Ray Bradbury naît le 22 août 1920 à Waukegan dans l’Illinois, dans un milieu modeste. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la lecture et passe de nombreuses heures à la bibliothèque publique de sa ville. La famille déménage plusieurs fois entre l’Illinois, l’Arizona et la Californie, avant de s’installer définitivement à Los Angeles en 1934.
Le jeune Bradbury commence à écrire très tôt et publie sa première nouvelle de science-fiction à 17 ans. Après ses études secondaires, plutôt que d’aller à l’université, il vend des journaux tout en continuant à se former en autodidacte à la bibliothèque. Il devient écrivain à temps plein en 1942.
Sa carrière décolle dans les années 1950 avec la publication de ses œuvres majeures : « Chroniques martiennes » (1950), « L’Homme illustré » (1951) et surtout « Fahrenheit 451 » (1953), son roman dystopique le plus célèbre. Il écrit également pour le cinéma, notamment le scénario de « Moby Dick » pour John Huston.
En 1947, il épouse Marguerite McClure, qui restera sa femme jusqu’à sa mort en 2003. Le couple a quatre filles. Au fil des décennies, Bradbury publie de nombreux romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtre et poèmes. Son style lyrique et son imagination fertile en font l’un des auteurs les plus importants de la science-fiction américaine, bien qu’il refuse souvent cette étiquette.
Après une attaque cérébrale en 1999, il continue d’écrire en dictant ses textes à ses filles. Il reste actif et engagé jusqu’à la fin, s’exprimant sur divers sujets de société. Ray Bradbury s’éteint le 5 juin 2012 à Los Angeles, à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui une œuvre majeure qui a profondément influencé la littérature et la culture populaire américaines.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Fahrenheit 451 (roman, 1953)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans un futur proche, les livres sont interdits. Les pompiers ont pour mission de les brûler. Tel est le point de départ de « Fahrenheit 451 », roman dystopique de Ray Bradbury paru en 1953.
Le personnage central, Guy Montag, est l’un de ces pompiers pyromanes. Il brûle les livres sans se poser de questions, jusqu’au jour où il croise le chemin de Clarisse. Cette jeune femme atypique va éveiller sa curiosité et semer le doute dans son esprit.
Montag commence alors à remettre en question les fondements de cette société où l’écrit est proscrit, où les écrans abrutissent les foules. Il se lance dans une rébellion silencieuse, commence à cacher des livres qu’il lit en secret. Mais dans un monde où la pensée individuelle est un crime, cette soif de connaissance pourrait lui coûter cher.
Autour du livre
La genèse de « Fahrenheit 451 » prend racine dans une rencontre fortuite : en 1949, un policier interpelle Ray Bradbury lors d’une promenade nocturne. À la question « Que faites-vous ? », l’écrivain répond avec ironie : « Je mets un pied devant l’autre. » Cette anecdote donne naissance à une nouvelle, « Le Piéton », qui deviendra le germe de son chef-d’œuvre dystopique.
Le contexte historique imprègne profondément l’œuvre. Les années 1950 voient les États-Unis submergés par la peur des « rouges » et le maccarthysme. Cette chasse aux sorcières contre les supposés communistes horrifie Bradbury, tout comme le souvenir des autodafés nazis qui hantent sa mémoire d’adolescent. « Quand j’avais quinze ans, Hitler brûlait des livres dans les rues de Berlin. Et cela me terrifiait », confie-t-il. La répression stalinienne ajoute une autre strate à ses inquiétudes : « Ils brûlaient les auteurs à la place des livres. »
Contrairement aux idées reçues, « Fahrenheit 451 » ne constitue pas tant une critique de la censure étatique qu’une mise en garde contre l’abrutissement volontaire de la société par les médias de masse. Bradbury lui-même insiste : ce n’est pas le gouvernement qui impose la destruction des livres, mais la population qui s’en détourne progressivement, préférant les distractions faciles de la télévision et de la radio.
Le succès du roman ne se dément pas depuis sa parution en 1953. Récompensé par le prix Hugo du meilleur roman en 1954, il inspire de nombreuses adaptations, dont la plus célèbre reste celle de François Truffaut en 1966. Sa portée symbolique dépasse le cadre littéraire : en 2015, le code d’erreur HTTP 451 est créé pour signaler les sites web censurés, en hommage direct au roman.
L’histoire éditoriale recèle quelques paradoxes savoureux. Entre 1967 et 1980, l’éditeur Ballantine Books publie une version expurgée destinée aux lycéens, censurant notamment les mots « enfer » et « damn ». Une ironie que Bradbury ne manque pas de relever : un livre dénonçant la censure se trouve lui-même censuré, à l’insu de son auteur.
Dans une interview de 1994, Bradbury réoriente son propos vers une nouvelle cible : le politiquement correct, qu’il considère comme « le véritable ennemi de nos jours » et une forme de « contrôle de la pensée et de la liberté d’expression ». Cette réinterprétation tardive souligne la malléabilité du texte, qui continue de résonner avec les préoccupations contemporaines.
Les prédictions technologiques parsemées dans le roman se révèlent étonnamment justes : écrans plats, écouteurs sans fil, guichets bancaires automatiques 24h/24. Mais Bradbury se définit comme « un empêcheur de futurs, pas un prédicteur. » Son œuvre ne cherche pas à prophétiser mais à prévenir.
Aux éditions FOLIO ; 224 pages.
2. Chroniques martiennes (recueil de nouvelles, 1950)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Avec ses « Chroniques martiennes », Ray Bradbury nous transporte sur la planète rouge au début du XXIe siècle. Les premiers colons terriens y découvrent une civilisation millénaire : celle des Martiens, êtres télépathes à la peau dorée habitant d’élégantes cités cristallines. Mais cette rencontre tourne au désastre – les Martiens succombent rapidement à un banal virus, la varicelle, qui anéantit leur peuple.
