Jean-Paul Sartre (1905-1980) est l’une des figures intellectuelles majeures du XXe siècle. Né et mort à Paris, il est le chef de file de l’existentialisme. Il marque son époque tant par son œuvre philosophique (« L’Être et le Néant ») et littéraire (« La nausée », « Huis clos ») que par ses engagements politiques à gauche.
Compagnon de Simone de Beauvoir, il refuse systématiquement les honneurs institutionnels, notamment le Prix Nobel de littérature en 1964, pour « préserver sa liberté intellectuelle ». Directeur de la revue « Les Temps modernes », il incarne la figure de l’intellectuel engagé d’après-guerre, militant successivement aux côtés des communistes puis des maoïstes dans les années 1970.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. La nausée (1938)
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Publié en 1938, « La nausée » raconte le quotidien d’Antoine Roquentin, un historien trentenaire qui s’est installé à Bouville, une ville imaginaire inspirée du Havre. Il y rédige une biographie sur le marquis de Rollebon, un aristocrate du XVIIIe siècle. Rentier solitaire, Roquentin passe ses journées entre la bibliothèque municipale et les cafés de la ville.
Un malaise diffus s’empare peu à peu de lui. Ce sentiment étrange, qu’il nomme « la nausée », transforme son rapport aux objets et aux êtres qui l’entourent. Le monde lui apparaît soudain dans toute son absurdité, dépourvu de sens et de nécessité. Les choses les plus banales – un galet sur la plage, la racine d’un marronnier, sa propre main – deviennent source d’un profond dégoût existentiel.
Le récit, écrit sous forme de journal intime, alterne entre les observations musclées de Roquentin sur la bourgeoisie provinciale, ses conversations avec l’Autodidacte (un clerc d’huissier croisé à la bibliothèque), et ses retrouvailles avec Anny, son ancienne maîtresse. À travers ce personnage en crise, Sartre pose les fondements de sa philosophie existentialiste : l’homme, jeté dans un monde absurde, doit assumer sa liberté radicale.
Aux éditions FOLIO ; 249 pages.
2. Le mur (1939)
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« Le mur », seul recueil de nouvelles de Jean-Paul Sartre, rassemble cinq textes publiés en 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Ils racontent le destin d’hommes et de femmes qui se heurtent à des obstacles infranchissables, qu’ils soient physiques ou psychologiques.
L’ouvrage tire son titre de la première nouvelle, qui se déroule pendant la guerre d’Espagne. Dans un sous-sol d’hôpital transformé en prison, trois hommes vivent leurs dernières heures avant leur exécution par les franquistes. Le narrateur nous livre ses pensées, ses sensations, sa peur qui se manifeste jusque dans son corps.
« La Chambre » met en scène un couple face à la démence. « Érostrate » suit les errances d’un tueur en puissance. « Intimité » narre l’histoire d’une femme enfermée dans un mariage malheureux. Le recueil se clôt sur « L’enfance d’un chef », le récit le plus long, qui retrace la formation idéologique d’un jeune homme jusqu’à son adhésion au fascisme.
Sartre évoque déjà les thèmes qui feront sa renommée : l’absurdité de l’existence, la responsabilité individuelle, l’enfermement psychologique. Son écriture tranchante évite le pathos pour mieux souligner la violence des situations et la complexité des personnages.
Aux éditions FOLIO ; 245 pages.
3. Les chemins de la liberté – L’âge de raison (1945)
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Paris, 1938. Mathieu, qui enseigne la philosophie, apprend que sa compagne Marcelle attend un enfant. Cette nouvelle ébranle leur équilibre précaire. Pour lui qui se définit par sa liberté absolue, la paternité semble impensable. Il n’a qu’une idée en tête : trouver l’argent pour financer un avortement sans risque. Son amie Sarah connaît les personnes à contacter, mais le temps presse.
Le récit suit la course effrénée de Mathieu dans Paris. Il multiplie les tentatives pour collecter la somme nécessaire, tandis que ses certitudes vacillent. La lassitude s’est installée dans sa relation avec Marcelle, et le trouble que lui cause Ivich, la sœur de son ancien élève Boris, ne fait qu’ajouter à sa confusion.
Premier volet des « Chemins de la liberté », ce roman de Sartre interroge les limites de la liberté individuelle, de l’engagement et de la responsabilité. Le personnage de Mathieu, dans son refus obstiné de tout lien, devient le symbole d’une liberté qui s’annule elle-même.
Aux éditions FOLIO ; 369 pages.
4. Les chemins de la liberté – Le sursis (1945)
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« Le sursis », deuxième tome de la trilogie « Les chemins de la liberté », se déroule durant les huit jours qui précèdent les accords de Munich, du 23 au 30 septembre 1938. À travers une multitude de personnages, le roman dépeint la France à la veille d’une possible entrée en guerre contre l’Allemagne nazie.
Au centre du récit se trouve Mathieu Delarue, professeur de philosophie désenchanté dans la trentaine, qui observe avec lucidité la montée des tensions. Autour de lui gravitent ses amis Daniel, Boris, Charles et Jacques, ainsi qu’une galerie de personnages issus de toutes les couches de la société française : ouvriers, bourgeois, militaires, commerçants. En parallèle, les grandes figures historiques – Hitler, Chamberlain, Daladier – apparaissent dans les coulisses des négociations diplomatiques.
Sartre emploie une technique narrative novatrice, le simultanéisme, qui entremêle les destins sans transition : une même phrase peut commencer dans un café parisien et se terminer dans un train de mobilisés. Cette construction traduit l’angoisse collective qui s’empare du pays, alors que la radio et les journaux diffusent heure après heure les nouvelles de la crise des Sudètes.
L’œuvre s’achève sur le retour de Daladier au Bourget, acclamé par une foule qui croit à la paix. Le Premier ministre français, qui vient de céder face à Hitler, murmure alors : « Les cons ! »
Aux éditions FOLIO ; 505 pages.
5. Les chemins de la liberté – La mort dans l’âme (1949)
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En 1949, Sartre publie « La mort dans l’âme », qui clôt sa trilogie « Les chemins de la liberté ». Le roman nous transporte dans les derniers jours de juin 1940, moment où la France s’écroule sous l’offensive allemande.
Le récit suit d’abord Mathieu Delarue, un soldat-philosophe qui végète depuis des mois dans une guerre qui lui semble irréelle. Las de cette existence passive, il choisit l’action et le sacrifice lors d’un ultime affrontement avec l’ennemi. L’auteur dessine une fresque en multipliant les points de vue sur la débâcle.
La narration bascule ensuite vers Brunet, un communiste capturé par les Allemands. Dans les camps de prisonniers, il poursuit son combat idéologique en tentant de convertir un codétenu à sa cause.
Aux éditions FOLIO ; 384 pages.