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Les meilleurs romans d'Oscar Wilde – Notre sélection

Oscar Wilde en 8 livres – Notre sélection

Oscar Wilde (1854-1900) est un écrivain, poète et dramaturge irlandais. Né à Dublin dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle anglo-irlandaise, il fait des études brillantes à Trinity College Dublin puis à Oxford, où il se distingue par son esprit vif et son esthétisme affiché.

Dans les années 1880, il s’installe à Londres et se fait connaître comme dandy et homme d’esprit. Il publie des poèmes, des contes et son unique roman « Le Portrait de Dorian Gray » (1890) qui fait scandale. Il connaît ensuite un immense succès au théâtre avec des comédies comme « L’éventail de Lady Windermere » (1892) et « L’Importance d’être constant » (1895).

Au sommet de sa gloire, il entretient une relation avec Lord Alfred Douglas qui le mène à sa perte. En 1895, il poursuit en diffamation le père de Douglas, le marquis de Queensberry, mais perd son procès. Il est ensuite lui-même condamné pour « grave indécence » (homosexualité) à deux ans de travaux forcés. En prison, il écrit « De Profundis », une longue lettre à Douglas.

Libéré en 1897, ruiné et brisé, il s’exile en France sous le nom de Sebastian Melmoth. Il ne produit plus qu’une œuvre majeure, « La Ballade de la geôle de Reading » (1898), inspirée par son expérience carcérale. Il meurt dans le dénuement à Paris en 1900, à l’âge de 46 ans, après s’être converti au catholicisme sur son lit de mort.

Wilde reste célèbre pour son esprit brillant, son style flamboyant et son génie littéraire qui s’exprime particulièrement dans ses pièces de théâtre où il critique avec élégance la société victorienne. Son procès et sa condamnation en ont fait un symbole de la répression de l’homosexualité au XIXe siècle.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Le Portrait de Dorian Gray (roman, 1890)

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Résumé

Dans le Londres victorien de la fin du XIXe siècle, un jeune homme d’une beauté exceptionnelle, Dorian Gray, pose pour le peintre Basil Hallward. Le portrait qui en résulte est d’une perfection troublante. Lors d’une séance de pose, Dorian fait la connaissance de Lord Henry Wotton, ami du peintre et dandy cynique qui l’initie à sa philosophie hédoniste.

Bouleversé par les théories de Lord Henry sur la jeunesse et la beauté éphémère, Dorian formule le souhait que son portrait vieillisse à sa place, tandis que lui conserverait éternellement son visage d’ange. Son vœu est mystérieusement exaucé.

Au fil des années, tandis que Dorian conserve ses traits juvéniles, le tableau se transforme progressivement, marqué non seulement par le temps qui passe, mais aussi par les péchés commis par son modèle. Le jeune homme s’enfonce peu à peu dans une vie de débauche et de crime, protégé par sa beauté qui lui vaut l’adoration de tous. Seul le portrait, qu’il garde jalousement caché, témoigne de la noirceur de son âme.

Autour du livre

Le premier roman d’Oscar Wilde naît d’une rencontre fortuite. En 1887, lors d’une séance de pose dans son studio londonien, la peintre canadienne Frances Richards réalise le portrait de l’écrivain. Face à son image, Wilde s’exclame avec esprit : « Quelle chose tragique. Ce portrait ne vieillira jamais alors que moi si. Si seulement c’était l’inverse ! » Cette réflexion devient l’étincelle créatrice de son unique roman.

La genèse du « Portrait de Dorian Gray » s’accélère en 1889 lorsque J.M. Stoddart, éditeur du Lippincott’s Monthly Magazine, commande un texte à Wilde lors d’un dîner au Langham Hotel de Londres, où se trouve également Arthur Conan Doyle. La première version paraît en juillet 1890 dans le magazine, mais suscite immédiatement la controverse. Le Daily Chronicle fustige « un élément qui contaminera tout jeune esprit qui entrera en contact avec lui ». Face aux critiques virulentes, Wilde entreprend une importante révision du texte. Il ajoute six nouveaux chapitres, développe la psychologie des personnages et modère certains passages jugés trop suggestifs.

