Jorge Luis Borges (1899-1986) est l’un des écrivains les plus influents du XXe siècle. Né à Buenos Aires dans une famille de classe moyenne, il manifeste très tôt un talent littéraire exceptionnel (il traduit notamment Oscar Wilde dès l’âge de 9 ans).
Après des séjours formateurs à Genève et en Espagne, il retourne en Argentine en 1921 où il s’établit comme poète et essayiste. C’est avec ses nouvelles, notamment « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » (1939), qu’il acquiert une renommée internationale.
Maître du réalisme magique, il crée une œuvre profonde et novatrice malgré une cécité progressive. Plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel, il s’éteint à Genève en 1986, laissant un héritage littéraire considérable, fait d’essais et de nouvelles devenus des classiques de la littérature mondiale.
Voici notre sélection de ses recueils de nouvelles.
1. L’Aleph (1949)
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Publié en 1949, « L’Aleph » rassemble dix-sept nouvelles de Jorge Luis Borges, maître argentin du conte philosophique. La nouvelle titre met en scène le narrateur qui, chaque 30 avril depuis 1929, se rend dans la maison de Beatriz Viterbo, la femme qu’il aimait, pour honorer sa mémoire. Ces visites rituelles le mettent en contact avec Carlos Argentino Daneri, cousin de la défunte. Ce dernier lui confie l’existence d’un point prodigieux dans sa cave : l’Aleph, lieu où convergent simultanément tous les points de l’univers.
Le recueil s’ouvre sur « L’Immortel », nouvelle dans laquelle un soldat romain cherche une cité mythique dont les habitants auraient conquis l’éternité. D’autres suivent : « Emma Zunz » chronique une vengeance minutieusement orchestrée, « La Demeure d’Astérion » donne voix au Minotaure dans son labyrinthe, « Le Zahir » narre l’histoire d’une pièce de monnaie qui obsède ceux qui la possèdent.
À travers ces récits courts d’une grande densité intellectuelle, Borges tisse des variations sur ses motifs de prédilection : les miroirs, les labyrinthes, la circularité du temps, l’infini. Avec une prose ciselée, il construit des fictions qui défient les limites de la réalité et de l’imaginaire.
Aux éditions GALLIMARD ; 224 pages.
2. Fictions (1944)
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« Fictions », recueil de nouvelles publié en 1944 par Jorge Luis Borges, se compose de deux parties : « Le jardin aux sentiers qui bifurquent » et « Artifices ». À travers dix-sept textes courts, l’auteur argentin tisse des récits qui brouillent les frontières entre réel et imaginaire, entre rêve et réalité. Les nouvelles s’articulent autour de thèmes récurrents : des bibliothèques infinies contenant tous les livres possibles, des labyrinthes temporels où les chemins se dédoublent sans fin, des miroirs qui démultiplient l’existence.
Dans « La Bibliothèque de Babel », peut-être la plus célèbre des nouvelles, Borges imagine un univers constitué d’une immense bibliothèque hexagonale où seraient conservés tous les livres existants et à venir. « Les Ruines circulaires » met en scène un homme qui tente de créer un autre être humain par la force de ses rêves, tandis que « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » raconte l’histoire d’un écrivain qui entreprend de réécrire mot pour mot le chef-d’œuvre de Cervantes.
L’écriture de Borges, à la fois érudite et ironique, mêle références authentiques et inventées, propice à un vertige intellectuel dans lequel le lecteur perd ses repères. Ces nouvelles questionnent notre rapport au temps, à l’identité, à la création artistique, tout en jouant avec les codes du fantastique, du policier ou de la métaphysique. La concision et la précision de la prose borgésienne donnent à ces récits une puissance évocatrice qui continue d’influencer la littérature contemporaine.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.
3. Le livre de sable (1975)
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« Le livre de sable » est un recueil de treize nouvelles fantastiques écrites par Jorge Luis Borges entre 1970 et 1975. L’auteur argentin, alors âgé et presque aveugle, y déploie son talent pour créer des récits courts où le réel et l’imaginaire s’entremêlent.
La première nouvelle, « L’autre », donne le ton : Borges lui-même se trouve assis sur un banc face au fleuve Charles et rencontre son double plus jeune. Cette confrontation entre deux versions du même homme, séparées par cinquante ans d’existence, révèle la fragilité de l’identité et la nature mouvante du temps.
D’autres textes suivent, comme « There are more things », hommage à Lovecraft dans lequel une maison mystérieuse abrite une présence innommable, ou encore « La nuit des dons », qui mêle initiation amoureuse et violence dans la pampa argentine.
La nouvelle éponyme qui clôt le recueil cristallise les obsessions de Borges : un homme acquiert un livre étrange dont les pages sont infinies et impossibles à retrouver une fois tournées. Cette métaphore de l’infini et du savoir insaisissable incarne l’essence même de l’écriture borgésienne : chaque texte ouvre sur des possibilités narratives sans fin.
L’ensemble forme un kaléidoscope d’histoires brèves très denses, nourries par l’érudition de l’auteur et sa capacité à transformer les concepts philosophiques en fictions saisissantes. Entre mythologie nordique et paysages sud-américains, Borges tisse des récits qui questionnent notre rapport au temps, à l’identité et aux limites de la connaissance.
Aux éditions FOLIO ; 144 pages.
4. Le rapport de Brodie (1970)
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« Le rapport de Brodie », publié en 1970, est un recueil de onze nouvelles écrites par Jorge Luis Borges alors qu’il était déjà atteint de cécité. L’écrivain argentin y délaisse le style baroque et métaphysique qui avait fait sa renommée pour adopter une écriture plus directe, inspirée des contes de Kipling.
La majorité des récits se déroule dans l’Argentine du XIXe siècle, entre les rues de Buenos Aires et les étendues de la pampa. Les personnages sont des gauchos, des bandits, des fermiers – hommes rudes pour qui l’honneur et la violence font loi.
Les duels au couteau occupent une place centrale dans ces histoires où les armes semblent parfois douées d’une vie propre, comme dans « La Rencontre » où deux lames anciennes poursuivent leur querelle à travers leurs porteurs. Dans « L’Intruse », deux frères partagent la même femme avant de prendre une décision tragique. « L’Évangile selon Marc » raconte comment un étudiant en médecine, bloqué par les inondations dans une ferme isolée, lit la Bible à une famille de paysans analphabètes avec des conséquences inattendues.
La nouvelle éponyme qui clôt le recueil se distingue des autres : elle prend la forme du rapport d’un pasteur écossais décrivant une tribu aux coutumes étranges, notamment celle de mutiler leur roi pour le préserver du monde.
À travers ces récits d’une grande sobriété, Borges tisse des liens subtils entre civilisation et barbarie, tradition et modernité. Son style épuré n’enlève rien à la force troublante de ces histoires où la violence côtoie la poésie.
Aux éditions FOLIO ; 160 pages.