Walter Scott naît le 15 août 1771 à Édimbourg. Issu d’une famille liée au clan Scott, il est atteint de poliomyélite à l’âge de huit mois qui lui cause une claudication permanente. Pour sa santé, il est envoyé vivre chez son grand-père à Sandyknowe, où il découvre le monde de ses ancêtres et développe sa passion pour l’histoire et la littérature écossaise.
Après des études de droit, il devient avocat en 1792. Parallèlement à sa carrière juridique, il se lance dans l’écriture et publie d’abord des poèmes, dont « Les Chants de ménestrels de la frontière écossaise » en 1802. Il épouse Charlotte Charpentier en 1797, avec qui il a quatre enfants.
En 1814, il publie anonymement son premier roman, « Waverley », qui connaît un immense succès. Il enchaîne alors les publications sous le pseudonyme de « l’auteur de Waverley ». Il est considéré comme l’un des pères du roman historique avec des œuvres comme « Ivanhoé » (1819) et « Quentin Durward » (1823). Scott s’installe dans son domaine d’Abbotsford qu’il ne cesse d’agrandir et d’embellir.
La faillite de ses éditeurs en 1826 le laisse avec une dette colossale de 117 000 livres. Refusant la banqueroute, il s’engage à tout rembourser par son travail d’écrivain. Malgré une santé déclinante, il continue d’écrire jusqu’à sa mort. Il s’éteint le 21 septembre 1832 à Abbotsford, après avoir réussi à rembourser une grande partie de ses dettes grâce à son travail acharné.
Figure majeure du romantisme britannique, Scott laisse une œuvre considérable qui contribue à forger une image romantique de l’Écosse et de son histoire. Il est notamment à l’origine du renouveau de l’usage du kilt et du tartan dans la culture écossaise.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Ivanhoé (1819)
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Résumé
L’Angleterre de 1194 reste profondément divisée entre Saxons et Normands, cent trente ans après la conquête normande. Le roi Richard Cœur de Lion, retenu prisonnier en Autriche à son retour de croisade, ne peut empêcher son frère, le prince Jean, de comploter pour s’emparer du trône. Dans ce contexte troublé, le chevalier Wilfrid d’Ivanhoé fait son retour au pays. Ce fils d’un puissant seigneur saxon, Cedric de Rotherwood, avait été déshérité pour deux raisons : son soutien au roi normand Richard et son amour pour la belle Rowena, pupille de son père. Or, Cedric destine Rowena à un autre : Athelstane, dernier descendant de la lignée royale saxonne.
Déguisé en pèlerin, Ivanhoé regagne le château paternel où il croise Brian de Bois-Guilbert, un redoutable Templier. Le lendemain, lors d’un grand tournoi organisé par le prince Jean, il participe incognito sous le nom de « Chevalier Déshérité » et triomphe de tous ses adversaires normands. Grièvement blessé lors des duels, il est soigné par Rebecca, fille du riche marchand juif Isaac d’York. Cette jeune femme cultivée courageuse s’éprend secrètement de lui.
Sur le chemin du retour, toute la troupe – Cedric, Rowena, Isaac, Rebecca et Ivanhoé blessé – tombe dans une embuscade tendue par les Normands. Emprisonnés dans le sinistre château de Torquilstone, ils ne doivent leur salut qu’à l’intervention d’un mystérieux Chevalier Noir allié au célèbre hors-la-loi Robin des Bois. Mais au cours de leur évasion, Bois-Guilbert enlève Rebecca dont il est tombé follement amoureux…
Autour du livre
En juin 1819, Walter Scott, encore affaibli par de violentes douleurs à l’estomac qui l’avaient contraint à dicter ses deux précédents romans, entame la rédaction d’ « Ivanhoé ». Il s’appuie sur une documentation minutieuse puisée dans les travaux de l’antiquaire Joseph Strutt sur les mœurs et coutumes médiévales anglaises, ainsi que dans les ouvrages historiques de Robert Henry et Sharon Turner. Il s’inspire également de sources médiévales comme la Règle de l’ordre du Temple et les récits sur Richard Cœur de Lion. Pour la figure de Locksley, il puise dans le recueil de ballades sur Robin Hood compilé par Joseph Ritson.
« Ivanhoé » marque un tournant dans la bibliographie de Scott qui délaisse pour la première fois l’Écosse au profit de l’Angleterre médiévale. Cette innovation suscite d’ailleurs chez lui quelques inquiétudes, au point qu’il publie initialement le roman sous le pseudonyme de Laurence Templeton. Le livre offre un vaste panorama social et politique de l’Angleterre du XIIe siècle en mettant en scène aussi bien des princes que des hors-la-loi, des nobles que des serfs. Le conflit entre Saxons et Normands, bien qu’historiquement exagéré à cette époque tardive, sert de toile de fond à une réflexion plus large sur la formation de l’identité nationale anglaise. À travers le mariage final d’Ivanhoé et Rowena, Scott célèbre la fusion des deux peuples en une seule nation.