La planète désertée devient alors le refuge des Terriens fuyant une Terre au bord du gouffre, menacée par les conflits nucléaires. Par fusées entières débarquent colons, familles, religieux et minorités opprimées, tous porteurs d’espérances nouvelles. Pourtant, l’humanité ne tarde pas à reproduire sur Mars les travers qui ont causé sa perte : destruction de l’environnement, ségrégation raciale, société de consommation effrénée.
En 1997, les dates sont décalées de 31 ans dans le futur pour préserver la dimension prospective du récit.
L’Été de la fusée (janvier 1999/2030). Dans l’Ohio, le lancement d’une fusée vers Mars transforme brièvement l’hiver en été, créant un contraste saisissant entre le froid mordant et la chaleur intense du décollage.
Ylla (février 1999/2030). Sur Mars, Ylla, une Martienne mélancolique mariée à Yll, reçoit en rêve des visions prémonitoires d’un astronaute terrien, Nathaniel York. Elle fredonne une chanson terrienne qu’elle ne comprend pas et attend l’arrivée de cet étranger. Son mari, rongé par la jalousie, prétexte une partie de chasse pour aller assassiner les premiers explorateurs terrestres.
La Nuit d’été (août 1999/2030). Les Martiens se mettent soudainement à chanter des chansons terriennes inconnues, dont les paroles leur échappent. Cette manifestation télépathique annonce l’arrivée imminente de la deuxième expédition terrestre.
Les Hommes de la Terre (août 1999/2030). La deuxième expédition, menée par le capitaine Williams, découvre une ville martienne où les habitants les accueillent avec une indifférence déconcertante. Ils finissent dans un asile psychiatrique, où le docteur Xxx les considère comme des Martiens délirants capables de projeter leurs hallucinations. Ne pouvant les « guérir », il les exécute avant de se suicider quand l’illusion persiste.
Le Contribuable (mars 2000/2031). Un homme tente désespérément de monter à bord d’une fusée pour Mars, arguant de son statut de contribuable. Il voit dans la planète rouge un refuge face aux menaces qui pèsent sur la Terre, mais les gardes l’empêchent d’embarquer.
La Troisième Expédition (avril 2000/2031). Les dix-sept membres de la troisième expédition découvrent sur Mars une réplique parfaite d’une petite ville américaine des années 1920, peuplée par leurs proches décédés. Cette illusion créée par les Martiens télépathes les piège, menant à leur mort. Le lendemain, les Martiens organisent leurs funérailles tandis que l’illusion se dissipe.
Et la lune toujours brillante… (juin 2001/2032). La quatrième expédition découvre que la civilisation martienne s’est effondrée suite à une épidémie de varicelle apportée par les précédentes missions. L’archéologue Spender, bouleversé par l’attitude irrespectueuse de ses compagnons envers la culture martienne, tue plusieurs membres d’équipage. Le capitaine Wilder, malgré sa sympathie pour les convictions de Spender, se voit contraint de l’abattre.
Les Pionniers (août 2001/2032). Les premiers colons s’établissent sur Mars. Ce sont essentiellement des aventuriers venus d’Amérique du Nord, confrontés à la solitude d’un monde nouveau.
Le Matin vert (décembre 2001/2032). Benjamin Driscoll, menacé de rapatriement à cause de difficultés respiratoires, entreprend de planter des arbres pour enrichir l’atmosphère martienne en oxygène. Une nuit, il découvre que ses semences ont poussé miraculeusement, transformant le paysage désertique en forêt luxuriante.
Les Sauterelles (février 2002/2033). Les colons déferlent sur Mars comme des nuées de sauterelles. En six mois, douze villes surgissent et quatre-vingt-dix mille personnes s’installent sur la planète rouge.
Rencontre nocturne (août 2002/2033). Tomás Gomez croise sur une route déserte le Martien Muhe Ca. Chacun perçoit sa propre version de la réalité : là où l’un voit des ruines, l’autre contemple une cité florissante. Ils comprennent qu’ils appartiennent à des époques différentes, miraculeusement connectées par une anomalie temporelle.
Le Rivage (octobre 2002/2033). Les colons continuent d’affluer vers Mars, comme des vagues incessantes déferlant sur un rivage.
Les Ballons de feu (novembre 2033). Le Père Peregrine dirige une mission d’évangélisation sur Mars. Il rencontre des Martiens qui se manifestent sous forme de sphères lumineuses bleues. Ces êtres désincarnés, qui ont transcendé le péché, n’ont pas besoin de rédemption, forçant Peregrine à reconsidérer sa mission spirituelle.
Intérim (février 2003/2034). Les colons reproduisent fidèlement leurs villes terriennes sur Mars, important leur mode de vie sans adaptation.
Les Musiciens (avril 2003/2034). Des enfants jouent dans les ruines des cités martiennes, utilisant les ossements des anciens habitants comme instruments de musique, jusqu’à ce que les « Pompiers » viennent effacer ces vestiges.
Les Grands Espaces (mai 2034). Deux femmes, Janice et Leonora, s’apprêtent à quitter la Terre pour rejoindre leurs hommes sur Mars. Le récit dévoile leurs appréhensions et leurs espoirs à la veille du grand départ.
À travers les airs (juin 2003/2034). Les Afro-Américains du Sud quittent massivement la Terre pour Mars. Samuel Teece, un commerçant raciste, tente vainement d’empêcher leur départ, notamment celui de son employé Silly, qui le confronte à son passé de membre du Ku Klux Klan.
Nommer les noms (2004-2005/2035-2036). Les colons rebaptisent systématiquement les lieux martiens avec des noms terrestres, effaçant progressivement l’héritage culturel de la planète.
