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Francis Scott Fitzgerald en 7 livres – Notre sélection

Francis Scott Fitzgerald en 7 livres – Notre sélection

Francis Scott Fitzgerald naît le 24 septembre 1896 à Saint Paul, dans le Minnesota, au sein d’une famille catholique de la petite bourgeoisie. Très tôt, il manifeste un vif intérêt pour la littérature. Après des études à Princeton où il rencontre des amis qui marqueront sa carrière, comme Edmund Wilson, il s’engage dans l’armée en 1917 durant la Première Guerre mondiale.

C’est lors de son service militaire qu’il rencontre Zelda Sayre, une jeune femme du Sud issue de la haute société. Pour la conquérir, il écrit son premier roman « L’envers du paradis » qui connaît un immense succès dès sa publication en 1920. Le couple se marie la même année et devient l’incarnation de l’ère du Jazz, menant une vie fastueuse et excessive.

Les Fitzgerald s’installent en France au début des années 1920, où Scott écrit son chef-d’œuvre « Gatsby le Magnifique » (1925). Malgré les éloges de la critique, le roman ne rencontre pas le succès commercial espéré. La santé mentale de Zelda se dégrade progressivement, et elle est diagnostiquée schizophrène en 1930.

Pour subvenir aux frais médicaux de son épouse et maintenir son train de vie, Fitzgerald écrit de nombreuses nouvelles pour des magazines. Il lutte contre l’alcoolisme tout en travaillant sur son dernier roman achevé, « Tendre est la nuit » (1934). En 1937, il tente une nouvelle carrière à Hollywood comme scénariste, où il entame une relation avec la journaliste Sheilah Graham.

Fitzgerald meurt d’une crise cardiaque le 21 décembre 1940 à Hollywood, à l’âge de 44 ans, alors qu’il travaille sur son dernier roman inachevé « Le dernier nabab ». Son œuvre, notamment « Gatsby le Magnifique », connaît une reconnaissance posthume et est aujourd’hui considérée comme l’une des plus importantes de la littérature américaine du XXe siècle.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Gatsby le Magnifique (roman, 1925)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Été 1922. Nick Carraway, jeune agent de change, s’installe à West Egg, banlieue huppée de New York, dans une modeste maison voisine de la somptueuse propriété de Jay Gatsby. Ce mystérieux millionnaire organise chaque semaine des fêtes grandioses auxquelles affluent les mondains, sans jamais y participer lui-même. Nick découvre que Gatsby nourrit depuis cinq ans une passion dévorante pour sa cousine Daisy Buchanan, qu’il a connue avant la guerre. Désormais mariée au riche et infidèle Tom Buchanan, Daisy vit à East Egg, de l’autre côté de la baie. Gatsby, qui s’est enrichi par des moyens douteux, n’a acquis cette villa que pour se rapprocher d’elle. Grâce à Nick qui organise leurs retrouvailles, Gatsby et Daisy renouent leur idylle. Mais la fête ne durera qu’un temps.

Autour du livre

Chef d’œuvre absolu de la littérature américaine, « Gatsby le Magnifique » occupe une place centrale dans l’imaginaire collectif des États-Unis. Son influence considérable tient autant à sa peinture des années folles qu’à sa méditation sur les mythes fondateurs de l’Amérique. À sa parution en 1925, les ventes ne dépassent pas 20 000 exemplaires malgré des critiques globalement favorables. La reconnaissance arrive pendant la Seconde Guerre mondiale : le Council on Books in Wartime distribue 155 000 exemplaires aux soldats américains. Cette diffusion massive propulse l’œuvre au rang de classique incontournable.

La genèse de « Gatsby le Magnifique » s’enracine dans l’expérience personnelle de Fitzgerald à Great Neck, Long Island, où il s’installe en 1922. Le voisinage compte alors des figures du show-business comme Ring Lardner et Ed Wynn, mais aussi des bootleggers tels que Max Gerlach, probable inspiration du personnage de Gatsby. L’histoire d’amour impossible entre Gatsby et Daisy fait écho à la relation de Fitzgerald avec Ginevra King, qui le rejeta pour sa modeste extraction sociale.

