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Les meilleurs roman de Yasunari Kawabata – Notre sélection

Yasunari Kawabata en 8 romans – Notre sélection

Yasunari Kawabata (1899-1972) est l’un des écrivains japonais les plus importants du XXe siècle, couronné par le prix Nobel de littérature en 1968. Né à Osaka pendant l’ère Meiji, il connaît une enfance marquée par le deuil : il perd ses parents très jeune et est élevé par ses grands-parents. Cette expérience précoce de la perte influencera profondément son œuvre.

Après des études de littérature à l’Université Impériale de Tokyo, il se fait connaître dans les années 1920 comme l’une des figures majeures de l’École des sensations nouvelles (Shinkankaku-ha), un mouvement d’avant-garde littéraire. Son premier succès majeur vient avec « La danseuse d’Izu » (1926), une nouvelle inspirée de sa rencontre avec une troupe de théâtre ambulant.

Son chef-d’œuvre « Pays de neige » (1947), ainsi que d’autres romans majeurs comme « Le Grondement de la montagne » (1954) et « Les Belles Endormies » (1961), témoignent de son style singulier mêlant tradition japonaise et modernité. Son écriture se caractérise par une recherche constante de la beauté, une grande sensibilité aux émotions et un style épuré proche de l’esthétique zen.

Tout au long de sa carrière, il développe une forme particulière de récits très courts qu’il appelle « Récits qui tiennent dans la paume de la main », publiés entre 1921 et 1964. Premier écrivain japonais à recevoir le prix Nobel de littérature, il met fin à ses jours en 1972 à Zushi, sans laisser d’explication.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Pays de neige (1947)

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Au début des années 1930, un dilettante de Tokyo du nom de Shimamura s’échappe de sa vie conjugale pour séjourner dans une station thermale isolée des Alpes japonaises. Dans le train qui l’y mène, il est troublé par la présence de Yoko, une jeune femme énigmatique au chevet d’un malade.

Sur place, il renoue avec Komako, une geisha rencontrée quelques mois plus tôt. Leur liaison se déploie au rythme des saisons, entre passion dévorante et retenue. Elle l’aime avec fougue et sincérité. Lui reste contemplatif, comme spectateur de leur histoire, hanté par l’image de Yoko qui rôde dans les parages.

« Pays de neige » est un roman qui excelle dans l’art de la suggestion. Kawabata construit son récit autour des non-dits et des silences, plus éloquents que les paroles échangées. Les sentiments intenses qui unissent Shimamura et Komako ne sont jamais décrits frontalement, mais transparaissent à travers le prisme des paysages et des sensations.

La structure du roman repose sur trois visites espacées dans le temps, ce qui crée un effet de discontinuité qui renforce l’impression d’irréalité. L’auteur enchevêtre les temporalités, en commençant par la deuxième visite avant de revenir sur la première, brouillant ainsi les repères chronologiques.

Le contraste entre les personnages principaux constitue l’un des ressorts essentiels de l’œuvre. Shimamura incarne la froideur contemplative, observant sa propre vie à distance, tandis que Komako représente la passion brûlante qui se consume. Yoko, figure mystérieuse, quasi spectrale, agit comme un miroir qui renvoie à Shimamura sa propre vacuité.

La neige omniprésente joue un rôle symbolique : sa blancheur évoque à la fois la pureté et la mort, le silence et l’effacement. Elle transforme le cadre du roman en un espace hors du temps, propice à une histoire d’amour qui ne peut exister que dans cet entre-deux.

Ce qui fait la force du roman tient aussi à sa dimension culturelle : il dépeint un Japon traditionnel à la veille de profonds bouleversements, où les codes ancestraux commencent à se fissurer face à la modernité.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 190 pages.


2. Les Belles Endormies (1961)

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Japon, années 1960. Le vieil Eguchi, 67 ans, découvre une maison close d’un genre singulier. L’établissement n’accueille que des hommes âgés, considérés comme « de tout repos » – entendez par là devenus impuissants. Ils peuvent y passer la nuit aux côtés de très jeunes femmes, endormies par de puissants narcotiques.

D’abord réticent, Eguchi revient pourtant nuit après nuit dans cette demeure au bord de la mer. Au fil de cinq visites, la présence de ces corps juvéniles fait ressurgir les souvenirs des femmes qui ont marqué son existence : son épouse, ses maîtresses, ses filles, sa mère.

