermées dans une pièce – en une puissante démonstration des mécanismes de la conscience de soi et de l’aliénation par le regard d’autrui. Le huis clos physique devient la métaphore d’un enfermement plus profond : celui de la conscience confrontée à elle-même à travers les autres.

Aux éditions FOLIO ; 192 pages.


5. La nausée (roman philosophique, 1938)

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Résumé

Antoine Roquentin est un historien trentenaire qui s’est installé à Bouville, une ville imaginaire inspirée du Havre. Il y rédige une biographie sur le marquis de Rollebon, un aristocrate du XVIIIe siècle. Rentier solitaire, Roquentin passe ses journées entre la bibliothèque municipale et les cafés de la ville.

Un malaise diffus s’empare peu à peu de lui. Ce sentiment étrange, qu’il nomme « la nausée », transforme son rapport aux objets et aux êtres qui l’entourent. Le monde lui apparaît soudain dans toute son absurdité, dépourvu de sens et de nécessité. Les choses les plus banales – un galet sur la plage, la racine d’un marronnier, sa propre main – deviennent source d’un profond dégoût existentiel.

Le récit, écrit sous forme de journal intime, alterne entre les observations musclées de Roquentin sur la bourgeoisie provinciale, ses conversations avec l’Autodidacte (un clerc d’huissier croisé à la bibliothèque), et ses retrouvailles avec Anny, son ancienne maîtresse. À travers ce personnage en crise, Sartre pose les fondements de sa philosophie existentialiste : l’homme, jeté dans un monde absurde, doit assumer sa liberté radicale.

Autour du livre

La genèse de « La nausée » s’étend sur près de huit années, de 1932 à 1938. Cette longue maturation commence alors que Sartre n’a que vingt-six ans et se poursuit durant son séjour à la Maison académique française de Berlin en 1933-1934, période durant laquelle il approfondit sa connaissance de la phénoménologie allemande, notamment à travers l’étude d’Edmund Husserl.

Initialement intitulé « Melancholia », en référence à la célèbre gravure d’Albrecht Dürer, le manuscrit subit plusieurs métamorphoses avant sa publication. Le projet initial d’une méditation philosophique sur la conscience et la contingence se transforme progressivement sous l’influence des lectures de Georges Duhamel, Céline, Kafka et Queneau. Sur les conseils de Simone de Beauvoir, le texte prend la forme d’une enquête qui mêle réflexion philosophique et narration romanesque.

La publication ne se fait pas sans obstacles. En 1936, les éditions Gallimard refusent le manuscrit malgré le soutien de Paul Nizan et l’appréciation favorable de Jean Paulhan. Il faut attendre le printemps 1937 pour que le texte soit accepté, non sans devoir subir d’importantes modifications : une cinquantaine de pages jugées trop provocantes, touchant notamment à la sexualité, sont supprimées pour éviter un procès. C’est finalement Gaston Gallimard qui impose le titre définitif « La nausée ».

L’œuvre constitue une pièce charnière dans l’histoire de la littérature philosophique. Albert Camus y voit la réussite d’une fusion entre philosophie et roman, même s’il émet quelques réserves sur l’équilibre entre ces deux dimensions. La posture philosophique adoptée s’inscrit dans le sillage de la phénoménologie husserlienne, notamment à travers l’importance accordée au « retour aux choses elles-mêmes ». Cette approche place l’expérience vécue par l’ego au centre de la réflexion, considérant que les phénomènes n’ont de sens que perçus par une subjectivité.

La contingence, thème central du roman, trouve son expression la plus saisissante dans la scène du jardin public. Cette séquence, que le philosophe Alphonse de Waelhens considère comme une traduction littéraire parfaite de la pensée heideggerienne développée dans « Être et temps », met en scène la prise de conscience brutale du caractère absurde et non nécessaire de l’existence.

Le texte dialogue également avec le cogito cartésien, qu’il réinterprète de façon radicale. Contrairement à Descartes qui cherche à fonder la certitude de l’existence sur la pensée, Sartre vide le cogito de toute substance et le confond avec l’existence même de ce qui est perçu. Cette conception s’oppose directement aux raisonnements logiques des « Méditations métaphysiques ».

