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Hunter S. Thompson en 5 livres – Notre sélection

Hunter S. Thompson en 5 livres – Notre sélection

Hunter S. Thompson naît le 18 juillet 1937 à Louisville, Kentucky, dans une famille conservatrice typique du Sud américain. Doté d’une intelligence précoce, il développe très tôt un goût pour la littérature et excelle au baseball dans sa jeunesse.

Sa carrière débute de manière mouvementée : après un bref passage dans l’Air Force dont il est renvoyé pour insubordination en 1957, il enchaîne les postes de journaliste, souvent ponctués de licenciements. Il travaille notamment pour le Time, où il se forme en recopiant les œuvres de Fitzgerald et Hemingway. Ses pérégrinations le mènent à Porto Rico, en Espagne, puis en Californie, où il écrit deux romans, dont « Rhum express », qui ne sera publié qu’en 1998.

Sa carrière prend un virage décisif en 1965 lorsqu’il infiltre le gang des Hell’s Angels pour écrire un article, puis un livre qui rencontre un grand succès. Cette expérience se termine dramatiquement par un passage à tabac, mais elle pose les bases de son style journalistique. En 1970, il crée le « journalisme gonzo » avec son article sur le Derby du Kentucky, un style caractérisé par une approche ultra-subjective et autobiographique.

Thompson s’installe dans le Colorado, à Woody Creek, où il mène une vie haute en couleur. Il se présente même comme candidat au poste de shérif du comté de Pitkin en 1970 avec un programme radical. Son chef-d’œuvre, « Las Vegas parano », paraît en 1971, suivi par une couverture mémorable de la campagne présidentielle pour Rolling Stone.

Grand amateur d’alcool, de drogues et d’armes à feu, Thompson met fin à ses jours le 20 février 2005 dans sa propriété de Woody Creek. Conformément à ses volontés, ses cendres sont dispersées depuis un canon placé au sommet d’une tour, lors d’une cérémonie financée par l’acteur Johnny Depp.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Las Vegas parano (roman, 1971)

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Résumé

En 1971, le journaliste Raoul Duke, alter ego de Hunter S. Thompson, part pour Las Vegas avec son avocat, le Dr Gonzo, afin de couvrir une course de motos, le Mint 400. Leur coffre regorge d’un impressionnant arsenal de drogues : « deux sachets d’herbe, soixante-quinze boulettes de mescaline, cinq feuilles de buvard d’acide particulièrement puissant, un demi-sel de cocaïne… ». Sous l’emprise de ces substances, Duke perçoit la clientèle du Mint Hotel comme des lézards géants. Incapable de rendre compte de la course dans son état, il reçoit une nouvelle mission : couvrir une convention policière sur les stupéfiants. S’ensuit une série d’épisodes hallucinés où les deux compères terrorisent une adolescente sous acide, perturbent un spectacle de Debbie Reynolds et sillonnent la ville dans un état second. Duke finit par accompagner Gonzo à l’aéroport avant de s’envoler lui-même pour Denver, laissant derrière lui une chambre d’hôtel dévastée.

Autour du livre

« Las Vegas parano » naît d’une commande banale : un reportage photo pour Sports Illustrated sur la course Mint 400. Thompson transforme cette mission en une œuvre majeure du journalisme gonzo, un style dont il est le pionnier, mêlant faits réels et fiction débridée. Le texte paraît d’abord en deux parties dans Rolling Stone en 1971, accompagné des illustrations caustiques de Ralph Steadman, avant d’être publié en livre l’année suivante.

L’histoire s’enracine dans deux véritables voyages effectués par Thompson avec l’avocat et activiste chicano Oscar Zeta Acosta en mars et avril 1971. Ces déplacements s’inscrivent initialement dans une enquête sur l’assassinat du journaliste Rubén Salazar par la police de Los Angeles. Las Vegas devient leur refuge pour discuter plus librement, loin des tensions raciales de Los Angeles.

Le livre transcende le simple récit de débauche pour dresser un portrait acide de l’Amérique post-années 60. Le passage dit « du discours de la vague » cristallise cette dimension : Thompson y évoque la fin d’une époque, celle où « l’énergie d’une génération entière atteignait son apogée ». Las Vegas incarne le revers grotesque du rêve américain, un temple de l’artifice et du consumérisme où tout s’achète, même l’illusion du bonheur.