Usher II (avril 2005/2036). William Stendahl construit sur Mars une réplique de la Maison Usher de Poe, en réaction à la censure qui a banni les œuvres fantastiques sur Terre. Il piège ses persécuteurs dans une fête macabre où chacun meurt selon des scénarios tirés des nouvelles de Poe, avant de faire s’effondrer la demeure dans un lac.
Les Vieillards (août 2005/2036). Mars devient suffisamment hospitalière pour accueillir les personnes âgées, marquant une nouvelle étape de la colonisation.
Le Martien (septembre 2005/2036). Un couple de colons âgés rencontre un Martien capable de prendre l’apparence de leurs proches disparus. La créature empathique, forcée de se transformer simultanément pour satisfaire les désirs de plusieurs personnes dans une ville, succombe à l’effort.
La Boutique de bagages (novembre 2005/2036). Une conversation entre un prêtre et un vendeur de bagages annonce le prochain retour des colons vers la Terre, alors que la guerre menace leur planète d’origine.
La Morte-saison (novembre 2005/2036). Sam Parkhill ouvre le premier stand de hot-dogs sur Mars, rêvant de fortune. Des Martiens survivants lui offrent la moitié de la planète, mais son rêve s’effondre quand la guerre nucléaire éclate sur Terre.
Les Spectateurs (novembre 2005/2036). Les colons observent depuis Mars l’embrasement de la Terre par la guerre nucléaire et décident massivement de rentrer.
Les Villes muettes (décembre 2005/2036). Walter Gripp, mineur solitaire, découvre que presque tous les colons ont quitté Mars. Dans son isolement, il établit un contact téléphonique avec Genevieve Selsor, dernière femme sur Mars. Leurs retrouvailles se révèlent désastreuses : rebuté par sa personnalité et son apparence, Gripp s’enfuit pour vivre seul à des milliers de kilomètres.
Les Longues Années (avril 2026/2057). Hathaway, ancien membre de la quatrième expédition, vit isolé avec des androïdes qu’il a créés à l’image de sa famille décédée. Le capitaine Wilder, revenu d’une mission spatiale, découvre la vérité mais laisse les robots poursuivre leur existence après la mort d’Hathaway.
Il viendra des pluies douces (août 2026/2057). Dans une maison californienne automatisée, les robots domestiques poursuivent leurs tâches quotidiennes, ignorant que leurs propriétaires ont péri dans l’holocauste nucléaire. Sur les murs carbonisés subsistent les silhouettes de la famille, figées dans leurs derniers instants. Un incendie finit par détruire cette relique de la civilisation.
Le Pique-nique d’un million d’années (octobre 2026/2057). Une famille fuit la Terre dévastée pour s’installer sur Mars. Le père brûle tous les symboles de la bureaucratie terrestre et promet à ses enfants de leur montrer des Martiens. Il les conduit finalement devant un canal où leurs reflets révèlent qu’ils sont devenus les nouveaux Martiens, marquant ainsi la renaissance de l’humanité sur la planète rouge.
Autour du livre
Publié en 1950, les « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury naissent d’une suggestion éditoriale judicieuse. Walter Bradbury (sans lien de parenté avec l’auteur), directeur littéraire chez Doubleday, perçoit la cohérence thématique entre plusieurs nouvelles sur Mars écrites par le jeune écrivain et lui propose de les réunir en un ensemble romanesque. Cette genèse particulière donne au livre sa structure caractéristique : une mosaïque de récits interconnectés qui forment une chronologie de la colonisation de Mars.
L’influence de « Winesburg, Ohio » de Sherwood Anderson et des « Raisins de la colère » de John Steinbeck transparaît dans cette architecture narrative où des vignettes et des chapitres intercalaires relient les nouvelles principales. Bradbury lui-même reconnaît avoir « inconsciemment emprunté » cette technique à Steinbeck, dont il avait lu l’œuvre à dix-neuf ans.
Le livre se distingue par son traitement des thèmes sociaux brûlants de l’Amérique d’après-guerre : le militarisme, la menace nucléaire, le racisme, la censure. La nouvelle « À travers les airs » aborde frontalement la ségrégation raciale à travers l’exode des Afro-Américains vers Mars. Jorge Luis Borges, qui signe la préface de l’édition argentine parue simultanément avec l’édition américaine, souligne cette dimension critique.
Les personnages récurrents comme Sam Parkhill, Hathaway ou le capitaine Wilder créent une continuité entre les récits. Leurs apparitions successives permettent de suivre l’évolution de la colonisation martienne sous différents angles.
Federico Fellini compte parmi les admirateurs de l’œuvre, au point d’avoir souhaité l’adapter au cinéma. Le livre connaît plusieurs adaptations à la télévision, dont une mini-série en 1980 avec Rock Hudson, que Bradbury juge décevante. En 2012, la NASA baptise « Bradbury Landing » le site d’atterrissage du rover Curiosity sur Mars.
La réception critique immédiate est enthousiaste. Christopher Isherwood compare Bradbury à Edgar Allan Poe. Les critiques Anthony Boucher et J. Francis McComas saluent une « interprétation poétique de l’histoire future ». En 1979, plus de trois millions d’exemplaires sont vendus.
Aux éditions FOLIO ; 336 pages.
3. L’Homme illustré (recueil de nouvelles, 1951)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
« L’Homme illustré », chef-d’œuvre iconique de Ray Bradbury paru en 1951, est un recueil de dix-huit nouvelles où se mêlent science-fiction et fantastique. Le fil conducteur est un vagabond énigmatique dont le corps est recouvert de tatouages, chacun d’entre eux renfermant une histoire singulière. Ces récits nous transportent dans des futurs proches ou lointains, sur Terre et bien au-delà.