La réception critique lors de la parution en 1938 se révèle majoritairement positive. Les quelques voix discordantes émanent principalement du Figaro, qui reproche à Sartre son style professoral, et des journaux chrétiens, gênés par le caractère désespéré du texte. En 1950, la reconnaissance se confirme avec l’inclusion du roman dans la liste du Grand prix des Meilleurs romans du demi-siècle.

Cette première pierre romanesque pose déjà les fondements de ce qui deviendra l’existentialisme sartrien. Elle préfigure les grandes thématiques que Sartre développera dans ses œuvres ultérieures : la liberté radicale de l’homme, l’absurdité fondamentale de l’existence, la nécessité de créer soi-même le sens de sa vie.

Aux éditions FOLIO ; 249 pages.


6. Le mur (recueil de nouvelles, 1939)

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Résumé

« Le mur », seul recueil de nouvelles de Jean-Paul Sartre, rassemble cinq textes publiés en 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Ils racontent le destin d’hommes et de femmes qui se heurtent à des obstacles infranchissables, qu’ils soient physiques ou psychologiques.

L’ouvrage tire son titre de la première nouvelle, qui se déroule pendant la guerre d’Espagne. Dans un sous-sol d’hôpital transformé en prison, trois hommes vivent leurs dernières heures avant leur exécution par les franquistes. Le narrateur nous livre ses pensées, ses sensations, sa peur qui se manifeste jusque dans son corps.

« La Chambre » met en scène un couple face à la démence. « Érostrate » suit les errances d’un tueur en puissance. « Intimité » narre l’histoire d’une femme enfermée dans un mariage malheureux. Le recueil se clôt sur « L’enfance d’un chef », le récit le plus long, qui retrace la formation idéologique d’un jeune homme jusqu’à son adhésion au fascisme.

Autour du livre

« Le mur », publié en février 1939, quelques mois après « La nausée », est l’unique incursion de Sartre dans le genre de la nouvelle. Les cinq récits qui composent ce recueil témoignent d’une évolution significative dans la pensée de l’auteur : les textes les plus anciens (« Érostrate », « Intimité » et « La Chambre », écrits en 1936) se concentrent sur des pathologies individuelles, tandis que les nouvelles plus tardives (« Le mur » et « L’enfance d’un chef », rédigées en 1938) s’ouvrent sur les crises majeures de leur époque.

Le mur, motif central qui unit ces cinq nouvelles, symbolise différentes formes d’enfermement : physique pour le condamné à mort républicain, mental pour l’épouse confrontée à la folie de son mari, social pour le misanthrope d’Érostrate, conjugal pour la protagoniste d’Intimité, idéologique pour le jeune homme de L’enfance d’un chef.

L’accueil critique se révèle largement positif, à l’exception notable de l’extrême droite – Robert Brasillach qualifie Sartre « d’ennuyeux » et « malsain ». Albert Camus, quant à lui, formule une critique nettement plus favorable que celle qu’il avait réservée à « La nausée ».

Ces récits ont suscité l’intérêt des cinéastes : « La Chambre » est adaptée pour la télévision par Michel Mitrani en 1964, « Le mur » par Serge Roullet en 1967, « Intimité » par Dominik Moll en 1993, et « L’enfance d’un chef » par Brady Corbet en 2015. Une adaptation radiophonique du « Mur » voit également le jour en 1969 pour la radio autrichienne ORF, sous la direction de Robert Casapiccola.

Aux éditions FOLIO ; 245 pages.


7. Les chemins de la liberté – L’âge de raison (roman, 1945)

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Résumé

Paris, 1938. Mathieu, qui enseigne la philosophie, apprend que sa compagne Marcelle attend un enfant. Cette nouvelle ébranle leur équilibre précaire. Pour lui qui se définit par sa liberté absolue, la paternité semble impensable. Il n’a qu’une idée en tête : trouver l’argent pour financer un avortement sans risque. Son amie Sarah connaît les personnes à contacter, mais le temps presse.

Le récit suit la course effrénée de Mathieu dans Paris. Il multiplie les tentatives pour collecter la somme nécessaire, tandis que ses certitudes vacillent. La lassitude s’est installée dans sa relation avec Marcelle, et le trouble que lui cause Ivich, la sœur de son ancien élève Boris, ne fait qu’ajouter à sa confusion.

Autour du livre

« L’âge de raison » est le premier volet d’une trilogie, « Les chemins de la liberté », que Sartre publie en 1945 dans l’immédiat après-guerre. Cette œuvre en partie autobiographique transpose une expérience de trio vécue par l’auteur, mais dans une perspective différente de celle adoptée par Simone de Beauvoir dans « L’invitée ».