Le roman est également remarquable par son traitement novateur de personnages marginalisés comme les Juifs. Le portrait nuancé de Rebecca, jeune femme cultivée et courageuse qui refuse de renier sa foi malgré les persécutions, tranche avec les stéréotypes antisémites de l’époque. Scott se serait inspiré pour ce personnage de Rebecca Gratz, une philanthrope juive de Philadelphie dont Washington Irving lui aurait parlé.
Les critiques réservent un accueil triomphal au roman. Seuls quelques points soulèvent des réserves : le manque de relief du personnage de Rowena et la résurrection improbable d’Athelstane. Le livre connaît un succès phénoménal avec 10 000 exemplaires vendus en deux semaines. Il impose définitivement le genre du roman historique en Europe. Les grands écrivains du XIXe siècle comme Pouchkine, Mérimée, Balzac, Hugo et Manzoni s’inspireront davantage des romans écossais de Scott, tandis qu’ « Ivanhoé » influencera plutôt la littérature populaire.
« Ivanhoé » a fait l’objet de nombreuses adaptations, à commencer par plusieurs opéras au XIXe siècle signés Rossini, Sullivan ou encore Nicolai. Au cinéma, la version la plus célèbre reste celle de Richard Thorpe en 1952 avec Robert Taylor et Elizabeth Taylor, nommée pour trois Oscars. La télévision s’ en est également emparée à travers plusieurs séries, notamment celle de 1958 avec Roger Moore dans le rôle-titre. Plus récemment, une mini-série britannico-américaine a été produite en 1997, proposant une adaptation plus fidèle au texte original.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 736 pages.
2. Waverley (1814)
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Résumé
En 1745, Édouard Waverley, jeune noble anglais romanesque et indolent, obtient une commission d’officier dans l’armée hanovrienne. Son père travaille pour le gouvernement en place tandis que son oncle perpétue la tradition jacobite de la famille. En garnison en Écosse, Édouard profite d’une permission pour rendre visite au baron Bradwardine, ami jacobite de son oncle. Il y rencontre Rose, la fille du baron, qui s’éprend de lui.
Sa curiosité piquée par l’apparition d’un Highlander en armes, Édouard se laisse entraîner dans les montagnes écossaises où il fait la connaissance du chef de clan Fergus MacIvor et de sa sœur Flora. Ignorant que la situation politique est explosive, il participe sans le savoir à une chasse qui sert en réalité à recruter des combattants pour la rébellion jacobite. Accusé de désertion et de trahison, Édouard est arrêté par l’armée hanovrienne. Des Highlanders le délivrent et le conduisent auprès du prince Charles Édouard Stuart. Ulcéré par l’injustice dont il se sent victime, il rejoint les rangs jacobites…
Autour du livre
Walter Scott commence la rédaction du premier volume de « Waverley » en 1808. Il le met de côté, le reprend en 1810 puis l’abandonne à nouveau. L’échec relatif de son dernier poème narratif « Rokeby » et les coûteux travaux engagés dans sa demeure d’Abbotsford le poussent à terminer ce roman en 1813. Le succès des romans de Maria Edgeworth sur les mœurs irlandaises l’encourage dans cette voie. Son projet vise à réhabiliter en prose les traditions écossaises et susciter de la sympathie pour leurs vertus.
Premier roman historique de forme classique selon Georg Lukács, « Waverley » marque une rupture avec le genre de l’épopée et la naissance du roman réaliste du XIXe siècle. L’action se déroule soixante ans avant sa publication, un délai que Stendhal juge idéal pour transformer la politique en histoire. Le personnage principal n’est pas une figure historique mais un être ordinaire dont le manque d’enthousiasme lui permet d’approcher aussi bien le peuple que les grands personnages des deux camps. Scott s’attache à peindre les remous qui divisent la société lors du moment dramatique où l’ordre ancien bascule. Après la rébellion de 1745, la puissance des chefs de clan et la juridiction féodale sont abolies. Scott évoque avec tendresse les antiques vertus écossaises tout en acceptant leur disparition face à l’extension du commerce et à la modernité.