Le titre définitif ne s’impose qu’après de nombreuses hésitations. « Trimalchio in West Egg », « Among Ash-Heaps and Millionaires », « Under the Red, White, and Blue » figurent parmi les alternatives envisagées avant que l’éditeur Maxwell Perkins ne persuade Fitzgerald d’opter pour « The Great Gatsby ».

Les multiples niveaux de lecture confèrent au roman sa profondeur exceptionnelle. Le personnage de Meyer Wolfsheim s’inspire d’Arnold Rothstein, figure centrale du scandale des « Black Sox » de 1919. L’affaire Hall-Mills, qui secoua l’Amérique en 1922, aurait influencé certains aspects de l’intrigue. Les symboles – la lumière verte, les yeux du Dr T.J. Eckleburg, la vallée des cendres – nourrissent depuis des générations les interprétations des critiques.

L’impact culturel de « Gatsby le Magnifique » se mesure à ses innombrables adaptations. Quatre versions cinématographiques majeures jalonnent le XXe siècle, de la version muette de 1926 à celle de Baz Luhrmann en 2013. Le roman inspire également une pièce de théâtre à Broadway (1926), un opéra de John Harbison (1999) et même des jeux vidéo. La Modern Library le classe deuxième meilleur roman de langue anglaise du XXe siècle.

La modernité saisissante du texte tient à sa critique implacable du rêve américain. Les questions de classe sociale, d’identité et d’argent résonnent particulièrement dans l’Amérique contemporaine. Il constitue également un précieux document historique sur les années 1920. La prohibition, le jazz, l’émancipation des femmes et l’enrichissement rapide d’une nouvelle classe sociale composent la toile de fond de ce portrait sans concession de l’aristocratie américaine. Les descriptions minutieuses des fêtes de Gatsby capturent l’atmosphère frénétique de l’époque.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 224 pages.


2. Tendre est la nuit (roman, 1934)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Été 1925, French Riviera. Le charismatique docteur Dick Diver et son épouse Nicole, une riche héritière, éblouissent la jet-set américaine expatriée. Leur villa est l’épicentre de la vie mondaine. Subjuguée par le magnétisme du couple, Rosemary, jeune starlette, s’éprend de Dick dès leur rencontre sur la plage.

Mais derrière cette façade idyllique se dissimule un lourd secret. Avant d’épouser Nicole, Dick était son thérapeute. Celle-ci souffre de troubles psychologiques depuis l’enfance, séquelles d’un traumatisme familial. Leur mariage n’est peut-être pas le fruit d’un amour sincère, mais d’une dépendance malsaine. Peu à peu, l’édifice se lézarde. Fragilisé par l’alcool et les responsabilités, Dick s’effondre tandis que Nicole, guérie, s’émancipe.

Autour du livre

« Tendre est la nuit » est certainement l’œuvre la plus personnelle de Fitzgerald. Neuf années de gestation donnent naissance à ce roman qui puise dans les tourments intimes de l’auteur : l’internement de son épouse Zelda pour schizophrénie, sa liaison avec l’actrice Lois Moran, et sa propre descente dans l’alcoolisme. Le titre, emprunté à l’Ode à un rossignol de Keats, suggère la fragilité des moments de grâce.

La désintégration du couple Diver reflète les préoccupations profondes de Fitzgerald : l’échec des idéaux, la corruption par l’argent, l’impossibilité de maintenir les apparences. Les personnages principaux empruntent à l’entourage de l’auteur : Rosemary s’inspire de Lois Moran, tandis que Gerald et Sara Murphy nourrissent les figures des Diver.

La genèse du roman se révèle particulièrement complexe. Les premières versions, entamées dès 1925, mettent en scène un technicien d’Hollywood avec sa mère dominatrice. C’est la maladie mentale de Zelda qui réoriente le récit vers l’histoire d’un psychiatre et de sa patiente. Six versions se succèdent avant la publication en feuilleton dans Scribner’s Magazine en 1934.