La Brousse. Dans une demeure futuriste entièrement automatisée, un psychologue s’inquiète de l’obsession malsaine de deux enfants pour leur salle de jeux virtuelle. Cette pièce high-tech matérialise leurs pensées en environnements réalistes. Les parents découvrent avec effroi que leurs enfants recréent constamment une savane africaine peuplée de lions dévorant des carcasses. Lorsqu’ils décident de désactiver la maison pour partir en vacances, les enfants les attirent dans la salle et les abandonnent aux fauves.
Kaléidoscope. Suite à une défaillance, un vaisseau spatial explose, propulsant son équipage dans le vide. Les astronautes, reliés uniquement par radio, dérivent inexorablement vers des destins différents. Dans leurs dernières conversations transparaissent rivalités anciennes, regrets et vérités jamais dites. L’un d’eux, consumé dans l’atmosphère terrestre, devient l’étoile filante qu’un enfant aperçoit depuis l’Illinois.
Comme on se retrouve. Sur Mars, une colonie de Noirs ayant fui la ségrégation terrestre apprend l’arrivée imminente d’un vaisseau transportant des Blancs. Les colons préparent un système de ségrégation inverse en guise de vengeance. Mais l’astronaute leur révèle que la Terre a été ravagée par une guerre nucléaire qui a effacé jusqu’aux vestiges du racisme. Face à cette humanité brisée qui demande asile, les Martiens renoncent à leurs projets de représailles.
La Grand-route. Au Mexique, un paysan et sa femme vivent paisiblement près d’une route. Un jour, un flot ininterrompu de voitures surgit, transportant des citadins terrorisés qui fuient une guerre atomique. Quand des voyageurs lui annoncent la fin du monde, le paysan, dans sa simplicité, se demande ce qu’ils entendent par « le monde » et retourne à ses occupations.
L’Homme. Des explorateurs spatiaux atterrissent sur une planète dont les habitants manifestent une béatitude inexplicable. Ils découvrent qu’un visiteur mystérieux les a précédés, semant paix et miracles sur son passage. Tandis qu’un membre d’équipage part en quête de cet être christique à travers l’espace, un autre préfère rester pour méditer sur sa présence qui imprègne encore les lieux.
La Pluie. Sur une Vénus imaginaire où la pluie ne cesse jamais, des astronautes recherchent un « dôme solaire », abri équipé d’une source de lumière artificielle. La première structure qu’ils trouvent a été détruite par les Vénusiens. La pluie incessante pousse progressivement les hommes à la folie et au suicide. Un seul survivant parvient finalement à un dôme intact.
L’Homme de l’espace. Un garçon de quatorze ans vit avec sa mère dans l’attente des brèves visites de son père astronaute. Celui-ci, déchiré entre sa passion pour l’espace et son amour pour sa famille, promet que sa prochaine mission sera la dernière. La tragédie survient quand son vaisseau s’écrase dans le soleil. En réaction, sa femme et son fils deviennent noctambules pour ne plus voir l’astre meurtrier.
Les Boules de feu. Des missionnaires se rendent sur Mars pour évangéliser les autochtones. Leur conception de la spiritualité se trouve bouleversée quand ils découvrent que les Martiens sont des entités d’énergie pure, dépourvues de forme physique. Cette nature immatérielle les place au-delà du péché, rendant caduque toute tentative de rédemption.
La Dernière nuit du monde. Une perception collective avertit l’humanité que le monde s’achèvera le soir même. Au lieu de céder à la panique, un couple poursuit ses activités quotidiennes avec une sérénité déconcertante : vaisselle, lecture, radio. La femme se relève même dans la nuit pour vérifier qu’elle a bien fermé le robinet, avant leur dernier sommeil.
Les Bannis. Sur Mars se sont réfugiés les personnages et auteurs de littérature fantastique bannis d’une Terre scientiste. Poe, Bierce et d’autres tentent d’empêcher l’arrivée d’astronautes terriens porteurs des derniers exemplaires de leurs œuvres. Seul Dickens refuse de participer à la résistance. La destruction finale des livres entraîne l’évanouissement définitif de ces exilés littéraires.
Ni un soir ni un matin. Lors d’un voyage vers Aldebaran, un membre d’équipage sombre dans un solipsisme radical. Il nie l’existence de tout ce qu’il ne peut directement percevoir, jusqu’aux étoiles elles-mêmes. Son scepticisme extrême le pousse à sortir seul dans l’espace pour « vérifier » la réalité du vide, ce qui le conduit à sa perte.
Le Renard et la forêt. Un couple du futur fuit un monde ravagé par la guerre atomique grâce à une agence de voyage temporel. Réfugiés dans le Mexique de 1938, ils tentent d’échapper aux agents venus les ramener. Après avoir éliminé l’un des poursuivants, ils cherchent protection auprès d’une équipe de cinéma qui s’avère être un groupe d’agents temporels déguisés. Une caméra-machine les renvoie vers leur époque désolée.
Le Visiteur. Mars sert de colonie pénitentiaire aux malades incurables. L’arrivée d’un jeune homme doté de pouvoirs télépathiques bouleverse leur quotidien. Capable de créer des illusions paradisiaques dans leurs esprits, il devient l’objet d’une convoitise meurtrière. La violente compétition pour s’accaparer ses dons se solde par sa mort, privant les exilés de leur seul espoir d’évasion mentale.
La Bétonneuse. Un Martien pacifiste se voit contraint de participer à l’invasion de la Terre. À sa grande surprise, les Terriens l’accueille avec enthousiasme, mais dans une perspective purement mercantile. Le protagoniste, dégoûté par la société de consommation terrienne, tente de regagner Mars. Son destin s’achève sous les roues d’une voiture conduite par des adolescents insouciants.