La sortie du livre en juillet 1814 provoque un retentissement considérable. Les critiques saluent la vérité des personnages et des mœurs dépeints. Thomas Carlyle remercie Scott de montrer l’histoire faite par des hommes de chair et de sang. Goethe loue sa « très grande intelligence de l’art » et range « Waverley » « aux côtés de ce qui a été écrit de meilleur au monde ». Balzac voit en Scott un rénovateur exemplaire du genre romanesque. Jane Austen écrit avec humour : « Walter Scott n’a pas à écrire des romans, surtout de bons romans. Ce n’est pas juste. Il a déjà assez de renommée et de profit comme poète. »
Le roman inspire de nombreuses œuvres et lieux. La gare d’Édimbourg, plusieurs rues de la ville et une ligne de chemin de fer portent son nom. Le compositeur Hector Berlioz compose en 1828 un poème symphonique sous-titré « Grande Ouverture ». Une succession de bateaux à vapeur sont baptisés « Waverley ». Des villes aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie adoptent également ce nom.
Aux éditions BOUQUINS ; 1024 pages.
3. Rob-Roy (1817)
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Résumé
Écosse, 1715. Frank Osbaldistone, jeune Londonien passionné par les arts, s’oppose à son père qui souhaite le voir reprendre la direction de sa prospère maison de commerce. Pour le punir, son père l’exile dans le nord de l’Angleterre, chez son oncle Sir Hildebrand, et le déshérite au profit de son cousin Rashleigh.
Dans le manoir familial d’Osbaldistone Hall, Frank découvre une galerie de cousins grossiers et violents, mais aussi l’énigmatique Diana Vernon, une jeune femme cultivée au tempérament indépendant. Lorsque Rashleigh, après avoir pris la place de Frank à Londres, dérobe des documents essentiels à la survie de l’entreprise familiale, Frank doit partir à sa poursuite jusqu’à Glasgow.
Dans une Écosse au bord de la guerre civile entre partisans des Stuarts et fidèles du roi George, sa quête croise celle d’un mystérieux hors-la-loi des Highlands, Robert MacGregor, dit Rob-Roy. Ce dernier, tantôt allié providentiel, tantôt figure insaisissable, semble détenir les clés de multiples secrets, y compris ceux qui entourent Diana Vernon et ses activités clandestines. Entre complots jacobites, rivalités familiales et trahisons, Frank doit démêler un écheveau d’intrigues où l’honneur de sa famille et son amour pour Diana sont en jeu…
Autour du livre
La genèse de « Rob-Roy » voit le jour à la fin de l’année 1816, lorsque Scott, mécontent de son éditeur écossais Archibald Constable, publie la première série des « Contes de mon hôte » chez le londonien John Murray. La rédaction commence en août 1817, mais se trouve ralentie par la maladie de l’auteur, qui souffre de violentes douleurs nécessitant des prises de laudanum. En juillet, Scott part en repérage sur les lieux de son roman : il visite la caverne de Rob-Roy sur la rive orientale du Loch Lomond, Glen Falloch et la cathédrale de Glasgow. Le roman paraît finalement le 30 décembre 1817.
« Rob-Roy » est le seul roman de Scott écrit à la première personne, avec Frank comme narrateur. Cette approche narrative sert de fil conducteur entre différentes oppositions : l’Angleterre commerçante et l’Angleterre aristocratique, la ville et la campagne, le présent et le passé, les Highlands et les Lowlands, les catholiques et les protestants, les jacobites et les hanovriens. Scott y décrit avec réalisme l’activité économique et les conditions sociales de l’époque, tout en examinant la question du changement historique. Pour lui, l’enjeu n’est pas de nier le progrès, mais de préserver ce qui peut l’être du passé.
Les critiques saluent majoritairement le roman à sa sortie. La puissance des caractères suscite des comparaisons avec Shakespeare, notamment pour les personnages d’Andrew Fairservice et de Nicol Jarvie. Diana Vernon émerveille lecteurs et critiques par sa hardiesse et sa finesse. Certains déplorent néanmoins que Rob-Roy n’apparaisse pas davantage, malgré son statut de personnage-titre. Robert Louis Stevenson, dans son essai « Rosa Quo Loquorum », affirme qu’il s’agit du meilleur roman de Scott et va jusqu’à le considérer comme le plus grand des romanciers.
De 1817 à 1917, le roman connaît environ 970 adaptations théâtrales, soit près de quatre fois plus que celles d’ « Ivanhoé » et de « Quentin Durward » réunies. Un drame tiré du roman est joué le 27 août 1822 au Theatre Royal d’Édimbourg devant le roi George IV. Berlioz s’en inspire pour composer son « Ouverture de Rob-Roy » en 1831, qu’il reniera par la suite. En 1911, Arthur Vivian en tire un film muet en noir et blanc. Plus récemment, les films « Rob-Roy » (1995) et « Échec au roi » (1953) s’inspirent de la figure historique de Robert Roy MacGregor, sans toutefois adapter directement le roman de Scott.