La réception critique évolue significativement. D’abord déconcertée par sa structure éclatée et ses descriptions de consommation de drogues, la critique finit par reconnaître sa portée littéraire. Le New York Times le qualifie de « livre désespéré et important », tandis que Tom Wolfe y voit une « sensation épique brûlante ». L’écrivain Cormac McCarthy le considère comme « un classique de notre temps ».

Son influence perdure à travers de multiples adaptations : le film « Where the Buffalo Roam » en 1980 avec Bill Murray, puis la version de Terry Gilliam en 1998 avec Johnny Depp. Une adaptation en roman graphique voit le jour en 2015. Des références à « Las Vegas parano » parsèment la culture populaire, des paroles de chansons aux jeux vidéo, preuves de son statut d’œuvre culte.

Aux éditions FOLIO ; 304 pages.


2. Hell’s Angels (journalisme gonzo, 1967)

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Résumé

En 1965, Hunter S. Thompson s’immerge dans l’univers des Hells Angels, un club de motards californien redouté pour ses activités criminelles présumées. Après la publication d’un article sur le sujet dans The Nation, plusieurs éditeurs lui proposent d’écrire un livre. Thompson passe alors une année entière aux côtés des membres du club, particulièrement auprès des chapitres de San Francisco et Oakland, dirigés par Ralph « Sonny » Barger.

Malgré leur méfiance habituelle envers les journalistes, les Angels acceptent sa présence et se livrent avec sincérité, allant jusqu’à relire ses brouillons. Cette proximité prend fin brutalement lorsque Thompson est roué de coups par plusieurs membres pour avoir critiqué l’un d’entre eux, Junkie George, qui battait sa femme. Thompson avait alors lancé : « Seul un voyou frappe sa femme et son chien. » L’intervention des membres seniors met fin à l’agression.

Autour du livre

La genèse de « Hell’s Angels » remonte à mars 1965, quand Carey McWilliams, rédacteur en chef de The Nation, commande à Thompson un article sur les gangs de motards. La publication qui en découle suscite l’intérêt immédiat de plusieurs maisons d’édition, aboutissant à ce premier ouvrage publié chez Random House en 1967.

Thompson adopte une démarche journalistique périlleuse en s’annonçant d’emblée comme reporter auprès d’un groupe connu pour son aversion envers la presse. Cette transparence, conjuguée au parrainage de Birney Jarvis, lui garantit un accès privilégié à leur monde. Les Angels collaborent activement à son travail, acceptant d’être enregistrés et vérifiant même la véracité des faits rapportés dans ses ébauches.

Malgré une tournée promotionnelle chaotique, marquée par l’épuisement et l’alcool selon les propres aveux de Thompson, le livre reçoit un accueil critique favorable. The New York Times salue notamment sa capacité à dépeindre « un monde que la plupart d’entre nous n’oseraient pas imaginer ». Le livre soulève néanmoins la controverse, notamment de la part de la féministe Susan Brownmiller qui, dans son ouvrage « Against Our Will » (1975), critique vertement le traitement d’un viol collectif perpétré par les Angels.

« Hell’s Angels » marque un tournant décisif dans la carrière de Thompson. Bien qu’il ait déjà publié de nombreux articles dans divers journaux et magazines, cet ouvrage lui offre pour la première fois une audience nationale. Paradoxalement, Thompson ne tire que peu de bénéfices financiers des premières éditions, une situation qu’il impute à une succession d’agents et à son éditeur, Random House.

Aux éditions FOLIO ; 400 pages.