Automates, société anonyme. Une entreprise crée des doubles robotiques parfaits pour remplacer les humains dans leur vie quotidienne. Un mari malheureux achète un androïde pour éviter sa femme. Son ami, séduit par l’idée, découvre que sa propre épouse utilise déjà un double mécanique. Le dénouement révèle une cruelle ironie : le robot du premier mari, épris de l’épouse, élimine son propriétaire pour prendre définitivement sa place.
La Ville. Une cité apparemment déserte attend depuis des millénaires l’arrivée d’humains pour accomplir sa vengeance programmée. Cette civilisation, anéantie jadis par des armes biologiques terriennes, a transformé sa ville en piège sophistiqué. Les astronautes capturés sont convertis en armes vivantes et renvoyés vers la Terre pour propager une infection létale.
L’Heure H. Des enfants à travers le monde participent à un jeu apparemment innocent baptisé « Invasion ». Les parents s’inquiètent en réalisant que ce jeu est pratiqué partout de manière identique. La vérité éclate : leur mystérieux ami imaginaire « Drill » est un extraterrestre qui utilise leur innocence pour faciliter une invasion planétaire.
La Fusée. Fiorello Bodoni, modeste ferrailleur, économise pour offrir à sa famille un voyage spatial. Face à l’impossibilité de choisir qui partira sans créer de jalousie, il investit dans la construction d’un simulateur de vol spatial. Cette solution ingénieuse permet à toute sa famille de vivre ensemble l’illusion d’une odyssée cosmique.
Autour du livre
Publié en 1951 chez Doubleday, ce recueil de Ray Bradbury marque un tournant dans l’histoire de la science-fiction. Il s’inscrit comme une œuvre charnière qui s’éloigne des descriptions technico-scientifiques pour embrasser une dimension plus poétique du genre. Cette évolution ne passe pas inaperçue puisque le livre reçoit une nomination pour l’International Fantasy Award en 1952.
La genèse de l’ouvrage révèle un Bradbury soucieux de se démarquer des étiquettes réductrices. Il refuse catégoriquement que son éditeur appose la mention « Science-fiction » sur la couverture, cherchant à s’affranchir de l’image d’auteur de littérature populaire bon marché qui lui colle à la peau. Cette prise de position s’avère payante : le livre attire l’attention de critiques littéraires prestigieux.
Les thématiques abordées touchent aux préoccupations majeures de la société américaine d’après-guerre : la ségrégation raciale, la menace nucléaire, la censure, ou encore l’impact de la technologie sur les relations humaines. Le traitement de la censure dans les nouvelles « Les Bannis » et « La Bétonneuse » préfigure d’ailleurs les réflexions qui nourriront plus tard son roman « Fahrenheit 451 ».
L’influence du recueil dépasse largement le cadre littéraire. La nouvelle « L’Homme de l’espace » inspire notamment Bernie Taupin pour l’écriture de « Rocket Man », tube d’Elton John en 1972. Les adaptations se multiplient : cinéma avec « L’Homme tatoué » en 1969, radio avec « X Minus One » (1955-1957), et télévision à travers diverses séries comme « Ray Bradbury présente » ou plus récemment « The Whispers ».
La structure même du livre innove en utilisant les tatouages animés comme fil conducteur entre les nouvelles, créant ainsi une cohérence narrative qui transcende la simple compilation de textes indépendants.
Aux éditions FOLIO ; 352 pages.
4. La foire des ténèbres (roman, 1962)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Illinois, années 60. Will Halloway et Jim Nightshade, amis d’enfance liés comme les doigts de la main, coulent des jours paisibles à Green Town. Paisibles, vraiment ? Pas si sûr. Surtout quand, à quelques encablures d’Halloween, une mystérieuse foire itinérante vient troubler la tranquillité automnale.
Arrivés en catimini au beau milieu de la nuit, les forains s’affairent à monter un inquiétant spectacle dont les deux compères seront les uniques spectateurs. Ils découvrent bientôt que le propriétaire, Monsieur Dark, et ses forains ne sont pas ordinaires. Un carrousel possède d’étranges pouvoirs : faire vieillir ou rajeunir ceux qui osent y monter.
Autour du livre
L’origine de « La foire des ténèbres » remonte à une rencontre dans l’enfance de Ray Bradbury. À douze ans, il croise un mystérieux « Monsieur Electrico » lors d’une fête foraine, qui lui intime l’ordre énigmatique de « vivre éternellement ». Intrigué, le jeune Bradbury retourne voir le forain qui le bouleverse en le présentant comme la réincarnation d’un ami disparu pendant la Première Guerre mondiale. Cette expérience initiatique déclenche chez lui une frénésie d’écriture qui ne le quittera plus.
Le projet prend d’abord forme en 1955 quand Bradbury propose à son ami Gene Kelly de réaliser l’adaptation cinématographique de sa nouvelle « The Black Ferris ». En cinq semaines, il développe un traitement de 80 pages, mais le financement ne suit pas. Bradbury transforme alors progressivement ce synopsis en roman sur une période de cinq ans. La figure bienveillante de Monsieur Electrico mute en une présence plus inquiétante, tandis que d’autres personnages rencontrés dans la même fête foraine – l’Homme Illustré, l’Homme Squelette – s’intègrent à la trame narrative.
Le cadre automnal du récit établit un dialogue subtil avec « Le Vin de l’été », précédent roman de Bradbury qui se déroulait en été. Les deux œuvres partagent le même décor, la fictive Green Town inspirée de Waukegan dans l’Illinois, mais abordent différemment le passage de l’enfance à l’âge adulte à travers le prisme des saisons. Avec « Farewell Summer » publié en 2006, ces romans constituent ce que Bradbury nomme sa « Trilogie de Green Town ».