Aux éditions BOUQUINS ; 1024 pages.
4. La Fiancée de Lammermoor (1819)
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Résumé
Écosse, début du XVIIIe siècle. Edgar Ravenswood, jeune noble déchu, hérite d’une tour délabrée et d’une soif de vengeance. Son père, ruiné et mort dans la disgrâce, lui a légué la haine qu’il vouait à sir William Ashton, l’opportuniste qui s’est emparé de leurs terres ancestrales. Mais le destin bouleverse les projets d’Edgar quand il sauve la vie de Lucy, la fille de son ennemi, menacée par un taureau sauvage. Entre les deux jeunes gens naît un amour ardent qui pourrait mettre fin à des années de rivalité.
Sir William, homme faible et indécis, ne s’oppose pas à leur relation, y voyant même un possible avantage politique. Mais son épouse, lady Ashton, femme autoritaire impitoyable, nourrit d’autres ambitions pour sa fille. Elle a déjà arrangé le mariage de Lucy avec Francis Hayston de Bucklaw, un parti qui servirait mieux ses intérêts.
Quand Edgar doit partir en mission diplomatique sur le continent, lady Ashton met en œuvre un plan implacable pour briser la résistance de Lucy. Elle intercepte toute correspondance entre les amants, fait courir des rumeurs sur l’infidélité d’Edgar et, pour achever de tourmenter l’esprit fragile de sa fille, place à ses côtés Ailsie Gourlay, une prétendue sorcière qui l’accable de sombres présages. La santé mentale de la jeune fille décline progressivement, tandis que la date fatidique du mariage arrangé approche inexorablement…
Autour du livre
Walter Scott compose « La Fiancée de Lammermoor » dans la souffrance, terrassé par des calculs biliaires qui le contraignent à dicter les derniers chapitres. La maladie est si grave qu’en mars 1819, on le croit perdu. Ces circonstances transparaissent dans l’atmosphère sombre du récit, qui marque une rupture avec ses précédents romans historiques.
L’originalité du récit tient à son ancrage dans un fait divers authentique. Scott s’inspire du drame des Dalrymple, qui secoua l’Écosse en 1669. Janet Dalrymple, fille d’un éminent juriste, avait secrètement promis sa main à lord Rutherford avant d’être contrainte par sa famille d’épouser David Dunbar. Le soir des noces, dans un accès de démence, elle blessa son époux et mourut peu après. Ce tragique événement, que Scott découvrit par les récits de sa mère et de sa grand-tante, nourrit la trame narrative tout en lui permettant d’explorer les zones d’ombre de l’histoire écossaise.
Contrairement aux autres romans de Scott, « La Fiancée de Lammermoor » ne s’arrime à aucun événement historique majeur. Le cadre temporel reste volontairement flou, oscillant entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe. Cette indétermination temporelle sert le propos : le roman transcende la chronique historique pour atteindre une dimension mythique, où la fatalité règne en maître. Le surnaturel s’y immisce plus que dans toute autre œuvre de Scott, à travers présages, prophéties et légendes anciennes.
La dimension politique n’est pas absente, mais elle prend un tour plus sombre. Scott livre une satire féroce du monde politique, où Whigs et Tories apparaissent également corrompus, préoccupés uniquement par leurs propres intérêts. Le compromis et la modération, habituellement célébrés par le romancier, ne servent ici que de masques à de basses manœuvres.
Les critiques contemporains ont réservé un accueil mitigé au roman. Si le journal The Scotsman l’a jugé uniformément excellent, d’autres y ont vu les signes d’un déclin par rapport aux textes précédents. Les scènes finales ont été unanimement saluées pour leur puissance tragique, mais certains ont regretté le mélange de tons, notamment l’insertion d’éléments comiques dans une trame si sombre. Le personnage de Caleb, le fidèle serviteur, a particulièrement séduit, malgré des réserves sur sa présence parfois excessive.
« La Fiancée de Lammermoor » a inspiré plusieurs opéras, dont le plus célèbre reste « Lucia di Lammermoor » de Gaetano Donizetti (1835), considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du compositeur. Le livre a également fait l’objet d’adaptations cinématographiques dès les débuts du septième art, avec notamment une version muette américaine en 1909 par J. Stuart Blackton, première adaptation connue d’un roman de Scott à l’écran.
Aux éditions BOUQUINS ; 1024 pages.