La version définitive publiée en 1891 par Ward, Lock & Company s’ouvre sur une préface percutante où Wilde répond à ses détracteurs par une série d’aphorismes sur l’art. Il y affirme notamment « qu’il n’existe pas de livre moral ou immoral. Les livres sont bien ou mal écrits, c’est tout. » Cette préface devient rapidement un manifeste de l’esthétisme.

« Le Portrait de Dorian Gray » interroge les rapports complexes entre l’art, la morale et la beauté dans la société victorienne. Lord Henry incarne le dandy cynique qui théorise le culte du plaisir et de la beauté, tandis que le peintre Basil Hallward représente l’artiste pur dévoré par sa passion créatrice. Entre ces deux figures, Dorian Gray symbolise le triomphe tragique de l’apparence sur l’être.

Dans une lettre, Wilde confie : « Basil Hallward est ce que je crois être, Lord Henry ce que le monde pense que je suis, Dorian ce que j’aurais voulu être ». Cette confidence éclaire la dimension autobiographique du roman, qui sera utilisée contre lui lors de son procès en 1895. Les allusions homoérotiques et la célébration de l’hédonisme lui valent d’être qualifié de « livre empoisonné ».

Le roman s’inscrit dans une riche tradition littéraire. Il puise aux sources du mythe de Narcisse et de la légende de Faust, tout en s’inspirant du décadentisme français, notamment « À rebours » de Huysmans que Wilde considérait comme une « variation fantastique » de son propre roman.

La postérité de l’œuvre s’avère considérable. Dès 1910, le cinéma s’empare du mythe avec une première adaptation danoise. Plus de vingt versions cinématographiques suivront, dont la célèbre adaptation d’Albert Lewin en 1945 avec Angela Lansbury. « Le Portrait de Dorian Gray » inspire également de nombreuses adaptations théâtrales, des opéras, des ballets et même des mangas, preuves de son universalité.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 253 pages.


2. Le fantôme de Canterville (nouvelle, 1887)

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Résumé

Dans l’Angleterre victorienne, une riche famille américaine, les Otis, fait l’acquisition du manoir de Canterville Chase. Lord Canterville, le vendeur, les met en garde : le manoir est hanté depuis des siècles par le fantôme de Sir Simon, qui aurait assassiné son épouse en 1575. Mais les Otis, pragmatiques et rationnels, ne croient pas aux superstitions.

Dès leur arrivée, d’étranges phénomènes se produisent : une tache de sang réapparaît chaque nuit sur le parquet, des bruits de chaînes résonnent dans les couloirs, les portes claquent toutes seules. Loin d’être effrayés, les Otis traitent ces manifestations avec une désinvolture qui désespère le pauvre fantôme. M. Otis lui propose même de l’huile pour graisser ses chaînes qui grincent, tandis que les turbulents jumeaux de la famille s’amusent à lui tendre des pièges.

Autour du livre

Cette première œuvre en prose d’Oscar Wilde, publiée en 1887 dans The Court and Society Review, se démarque par sa double lecture satirique. D’un côté, elle tourne en dérision le matérialisme américain de la fin du XIXe siècle à travers la famille Otis, qui tente de domestiquer le surnaturel avec des produits industriels modernes. De l’autre, elle se moque du romantisme anglais et de sa fascination pour le paranormal, incarnée par la peur démesurée des britanniques face au fantôme.

L’originalité de la nouvelle réside dans son renversement des codes du genre gothique : ce n’est pas le fantôme qui effraie les habitants, mais les habitants qui terrorisent le fantôme. Sir Simon, figure théâtrale par excellence, multiplie les identités et les déguisements avec un sens aigu du spectacle. Il se présente tour à tour sous différents noms grandiloquents comme « Ruben le Rouge », « le nourrisson étranglé », « Gédéon le décharné » ou encore « le suceur de sang de Bexley Moor », dans une succession de mises en scène qui soulignent la dimension parodique du texte.

La construction du récit s’articule en deux parties distinctes. La première privilégie l’humour et le burlesque, avec les tentatives infructueuses du fantôme pour terrifier la famille américaine. La seconde bascule vers une tonalité plus sombre et spirituelle, centrée sur la relation entre Virginia et Sir Simon. Cette dualité permet à Wilde d’entrelacer la comédie de mœurs avec une réflexion plus profonde sur la rédemption et la force de l’amour face à la mort.