L’influence du roman perdure, notamment chez des auteurs majeurs comme Neil Gaiman et Stephen King. Ce dernier l’évoque longuement dans son essai « Anatomie de l’horreur » et y fait référence dans plusieurs de ses œuvres. R.L. Stine le considère comme « le livre le plus effrayant » qu’il ait lu. Clive Barker le place en quatrième position de sa liste des plus grands livres sur le bien et le mal, juste après « Moby Dick ».
Le roman a connu plusieurs adaptations : une version britannique confidentielle en 1972, un film Disney en 1983 avec un scénario de Bradbury lui-même, plusieurs pièces de théâtre dont une mise en scène par la Pandemonium Theatre Company de l’auteur en 2003, et diverses déclinaisons radiophoniques, notamment par la BBC en 2011.
Aux éditions FOLIO ; 416 pages.
5. L’arbre d’Halloween (roman, 1972)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans une petite ville du Midwest américain des années 1970, la nuit d’Halloween bat son plein. Tom Skelton et ses amis, déguisés en squelettes, sorcières et autres créatures effrayantes, s’apprêtent à faire leur traditionnelle tournée des maisons. Mais ce soir-là, leur ami Pipkin, d’ordinaire le plus enthousiaste de la bande, manque à l’appel.
Partis à sa recherche, les jeunes gens se retrouvent devant une sinistre demeure à la sortie de la ville. C’est là qu’ils font la connaissance de Montsuaire, un étrange personnage qui habite la maison isolée. Pour retrouver Pipkin, disparu dans d’obscures circonstances, Montsuaire entraîne la petite bande dans une course effrénée à travers les époques. De l’Égypte antique au Mexique contemporain, en passant par l’Irlande des druides et le Paris médiéval, les garçons vont découvrir les origines des traditions liées à la fête des morts. Dans le même temps, ils tentent désespérément de retrouver leur ami Pipkin, dont la vie semble suspendue entre deux mondes.
Autour du livre
La genèse de « L’arbre d’Halloween » remonte à 1967, quand Ray Bradbury conçoit initialement l’histoire sous forme de scénario pour une collaboration avec l’animateur Chuck Jones. Cette première version n’aboutit pas, mais elle pose les fondements de ce qui deviendra, cinq ans plus tard, le roman publié en 1972.
La dimension visuelle s’inscrit comme une composante essentielle de l’œuvre grâce à la contribution de Joe Mugnaini, collaborateur régulier de Bradbury, dont les illustrations accompagnent le texte. Cette alliance entre le récit et l’art graphique renforce l’atmosphère particulière qui se dégage du livre.
Bradbury tisse habilement les fils entre différentes traditions culturelles liées à la mort et aux célébrations qui l’entourent. Des pyramides égyptiennes aux cathédrales gothiques, en passant par les rituels celtes et le Día de los Muertos mexicain, le romancier construit une fresque historique et anthropologique autour des rapports qu’entretiennent les sociétés avec leurs défunts.
Le personnage énigmatique de Montsuaire se révèle comme un guide ambivalent, à la fois menaçant et instructif, qui mène les enfants à travers cette odyssée temporelle. Sa présence catalyse la transformation du simple divertissement d’Halloween en une quête initiatique où chaque costume revêt une signification profonde, ancrée dans l’histoire des civilisations.
« L’arbre d’Halloween » a connu plusieurs adaptations notables, dont une version animée en 1993 par les studios Hanna-Barbera, pour laquelle Bradbury lui-même écrit le scénario et assure la narration. Ce travail lui vaut d’ailleurs l’Emmy Award du meilleur scénario pour un programme d’animation en 1994. Plus récemment, en 2020, Warner Bros. a entrepris le développement d’une nouvelle adaptation cinématographique, avec Will Dunn au scénario et Charlie Morrison à la supervision.
L’impact culturel du livre s’étend jusqu’au parc Disneyland en Californie où, depuis 2007, un arbre d’Halloween inspiré du roman fait partie des décorations annuelles du parc. Bradbury lui-même participe à son inauguration le 31 octobre 2007.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.
6. Les pommes d’or du Soleil (recueil de nouvelles, 1953)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
« Les pommes d’or du Soleil » rassemble vingt-deux nouvelles dans lesquelles Ray Bradbury déploie toute l’étendue de son talent. L’auteur nous entraîne dans des mondes multiples, passant avec aisance du fantastique à la science-fiction, sans oublier des récits plus ancrés dans le quotidien.
La Sirène. Par une froide nuit de novembre, deux gardiens de phare, Johnny et McDunn, gardent leur poste solitaire. La corne de brume attire depuis trois ans une créature marine mystérieuse qui la confond avec le cri d’un congénère. Cette année encore, le monstre répond à l’appel, attiré par ce signal qu’il prend pour un semblable. McDunn interprète ces visites comme une manifestation d’amour non partagé envers le phare. Lorsqu’ils éteignent la corne de brume, la créature, dans un accès de rage, détruit l’édifice avant de disparaître dans les profondeurs. Le phare est reconstruit en béton armé, mais la créature ne revient jamais plus, condamnée à attendre dans les abysses.
Le Promeneur. En novembre 2053, Léonard Mead arpente les rues désertes d’une ville où personne ne sort plus le soir, tous les habitants étant rivés à leurs écrans de télévision. Une voiture de police robotisée, seule unité nécessaire dans une ville de trois millions d’habitants, l’intercepte et l’interroge sur ses activités nocturnes. Quand Mead révèle qu’il est écrivain, métier considéré comme inexistant dans cette société où personne ne lit plus, la voiture décide de le conduire au « Centre psychiatrique de recherches sur les tendances régressives ».
