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Les meilleurs romans de Stendhal – Notre sélection

Stendhal en 4 romans – Notre sélection

Henri Beyle, qui deviendra célèbre sous le nom de Stendhal, naît le 23 janvier 1783 à Grenoble. Son enfance est marquée par la mort précoce de sa mère alors qu’il n’a que sept ans, événement qui le traumatise profondément. Il grandit entre un père qu’il déteste et un grand-père qu’il adore, trouvant refuge dans la lecture et la littérature.

En 1799, à seize ans, il quitte Grenoble pour Paris, officiellement pour préparer Polytechnique, mais rêvant secrètement de devenir auteur de comédies. Sa vie prend un virage décisif lorsque ses cousins Daru le font entrer au ministère de la Guerre. En 1800, il découvre l’Italie qui devient sa seconde patrie, particulièrement Milan où il connaît ses premiers émois amoureux.

Pendant l’Empire, il mène une carrière administrative qui le conduit à travers l’Europe, participant notamment à la désastreuse campagne de Russie en 1812. Après la chute de Napoléon, il s’installe à Milan où il vit une intense passion malheureuse pour Matilde Dembowski, qui inspirera son essai « De l’amour » (1822).

C’est relativement tard, à 44 ans, que Stendhal se lance véritablement dans le roman avec « Le Rouge et le Noir » (1830), qui lui apporte une première reconnaissance. Nommé consul à Civitavecchia en 1831, il partage son temps entre son poste ennuyeux et l’écriture. C’est durant cette période qu’il compose « La Chartreuse de Parme » (1839), son chef-d’œuvre salué par Balzac.

Le 22 mars 1842, il est frappé d’une attaque d’apoplexie dans une rue de Paris et meurt le lendemain. Peu reconnu de son vivant, il avait prédit sa gloire future en déclarant : « Je serai compris vers 1880 ». L’histoire lui donnera raison.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. La Chartreuse de Parme (1839)

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Résumé

Nous sommes en Italie, au lendemain de la chute de Napoléon. Fabrice del Dongo, un jeune noble italien, rêve de gloire militaire et s’engage dans l’armée de l’Empereur. C’est ainsi qu’il participe à la funeste bataille de Waterloo, une expérience qui le marquera à jamais. Ainsi débute « La Chartreuse de Parme », l’un des plus grands romans de Stendhal, paru en 1839.

De retour dans sa ville natale, Parme, Fabrice se retrouve pris dans les filets des intrigues politiques et amoureuses qui agitent la cour. Sa tante, la flamboyante et impétueuse duchesse Sanseverina, se démène pour assurer son avenir et le protéger des nombreux dangers qui le guettent.

Mais un événement tragique vient bouleverser le cours de sa vie : accusé de meurtre, Fabrice est incarcéré dans la sinistre tour Farnèse. C’est pourtant dans cette sombre prison qu’il vivra la plus lumineuse des passions en tombant amoureux de Clélia Conti, la fille du gouverneur. Un élan réciproque qui constitue le fil rouge du récit.

Autour du livre

La genèse de cette œuvre majeure de Stendhal se distingue par sa rapidité d’exécution : cinquante-deux jours de dictée, entre novembre et décembre 1838, au quatrième étage d’un immeuble parisien de la rue de Caumartin. Pour s’isoler et mener à bien cette création effrénée, le romancier impose au concierge une consigne singulière : répondre aux visiteurs que « M. le consul est à la chasse ».

Le choix de Parme comme théâtre principal de l’action ne relève pas du hasard. Dans une correspondance avec Balzac, Stendhal justifie cette décision par des considérations politiques : le duché constitue en 1838 le cadre italien le moins périlleux pour situer son intrigue. Cette ville, qu’il juge d’ailleurs « assez plate », bénéficie d’une relative autonomie sous la régence de Marie-Louise d’Autriche, tout en connaissant des tensions révolutionnaires qui fragilisent son autorité.

L’œuvre démarre sous le signe de l’ironie avec un « Avertissement » dont le statut ambigu brouille délibérément les pistes. En l’attribuant à son narrateur plutôt qu’à lui-même, Stendhal établit un jeu subtil sur les frontières entre réalité et fiction.