Le récit se déroule dans le Paris de 1938, sur fond de guerre d’Espagne et à la veille du second conflit mondial. Cette toile de fond historique complexifie la quête existentielle du protagoniste Mathieu, dont le dilemme personnel se joue dans un monde au bord du chaos. Les personnages puisent leur substance dans l’entourage de Sartre : Mathieu incarne certaines facettes de l’auteur lui-même, tandis qu’Ivich trouve son modèle en Olga Kosakiewicz, une amie du couple Sartre-Beauvoir. Boris, quant à lui, emprunte ses traits à Jacques-Laurent Bost, ancien élève de Sartre.

« L’âge de raison » illustre avec acuité la conception sartrienne de la liberté comme finalité ultime de l’existence. Le Harvard Crimson salue d’ailleurs ce « rare et bienvenu mélange d’intensité émotionnelle et de maturité », même s’il pointe avec ironie la récurrence des scènes de vomissement dans le texte.

Le roman met en scène l’impossibilité pour Mathieu de s’engager véritablement : « il n’avait jamais pu se prendre complètement à un amour, à un plaisir, il n’avait jamais été vraiment malheureux ». Cette paralysie existentielle le pousse à envier ceux qui parviennent à poser des actes irrémédiables, lui qui confesse : « tout ce que je fais, je le fais pour rien ; on dirait qu’on me vole les suites de mes actes ».

L’œuvre devait initialement s’inscrire dans une tétralogie, mais le quatrième volume, « La dernière chance », demeure inachevé. Ce projet inabouti marque la fin de la carrière romanesque de Sartre, qui n’écrira plus de fiction après 1949.

Aux éditions FOLIO ; 369 pages.


8. Les chemins de la liberté – Le sursis (roman, 1945)

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Résumé

« Le sursis », deuxième tome de la trilogie « Les chemins de la liberté », se déroule durant les huit jours qui précèdent les accords de Munich, du 23 au 30 septembre 1938. À travers une multitude de personnages, le roman dépeint la France à la veille d’une possible entrée en guerre contre l’Allemagne nazie.

Au centre du récit se trouve Mathieu Delarue, professeur de philosophie désenchanté dans la trentaine, qui observe avec lucidité la montée des tensions. Autour de lui gravitent ses amis Daniel, Boris, Charles et Jacques, ainsi qu’une galerie de personnages issus de toutes les couches de la société française : ouvriers, bourgeois, militaires, commerçants. En parallèle, les grandes figures historiques – Hitler, Chamberlain, Daladier – apparaissent dans les coulisses des négociations diplomatiques.

Sartre emploie une technique narrative novatrice, le simultanéisme, qui entremêle les destins sans transition : une même phrase peut commencer dans un café parisien et se terminer dans un train de mobilisés. Cette construction traduit l’angoisse collective qui s’empare du pays, alors que la radio et les journaux diffusent heure après heure les nouvelles de la crise des Sudètes.

L’œuvre s’achève sur le retour de Daladier au Bourget, acclamé par une foule qui croit à la paix. Le Premier ministre français, qui vient de céder face à Hitler, murmure alors : « Les cons ! »

Autour du livre

Sartre compose « Le sursis » dans les six premiers mois de 1939, alors que l’Europe sombre inexorablement dans la guerre. Cette contemporanéité entre l’écriture et les événements insuffle au texte une tension palpable, une immédiateté saisissante qui transcende la simple fiction historique.

L’originalité formelle du roman réside dans sa technique narrative novatrice : le « simultanéisme », emprunté à Dos Passos, permet d’embrasser la totalité d’une société en crise. Les scènes s’enchevêtrent sans transition au sein d’un même paragraphe, les dialogues se télescopent, créant une mosaïque vivante où résonnent les voix de la France de 1938. Cette construction kaléidoscopique refuse délibérément les repères traditionnels : les pronoms « il » ou « elle » remplacent souvent les noms des personnages, désorientant momentanément le lecteur pour mieux l’impliquer dans le récit.

La publication tardive en 1945, en pleine euphorie de la Libération, fait l’effet d’une douche froide. Les critiques de l’époque, notamment dans Le Monde, soulignent la crudité physique du texte, ses « effets de peur, vomissements et suées », l’inscrivant dans une filiation naturaliste qui remonte à Zola et Céline.