3. Rhum express (roman, 1998)

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Résumé

À la fin des années 1950, Paul Kemp, journaliste trentenaire en quête de changement, quitte New York pour Porto Rico où il rejoint la rédaction du San Juan Daily News. Dans cette île en pleine mutation, il découvre une équipe de reporters alcooliques et désabusés qui noient leur ennui dans le rhum bon marché. Entre les soirées arrosées chez Al’s, son bar de prédilection, et les articles bâclés pour un journal au bord de la faillite, Kemp s’éprend de Chenault, la compagne de son collègue Yeamon. Mêlé malgré lui à des combines immobilières douteuses, confronté à l’hostilité des locaux et à la corruption des expatriés américains, il observe la lente déchéance d’une île rongée par l’argent et l’impérialisme. Quand la violence éclate et que le journal ferme ses portes, Kemp n’a plus d’autre choix que de quitter ce paradis devenu enfer.

Autour du livre

« Rhum express » naît d’une expérience personnelle : en 1960, Hunter S. Thompson, alors âgé de 22 ans, s’installe à Porto Rico pour travailler comme journaliste sportif. Cette immersion dans l’univers des expatriés américains lui inspire ce roman qu’il rédige entre la Californie et le Colorado au début des années 1960. L’œuvre demeure inédite pendant près de quatre décennies, rejetée à sept reprises par les éditeurs, jusqu’à sa redécouverte fortuite par Johnny Depp en 1997 lors de la préparation du tournage de « Las Vegas parano ».

Cette chronique à la première personne préfigure déjà le journalisme gonzo qui fera la renommée de Thompson : une écriture nerveuse, subjective, imprégnée d’alcool et de désillusion. Le portrait qu’il dresse de Porto Rico résonne comme une critique acerbe de l’impérialisme américain. L’île apparaît comme un laboratoire du capitalisme où touristes débraillés et investisseurs corrompus côtoient une population locale hostile aux envahisseurs.

Le personnage de Paul Kemp incarne cette tension entre idéalisme et cynisme qui caractérise la jeunesse américaine de l’époque. « Comme presque tous mes semblables, j’étais un fouineur, un éternel insatisfait […] Je partageais l’optimisme fantasque qui nous faisait croire que certains d’entre nous allaient de l’avant […] Mais comme tant d’autres, j’avais aussi le sombre pressentiment que la vie que nous menions était une cause perdue. »

L’influence d’Hemingway transparaît dans cette quête existentielle noyée dans l’alcool, notamment son roman « Le soleil se lève aussi ». Thompson confie d’ailleurs avoir voulu écrire « le grand roman américain » pour « battre ce foutu Gatsby ». En 2011, Bruce Robinson adapte « Rhum express » au cinéma avec Johnny Depp dans le rôle principal.

Aux éditions FOLIO ; 336 pages.


4. Gonzo Highway (recueil de lettres, 2005)

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Résumé

« Gonzo Highway » rassemble la correspondance de Hunter S. Thompson entre 1968 et 1976, années où il forge sa réputation de journaliste iconoclaste. Les lettres suivent son installation à Woody Creek, Colorado, ses débuts prometteurs après le succès de « Hell’s Angels », et sa collaboration tumultueuse avec le magazine Rolling Stone. Thompson écrit à des personnalités aussi diverses que Jimmy Carter, Tom Wolfe ou Joan Baez, mais aussi à des éditeurs, des créanciers et même des chaînes de télévision. Sa plume acérée ne fait pas de prisonniers : il menace, invective, réclame ses honoraires impayés et défend farouchement son style journalistique unique, baptisé « gonzo ». À travers cette correspondance se dessine le portrait d’un écrivain perpétuellement fauché mais inflexible dans ses convictions, qui refuse obstinément d’entrer dans le moule que la société voudrait lui imposer.

Autour du livre

Cette correspondance déborde d’une énergie créatrice qui bouscule les conventions du journalisme traditionnel. Thompson y théorise sa vision du « journalisme gonzo » comme une méthode alliant « la plume d’un maître-reporter, le talent d’un photographe de renom et les couilles en bronze d’un acteur. » Pour lui, la fiction est « une passerelle vers la vérité que le journalisme ne peut pas atteindre. »

La période couverte par ces lettres correspond à l’apogée créatif de Thompson. Il s’attaque aux travers de l’Amérique avec une verve corrosive, prédisant dès 1965 l’élection de Reagan. Son style sans filtre et sa mauvaise foi assumée masquent une intelligence politique aiguë et une authentique préoccupation pour l’état de la démocratie américaine.

