Pierre Assouline est un écrivain et journaliste français né le 17 avril 1953 à Casablanca. Après une enfance au Maroc, il poursuit ses études à Paris, au lycée Janson-de-Sailly puis à l’université de Nanterre et à l’École des langues orientales.
Sa carrière débute dans le journalisme, d’abord aux services étrangers du Quotidien de Paris puis de France-Soir. Il se tourne ensuite vers le monde littéraire dans les années 1980, devenant conseiller littéraire aux éditions Balland avant de prendre la direction du magazine Lire en 1993.
Biographe reconnu, il a consacré des ouvrages à de nombreuses personnalités comme Marcel Dassault, Georges Simenon, Gaston Gallimard ou Hergé. Parallèlement à son activité d’écrivain, il mène une carrière de chroniqueur radio sur diverses stations (France Inter, RTL, France Culture) et enseigne à Sciences Po Paris.
Membre de l’académie Goncourt depuis 2012, il est l’auteur de nombreux romans dont « La cliente » (1998) et « Lutetia » (2005). Son blog La République des livres est une référence dans l’espace littéraire français.
Son œuvre a été récompensée par plusieurs prix, notamment le prix de la langue française en 2007 pour « sa contribution à la qualité et la beauté de la langue française ».
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Le nageur (biographie, 2023)
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Dans la France des années 1930, Alfred Nakache, jeune juif constantinois aquaphobe devenu champion de natation, accumule les médailles et les records. Sa technique peu académique mais efficace le propulse jusqu’aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, où il défie les nageurs du Reich. À ses côtés, Jacques Cartonnet, autre grand espoir de la natation française, voit d’un mauvais œil la réussite de son rival.
Quand la guerre éclate, les destins des deux hommes divergent radicalement. Nakache rejoint la Résistance à Toulouse tandis que Cartonnet s’engage dans la Milice. En 1943, sur dénonciation, la Gestapo arrête Nakache avec sa femme Paule et leur fille Annie. Déportés à Auschwitz, seul Alfred survivra, puisant dans sa condition physique exceptionnelle la force de tenir. Dans les camps, il continuera même à nager clandestinement dans un bassin de rétention, geste de résistance ultime face à la déshumanisation.
Au sortir de la guerre, dévasté par la perte des siens mais porté par une volonté hors du commun, Nakache reprend l’entraînement. En 1948, douze ans après Berlin, il participe aux Jeux de Londres – performance inouïe pour un rescapé des camps.
Cette histoire stupéfiante met en lumière les zones grises du sport français sous l’Occupation. Pierre Assouline dévoile les mécanismes qui ont conduit certains champions à basculer dans la collaboration, pendant que d’autres risquaient leur vie dans la Résistance. Plusieurs documentaires ont été consacrés à ce destin hors du commun, dont « Le Nageur d’Auschwitz ». Une pièce de théâtre intitulée « Sélectionné », créée en 2023 au théâtre Marigny, a porté sur scène l’histoire de ce champion hors norme dont le nom orne aujourd’hui plusieurs piscines en France.
Aux éditions FOLIO ; 304 pages.
2. Lutetia (roman historique, 2005)
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Au printemps 1938, Edouard Kiefer arpente les couloirs feutrés du Lutetia. Cet ancien policier des Renseignements Généraux, devenu chef de la sécurité du prestigieux établissement parisien, note dans ses carnets les allées et venues des clients : intellectuels en exil, artistes bohèmes, aristocrates désargentés. James Joyce y croise Heinrich Mann, tandis que les premiers réfugiés fuyant le nazisme y trouvent refuge.
L’entrée des Allemands dans Paris bouleverse la vie de l’hôtel. L’Abwehr, le service de renseignement militaire du Reich, s’y installe. Kiefer, Alsacien parlant couramment l’allemand, conserve son poste. Sans jamais basculer dans la collaboration active ni rejoindre la Résistance, il poursuit sa mission d’observation, consignant les agissements des nouveaux occupants tout en s’efforçant de préserver son intégrité morale.
En 1945, le Lutetia connaît une nouvelle métamorphose : il devient le principal centre d’accueil des rescapés des camps de concentration. Dans ses salons Art déco défilent désormais les survivants de l’horreur, pendant que leurs proches scrutent anxieusement chaque nouveau visage dans l’espoir de retrouver un être cher.
Pierre Assouline s’est appuyé sur les archives de l’hôtel et sur les témoignages des rescapés pour écrire ce roman. Il éclaire un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : le rôle des grands hôtels parisiens, tour à tour refuges pour exilés, QG de l’occupant puis lieux de reconstruction pour les survivants de la Shoah. La force du livre réside dans cette capacité à saisir l’histoire à hauteur d’homme, à travers le regard lucide et désabusé de Kiefer. Les trois périodes – avant, pendant et après l’Occupation – dessinent une fresque saisissante de la France des années noires, où se côtoient héroïsme et lâchetés ordinaires. Le prix Gutenberg du livre 2005 est venu récompenser ce travail remarquable de documentation historique.