Le succès de cette nouvelle se mesure à ses nombreuses adaptations. « Le fantôme de Canterville » a inspiré plus d’une vingtaine de films, téléfilms et séries depuis 1944, avec des interprétations notables du fantôme par des acteurs prestigieux comme Charles Laughton, David Niven, John Gielgud ou Patrick Stewart. La dimension musicale n’est pas en reste, puisque plusieurs compositeurs ont créé des opéras basés sur l’histoire, notamment Alexander Knaifel en 1966 et Gordon Getty en 2015.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 180 pages.


3. Le crime de Lord Arthur Savile (nouvelle, 1887)

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Résumé

Dans les salons huppés du Londres victorien de la fin du XIXe siècle, Lord Arthur Savile s’apprête à épouser sa fiancée Sybil. Un soir, lors d’une réception chez Lady Windermere, un chiromancien au regard perçant examine sa main et y lit une terrible prophétie : le jeune lord sera bientôt un meurtrier. Cette révélation fracasse sa quiétude et le précipite dans un dilemme moral vertigineux.

Soucieux de préserver l’honneur de sa future épouse, Lord Arthur repousse la date du mariage. Il se lance alors dans une entreprise aussi méthodique qu’extravagante : accomplir au plus vite le crime annoncé pour mieux s’en débarrasser. Le voilà qui dresse des listes de victimes potentielles, étudie les poisons, calcule les probabilités. Hélas, ses tentatives d’assassinat tournent systématiquement au fiasco.

Autour du livre

Cette nouvelle d’Oscar Wilde, publiée pour la première fois en 1887, est une satire mordante de la noblesse victorienne. Sa genèse trouve sa source dans l’amitié de Wilde avec Edward Heron-Allen, passionné d’astrologie et de chiromancie, qui avait même établi l’horoscope du fils aîné de l’auteur, Cyril, peu après sa naissance.

« Le crime de Lord Arthur Savile » se démarque par son traitement ironique du déterminisme et du libre arbitre. Le protagoniste, convaincu de la véracité d’une prédiction, s’efforce méthodiquement de commettre un meurtre avec un pragmatisme déconcertant. Cette approche systématique du crime contraste avec l’absurdité de la situation : un homme cherchant à devenir assassin non par malveillance mais par devoir, persuadé qu’il doit accomplir son destin avant de pouvoir se marier.

L’originalité de l’œuvre réside dans son renversement final : la révélation que le chiromancien était un imposteur laisse le lecteur face à une question philosophique. Lord Arthur a-t-il vraiment accompli son destin ou s’est-il simplement persuadé de suivre une prophétie factice ? Cette ambiguïté constitue le cœur de la réflexion sur le devoir et la destinée que propose cette nouvelle.

Le succès du « Crime de Lord Arthur Savile » a suscité de nombreuses adaptations à travers les décennies. Le cinéma muet s’en est d’abord emparé en 1922 avec la version de René Hervil. Plus tard, en 1943, Julien Duvivier en propose une adaptation libre dans « Flesh and Fantasy ». La télévision s’y intéresse également, notamment avec l’épisode fidèle de la série « Suspicion » en 1958, puis plus récemment avec le téléfilm « Damoclès » en 2016. La bande dessinée n’est pas en reste, avec une adaptation graphique parue en 2012.

Aux éditions FOLIO ; 160 pages.


4. Le prince heureux (nouvelle, 1888)

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Résumé

« Le prince heureux » se déroule dans une ville victorienne où une imposante statue en or domine la place centrale. Elle représente un prince mort depuis longtemps, paré de joyaux : des yeux en saphir et un rubis étincelant sur son épée.

Du haut de son piédestal, la statue contemple pour la première fois la souffrance de son peuple. Les larmes coulent sur ses joues dorées quand il observe la misère qui se jouent sous ses yeux : mères démunies, enfants malades, artistes sans le sou.