Le recueil expose aussi la précarité permanente du métier de pigiste : Thompson multiplie les réclamations d’honoraires impayés tout en refusant obstinément les compromis qui lui assureraient une situation plus stable. Cette intransigeance façonne son personnage d’écrivain marginal, triangle piquant impossible à faire entrer dans un moule rond.

Les lettres documentent ses méthodes de travail peu orthodoxes, comme lorsqu’il achète une moto pour infiltrer les Hell’s Angels, quitte à en sortir roué de coups. Cette immersion totale deviendra sa marque de fabrique : pour Thompson, la vérité journalistique ne peut émerger que d’une expérience vécue dans sa chair.

Les destinataires forment un kaléidoscope de l’Amérique des années 60-70 : présidents, écrivains célèbres, militants, mais aussi compagnies d’assurance et services de recouvrement. Thompson manie l’invective avec un talent jubilatoire, transformant même ses démêlés les plus triviaux en morceaux de bravoure littéraire.

Aux éditions FOLIO ; 640 pages.


5. Le marathon d’Honolulu (journalisme gonzo, 1983)

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Résumé

Au début des années 1980, le célèbre journaliste gonzo Hunter S. Thompson sort de sa retraite pour un reportage sur le marathon d’Honolulu. Ce qui devait être une simple couverture sportive se transforme en odyssée hallucinée sous le soleil hawaïen. Accompagné de son complice Ralph Steadman, Thompson délaisse rapidement son sujet initial pour s’adonner à ses excès habituels : alcool et substances psychotropes. L’équipe s’installe ensuite sur la côte de Kona où une tempête les confine plusieurs jours. Steadman, excédé, rentre en Angleterre avec sa famille. Thompson s’associe alors à Ackerman, un trafiquant de drogue local, pour une périlleuse expédition de pêche qui culminera avec la capture d’un énorme marlin. Ivre de sa victoire, Thompson se proclame réincarnation du dieu Lono, provoquant la colère des habitants. Pour échapper à la vindicte populaire, il trouve refuge dans un sanctuaire traditionnel où il compose le récit de ses mésaventures.

Autour du livre

Publié en 1983, « Le marathon d’Honolulu » témoigne des difficultés croissantes de Thompson à maintenir la magie de ses premières œuvres. La genèse même du livre s’avère chaotique : son éditeur, Alan Rinzler, doit littéralement voler le manuscrit, écrit sur des bouts de papier épars, pour mener le projet à terme.

Thompson y entremêle plusieurs strates narratives. Il y mêle son propre récit à des extraits du journal du Capitaine Cook, dans un parallèle saisissant entre leurs destins respectifs sur l’île. Cette structure composite inclut également des lettres personnelles et des passages des « Lettres d’Hawaï » de Mark Twain, donnant au texte une profondeur historique inattendue.

Les critiques de l’époque accueillent fraîchement l’ouvrage, y voyant une autoparodie du style gonzo qui fit la renommée de Thompson. Rob Fleder, son éditeur chez Playboy, peine à trouver des passages dignes d’être publiés, constatant une « dégénérescence » dans l’écriture de Thompson. Le livre disparaît rapidement des rayons après sa publication initiale, avant de connaître une renaissance en 2005 sous forme d’édition limitée à 1000 exemplaires, chacun signé par Thompson et Steadman.

L’observation sociale n’est pas absente du récit. Thompson s’interroge notamment sur la transformation des militants des années 60 en joggeurs obsessionnels : « Courir pour la vie… le sport, parce qu’il ne reste plus que ça. » Cette métamorphose symbolise pour lui l’épuisement des idéaux contestataires face à l’Amérique reaganienne.

En 2017, une adaptation cinématographique est annoncée avec Steve Pink à la réalisation et un scénario de JD Rosen, mais le projet ne semble pas avoir abouti. L’héritage du livre reste ambigu : certains y voient un ultime feu d’artifice du journalisme gonzo, d’autres le symptôme d’un talent qui s’étiole. Il demeure néanmoins un précieux témoignage sur les transformations de l’Amérique au début des années 80, observées depuis les marges ensoleillées d’Hawaï.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.

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