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Romans de Tahar Ben Jelloun – Notre sélection

Tahar Ben Jelloun en 8 romans – Notre sélection

Tahar Ben Jelloun est un écrivain et poète franco-marocain né le 1er décembre 1947 à Fès. Après une éducation bilingue arabo-française et des études de philosophie à l’université Mohammed V de Rabat, il s’installe à Paris en 1971 suite à l’arabisation de l’enseignement au Maroc.

À Paris, il poursuit des études en psychologie et obtient un doctorat de psychiatrie sociale en 1975. Sa carrière littéraire démarre dans les années 1970 avec la publication de poèmes et d’articles pour Le Monde. Il accède à la reconnaissance internationale avec son roman « L’enfant de sable » (1985), suivi de « La nuit sacrée » qui lui vaut le prix Goncourt en 1987, faisant de lui le premier auteur marocain à recevoir cette distinction.

Son œuvre, traduite en plus de quarante langues, aborde des thèmes comme l’immigration maghrébine, la place de la femme dans la culture musulmane, et les relations interculturelles. Il est également l’auteur d’ouvrages pédagogiques à succès comme « Le racisme expliqué à ma fille » (1998). Membre de l’Académie Goncourt depuis 2008, il partage aujourd’hui sa vie entre la France et Tanger, où il vit avec sa famille.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. L’enfant de sable (1985)

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Dans le Maroc traditionnel, un homme déshonoré par la naissance de sept filles décide que son huitième enfant sera un garçon, quoi qu’il arrive. Lorsque naît une nouvelle fille, il la prénomme Ahmed et l’élève comme un héritier mâle, avec la complicité de son épouse et d’une sage-femme. Seuls ces trois adultes connaissent la vérité.

La supercherie fonctionne pendant des années. Ahmed apprend à marcher, parler et se comporter en homme, tandis que ses sœurs se plient à son autorité. Mais l’adolescence fait vaciller ce fragile édifice : le corps se transforme, les émotions s’éveillent. Pour maintenir l’illusion jusqu’au bout, Ahmed va même jusqu’à épouser sa cousine épileptique. Ce mariage de façade ne fait qu’accentuer sa solitude. Dans l’intimité d’un journal, il/elle confie ses tourments.

Ce roman de 1985, inspiré d’une histoire vraie, se déploie à travers les voix de plusieurs conteurs qui se relaient sur une place de Marrakech. Chacun livre sa version de l’histoire d’Ahmed, transformant peu à peu le récit en légende. Cette construction kaléidoscopique questionne la place des femmes dans la société marocaine, mais aussi plus largement l’identité et la construction de soi face aux normes sociales.

Le livre connaît un important succès critique et public. Sa suite, « La nuit sacrée », reçoit le prix Goncourt en 1987. Une adaptation cinématographique des deux romans est réalisée en 1993 par Nicolas Klotz. J.M.G. Le Clézio salue « une aventure qui semble sortie tout droit des Mille et Une Nuits ».

Aux éditions POINTS ; 192 pages.


2. La nuit sacrée (1987)

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Dans une famille marocaine traditionnelle, une petite fille devient malgré elle l’instrument d’une imposture : son père, humilié de n’avoir que des filles, décide de l’élever comme un garçon. Elle grandit ainsi sous le nom d’Ahmed, prisonnière d’une identité masculine qui lui est imposée. La vingt-septième nuit du Ramadan, son père agonisant la délivre enfin de ce mensonge qui a façonné ses vingt premières années.

Libérée mais déracinée, elle prend le nom de Zahra et s’enfuit loin des siens. Son parcours initiatique la conduit d’abord dans un pays enchanteur peuplé d’enfants, avant de basculer brutalement dans la violence d’un viol. Elle trouve alors refuge auprès du « Consul », un homme aveugle dont la sœur, « l’Assise », règne sur un hammam. Une passion naît entre Zahra et le Consul, mais la jalousie destructrice de l’Assise va précipiter leur histoire vers un dénouement tragique.

Suite de « L’enfant de sable », ce roman qui valut le Goncourt 1987 à Tahar Ben Jelloun conjugue avec brio le conte oriental et la critique sociale. Le livre dépasse le simple récit d’émancipation pour questionner la condition féminine dans une société patriarcale, où la frontière entre réalité et imaginaire devient parfois aussi floue que celle séparant les genres.

Aux éditions POINTS ; 192 pages.