Une hirondelle retardataire, qui aurait dû partir pour l’Égypte avec ses congénères, fait halte près de lui. Ému par la détresse du prince, l’oiseau accepte de devenir son messager et de distribuer aux nécessiteux les trésors qui ornent la statue.

Autour du livre

Publié en mai 1888 dans le recueil « The Happy Prince and Other Tales », ce texte d’Oscar Wilde s’inscrit dans une collection destinée initialement aux enfants. La genèse de l’écriture est intimement liée à la vie familiale de l’auteur, puisque le conte voit le jour deux ans après la naissance de son fils Vyvyan Holland. Les archives révèlent d’ailleurs que Wilde lisait lui-même ces histoires à ses enfants Cyril et Vyvyan, dans un exemplaire personnel qui fut vendu lors de son premier procès – document aujourd’hui conservé dans la collection Hyde au New Jersey.

« Le prince heureux » se distingue par sa dimension moraliste qui transcende le simple conte enfantin. À travers cette fable urbaine située dans une ville non identifiée d’Europe du Nord (bien que certains critiques comme Clifton Snider y voient Londres), Wilde dresse un tableau saisissant des inégalités sociales de l’Angleterre victorienne. Le palais de Sans-Souci, dont le nom même souligne l’ironie dramatique, symbolise l’isolation des classes privilégiées face à la misère environnante.

Dès 1913, le Chicago Little Theatre la transpose sur scène. Les ondes radiophoniques s’en emparent également : Columbia Workshop en 1936, puis une version mémorable en 1941 avec Orson Welles et le Mercury Theatre, suivie en 1944 d’une adaptation réunissant Welles comme narrateur et Bing Crosby dans le rôle du Prince. Le monde musical s’en inspire aussi, notamment avec les Bee Gees qui composent en 1968 « When the Swallows Fly », tandis qu’en 1969 le groupe néo-zélandais La De Da’s crée un opéra rock basé sur le conte. Plus récemment, en 2012, le compositeur irlandais Vincent Kennedy et le dramaturge John Nee l’adaptent pour narrateur, chœur et orchestre.

Le succès du conte perdure jusqu’à nos jours, comme en témoigne Tobias Wenzel qui le considère, dans une critique pour Deutschlandradio Kultur, comme « probablement le plus beau conte écrit par Oscar Wilde ». Sa portée universelle se manifeste également par ses traductions précoces, dont celle particulièrement notable de Jorge Luis Borges, qui, à seulement neuf ans, en propose la première version espagnole – sa toute première publication.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE JEUNESSE ; 96 pages.


5. Le portrait de Mr. W. H. (nouvelle, 1889)

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Résumé

Dans l’Angleterre victorienne de la fin du XIXe siècle, un narrateur anonyme se trouve mêlé à une énigme littéraire qui obsède les spécialistes depuis des générations : l’identité mystérieuse de « Mr. W. H. », le dédicataire des Sonnets de Shakespeare. Son ami Erskine lui raconte alors l’hypothèse de Cyril Graham, un jeune homme persuadé d’avoir percé le secret.

La théorie de Graham est la suivante : Mr. W. H. serait Willie Hughes, un jeune acteur qui interprétait les rôles féminins dans la troupe de Shakespeare, comme le voulait la tradition du théâtre élisabéthain. Pour convaincre ses détracteurs, Graham accumule les preuves textuelles tirées des Sonnets eux-mêmes. Face au scepticisme persistant de son entourage, il va jusqu’à commander un faux portrait pour étayer sa démonstration.

Autour du livre

La genèse du « Portrait de Mr. W. H. » remonte à une lettre d’Oscar Wilde à Wemyss Reid en octobre 1887, soit deux ans avant sa première publication dans Blackwood’s Magazine. Cette nouvelle, qui tisse habilement fiction et recherche littéraire, se construit autour d’une énigme historique : l’identité mystérieuse du dédicataire des Sonnets de Shakespeare, désigné par les initiales « W. H. »

À travers cette œuvre se dessine une réflexion audacieuse sur l’homosexualité de Shakespeare, thème particulièrement délicat dans l’Angleterre victorienne. Pour contourner la censure et les conventions sociales de son époque, Wilde opte pour la forme de la fiction plutôt que celle de l’essai académique. Ce choix lui permet d’insuffler à son texte une dimension dramatique tout en y intégrant ses célèbres aphorismes et paradoxes.