La modernité de « La Chartreuse de Parme » se manifeste notamment dans son traitement de la guerre. La bataille de Waterloo, vue à travers les yeux de Fabrice, déconstruit les mythes héroïques : « il faut avouer que notre héros était fort peu héros en ce moment ». Cette scène montre l’absurdité des conflits modernes, où la guerre ne correspond plus aux idéaux chevaleresques.

Honoré de Balzac salue l’œuvre dans un article substantiel de soixante-neuf pages paru dans La Revue parisienne, tout en pointant la précipitation du dénouement. Cette fin controversée culmine avec la mort du personnage principal dans une proposition relative – prouesse littéraire qui marque, selon certains critiques, la modernité du texte.

Le rayonnement du livre s’étend bien au-delà des frontières françaises : Nietzsche figure parmi ses premiers lecteurs enthousiastes. La dédicace énigmatique « To the Happy Few » témoigne d’ailleurs de cette volonté de s’adresser à un cercle restreint de lecteurs.

L’influence persistante de « La Chartreuse de Parme » se manifeste à travers de nombreuses adaptations : du film de Christian-Jaque en 1948 avec Gérard Philipe au téléfilm franco-italien de 2012 (qui reproduit symboliquement la durée d’écriture originelle en bouclant son tournage en cinquante-deux jours, sur les lieux mêmes où séjourna Stendhal), en passant par des versions radiophoniques, des lectures audio et même des comédies musicales par la Revue Takarazuka. Sa résonance littéraire perdure également, comme en atteste son évocation dans le roman « Mercure » d’Amélie Nothomb, où les protagonistes débattent de l’œuvre de Stendhal.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 743 pages.


2. Le Rouge et le Noir (1830)

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Résumé

Publié en 1830, « Le Rouge et le Noir » se déroule sous la Restauration dans la petite ville de Verrières, dans le Jura. Le roman suit l’ascension sociale de Julien Sorel, un jeune homme de 19 ans issu d’une famille modeste de charpentiers. Intelligent et cultivé, il voue une admiration sans bornes à Napoléon Bonaparte.

Grâce à sa connaissance du latin, il devient précepteur chez Monsieur de Rênal, le maire de la ville. Dans cette demeure bourgeoise, Julien parvient à séduire Madame de Rênal, une femme sensible qui s’éprend profondément de lui. Leur liaison découverte, le jeune homme est contraint à l’exil au séminaire de Besançon. Il y rencontre l’abbé Pirard qui le recommande comme secrétaire auprès du marquis de la Mole à Paris.

Dans ce nouveau milieu aristocratique, Julien entame cette fois une relation passionnée avec Mathilde, la fille du marquis. L’ambition dévorante du jeune homme semble enfin récompensée : Mathilde attend un enfant et son père consent à leur mariage. Mais une lettre de Madame de Rênal dénonçant l’immoralité du jeune homme fait tout basculer.

Autour du livre

Publié en 1830, « Le Rouge et le Noir » puise sa source dans un fait divers survenu en 1827 : l’affaire Berthet. Cette histoire criminelle, qui se déroule à Brangues dans l’Isère, retient l’attention de Stendhal par sa proximité géographique. Antoine Berthet, fils d’artisans remarqué pour son intelligence, suit un parcours similaire à celui de Julien Sorel : précepteur séduit par son employeuse, puis renvoyé, il tire sur elle pendant la messe avant de tenter de se suicider. La loi sur le sacrilège, qui sera abrogée en 1830, précipite sa condamnation à mort. Une seconde affaire criminelle, celle de Lafargue en 1829, influence également la création du roman. Stendhal lui-même mentionne cette histoire dans ses « Promenades dans Rome », saluant la « défense admirable » de cet ébéniste qui, après avoir tiré sur sa maîtresse, la décapite.