Aux éditions FOLIO ; 480 pages.
3. La cliente (roman, 1998)
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Dans les années 1990, un biographe consulte les archives confidentielles de l’Occupation pour documenter la vie d’un écrivain. Au fil de ses recherches, il tombe sur des milliers de lettres de dénonciation. L’une d’elles concerne les Fechner, une famille de fourreurs juifs dont il connaît le fils survivant. Henri Fechner a survécu et a repris le commerce familial après la guerre. L’identité de la dénonciatrice stupéfie le narrateur : il s’agit de la fleuriste installée en face, qui continue cinquante ans plus tard à fréquenter la boutique des Fechner comme cliente.
Cette révélation tourne vite à l’obsession. Le narrateur veut comprendre ce qui a poussé cette femme à commettre un tel acte. Il retrouve l’inspecteur Chiflet, qui avait procédé à l’arrestation des Fechner. Mais l’enquête vire bientôt au harcèlement : le biographe épie la fleuriste, lui envoie des lettres anonymes, la pousse dans ses retranchements. Sa volonté de comprendre se mue en acharnement malsain. Le chasseur devient proie de sa propre obsession.
Publié en 1998, ce premier roman de Pierre Assouline s’inspire de faits authentiques pour questionner la nature du mal ordinaire. Assouline met en lumière l’ambiguïté morale de cette époque « grise » où la délation était érigée en vertu civique. La chute inattendue déjoue les idées reçues et souligne l’impossibilité de juger des actes commis dans un contexte historique si trouble, sans en connaître toutes les implications.
Aux éditions FOLIO ; 189 pages.
4. Sigmaringen (roman historique, 2014)
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Septembre 1944. Le château de Sigmaringen, imposante forteresse du sud de l’Allemagne, voit débarquer le gouvernement de Vichy en déroute. Sur ordre d’Hitler, la demeure ancestrale des Hohenzollern doit accueillir le maréchal Pétain, Pierre Laval et leurs ministres, accompagnés de deux mille collaborateurs français qui ont fui l’avancée des Alliés.
Julius Stein, majordome général du château, observe cette étrange colonie française s’installer dans les 383 pièces de la résidence. Avec le plus grand professionnalisme, il orchestre le ballet quotidien des domestiques pour servir ces nouveaux hôtes, tout en maintenant une séparation stricte entre les différentes factions qui se détestent. Au dernier étage, Pétain s’isole dans son « Olympe » tandis qu’en contrebas, ministres « actifs » et « passifs » s’affrontent dans une guerre d’influence dérisoire.
Dans ce huis clos tendu, les derniers fidèles du régime de Vichy s’accrochent à leurs illusions. Certains continuent de promulguer des décrets sans valeur, d’autres préparent déjà leur fuite ou leur défense. On y croise aussi l’écrivain Céline, qui soigne les plus démunis tout en traînant son chat Bébert dans les rues de la ville.
L’originalité de ce livre tient à son angle d’attaque : faire revivre cet épisode sombre à travers les yeux d’un témoin allemand, à la fois proche et distant des événements. Le récit s’enrichit d’une dimension supplémentaire avec la relation naissante entre Julius et l’intendante française du maréchal, Jeanne Wolfermann, dont la véritable identité apporte un rebondissement dans les dernières pages.
Aux éditions FOLIO ; 368 pages.
5. Le dernier des Camondo (biographie, 1997)
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« Le dernier des Camondo » retrace l’histoire d’une dynastie de banquiers juifs qui a marqué le Paris de la Belle Époque. Contraints de quitter l’Espagne en 1492, les Camondo s’établissent d’abord à Constantinople où ils bâtissent un empire financier considérable. En 1869, ils s’installent en France, rejoignant le cercle prestigieux des grandes fortunes israélites parisiennes.
Le récit suit plus particulièrement le parcours de Moïse de Camondo (1860-1935), figure emblématique de cette famille. Dans son hôtel particulier de la rue de Monceau, il accumule une collection exceptionnelle d’objets d’art du XVIIIe siècle. Mais derrière cette façade brillante se cache un homme meurtri par l’abandon de sa femme et la mort de son fils Nissim, tué au combat en 1917. En 1935, il lègue sa demeure et ses collections à l’État français.
Le destin des Camondo s’achève brutalement avec la déportation de Béatrice, la fille de Moïse, et de toute sa famille à Auschwitz. Seul l’hôtel particulier, devenu le musée Nissim de Camondo, perpétue leur mémoire, figé dans le temps selon les volontés testamentaires de son dernier propriétaire.