« Le portrait de Mr. W. H. » s’inscrit dans une période créative significative pour Wilde : publié en 1889, il précède d’un an « Le Portrait de Dorian Gray » et jette un éclairage nouveau sur la passion de Dorian pour l’actrice qui y est dépeinte. Le texte connaît par ailleurs plusieurs versions : après sa parution initiale dans Blackwood’s Magazine, Wilde projette une édition augmentée, presque deux fois plus longue, avec une couverture illustrée par Charles Ricketts. Ce projet ne voit le jour qu’après sa mort, d’abord en édition limitée chez Mitchell Kennerley à New York en 1921, puis dans une première édition régulière anglaise chez Methuen en 1958, sous la direction de Vyvyan Holland.

La théorie développée dans l’œuvre suscite des échos durables dans le monde littéraire. Lord Alfred Douglas, amant de Wilde, affirme que l’auteur y adhérait personnellement. Samuel Butler considère le nom « Will Hughes » comme une « conjecture plausible ». John Masefield s’en inspire dans « Shakespeare and Spiritual Life » (1924), où il développe l’idée que le « Fair Youth » était un acteur suffisamment délicat pour interpréter des rôles comme celui du page Moth dans « Peines d’amour perdues » ou l’esprit Ariel dans « La Tempête ». James Joyce, dans « Ulysse », fait dire à son personnage Mr. Best que la théorie de Wilde est « la plus brillante » des identifications proposées. André Gide va plus loin en la qualifiant « d’unique interprétation non seulement plausible, mais possible ».

Cette nouvelle inspire également d’autres œuvres de fiction, comme le roman « My First Two Thousand Years » de G. S. Viereck, qui propose une variation originale où Willie Hughes se révèle être une femme déguisée en homme, donnant ainsi un nouveau sens à l’expression shakespearienne « the master-mistress of my passion ».

Aux éditions FOLIO ; 144 pages.


6. L’Importance d’être constant (pièce de théâtre, 1895)

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Résumé

« L’Importance d’être constant » narre les péripéties de deux dandys de l’Angleterre victorienne qui mènent chacun une double vie. Le quiproquo s’articule autour du prénom Ernest, que Jack utilise comme pseudonyme lors de ses échappées londoniennes, tandis qu’il se fait appeler Jack à la campagne où il élève sa pupille Cecily.

Son ami Algernon découvre la supercherie et décide de se faire passer lui aussi pour Ernest auprès de Cecily. Les deux jeunes femmes que les protagonistes souhaitent épouser – Gwendolen pour Jack, Cecily pour Algernon – sont convaincues d’être fiancées au même homme, ignorant qu’il s’agit de deux imposteurs.

Autour de la pièce

Cette comédie théâtrale constitue l’ultime pièce de salon d’Oscar Wilde, après « L’Éventail de Lady Windermere » (1892), « Une femme sans importance » (1893) et « Un mari idéal » (1895). Sa création intervient dans un contexte particulier : durant l’été 1894, Wilde séjourne avec sa famille à Worthing, sur la côte du Sussex, où il entreprend la rédaction de ce qui deviendra son plus grand succès dramatique. Pour déjouer la curiosité de la presse, il baptise initialement son projet « Lady Lancing ».

Le texte fait l’objet d’innombrables révisions : la première version remplit quatre cahiers d’exercices avant d’être considérablement remaniée. Le sous-titre évolue également, passant de « Une comédie sérieuse pour gens frivoles » à « Une comédie frivole pour gens sérieux ». La première représentation a lieu le 14 février 1895 au St James’s Theatre de Londres, dans une mise en scène de George Alexander. La soirée manque de tourner au scandale : le marquis de Queensberry, père de Lord Alfred Douglas, projette de perturber le spectacle en lançant des légumes pourris sur le dramaturge. Averti, Wilde fait barrer l’entrée du théâtre par la police.