« Les Belles Endormies » est une réflexion sur la vieillesse et le désir. La maison close où dorment les jeunes filles fonctionne comme une allégorie : ces corps inertes, à la fois présents et absents, incarnent l’inaccessibilité croissante du plaisir pour les vieillards qui les contemplent.

Le texte joue sur une série de contrastes saisissants : jeunesse/vieillesse, éveil/sommeil, désir/impuissance, vie/mort. L’écriture de Kawabata, d’une grande délicatesse malgré le caractère potentiellement sordide du sujet, tisse un réseau de correspondances entre les sensations physiques (odeurs, textures) et les souvenirs qu’elles éveillent chez le protagoniste.

Le roman peut se lire à plusieurs niveaux : comme une critique de la réification du corps féminin, une méditation sur le temps qui passe, ou encore une réflexion sur la persistance du désir face à la déchéance physique. La structure en cinq nuits permet à Kawabata d’explorer différentes facettes de son personnage, dont les souvenirs dessinent peu à peu un portrait en creux.

La fin énigmatique du texte, avec la mort mystérieuse d’une des jeunes filles, vient rappeler la présence constante de Thanatos derrière Eros. Cette ambiguïté finale reflète celle qui traverse tout le roman : entre onirisme et réalisme, sensualité et morbidité, beauté et décadence.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 124 pages.


3. Le Maître ou le tournoi de go (1951)

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En 1938, dans une auberge de la campagne japonaise se joue une partie de go historique. D’un côté, maître Shusai, 65 ans, figure légendaire du jeu, à la santé fragile mais à l’esprit encore affûté. De l’autre, Otaké, 30 ans, jeune joueur impétueux qui incarne une nouvelle génération. La partie va s’étendre sur six mois.

Le récit raconte cette confrontation à travers le regard d’Uragami, un journaliste mandaté pour couvrir l’événement. Il observe moins le jeu lui-même que la personnalité des joueurs, leurs réactions, leurs failles. Pendant que le Maître joue avec une lenteur méditative, tel un rituel sacré, Otaké adopte un style plus nerveux, calculateur, moderne.

Ce court roman de Kawabata se construit autour d’un paradoxe : il raconte un jeu tout en parlant d’autre chose. La partie de go qui oppose le vieux maître Shusai au jeune Otaké devient le miroir des mutations du Japon d’avant-guerre.

Le texte brille par sa composition en fragments. De brefs chapitres s’enchaînent comme autant de coups sur le plateau de jeu. Le narrateur alterne entre descriptions précises des stratégies et observations sur le comportement des joueurs. Cette double lecture crée un effet de profondeur : derrière les règles strictes du go se dessinent les tensions d’une société en plein bouleversement.

L’écriture de Kawabata atteint ici une forme de perfection minimaliste. Les phrases courtes, le vocabulaire choisi avec soin, l’absence d’effets dramatiques – tout concourt à créer une atmosphère de gravité retenue. La partie devient ainsi une sorte de cérémonie funèbre, un adieu à un monde sur le point de disparaître.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 157 pages.


4. Kyôto (1962)

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Au début des années 1960, Chieko travaille dans la boutique familiale de kimonos à Kyoto. Adoptée dès sa naissance par un couple de négociants en tissus, elle découvre à vingt ans l’existence de Naeko, sa sœur jumelle. Cette dernière vit dans les montagnes où elle participe à l’exploitation des cryptomères, ces grands conifères emblématiques du Japon.

Les retrouvailles des deux jeunes femmes se font sous le signe de la retenue. Malgré leur lien de sang, tout les sépare : leur éducation, leur milieu social, leur rapport aux traditions.

Dans une prose poétique, Kawabata compose un roman mélancolique sur le Japon d’après-guerre. Les fêtes traditionnelles et la beauté des paysages contrastent avec l’américanisation croissante de la société. Entre les deux mondes incarnés par les jumelles, le dialogue semble impossible.

L’écriture épurée de Kawabata, faite de non-dits et de silences éloquents, traduit la difficulté des personnages à communiquer et à surmonter les barrières sociales. La pudeur des sentiments, caractéristique de la littérature japonaise, trouve ici une résonance particulière dans le portrait de ces deux sœurs qui, malgré leur désir de rapprochement, restent prisonnières de leurs conditionnements respectifs.

En toile de fond, l’auteur brosse un tableau nostalgique du Kyoto ancestral, avec ses artisans, ses fêtes rituelles et sa nature sublimée. Cette évocation poétique d’un monde en voie de disparition reflète l’inquiétude de Kawabata face à la modernisation du Japon. Les traditions s’effritent, comme le commerce de kimonos du père adoptif de Chieko qui peine à survivre face à l’industrialisation.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.