Le titre initial, un sobre « Julien », cède la place à une énigme que Stendhal n’explicite jamais. Plusieurs interprétations se superposent : le rouge de l’armée contre le noir du clergé, selon une explication que Stendhal aurait donnée à ses amis d’après le journaliste Émile Forgues. Cette lecture se heurte pourtant à un obstacle : en 1830, l’uniforme de l’armée française arbore le bleu et non le rouge. D’autres significations émergent : le rouge du maquillage féminin, omniprésent dans le texte, le jeu de cartes populaire « rouge et noir », la roulette et le hasard, ou encore les couleurs de la guillotine.

Cette « chronique de 1830 » brosse un portrait sans concession de la France sous la Restauration. La rédaction coïncide avec la révolution de juillet 1830, mais Stendhal, absorbé par son travail, reste sourd aux événements qui agitent la rue. Les tensions entre Paris et la province, la noblesse et la bourgeoisie, les jansénistes et les jésuites constituent la toile de fond sociale et politique de l’œuvre.

Nietzsche salue en Stendhal « le dernier des grands psychologues français », louant sa « double vue psychologique » et son « sens du fait ». Le philosophe allemand avoue même sa jalousie envers l’écrivain qui lui a « volé le meilleur mot que [son] athéisme eût pu trouver » : « La seule excuse de Dieu, c’est de ne pas exister. »

« Le Rouge et le Noir » suscite de nombreuses adaptations : sept versions pour le cinéma et la télévision entre 1920 et 1998, un opéra-rock en 2016, un opéra en 2019, et un ballet en 2021. La version de Claude Autant-Lara en 1954, avec Gérard Philipe, Danielle Darrieux et Antonella Lualdi, compte parmi les plus notables. Le roman inspire également plusieurs adaptations audio, dont une lecture par Michel Vuillermoz et une adaptation pour le Feuilleton de France Culture.

En 1954, William Somerset Maugham inscrit « Le Rouge et le Noir » parmi les dix plus grands romans jamais écrits, dans son essai « Ten Novels and Their Authors ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 864 pages.


3. Lucien Leuwen (1894)

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Résumé

Sous la Monarchie de Juillet, Lucien Leuwen, un jeune polytechnicien issu de la haute bourgeoisie parisienne, est exclu de l’École pour ses opinions républicaines. Il devient alors sous-lieutenant dans un régiment de lanciers à Nancy. Dans cette ville de province où la noblesse légitimiste cultive sa morgue pour le nouveau régime, le jeune homme croise le regard de Madame de Chasteller. Cette aristocrate, aussi belle qu’inaccessible, fait naître chez lui une passion dévorante. Leur histoire d’amour, bien que partagée, reste platonique : la jeune femme refuse d’abandonner ses principes et son rang.

Déçu par cet échec sentimental, Lucien regagne Paris où son père, un puissant banquier qui fait et défait les ministères, l’introduit dans les cercles du pouvoir. Le jeune homme devient alors secrétaire d’un ministre et l’observateur privilégié des tractations, des compromissions et de la médiocrité qui règnent dans les hautes sphères politiques.

Autour du livre

Deuxième grande œuvre de Stendhal, « Lucien Leuwen » demeure inachevé non par manque d’inspiration mais par prudence politique. L’auteur, qui occupe alors le poste de consul à Civitavecchia, ne peut se permettre de perdre sa position en provoquant la censure de la monarchie de Juillet. Cette contrainte transparaît dans sa méthode d’écriture : contrairement au « Rouge et le Noir » qu’il avait dû étoffer pour la publication, il choisit cette fois de produire un texte volontairement plus long pour pouvoir ensuite le réduire et l’affiner.

La tension politique qui traverse l’œuvre reflète les divisions profondes de la société française sous Louis-Philippe. Le protagoniste se retrouve tiraillé entre trois forces antagonistes : les légitimistes nostalgiques de l’Ancien Régime, les républicains progressistes, et le « juste milieu » représenté par la monarchie de Juillet. Cette configuration permet une satire mordante des différentes factions, notamment à travers les scènes de manipulation électorale et les manœuvres parlementaires orchestrées par le père de Lucien.