Le succès est immédiat. Le journal The Era salue une pièce reçue avec « un enthousiasme et une approbation unanimes ». Toutefois, cette consécration précède de peu la chute : trois mois plus tard, Wilde est condamné à la prison pour « indécence grave ». Les représentations s’arrêtent après 86 levers de rideau.

La pièce se distingue par son usage virtuose du langage, notamment à travers les jeux de mots. Le titre original même, « The Importance of Being Earnest », repose sur une homophonie intraduisible entre « earnest » (sérieux) et « Ernest » (prénom). Cette dimension linguistique pose d’ailleurs un défi considérable aux traducteurs qui doivent choisir entre fidélité au texte original et recréation d’effets similaires dans leur langue. En français, les versions oscillent entre « L’Importance d’être constant », « De l’importance d’être fidèle » ou encore « L’Importance d’être sérieux ».

La postérité de l’œuvre s’avère considérable. Mark Lawson la décrit en 1995 comme « la deuxième pièce la plus connue et citée en anglais après Hamlet ». Elle fait l’objet de multiples adaptations, notamment trois versions cinématographiques majeures (1952, 1992, 2002), plusieurs opéras dont celui de Gerald Barry en 2011, et des mises en scène innovantes comme celle de 2005 au Abbey Theatre de Dublin avec une distribution entièrement masculine.

Une lecture contemporaine y décèle parfois des sous-textes homosexuels codés, bien que cette interprétation soit débattue. Sir Donald Sinden, qui a connu Lord Alfred Douglas et deux membres de la distribution originale, réfute catégoriquement toute connotation sexuelle dans l’usage du terme « earnest ».

Aux éditions FOLIO ; 240 pages.


7. Un mari idéal (pièce de théâtre, 1895)

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Résumé

À l’apogée de l’ère victorienne, Sir Robert Chiltern règne sur la haute société londonienne. Membre respecté du Parlement, il jouit d’une réputation sans tache et de l’adoration de son épouse Gertrude, pour qui il représente la quintessence de la vertu politique. Cette façade impeccable se lézarde quand Mrs Cheveley fait irruption dans leur monde. Cette femme au passé sulfureux détient la preuve d’une ancienne indélicatesse : Chiltern a construit sa fortune en monnayant une information gouvernementale confidentielle.

Le dilemme est implacable : soit Chiltern cède au chantage en soutenant publiquement une escroquerie financière autour d’un canal en Argentine, soit il court à sa perte. Seul son ami Lord Goring, dandy nonchalant mais perspicace, peut l’aider à dénouer l’écheveau des mensonges sans perdre l’estime de son épouse, dont l’intransigeance morale ne tolère aucune faille.

Autour de la pièce

Cette pièce de théâtre d’Oscar Wilde, créée en 1895 à l’Haymarket Theatre de Londres, s’inscrit dans une période particulièrement féconde de la carrière dramatique de l’auteur. Sa genèse débute en juin 1893, alors que sa précédente pièce « Une femme sans importance » connaît un franc succès. Wilde rédige le premier acte lors d’un séjour à Goring-by-Sea, lieu qui inspire directement le nom d’un des personnages principaux, Lord Goring.

Le texte, initialement destiné à l’acteur-directeur John Hare, se voit refusé en raison d’un dernier acte jugé insatisfaisant. C’est finalement Lewis Waller qui monte la pièce, obtenant un succès notable avec 111 représentations à l’Haymarket, suivies de 13 représentations supplémentaires au Criterion Theatre. La première publication en 1899, tirée à 1000 exemplaires, ne mentionne pas le nom de Wilde, alors en disgrâce, préférant la mention « Par l’auteur de L’Éventail de Lady Windermere ».

George Bernard Shaw salue particulièrement cette création théâtrale, soulignant la maîtrise dramaturgique de Wilde : « En un certain sens, M. Wilde est pour moi notre seul dramaturge complet. Il joue avec tout : avec l’esprit, la philosophie, le drame, les acteurs et le public, avec tout le théâtre. »

La dimension autobiographique de l’œuvre mérite d’être relevée. Selon le critique Bindon Russell, la pièce reflète la propre situation de Wilde, notamment à travers la thématique de la double vie et du scandale imminent lié à des secrets inavoués. Le personnage de Lord Goring incarne certains traits de Wilde lui-même : son esprit, sa perspicacité et sa compassion.