3. Au pays (2009)

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Dans la France des années 2000, Mohamed, un ouvrier marocain arrivé dans l’Hexagone en 1962, voit approcher l’heure de sa retraite avec angoisse. Pour lui qui a consacré quarante ans de sa vie à l’usine, cette « entraite » comme il la nomme représente une catastrophe, le début de la fin. Ses enfants, nés et élevés en France, se sont éloignés de leurs racines marocaines : l’un se fait appeler Richard plutôt que Rachid, une autre a épousé un Français.

Face à ce déracinement qui le mine, Mohamed décide de retourner dans son village natal au Maroc. Il y entreprend la construction d’une immense maison, destinée à accueillir toute sa famille. Dans son esprit, ce projet fou doit permettre de reconstituer la tribu dispersée, de renouer avec les traditions perdues. Mais ses enfants, ancrés dans leur vie française, ne partagent pas son rêve de retour aux sources.

À travers le destin de cet homme simple et droit, qui puise sa force dans un islam modéré et tolérant, le roman met en lumière les déchirements de la première génération d’immigrés maghrébins. Entre deux cultures, deux pays, deux époques, Mohamed incarne cette tragédie silencieuse des déracinés qui, au soir de leur vie, ne trouvent plus leur place nulle part. Sans jamais verser dans le pathos, le récit dépeint avec justesse les illusions et les désillusions de ces hommes qui ont quitté leur terre natale pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

Aux éditions FOLIO ; 176 pages.


4. Cette aveuglante absence de lumière (2001)

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En juillet 1971, des élèves officiers de l’Académie militaire marocaine participent à un attentat contre le roi Hassan II lors d’une garden-party dans sa résidence d’été de Skhirat. Après l’échec du coup d’État, les conjurés sont emprisonnés deux ans à Kenitra avant d’être transférés de nuit, les yeux bandés, vers le bagne secret de Tazmamart, perdu dans le désert du sud-est marocain.

Dans ce lieu conçu pour briser les hommes, les détenus sont enfermés dans des cellules de trois mètres sur un mètre cinquante, creusées sous terre et privées de toute lumière. Impossible de s’y tenir debout. La nourriture se limite à du pain rassis et quelques féculents. Les scorpions, le froid et l’humidité sont leurs seuls compagnons. Sur les cinquante-huit militaires incarcérés, seuls vingt-huit survivront aux dix-huit années de détention.

Le narrateur, un des détenus, raconte sa lutte quotidienne contre la folie et la mort. Pour tenir, il se réfugie dans la spiritualité, récite le Coran et partage avec ses codétenus les fragments littéraires mémorisés avant son incarcération : Balzac, Hugo, Camus.

Publié en 2001, ce texte s’inspire du témoignage d’Aziz Binebine, l’un des rescapés du bagne. Le livre a suscité la controverse : certains ont reproché à Ben Jelloun d’avoir attendu la fin du règne d’Hassan II pour l’écrire, d’autres ont critiqué l’utilisation de la première personne pour raconter l’histoire d’un autre. Ces débats n’ont pas empêché l’ouvrage d’être couronné par l’une des plus prestigieuses récompenses littéraires en 2004 : le prix IMPAC de Dublin.

Aux éditions POINTS ; 264 pages.


5. Partir (2006)

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Tanger, milieu des années 1990. Azel tue le temps au café Hafa en contemplant les côtes espagnoles. Malgré son diplôme en droit, ce jeune Marocain ne trouve pas de travail dans un pays rongé par la corruption. Son obsession : traverser les 14 kilomètres qui le séparent de l’Europe. Sa rencontre avec Miguel, un riche Espagnol qui s’éprend de lui, lui ouvre enfin les portes de Barcelone.

Le prix à payer est lourd : Azel doit devenir l’amant d’un homme qu’il n’aime pas. Sa sœur Kenza le rejoint grâce à un mariage blanc avec Miguel. Autour d’eux gravitent d’autres destins brisés : Malika qui décortique des crevettes dans une usine, Siham qui rêve de devenir infirmière, Mohammed-Larbi happé par les réseaux islamistes. Pour tous, le rêve européen vire au cauchemar. Entre désillusions et compromissions, chacun découvre que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.

Publié en 2006, ce livre résonne avec une actualité brûlante en donnant chair et voix aux drames de l’immigration clandestine. Sans apitoiement ni jugement moral, il dépeint une jeunesse marocaine prête à tout pour « brûler » – terme qui désigne à la fois la traversée illégale et la destruction des papiers d’identité. Cette fresque sociale décrit aussi la montée de l’islamisme radical comme seule alternative pour une génération sacrifiée.