L’accueil initial s’avère mitigé. En pleine Dépression, ce portrait de privilégiés des années folles trouve peu d’écho. Les ventes modestes – 12 000 exemplaires – contrastent avec les 50 000 de « L’envers du paradis ». Hemingway défend pourtant l’ouvrage, notant qu’il « s’améliore avec le temps ». La postérité lui donne raison : en 1998, la Modern Library le classe au 28ème rang des cent meilleurs romans anglophones du XXe siècle.

Deux versions coexistent aujourd’hui : l’originale de 1934 avec ses flashbacks, et celle réorganisée chronologiquement par Malcolm Cowley en 1948. Le roman inspire plusieurs adaptations, dont un film en 1962 avec Jason Robards et Jennifer Jones, et une mini-série BBC en 1985 avec Peter Strauss et Mary Steenburgen.

Aux éditions FOLIO ; 512 pages.


3. Beaux et damnés (roman, 1922)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

1913. Anthony Patch mène une vie oisive à New York, attendant d’hériter de la fortune colossale de son grand-père. Sa rencontre avec la belle Gloria Gilbert, une séduisante mondaine, bouleverse son existence. Après des fiançailles fulgurantes, ils se marient et s’adonnent à une vie de plaisirs effrénés, multipliant fêtes somptueuses et dépenses extravagantes. Leur bonheur initial se délite peu à peu, miné par l’alcool et leurs caractères égocentriques. Quand le grand-père d’Anthony découvre leur mode de vie dissolu, il les déshérite. La Première Guerre mondiale éclate et Anthony part servir dans l’armée, où il entretient une liaison avec Dot Raycroft. À son retour, le couple s’enfonce dans une spirale destructrice.

Autour du livre

Publié en 1922, « Beaux et damnés » puise sa matière dans l’expérience personnelle de Fitzgerald. Il y transpose les premières années tumultueuses de son mariage avec Zelda Sayre, qu’il épouse en 1920 à la cathédrale Saint-Patrick de New York. Le couple s’installe au Biltmore Hotel où leur comportement excentrique – lui fait le poirier dans le hall, elle glisse le long des rampes d’escalier – finit par lasser la direction qui leur demande de partir.

La genèse du roman s’étale d’août 1920 à mars 1922. Fitzgerald rédige plusieurs versions, affinant sa construction sous les conseils avisés d’Edmund Wilson et de son éditeur Max Perkins. Il paraît d’abord en feuilleton dans le Metropolitan Magazine, rapportant 7000 dollars à son auteur, avant d’être publié chez Scribner’s qui en tire 20 000 exemplaires. Le succès commercial nécessite un retirage de 50 000 exemplaires supplémentaires.

L’accueil critique se révèle contrasté. Si certains regrettent l’abandon de la légèreté de « L’envers du paradis », d’autres comme H.L. Mencken saluent la maturité nouvelle de l’écriture. Le critique John V. A. Weaver prédit même que Fitzgerald deviendra l’un des plus grands auteurs américains. En avril 1922, un mois après la publication, Zelda signe une critique satirique dans le New-York Tribune, suggérant avec malice que son mari aurait plagié son journal intime. Cette boutade, orchestrée par l’humoriste Burton Rascoe pour faire parler du livre, alimentera des décennies plus tard des spéculations infondées sur une possible co-écriture du roman.

Le roman connaît deux adaptations cinématographiques : la première en 1922 par William A. Seiter, que Fitzgerald qualifie de « vulgaire » et « bâclée », la seconde en 2010 par Richard Wolstencroft. La question de la vocation – ou plutôt de son absence – constitue le cœur thématique de l’œuvre selon le spécialiste James L. W. West III. Fitzgerald lui-même portera un regard sévère sur ce roman, regrettant dans une lettre à Zelda son manque de maturité : « J’aurais aimé que Beaux et damnés soit écrit avec plus de maturité car tout y était vrai. Nous nous sommes détruits nous-mêmes. »

Aux éditions FOLIO ; 560 pages.