Les aspects comiques du roman le distinguent des autres œuvres majeures de Stendhal. L’ironie n’épargne personne, pas même le héros. Le récit des deux chutes de cheval de Lucien devant la demeure de Madame de Chasteller illustre cette veine humoristique qui parcourt l’ensemble du texte. La description des parlementaires manipulés par Leuwen père offre également des moments d’une grande drôlerie.

L’histoire éditoriale du roman mérite l’attention : seuls les dix-huit premiers chapitres ont été dictés et retravaillés par Stendhal. Le reste du manuscrit n’a pas bénéficié de la révision finale de l’auteur, ce qui explique certaines incohérences dans les noms ou l’âge des personnages. Cette particularité a conduit à l’existence de multiples versions du texte, chaque éditeur devant faire ses propres choix dans l’établissement de l’œuvre.

« Lucien Leuwen » a connu une adaptation notable en 1973 sous la forme d’une série télévisée en quatre parties réalisée par Claude Autant-Lara, avec Bruno Garcin dans le rôle-titre.

Aux éditions FOLIO ; 930 pages.


4. Armance (1827)

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Résumé

Dans « Armance », son premier roman paru en 1827, Stendhal brosse le portrait d’un jeune aristocrate singulier, Octave de Malivert. Nous sommes à Paris, sous la Restauration. Octave, tout juste sorti de Polytechnique, brille par son esprit et sa prestance, mais déconcerte son entourage par son caractère ombrageux et sa propension à la solitude. Sa mère, inquiète de le voir si peu enclin aux mondanités de leur milieu, le pousse vers une vie plus conforme à son rang.

Le jeune homme croise alors le chemin de sa cousine Armance de Zohiloff, une aristocrate russe que les bouleversements politiques ont contrainte à l’exil en France. Cette rencontre chamboule leurs existences. Octave, prisonnier d’un secret qu’il ne peut révéler, s’interdit d’avouer son amour. Les deux jeunes gens s’aiment en silence, tout en multipliant les stratagèmes pour masquer leurs sentiments l’un à l’autre.

Autour du livre

Premier roman de Stendhal publié en 1827, « Armance » s’inspire partiellement d’ « Olivier ou le Secret » de la duchesse Claire de Duras, œuvre non publiée en raison de son caractère jugé scandaleux à l’époque. L’originalité réside dans le traitement d’un sujet tabou : l’impuissance masculine, jamais explicitement mentionnée mais subtilement distillée tout au long du récit. Le texte se construit autour d’une paralipse, procédé littéraire compensé par ce que François Vanoosthuyse qualifie de « stratégie insistante de signification du handicap sexuel et social dont souffre le héros ».

Une lecture plus contemporaine, proposée notamment par Dominique Fernandez, suggère que derrière l’apparente impuissance du protagoniste se dissimule en réalité une homosexualité voilée, sujet impossible à aborder ouvertement sous la Restauration. Cette interprétation, d’abord effleurée par Paul Morand dans « L’Eau sous les ponts » (1954), trouve un écho particulier dans la culture populaire contemporaine : le roman apparaît ainsi dans le film « Call me by your name » de Luca Guadagnino (2017), où sa présence fonctionne comme un indice discret de l’orientation sexuelle des personnages.

André Gide, qui considère « Armance » comme le plus abouti des romans de Stendhal, salue la création d’un amant impuissant tout en regrettant que l’auteur n’ait pas poussé plus loin l’exploration de cette relation atypique. Dans ses notes personnelles retrouvées en marge de son exemplaire, Stendhal lui-même décompose méticuleusement la construction de son récit en onze étapes clés, de la prise de conscience du handicap jusqu’au suicide final.

Le choix du personnage d’Armance s’enracine dans la vie personnelle du romancier : selon Yoshitaka Uchida, sa cousine Adèle Rebuffel aurait servi de modèle pour façonner l’héroïne. Cette inspiration biographique s’entremêle à une écriture qui pastiche délibérément le style du XVIIe siècle, créant ainsi un contraste saisissant entre la forme classique et la modernité troublante du propos.

Aux éditions FOLIO ; 313 pages.

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