Aux éditions FOLIO ; 336 pages.


6. Le mariage de plaisir (2016)

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Dans les années 1950, Amir, un commerçant prospère de Fès, se rend régulièrement au Sénégal pour ses affaires. Comme le permet l’islam, il contracte un « mariage de plaisir » – une union temporaire destinée aux hommes en déplacement – avec Nabou, une jeune Peule de Dakar. Ce qui ne devait être qu’un arrangement se transforme en passion : Amir décide de ramener Nabou au Maroc pour en faire sa seconde épouse.

Cette décision bouleverse l’équilibre familial. Lalla Fatma, la première épouse, voit d’un très mauvais œil l’arrivée de cette rivale à la peau noire. La naissance de jumeaux – l’un blanc, l’autre noir – cristallise toutes les tensions. Sur trois générations, le roman suit le destin contrasté de cette famille, marqué par le poids du racisme dans la société marocaine. Tandis que le jumeau à la peau claire s’intègre parfaitement, son frère à la peau noire se heurte sans cesse aux préjugés.

Publié en 2016, ce récit ouvre une brèche dans le silence qui entoure la question du racisme anti-noir au Maghreb. Sans jamais tomber dans le manichéisme, les personnages incarnent la complexité des rapports humains, notamment à travers la figure lumineuse de Karim, le fils trisomique d’Amir, seul capable de transcender les barrières de la couleur et des préjugés.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.


7. Le miel et l’amertume (2020)

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Tanger, début des années 2000. Malika et Mourad, un couple de la petite bourgeoisie marocaine, vivent reclus dans le sous-sol de leur maison depuis la mort de leur fille Samia. L’adolescente de seize ans, passionnée de poésie, s’est donné la mort après avoir été violée par un éditeur qui lui avait promis de publier ses textes.

Ce drame, révélé par la découverte tardive du journal intime de Samia, a fracturé la famille. Les parents, rongés par la culpabilité et les remords, se déchirent dans une haine quotidienne. Mourad, autrefois intègre, cède à la corruption ambiante sous la pression de sa femme. Malika s’enferme dans ses maux imaginaires et ses superstitions. Les deux fils cadets, tenus dans l’ignorance de ce qui est arrivé à leur sœur, fuient le foyer familial devenu toxique.

Dans ce huis clos étouffant surgit Viad, un jeune réfugié mauritanien. Sa présence bienveillante insuffle un peu de douceur dans l’existence moribonde du couple, comme une lueur d’espoir dans leur descente aux enfers.

Ce récit polyphonique, porté par les voix alternées du père, de la mère et de leur fille disparue, dévoile les failles d’une société marocaine corsetée par les traditions et la religion. Tahar Ben Jelloun, s’inspirant d’un fait divers qui a touché sa propre famille, brise le silence autour des violences sexuelles et de l’impunité dont jouissent leurs auteurs.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.


8. Sur ma mère (2007)

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Dans les derniers mois de sa vie, la mère de Tahar Ben Jelloun, atteinte de la maladie d’Alzheimer, se met à lui parler comme jamais auparavant. Son esprit vacillant la ramène dans le Fès des années 1930-1940, où elle fut mariée à quinze ans à un homme qu’elle ne connaissait pas. À travers ses confidences décousues, elle livre le récit d’une vie marquée par trois mariages, quatre enfants et un dévouement sans faille aux siens.

Entre les murs de la vieille médina de Fès, puis à Tanger, se dessine le portrait d’une femme presque illettrée qui n’a jamais contesté les traditions de son époque. Une existence ponctuée par le hammam, la cuisine, la mosquée – et surtout la prière constante pour le bonheur de ses enfants. Aux côtés de sa mère pendant cette période difficile, l’écrivain découvre une femme qu’il ne connaissait presque pas, dissimulée derrière des années de pudeur et de non-dits.

Publié en 2008, ce livre constitue bien plus qu’un simple témoignage sur la maladie d’Alzheimer. En reconstituant la vie de sa mère à partir de bribes de souvenirs, Ben Jelloun raconte la condition des femmes marocaines du siècle dernier, prises entre soumission apparente et force intérieure. Les deux personnages qui veillent jour et nuit sur Lalla Fatma révèlent aussi une réflexion sur la prise en charge des personnes âgées dans une société où les maisons de retraite n’existent pas.

Aux éditions FOLIO ; 288 pages.

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