4. L’envers du paradis (roman, 1920)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Amérique, années 1910. Amory Blaine, jeune homme du Midwest issu d’une famille aisée, entre à l’université de Princeton. Convaincu qu’un destin exceptionnel l’attend, il mène une existence insouciante entre études de lettres et conquêtes amoureuses. Sa première histoire avec Isabelle Borgé se termine rapidement dans la désillusion. La Première Guerre mondiale éclate et Amory part servir sur le front. Le conflit terminé, Amory découvre que sa mère a dilapidé la fortune familiale. Sans le sou, il s’éprend de Rosalind, une mondaine qui le rejette pour un parti plus avantageux. Dévasté, Amory noie son chagrin dans l’alcool avant de rencontrer Eleanor Savage, une jeune femme libre-penseuse qui le conduit à une profonde remise en question existentielle.

Autour du livre

Premier roman de F. Scott Fitzgerald publié en 1920, « L’envers du paradis » connaît un succès fulgurant. Les 3000 exemplaires du premier tirage s’épuisent en trois jours, propulsant son auteur de 23 ans au rang de célébrité nationale. Le titre est emprunté au poème « Tiare Tahiti » de Rupert Brooke.

La genèse du roman révèle un parcours tortueux. Fitzgerald compose une première version en 1917, « The Romantic Egotist », alors qu’il est mobilisé dans l’armée. Convaincu de sa mort prochaine dans les tranchées, il souhaite laisser une trace. Le manuscrit est refusé deux fois par Scribner’s avant que l’éditeur Maxwell Perkins ne menace de démissionner si la maison d’édition ne publie pas ce texte qu’il juge révolutionnaire.

L’impact culturel s’avère considérable. « L’envers du paradis » cristallise les débats sur la jeunesse de l’après-guerre et ses mœurs jugées dissolues. Fitzgerald devient malgré lui le porte-parole d’une génération en rupture avec les valeurs traditionnelles. Cette notoriété soudaine lui permet d’épouser Zelda Sayre, qui avait jusque-là repoussé ses avances, doutant de ses capacités à subvenir à ses besoins.

L’accueil critique se révèle contrasté. Si H.L. Mencken salue « un premier roman véritablement étonnant », l’université de Princeton réagit avec hostilité. Le président John Grier Hibben écrit personnellement à Fitzgerald pour déplorer sa description de l’institution comme un « country club » peuplé de snobs. Controverse qui pousse l’écrivain à bouder son alma mater pendant sept ans.

La construction atypique mêle récit, poèmes, lettres et dialogues théâtraux. Cette forme éclatée résulte de la fusion entre « The Romantic Egotist » et divers textes non publiés. Les maladresses stylistiques abondent mais la vitalité du propos compense ces imperfections formelles. Edmund Wilson note que le roman « présente presque tous les défauts possibles » tout en reconnaissant sa force novatrice.

Aux éditions GALLIMARD ; 352 pages.


5. Le dernier nabab (roman inachevé, 1941)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Hollywood, 1935. Le producteur Monroe Stahr dirige d’une main de maître son empire cinématographique, hanté par le souvenir de son épouse Minna, une actrice disparue prématurément. Une nuit, lors d’un séisme qui secoue les studios, il croise le regard de Kathleen Moore, sosie troublant de sa femme défunte. S’ensuit une liaison passionnée, mais éphémère : Kathleen, fiancée à un autre, choisit d’honorer ses engagements. En parallèle, Pat Brady, partenaire commercial de Stahr, fomente sa destitution, pendant que sa fille Cecilia, narratrice du roman, voue au producteur un amour sans retour. Dans un climat de plus en plus hostile, où s’entremêlent revendications syndicales et luttes de pouvoir, Stahr engage un tueur pour éliminer Brady.

Autour du livre

« Le dernier nabab » constitue le chant du cygne de F. Scott Fitzgerald, interrompu par sa mort en 1940. L’idée du roman germe dès 1931, lors de sa rencontre avec Irving Thalberg, figure légendaire de la MGM dont il s’inspire pour créer Monroe Stahr. Cette œuvre posthume connaît plusieurs versions : d’abord publiée en 1941 sous le titre « The Last Tycoon » par Edmund Wilson, elle réapparaît en 1993 sous le titre « The Love of the Last Tycoon », dans une édition minutieusement reconstituée par Matthew J. Bruccoli.