Les nombreux documents d’archives ont permis à Pierre Assouline de reconstituer le quotidien de ces familles juives fortunées, leur mode de vie, leurs réseaux d’influence, tout en soulignant leur position ambivalente dans une France traversée par l’antisémitisme.
Aux éditions FOLIO ; 338 pages.
6. Le paquebot (roman historique, 2022)
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Février 1932. Le Georges Philippar, fierté de La Compagnie des messageries maritimes, quitte le port de Marseille pour sa croisière inaugurale vers le Japon. À son bord, Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres anciens, dissimule les véritables motifs de son périple derrière une apparente quête d’ouvrages rares.
Dans les salons feutrés de la première classe, une microsociété cosmopolite se forme. Les journées s’écoulent entre parties de cartes, concerts et discussions passionnées au fumoir. L’ascension d’Hitler en Allemagne divise les passagers : certains y voient une menace, d’autres un simple pantin qu’ils sauront contrôler. Pendant ce temps, des pannes électriques inquiétantes se multiplient à bord.
À Shanghai, le célèbre reporter Albert Londres monte à bord pour le voyage retour. Il revient d’un reportage explosif sur l’immixtion soviétique dans les affaires sino-japonaises. Le paquebot ne rejoindra jamais la France : un incendie se déclare au large du Yémen, emportant avec lui quarante-neuf passagers dont Albert Londres.
À travers cette reconstitution méticuleuse d’une tragédie maritime oubliée, les derniers feux de l’Europe d’avant-guerre scintillent une dernière fois. Le microcosme du paquebot, avec ses certitudes et son aveuglement face aux signes avant-coureurs du désastre, préfigure le naufrage à venir du Vieux Continent. Les circonstances mystérieuses de la mort d’Albert Londres – ses documents compromettants n’ont jamais été retrouvés – ajoutent une dimension politique à ce drame en haute mer.
Aux éditions FOLIO ; 448 pages.
7. Le portrait (roman historique, 2007)
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En 1886, à la mort de la baronne Betty de Rothschild, son âme migre dans son portrait peint par Ingres en 1848. Le tableau devient alors le narrateur omniscient d’un récit qui s’étend sur plus d’un siècle et demi d’histoire. À travers son regard, nous suivons les tribulations de la dynastie Rothschild, l’une des familles les plus puissantes d’Europe.
De la rue Laffitte à l’hôtel Lambert en passant par le château de Ferrières, le portrait observe les mondanités, les réceptions fastueuses et les personnalités marquantes du XIXe siècle : Chopin, Balzac, Heine ou encore Rossini. Témoin privilégié, il livre les secrets d’une famille qui a bâti son empire sur des valeurs de solidarité et de discrétion. Le tableau raconte aussi les moments sombres, comme sa déportation dans une mine de sel autrichienne pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés d’autres œuvres d’art volées par les nazis.
Cette biographie d’un nouveau genre mêle avec brio grande Histoire et chronique familiale. En donnant la parole à une œuvre d’art, Pierre Assouline renouvelle la forme du récit historique et propose un angle inédit pour raconter l’ascension des Rothschild. Le livre a reçu le Prix de la Langue Française en 2007, saluant cette approche novatrice qui fait dialoguer art, littérature et mémoire.
Aux éditions FOLIO ; 336 pages.
8. Les invités (roman, 2009)
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Un dîner mondain dans le 7e arrondissement de Paris vire au cauchemar pour Sophie du Vivier, maîtresse de maison perfectionniste. Cette soirée doit pourtant être parfaite : son mari compte sur elle pour impressionner George Banon, un industriel canadien dont dépend une importante transaction financière. Elle a donc convoqué ses relations les plus prestigieuses – membres de l’Institut, diplomates, figures des médias.
Le sort en décide autrement. Un invité se désiste à la dernière minute, laissant treize personnes autour de la table. Une convive superstitieuse refuse alors de participer à un repas sous ce chiffre funeste. Une seule solution s’impose : faire asseoir Sonia, l’employée de maison, parmi les invités. Cette entorse aux convenances va faire imploser les masques sociaux.
Car Sonia cache bien son jeu : sous ses habits de domestique se dissimule une brillante universitaire d’origine maghrébine, qui prépare une thèse en histoire de l’art. Sa culture et son intelligence mettent mal à l’aise ces élites parisiennes, dont les conversations mondaines laissent peu à peu transparaître racisme ordinaire et pensées inavouables.
Cette comédie sociale mordante transpose au XXIe siècle les ressorts du théâtre de boulevard. Les dialogues ciselés et les situations embarrassantes s’enchaînent avec un sens aigu de l’observation, dépeignant sans concession les travers d’une certaine bourgeoisie parisienne contemporaine. Le livre a d’ailleurs inspiré le film « Madame » d’Amanda Sthers en 2017, avec Rossy de Palma dans le rôle de la domestique promue au rang d’invitée.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.