5. Tristesse et Beauté (1965)

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À la veille du Nouvel An, Oki Toshio quitte Tokyo pour Kyoto. Cet écrivain célèbre souhaite écouter les cloches des monastères, mais son véritable but est de revoir Otoko. Vingt-quatre ans plus tôt, il avait entretenu avec elle une liaison passionnée qui s’était achevée dans le drame : enceinte à seize ans, Otoko avait perdu l’enfant et fait une tentative de suicide.

Le temps a passé. Otoko est maintenant une artiste-peintre respectée qui partage sa vie avec Keiko, son élève. Cette dernière, d’une beauté extraordinaire, voue à sa maîtresse un amour exclusif. Lorsqu’elle découvre les souffrances infligées jadis par Oki, elle entreprend une vengeance perverse en usant de ses charmes.

Le dernier roman de Kawabata reprend les thèmes qui lui sont chers : la passion amoureuse, la nostalgie du passé, l’art, la mort. Dans une atmosphère où la beauté côtoie sans cesse le tragique, il dévoile les tourments de personnages hantés par leurs désirs.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 190 pages.


6. Le Grondement de la montagne (1954)

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Une nuit d’été, Shingo perçoit un grondement sourd venant de la montagne. À soixante-deux ans, cet homme d’affaires japonais y voit l’annonce de sa fin prochaine. Nous sommes dans les années 1950, le pays se relève de la guerre, et Shingo sent ses forces décliner : sa mémoire flanche, ses amis meurent les uns après les autres.

Sa vie familiale elle aussi se dégrade peu à peu : son fils Shuichi trompe sa jeune épouse Kikuko, tandis que sa fille Fusako revient au domicile parental avec ses deux enfants après l’échec de son mariage. Shingo observe ces drames conjugaux avec impuissance. Il éprouve une tendresse particulière pour sa belle-fille Kikuko, qui lui rappelle la sœur de sa femme dont il était amoureux dans sa jeunesse.

Le roman évoque les pensées de ce vieil homme qui voit sa mémoire s’effriter et ses amis disparaître. La nature omniprésente – érables vermeils, tournesols, cerisiers – offre un contrepoint poétique à ses méditations sur le temps qui passe, les liens du sang et les occasions manquées.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 352 pages.


7. Nuée d’oiseaux blancs (1949)

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Dans le Japon des années 1950, Kikuji Mitani, un employé de bureau célibataire d’une trentaine d’années, vit seul dans la grande maison héritée de ses parents. Un jour, il reçoit une invitation à une cérémonie du thé organisée par Chikako Kurimoto, une ancienne maîtresse de son père.

À cette cérémonie se trouvent aussi Mme Ota, qui fut la maîtresse favorite de son père, accompagnée de sa fille Fumiko, ainsi que la jeune et gracieuse Yukiko Inamura. Entre ces quatre femmes va se nouer un drame où vont s’entremêler désir, culpabilité et manipulation.

Ce roman de Yasunari Kawabata installe une atmosphère d’une rare délicatesse où la cérémonie du thé devient le théâtre de passions souterraines. L’auteur y dépeint les tourments d’un jeune homme prisonnier du passé et des fantômes de son père, dans un Japon où traditions ancestrales et modernité s’entrechoquent.

Aux éditions SILLAGE ; 192 pages.


8. Le Lac (1954)

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Dans le Japon d’après-guerre, « Le Lac » raconte les déambulations de Gimpei Momoï, un homme d’une trentaine d’années hanté par ses pieds qu’il considère monstrueux. Autrefois enseignant, radié après une liaison avec une élève, il passe ses journées à suivre furtivement de jeunes inconnues dans les rues.

Le récit alterne entre le présent de Gimpei et les fragments de son passé : son enfance marquée par la mort mystérieuse de son père près d’un lac, son amour inavoué pour sa cousine Yagoï, sa relation avec son élève qui causa sa chute. À travers ces souvenirs se dessine le portrait d’un homme en perpétuelle quête d’une beauté inaccessible.

Dans ce court roman, Yasunari Kawabata dépeint avec une écriture épurée les errements d’un homme tourmenté. Entre désir et culpabilité, réalité et fantasmes, l’auteur compose une œuvre singulière qui tranche avec le reste de sa production littéraire par son atmosphère trouble et sa tonalité plus sombre.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 125 pages.

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