Fitzgerald y déploie une narration hybride, alternant première et troisième personne. Si Cecilia Brady tient le fil conducteur du récit, certaines scènes se déroulent hors de sa présence. Cette technique novatrice permet d’appréhender l’histoire sous différents angles, certains épisodes étant même relatés deux fois.

J.B. Priestley n’hésite pas à affirmer qu’il « aurait préféré écrire ce roman inachevé plutôt que l’œuvre complète de nombreux romanciers américains admirés ». Cette reconnaissance posthume s’accompagne d’adaptations multiples : une version télévisée en 1957 avec Jack Palance, un film d’Elia Kazan en 1976 porté par Robert De Niro, une pièce de théâtre primée en 1998, jusqu’à une série Amazon en 2017 avec Matt Bomer.

Le monde hollywoodien des années 1930 sert de toile de fond à une méditation sur le pouvoir et la solitude. « Le dernier nabab » transcende la simple chronique des studios pour devenir une réflexion sur l’impossible quête de recommencement. La trame narrative, proche d’un montage cinématographique, enchaîne les scènes avec la précision d’un réalisateur, tandis que les dialogues ciselés révèlent les tensions sous-jacentes d’une industrie en pleine mutation.

Loin des envolées lyriques de ses œuvres précédentes, Fitzgerald use d’une prose épurée qui met en relief la désillusion d’une époque. Les moments d’intimité – comme la nuit d’amour dans la maison inachevée de Malibu sous la pluie – contrastent avec la brutalité des luttes de pouvoir. Une tension permanente entre aspiration romantique et réalité crue du monde des affaires.

Aux éditions FOLIO ; 256 pages.


6. Le diamant gros comme le Ritz (nouvelle, 1922)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1920, John T. Unger quitte sa ville natale de Hades pour intégrer une prestigieuse école privée près de Boston. Il s’y lie d’amitié avec le mystérieux Percy Washington. Ce dernier lui révèle que son père possède « un diamant gros comme le Ritz » et l’invite à passer l’été dans la propriété familiale du Montana. Cette vantardise s’avère être la stricte vérité : la propriété des Washington surplombe une montagne qui n’est qu’un immense diamant.

Sur place, John pénètre dans une dimension hallucinante, un royaume d’abondance et de démesure frôlant l’absurde. Chez les Washington, le faste est roi. Les domestiques noirs, maintenus dans l’ignorance, croient l’esclavage toujours en vigueur. Pour préserver leur secret, la famille a édifié un système impitoyable : les visiteurs sont systématiquement éliminés. John noue alors une idylle avec Kismine, la jeune sœur de Percy, mais découvre bientôt qu’il est promis au même sort funeste que les précédents invités.

Autour du livre

Cette nouvelle publiée en 1922 se distingue dans l’œuvre de Fitzgerald par son caractère hybride, mêlant réalisme social et éléments fantastiques. Initialement publiée sous le titre « The Diamond in the Sky » dans The Smart Set, elle peinait à trouver un éditeur en raison de cette singularité générique. La trame emprunte simultanément au conte de fées – avec son château isolé et sa princesse prisonnière – et au roman gothique, incarné par ce château énigmatique perché sur une montagne recelant de sombres secrets. Cette fusion des genres préfigure les développements ultérieurs du réalisme magique.

« Le diamant gros comme le Ritz » préfigure aussi « Gatsby le Magnifique », publié trois ans plus tard. On y retrouve déjà les thématiques majeures du chef-d’œuvre à venir : l’immersion d’un protagoniste modeste dans un univers d’opulence démesurée, les zones d’ombre qui entachent cette richesse, la dimension tragique du dénouement. La description onirique du château Washington, décrit comme un « paradis flottant » aux marbres qui « se fondent avec grâce », annonce les descriptions éthérées de la demeure de Gatsby.

