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Jack Ketchum en 3 thrillers – Notre sélection

Jack Ketchum en 3 thrillers – Notre sélection

Dallas William Mayr naît le 10 novembre 1946 à Livingston, New Jersey, de parents immigrés allemands. Fils unique, solitaire, il développe très tôt un goût pour les histoires et l’imaginaire. Dans sa chambre ou près du ruisseau bordant la maison familiale, le jeune Dallas invente des récits avec ses soldats en plastique et ses dinosaures. Sa mère, douée pour la couture, lui confectionne des costumes pour Halloween – Peter Pan et Superman sont ses préférés.

Après des études d’anglais à l’Emerson College de Boston, il exerce divers métiers : acteur, professeur, agent littéraire, vendeur de bois, serveur. Sa rencontre avec Robert Bloch, l’auteur de « Psycho », marque un tournant dans sa carrière – ce dernier devient son mentor jusqu’à sa mort en 1994. Un autre moment décisif est son passage comme agent littéraire d’Henry Miller.

À la fin des années 1970, il commence à publier des nouvelles dans des magazines sous le pseudonyme de Jerzy Livingston. Puis, dans les années 1980, il adopte le nom de plume Jack Ketchum –  inspiré du nom traditionnellement porté par les bourreaux britanniques (Jack Ketch) – sous lequel il devient un maître reconnu de l’horreur. Son écriture sans compromis lui vaut les éloges de Stephen King, qui le considère comme le deuxième plus important écrivain américain vivant après Cormac McCarthy.

Plusieurs de ses œuvres sont adaptées au cinéma, souvent avec sa participation au scénario. Il reçoit quatre fois le prestigieux Bram Stoker Award et, en 2014, un prix spécial pour l’ensemble de son œuvre – distinction partagée avec des auteurs comme Stephen King et Anne Rice. Jack Ketchum s’éteint le 24 janvier 2018 à New York, des suites d’un cancer. Il avait 71 ans.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Une fille comme les autres (1989)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans une petite ville américaine des années 1950, David, 12 ans, fait la connaissance de Meg et Susan, deux sœurs orphelines recueillies par leur tante Ruth Chandler après la mort de leurs parents dans un accident de voiture. Ruth, mère célibataire de trois garçons, est appréciée du voisinage pour sa tolérance envers les enfants du quartier, qu’elle laisse boire de la bière en cachette.

Mais rapidement, elle développe une animosité particulière envers Meg, qui se transforme peu à peu en véritable calvaire. La jeune fille est séquestrée dans l’abri anti-atomique de la cave, où elle subit des sévices de plus en plus graves, orchestrés par Ruth et exécutés par ses fils et d’autres enfants du voisinage.

David, qui éprouve des sentiments pour Meg, assiste en témoin impuissant à cette descente aux enfers. Tiraillé entre sa loyauté envers ses amis et son empathie pour la jeune fille, il reste longtemps paralysé avant de tenter d’intervenir. Mais son aide tardive ne pourra empêcher l’issue tragique.

Autour du livre

En transposant dans sa fiction l’authentique tragédie de Sylvia Likens, torturée à mort en 1965 par sa tutrice Gertrude Baniszewski, Jack Ketchum décide d’atténuer certains aspects de la réalité, jugés trop insoutenables. Cette distance volontaire avec les faits n’empêche pas le texte d’atteindre une puissance émotionnelle remarquable, saluée par Stephen King qui signe la préface et qualifie l’œuvre de « brillante ».

Le choix du narrateur, David, représente la clé de voûte narrative. D’abord témoin impuissant des événements à 12 ans, il relate son histoire trente ans plus tard, ce qui permet d’articuler innocence enfantine et conscience adulte. Cette dualité imprègne chaque page : « Les enfants se remettent vite et réapprennent la confiance et la compassion. Pas moi. Je n’ai pas pu. À cause de ce qui s’est passé après, de ce que j’ai fait et de ce que je n’ai pas fait. »

L’inscription des événements dans le contexte des années 1950 ajoute une dimension sociologique essentielle. L’Amérique d’avant la contre-culture, corsetée dans ses conventions, offre un terreau propice à cette tragédie où les enfants doivent obéissance absolue aux adultes. La présence de l’abri anti-atomique, symbole des angoisses de l’époque, se mue en instrument de torture, illustrant la perversion des valeurs de cette société.

En 2007, « Une fille comme les autres » trouve un nouveau public grâce à son adaptation cinématographique « The Girl Next Door ». La même année, un second film, « An American Crime », aborde directement l’affaire Sylvia Likens avec Ellen Page. Cette double adaptation témoigne de la résonance persistante de cette histoire dans l’imaginaire collectif américain.

La force du texte réside dans sa capacité à questionner la responsabilité morale des témoins passifs. David oscille entre désir et culpabilité : « Je ne pouvais pas partir. Pas avec les autres ici. D’ailleurs, je n’en avais pas envie. Je voulais voir. J’en avais besoin. La honte ne faisait pas le poids face au désir. » Cette ambivalence morale constitue le cœur battant du récit.

Aux éditions FOLIO ; 384 pages.