5. Le Talisman (1825)
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Résumé
En 1192, lors de la troisième croisade, Richard Cœur de Lion rêve de conquérir Jérusalem. Mais son ambition est compromise : le roi d’Angleterre est cloué au lit par une violente fièvre, tandis que ses alliés, lassés de sa brutalité et de son arrogance, complotent dans l’ombre. Le maître des Templiers et Conrad de Montserrat, qui convoite le trône de Jérusalem, tentent de semer la discorde au sein de l’armée des croisés pour provoquer leur départ de Palestine.
Dans ce contexte trouble surgit un jeune chevalier écossais sans le sou, Kenneth, secrètement épris d’Édith Plantagenêt, la cousine de Richard. Sa route croise celle d’un mystérieux cavalier sarrasin qui se révèle être un éminent médecin disposant d’un talisman aux vertus curatives. Ce dernier soigne Richard, mais la guérison du roi n’empêche pas les tensions de s’exacerber.
Victime d’une machination ourdie par la capricieuse reine Bérengère, Kenneth est accusé d’avoir laissé voler la bannière d’Angleterre. Condamné à mort, il est sauvé in extremis par le médecin sarrasin qui en fait son esclave. Kenneth revient plus tard au camp déguisé en Nubien, déterminé à démasquer le véritable traître et à reconquérir son honneur. Mais derrière ces complots se cache une vérité plus troublante encore : l’identité réelle du mystérieux médecin sarrasin…
Autour du livre
Walter Scott entame la rédaction du « Talisman » en janvier 1824. Initialement prévu comme une des trois histoires d’une série consacrée aux croisades, le projet se réduit finalement à deux romans : « Les Fiancés » et « Le Talisman ». Le romancier s’aventure ici sur un terrain qu’il connaît mal, n’ayant jamais visité la Palestine. Il compense cette lacune en s’appuyant sur les témoignages d’amis voyageurs comme le capitaine Basil Hall et sur une documentation historique fournie.
Scott s’attaque au projet avec une idée novatrice : bousculer les préjugés de son temps en inversant les traits de caractère habituellement attribués aux souverains occidentaux et orientaux. Il dépeint ainsi un Richard Cœur de Lion brutal et impétueux face à un Saladin empreint de sagesse et de modération. Les premiers chapitres reçoivent un accueil glacial de son éditeur James Ballantyne, au point de décourager Scott. Pourtant, l’enthousiasme finit par gagner Ballantyne qui prédit un succès retentissant.
Dans son introduction de 1832, Scott admet prendre quelques distances avec l’Histoire pour servir la narration. Plusieurs épisodes clés du roman sont ainsi des inventions : la rencontre entre Richard et Saladin n’a jamais eu lieu, pas plus que le projet de mariage entre Édith (personnage fictif) et le sultan. L’incident du drapeau autrichien, bien que réel, s’est déroulé dans des circonstances différentes. Scott noircit délibérément certains personnages comme Conrad de Montferrat, tandis qu’il atténue les défauts de Richard, passant notamment sous silence le massacre de Saint-Jean-d’Acre qui cadrerait mal avec l’image chevaleresque qu’il souhaite donner du roi anglais.
« Le Talisman » marque ainsi une étape importante dans la littérature anglaise : c’est le premier roman à présenter les musulmans sous un jour favorable. À travers les échanges entre Kenneth et le mystérieux cavalier sarrasin, Scott met en scène un dialogue des cultures qui transcende les préjugés religieux. Les personnages confrontent leurs visions du monde, notamment sur la place des femmes dans leurs sociétés respectives, dans des conversations qui évitent le manichéisme.
Publié le 22 juin 1825, « Le Talisman » rencontre un succès immédiat auprès du public comme de la critique. Les commentateurs saluent particulièrement la construction du récit et le portrait nuancé des personnages de Richard et Saladin. L’Edinburgh Magazine s’enthousiasme pour la qualité des dialogues et des descriptions, tout en émettant quelques réserves sur un usage parfois excessif de l’orientalisme. Seule une poignée de critiques jugent l’œuvre trop théâtrale, voire extravagante.
« Le Talisman » connaît de nombreuses adaptations cinématographiques. En 1954, David Butler réalise « King Richard and the Crusaders » avec Rex Harrison dans le rôle de Saladin. La BBC produit une série télévisée en 1980. Plus récemment, le film « Kingdom of Heaven » (2005) de Ridley Scott, bien que situé à une époque antérieure, s’inspire largement du livre pour sa représentation de Saladin et des rapports entre chrétiens et musulmans.
Aux éditions LIBRETTO ; 464 pages.