Le dispositif narratif met en scène une galerie de personnages pris dans la tourmente : Mathieu Delarue, alter ego de Sartre, professeur de philosophie désenchanté ; Daniel et ses monologues tourmentés ; des couples prolétaires comme Maurice et Zezette. Leurs trajectoires s’entrecroisent dans une géographie mouvante qui va d’un train de mobilisés à un café parisien, d’une plage de Juan-les-Pins aux terrasses des grands boulevards.

La dimension philosophique transparaît à travers le traitement des regards qui « jugent, pèsent, condamnent, oppressent », préfigurant la célèbre formule de « Huis clos » : « l’enfer, c’est les autres ». Le paradoxe d’un philosophe de la liberté montrant des personnages prisonniers de leurs déterminismes sociaux ajoute une profondeur supplémentaire à l’œuvre.

Le roman culmine dans une scène finale devenue emblématique : l’atterrissage de Daladier au Bourget, accueilli par une foule en liesse alors qu’il murmure, conscient de sa capitulation face à Hitler : « Les cons ! ». Cette conclusion cristallise toute l’ironie tragique d’un moment historique où l’illusion de la paix masque l’inexorable marche vers la catastrophe.

Aux éditions FOLIO ; 505 pages.


9. Les chemins de la liberté – La mort dans l’âme (roman, 1949)

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Résumé

En 1949, Sartre publie « La mort dans l’âme », qui clôt sa trilogie « Les chemins de la liberté ». Le roman nous transporte dans les derniers jours de juin 1940, moment où la France s’écroule sous l’offensive allemande.

Le récit suit d’abord Mathieu Delarue, un soldat-philosophe qui végète depuis des mois dans une guerre qui lui semble irréelle. Las de cette existence passive, il choisit l’action et le sacrifice lors d’un ultime affrontement avec l’ennemi. L’auteur dessine une fresque en multipliant les points de vue sur la débâcle.

La narration bascule ensuite vers Brunet, un communiste capturé par les Allemands. Dans les camps de prisonniers, il poursuit son combat idéologique en tentant de convertir un codétenu à sa cause.

Autour du livre

Ce troisième volet des « Chemins de la liberté », publié en 1949, se démarque par sa construction atypique qui scinde le récit en deux parties distinctes. La première déploie une mosaïque de voix et de points de vue sur l’armistice de juin 1940, tandis que la seconde se resserre autour d’un personnage unique et de ses tourments intérieurs.

La singularité de « La mort dans l’âme » réside dans sa technique narrative du « simultanéisme », qui juxtapose les réactions de personnages géographiquement éloignés face à l’effondrement de la France. À New York, l’Américain Ritchie se réjouit de pouvoir bientôt retrouver un Paris préservé, quand le révolutionnaire espagnol Gomez savoure une revanche sur l’indifférence française pendant la guerre d’Espagne. Cette multiplicité des regards permet d’éclairer la diversité des sentiments provoqués par la défaite.

Le texte frappe aussi par sa virulence inhabituelle dans l’œuvre sartrienne. Les dialogues s’entrechoquent avec une âpreté nouvelle, traduisant la violence du bouleversement historique. La tension entre civils et militaires, entre ceux qui observent la guerre de loin et ceux qui la subissent dans leur chair, imprègne chaque page.

Le personnage de Mathieu Delarue incarne la figure centrale de cette débâcle. Philosophe du néant devenu soldat malgré lui, il cristallise les contradictions d’une intelligentsia française confrontée à l’action pure. Son parcours culmine dans une scène finale restée célèbre, où quinze minutes de combat précèdent sa chute probable.

Les critiques de l’époque, notamment dans Le Monde, soulignent l’évolution de Sartre qui laisse davantage de place au conteur qu’à l’idéologue. La guerre n’y apparaît plus comme l’affaire d’un petit groupe d’affranchis ou d’un parti politique, mais comme une expérience collective qui transforme chaque conscience.

L’inachèvement du roman – les destins de nombreux personnages restent en suspens – fait écho à l’histoire qu’il raconte : celle d’une nation dont les repères s’effondrent, où chacun doit redéfinir sa place entre résistance et accommodation, entre dignité individuelle et solidarité collective.

Aux éditions FOLIO ; 384 pages.

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