La Sorcière du mois d’avril. Cecy Elliott, jeune fille de 17 ans issue d’une famille de magiciens, possède le don de fusionner son essence avec d’autres êtres vivants. Malgré les avertissements de ses parents concernant la perte potentielle de ses pouvoirs magiques si elle épouse un humain, elle désire connaître l’amour. Elle prend possession d’une jeune femme nommée Ann et la force à danser avec Tom, un homme de 22 ans. Bien qu’Ann ne s’intéresse pas à Tom, Cecy s’éprend de lui et tente d’organiser une rencontre entre Tom et sa forme humaine par l’intermédiaire d’Ann.
Les Fruits posés au fond de la coupe. M. Acton se tient devant le corps de M. Huxley qu’il vient de tuer suite à une dispute concernant une femme. Dans sa tentative d’effacer toute trace de son crime, il est assailli par des flashbacks de sa confrontation avec la victime. Sa paranoïa grandit à mesure qu’il réalise l’étendue des empreintes qu’il a pu laisser dans la maison. Son obsession le pousse à nettoyer méticuleusement chaque surface, jusqu’à ce que la police le découvre dans le grenier, encore occupé à astiquer des objets.
Un coup de tonnerre. En 2055, Eckels dépense 10 000 dollars pour participer à un safari temporel organisé par Time Safari Inc., qui propose de chasser des dinosaures dans le passé. Le lendemain de l’élection du modéré Keith contre le fasciste Deutscher, le groupe voyage 65 millions d’années en arrière. Les guides insistent sur l’importance de ne rien perturber et de rester sur un chemin anti-gravité. Face au Tyrannosaure, Eckels panique et quitte le sentier. De retour en 2055, il découvre que le monde a changé : l’orthographe est différente et Deutscher a gagné les élections. En examinant ses bottes, Eckels trouve un papillon écrasé, dont la mort a modifié le cours de l’histoire.
Le Grand vaste monde au-delà des montagnes. Cora mène une existence monotone, confinée dans sa routine de femme au foyer avec son mari Tom. L’arrivée de leur neveu Benji pour l’été bouleverse sa vie. Contrairement à Cora et Tom qui ne savent ni lire ni écrire, Benji maîtrise ces compétences. Un été merveilleux s’écoule, pendant lequel Cora s’émerveille d’entendre Benji lire à voix haute et le regarde écrire. Tom construit une boîte aux lettres, et ils commencent à recevoir du courrier. Mais cette parenthèse enchantée se termine sur une note mélancolique, illustrant le destin de ceux qui, comme Cora, manquent l’opportunité d’élargir leur horizon.
Station génératrice. Dans un décor évoquant l’Ouest américain mais modernisé par la présence d’électricité et d’automobiles, une femme et son mari traversent l’Arizona pour rejoindre la mère mourante de l’épouse. Quand un orage menace, ils trouvent refuge dans une centrale électrique déserte. Durant la nuit, bercée par le bourdonnement des machines, la femme connaît une expérience mystique. Elle se sent projetée le long des lignes électriques, témoin de morts et de naissances, comprenant soudain l’interconnexion de toutes les vies.
En la Noche. Dans un immeuble d’habitation, une femme dont le mari a rejoint l’armée pleure chaque nuit, empêchant tous les locataires de dormir. Excédés par ses sanglots incessants, les autres habitants désignent l’un des locataires pour aller la convaincre de cesser.
Soleil et Ombre. Ricardo s’oppose farouchement à ce qu’un photographe utilise la façade de sa maison pour une séance photo. Pour empêcher la prise de vue, il va jusqu’à se dénuder devant l’objectif. Sa détermination finit par payer : le photographe renonce à son projet.
Service de voirie. Un éboueur de Los Angeles prend plaisir dans son travail quotidien, appréciant les levers de soleil, les journées fraîches et le travail en plein air. Il subvient convenablement aux besoins de sa femme et de ses enfants. Mais un jour, le maire émet un nouvel édit : en cas d’attaque nucléaire, les éboueurs devront collecter et évacuer les corps des victimes, sans cérémonie, comme de simples déchets. Bouleversé par cette déshumanisation de son métier et incapable d’accepter ces nouvelles exigences qui heurtent sa dignité, l’éboueur rentre chez lui démoralisé et annonce à sa femme qu’il compte quitter son emploi pour s’installer dans la ferme léguée par son père.
Le Grand Incendie. Une jeune fille vit les émois du premier amour. Le récit se concentre davantage sur la perspective du père face aux changements qui s’opèrent chez sa fille que sur l’histoire d’amour elle-même. La nouvelle s’écarte des thèmes habituels de science-fiction ou d’horreur de Bradbury pour offrir un tableau plus intime des relations familiales. Une « révélation » finale vient clore l’histoire, bien que son impact soit atténué par l’absence d’intrigue véritablement développée.
Les Fruits d’or du soleil. Un vaisseau spatial entreprend une mission périlleuse vers le soleil. Son objectif : prélever un échantillon du plasma solaire grâce à une gigantesque coupe télécommandée. L’équipage survit dans des combinaisons protectrices tandis que le vaisseau est maintenu à mille degrés sous zéro. La mission connaît deux crises majeures : la mort du second, Bretton, suite à une défaillance de sa combinaison, puis la panne d’une pompe auxiliaire de refroidissement au moment critique. Malgré ces obstacles, le capitaine refuse d’abandonner. L’équipage répare la pompe in extremis, permettant au vaisseau de récupérer son précieux échantillon et d’entamer son retour vers la Terre.