Fitzgerald y déploie une critique musclée du capitalisme américain. Le nom même des protagonistes – qui revendiquent leur filiation avec George Washington – se mue en allégorie grinçante du rêve américain perverti. La montagne de diamant symbolise l’absurdité d’un système où la valeur ne réside que dans la rareté artificielle : sa révélation provoquerait l’effondrement du marché en rendant les diamants accessibles à tous. Les Washington maintiennent leur fortune au prix d’une violence systémique, illustrée par l’asservissement de leur personnel et l’élimination des témoins gênants.

« Le diamant gros comme le Ritz » a inspiré plusieurs adaptations notables : une pièce radiophonique dirigée par Orson Welles en 1945, un téléfilm en 1955 avec Lee Remick et Elizabeth Montgomery, ainsi qu’une adaptation en bande dessinée dans Mickey Mouse en 1956. Jimmy Buffett lui a consacré une chanson en 1995. Le critique Thomas Frank a établi un parallèle éclairant avec « La Grève » d’Ayn Rand, les deux œuvres mettant en scène une élite fortunée retranchée dans les Rocheuses – mais là où Rand glorifie ses protagonistes, Fitzgerald dévoile la monstruosité morale qui sous-tend leur empire.

Aux éditions FOLIO ; 96 pages.


7. L’étrange histoire de Benjamin Button (nouvelle, 1922)

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Résumé

En 1860, dans le Baltimore d’avant-guerre civile, Mr. et Mrs. Roger Button accueillent leur premier enfant. À leur stupéfaction, Benjamin naît avec l’apparence et les capacités d’un septuagénaire. Son père tente de lui imposer une vie normale d’enfant, mais Benjamin ne peut s’y résoudre. À vingt ans, il rencontre Hildegarde Moncrief qui, séduite par sa prétendue maturité, l’épouse. Leur bonheur initial s’effrite lorsque Benjamin rajeunit visiblement tandis qu’Hildegarde vieillit naturellement. Après s’être illustré dans la guerre hispano-américaine, Benjamin s’inscrit à Harvard où il excelle en football. Mais son rajeunissement inexorable le rattrape : trop jeune pour les études supérieures, il retourne vivre chez son fils Roscoe qui le traite avec condescendance. Benjamin poursuit sa régression jusqu’à l’enfance puis la petite enfance, perdant peu à peu ses souvenirs, avant de sombrer dans le néant.

Autour du livre

Cette nouvelle de Fitzgerald puise son inspiration dans une réflexion de Mark Twain qui déplorait que « la meilleure partie de la vie arrive au début et la pire à la fin ». Publiée en 1922 dans Collier’s Magazine puis intégrée au recueil « Tales of the Jazz Age », elle inverse la chronologie traditionnelle de l’existence humaine.

Cette fable sur le temps qui passe à rebours soulève des questionnements profonds sur l’identité et la condition humaine. Le personnage de Benjamin incarne le paradoxe d’une conscience prisonnière d’un corps qui évolue à contre-courant, créant des situations tantôt comiques, tantôt tragiques. Sa relation avec Hildegarde illustre particulièrement la cruauté de ce décalage temporel : leur amour est condamné par l’inexorable divergence de leurs trajectoires physiques.

La dimension satirique transparaît dans le traitement des conventions sociales et des préjugés de l’Amérique d’avant-guerre. Les réactions de l’entourage de Benjamin oscillent entre rejet et incompréhension, traduisant l’absurdité des normes établies. Les multiples théories avancées pour expliquer son état – de l’intervention diabolique à l’imposture – révèlent la propension humaine à rationaliser l’inexplicable.

« L’étrange histoire de Benjamin Button » a connu plusieurs adaptations, dont la plus notable reste celle de David Fincher en 2008, avec Brad Pitt dans le rôle-titre. Le film, bien que s’éloignant significativement du texte original, conserve l’essence de cette méditation sur le temps et la destinée. La condition singulière de Benjamin a même inspiré le nom donné à une forme rare de progéria, syndrome provoquant un vieillissement prématuré.

Aux éditions FOLIO ; 112 pages.

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