2. Fils unique (1995)

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Résumé

Au cœur du New Hampshire des années 1980, Lydia croit avoir trouvé le bonheur parfait en épousant Arthur Danse, un homme d’affaires respecté. La naissance de leur fils Robert semble sceller leur union idyllique. Mais progressivement, Arthur révèle sa véritable nature : violent avec sa femme, il abuse aussi sexuellement de leur enfant. Quand Lydia comprend l’ampleur des sévices, elle entame une procédure judiciaire qui se transforme en cauchemar kafkaïen : malgré les preuves, le système accorde des droits de visite au père, poussant Lydia à commettre l’irréparable pour sauver son fils.

Autour du livre

En découvrant un documentaire sur des femmes ayant commis l’irréparable face à un système judiciaire défaillant, Jack Ketchum s’empare de l’histoire de Sherry Moore Nance, une infirmière texane condamnée à perpétuité en 1989 pour avoir abattu son mari violent. Cette affaire criminelle, à peine modifiée dans « Fils unique », met en lumière les failles béantes d’un appareil judiciaire américain plus enclin à favoriser les bourreaux que leurs victimes.

Abandonnant les excès gore qui caractérisent certains de ses précédents ouvrages comme « Une fille comme les autres », Ketchum opte pour une narration clinique des événements, refusant tout sensationnalisme gratuit. Les scènes de violence, traitées avec une sobriété glaçante, servent uniquement à dénoncer l’inertie d’une justice aveugle aux drames familiaux. Cette retenue dans le traitement de sujets aussi difficiles que la pédophilie ou les violences conjugales renforce l’impact émotionnel du récit.

La narration alterne habilement entre le quotidien d’une famille en apparence ordinaire et les méandres kafkaïens d’une procédure judiciaire où chaque décision absurde précipite les protagonistes vers un dénouement tragique. Les chapitres courts maintiennent une tension constante, tandis que les passages consacrés au procès démontrent l’absurdité d’un système où les victimes se retrouvent accusées de folie pour avoir osé dénoncer leurs bourreaux.

Dans sa postface, Ketchum avoue que des éléments récents concernant la véritable Sherry Moore Nance le font douter de certaines de ses déclarations. Ces interrogations ne remettent toutefois pas en question la pertinence de son réquisitoire contre une justice sourde aux cris des victimes. Stephen King lui-même a salué la puissance de ce témoignage qui parvient à susciter l’indignation sans jamais sombrer dans le pathos ou la complaisance morbide.

Aux éditions BRAGELONNE ; 336 pages.


3. Comme un chien (avec Lucky McKee, 2016)

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Résumé

À Los Angeles, Delia Cross, 11 ans, mène une vie hors du commun. Enfant-star depuis son plus jeune âge, elle enchaîne publicités et castings sous la direction de sa mère Patricia, qui gère sa carrière d’une main de fer. Tandis que son père Bart dilapide l’argent en voitures de collection et que son frère jumeau Robbie vit dans son ombre, Delia trouve du réconfort auprès de Caity, sa chienne bouvier australien avec qui elle partage un lien presque surnaturel.

Alors qu’elle s’apprête à décrocher un rôle majeur dans une série télévisée, un incendie dramatique survient dans sa chambre. Sauvée in extremis par Caity, Delia en sort gravement défigurée. Sa mère, aveuglée par l’appât du gain, transforme cette tragédie en spectacle médiatique.

Autour du livre

Quatrième et dernière collaboration entre Jack Ketchum et Lucky McKee avant le décès du premier en janvier 2018, « Comme un chien » s’inscrit dans la lignée des œuvres précédentes de Ketchum comme « Une fille comme les autres » ou « Morte saison ». Sous ses apparences de thriller classique se dissimule une critique acerbe de l’industrie du divertissement et de l’exploitation des enfants stars.

À travers le personnage de Patricia Cross, mère obsédée par la réussite de sa fille qu’elle pousse sans relâche vers la célébrité, Ketchum décortique les mécanismes toxiques qui régissent certaines familles d’enfants acteurs. La cupidité parentale s’y manifeste dans toute sa noirceur, notamment après l’accident de Delia, quand sa mère transforme sa souffrance en spectacle médiatique lucratif. Cette thématique fait écho aux nombreux cas réels d’enfants stars brisés par le système hollywoodien.

La singularité de « Comme un chien » réside dans son traitement du lien entre Delia et sa chienne Caity. Les passages en italique donnant accès aux pensées de l’animal créent une dimension fantastique qui contraste avec la cruauté des relations humaines. Cette chienne, « peut-être même le personnage le plus humain ici », comme le note une critique, devient le miroir inversé de la bestialité des adultes qui entourent Delia.

Stephen King a d’ailleurs comparé le talent de Ketchum à celui de James Ellroy, Thomas Harris et Cormac McCarthy. Cette filiation littéraire se retrouve dans la manière dont « Comme un chien » mêle critique sociale et éléments surnaturels pour créer un malaise grandissant. Le titre original, « The Secret Life of Souls », évoque d’ailleurs plus directement cette dimension métaphysique que le titre français.

Aux éditions BRAGELONNE ; 288 pages.

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