La longévité scénique d’ « Un mari idéal » s’avère remarquable. Entre 1992 et 1999, une mise en scène de Peter Hall totalise trois années de représentations, un record pour une pièce de Wilde. L’universalité des thèmes abordés – la corruption politique, le chantage, l’honneur public et privé – contribue à la pérennité de l’œuvre, régulièrement adaptée au théâtre, au cinéma et à la télévision dans de nombreux pays.

Les multiples adaptations cinématographiques, depuis la version allemande de 1935 jusqu’aux productions britanniques plus récentes avec des distributions prestigieuses (notamment celle de 1999 avec Julianne Moore, Minnie Driver et Cate Blanchett), témoignent de la modernité persistante du propos.

Aux éditions FOLIO ; 320 pages.


8. Salomé (pièce de théâtre, 1891)

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Résumé

Dans la Judée antique, sur la terrasse du palais d’Hérode, le prophète Jokanaan (Jean-Baptiste) croupit au fond d’une citerne. Ses imprécations contre la reine Hérodias, qui a épousé son beau-frère, résonnent dans la nuit claire. La princesse Salomé, attirée par cette voix mystérieuse, ordonne qu’on fasse sortir le prisonnier. Elle succombe immédiatement à une passion dévorante, mais le saint homme la repousse avec véhémence.

Lors d’un banquet, Hérode, fasciné par sa belle-fille, la supplie de danser pour lui. Salomé refuse d’abord, puis accepte en échange d’une promesse : le tétrarque devra lui accorder ce qu’elle souhaite. Elle exécute alors la danse des sept voiles. Quand vient le moment de formuler sa requête, elle réclame la tête de Jokanaan sur un plateau d’argent.

Autour de la pièce

La genèse de « Salomé » se révèle particulièrement singulière : Wilde choisit d’écrire cette pièce en français plutôt que dans sa langue maternelle. Il confie à Edmond de Goncourt en 1891 qu’il se sent « Français dans son cœur, Irlandais de naissance, et condamné par les Anglais à parler la langue de Shakespeare ». Cette décision linguistique s’accompagne d’une réinvention radicale du récit biblique original.

L’œuvre bouscule les codes de son époque, notamment par sa charge érotique et son traitement iconoclaste des personnages sacrés. La censure britannique interdit d’ailleurs sa représentation sous le prétexte officiel qu’il était illégal de mettre en scène des figures bibliques. Indigné par cette interdiction, Wilde menace même de renoncer à sa nationalité britannique pour devenir citoyen français.

« Salomé » se distingue par son architecture symboliste, notamment à travers l’omniprésence de la lune qui reflète les états d’âme des protagonistes. Les critiques soulignent également l’influence des poètes de cour du royaume d’Israël dans l’imaginaire développé par Wilde, avec une référence appuyée à la déesse Cybèle.

L’histoire éditoriale de l’œuvre mérite attention : publiée en français en 1893, elle est dédiée à Pierre Louÿs qui n’y apporte que des corrections mineures. La traduction anglaise de 1894 s’avère plus complexe : initialement confiée à Lord Alfred Douglas, elle déçoit Wilde qui finit par la reprendre lui-même tout en maintenant la dédicace à Douglas.

La postérité de « Salomé » dépasse largement le cadre théâtral. Richard Strauss s’en empare pour créer son opéra éponyme en 1905, qui connaît un tel succès qu’il éclipse presque la pièce originale. Les arts plastiques s’en inspirent abondamment, des célèbres illustrations d’Aubrey Beardsley en 1894 jusqu’aux lithographies de Toulouse-Lautrec pour le programme de la première parisienne en 1896.

En 2017, la Royal Shakespeare Company propose une version « gender fluid » avec un acteur masculin dans le rôle-titre. Les multiples adaptations cinématographiques, de la version muette de 1908 avec Florence Lawrence jusqu’à celle d’Al Pacino en 2013 avec Jessica Chastain, attestent de la force narrative et visuelle de cette œuvre qui ne cesse d’interpeller les créateurs.

Aux éditions FOLIO ; 160 pages.

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