Autour du livre
Ce recueil tire son titre d’un vers de W.B. Yeats, « The golden apples of the sun », extrait du poème « The Song of Wandering Aengus » (1899). Bradbury choisit cette référence poétique sous l’influence de son épouse Maggie, qui lui fait découvrir la poésie romantique pendant leurs fiançailles. Il y voit une métaphore parfaite pour sa nouvelle éponyme qui clôt le recueil, dans laquelle des astronautes tentent de « prendre une coupe de feu du soleil ».
Les textes qui composent ce troisième recueil de Bradbury paraissent initialement dans divers magazines entre 1945 et 1953, de Collier’s à The New Yorker en passant par Planet Stories. Cette diversité des supports de publication met en lumière la polyvalence de l’auteur, qui ne se cantonne pas à la science-fiction mais aborde aussi bien le fantastique que le réalisme social.
Les critiques de l’époque se montrent partagés sur la qualité de l’ensemble. Charles Poore, dans le New York Times, salue la concision de Bradbury et son art d’aller droit au cœur du récit. Il note une filiation stylistique avec la Renaissance littéraire irlandaise, dont témoigne d’ailleurs le choix du titre. À l’inverse, Anthony Boucher et J. Francis McComas pointent dans The Magazine of Fantasy & Science Fiction une certaine inégalité. Groff Conklin de Galaxy Science Fiction est quant à lui dithyrambique, jugeant certaines nouvelles parmi les meilleures jamais écrites dans le genre.
Plusieurs textes du recueil connaissent une seconde vie à travers des adaptations. « La Sirène » inspire le film « Le Monstre des temps perdus » d’Eugène Lourié en 1953. « Un coup de tonnerre » fait l’objet de multiples transpositions, du comics à la série télévisée en passant par le cinéma avec le long-métrage de Peter Hyams en 2005. Leonard Nimoy reconnaît même l’influence de cette nouvelle sur « Star Trek IV : Retour sur Terre » (1986). Elle popularise le concept « d’effet papillon » avant même que le météorologue Edward Norton Lorenz ne forge ce terme dans les années 1960.
Aux éditions FOLIO ; 352 pages.
7. Le pays d’octobre (recueil de nouvelles, 1955)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
« Le pays d’octobre » est un recueil de dix-neuf nouvelles fantastiques écrites par Ray Bradbury entre 1943 et 1954. Ces récits courts évoquent pour la plupart l’étrange et le macabre dans l’Amérique du milieu du XXe siècle.
« Le Nain » met en scène un être de petite taille qui fréquente assidûment un palais des glaces. Son rituel quotidien consiste à se contempler dans un miroir déformant qui lui offre l’illusion d’une plus grande stature. Cette quête d’une image idéalisée bascule dans le drame lorsqu’une substitution malveillante de miroir, remplaçant l’effet grandissant par un effet réducteur, le pousse à un acte désespéré.
« À qui le tour ? » transporte le lecteur au Mexique où un couple américain, Marie et Joseph, découvre un cimetière aux pratiques funéraires singulières. La visite des catacombes et de leurs momies déclenche chez Marie une terreur viscérale. Elle succombe progressivement à une angoisse dévorante, comme si la mort elle-même s’insinuait dans son être.
« Le Vigilant Jeton de poker d’Henri Matisse » renverse les codes de la reconnaissance sociale en présentant un protagoniste dont l’ennui absolu devient paradoxalement source de fascination pour l’avant-garde littéraire locale.
Dans « Squelette », un homme développe une obsession pathologique envers sa propre charpente osseuse. Sa conviction que son squelette représente une entité hostile nichée en lui le conduit à consulter un spécialiste aux méthodes peu conventionnelles.
« Le Bocal » dépeint l’acquisition par un fermier modeste d’un récipient en verre contenant une mystérieuse forme conservée. L’objet suscite rapidement la curiosité collective, chaque visiteur y projetant sa propre interprétation. Cette fascination croissante crée une tension conjugale qui force le protagoniste à un choix cornélien entre son épouse et l’énigmatique bocal.
« Le Lac » tisse une trame mélancolique autour des souvenirs d’Harold, qui revient sur les rives où, enfant de douze ans, il perdit sa première amoureuse, Tally, noyée dans les eaux. Son retour à l’âge adulte, accompagné de Margaret son épouse, ravive ces réminiscences douloureuses.
« L’Émissaire » narre l’histoire poignante de Martin, un enfant de dix ans cloué au lit par la maladie. Son seul lien avec l’extérieur se matérialise à travers son chien qui lui amène des visiteurs. La disparition soudaine de l’animal prend un tournant macabre lors de son retour : il exhale des effluves de terre de cimetière et ramène une visite inattendue.
« Canicule » suit deux agents d’assurance dans leur tentative de sauver une femme acariâtre d’un destin funeste. Leurs efforts pour la protéger d’un mari poussé à bout par son comportement se heurtent à son refus hystérique, tandis que l’époux s’arme d’un crochet affûté.
« Le Petit Assassin » déroule une spirale paranoïaque où Alice, une jeune mère, développe une terreur irrationnelle envers son nouveau-né. Sa conviction que l’enfant cherche à la tuer, née des complications de l’accouchement, trouve un dénouement tragique avec la mort des parents et une ultime scène où le médecin accoucheur découvre le berceau vide.
« La Foule » dévoile une conspiration surnaturelle à travers le regard perspicace d’un homme qui remarque que les mêmes personnes apparaissent systématiquement sur les lieux des accidents, formant un tribunal occulte qui détermine le sort des victimes.
« Le Diable à ressort » présente un univers claustrophobe où un jeune garçon vit reclus avec sa mère qui l’élève comme une divinité, après lui avoir fait croire que son père, le « Dieu original », a succombé aux créatures extérieures. Le cosmos se trouve ainsi réduit aux dimensions de leur demeure.
« La Faux » transcrit le destin de Drew qui, accompagné de sa femme Molly et leurs enfants, découvre une demeure au milieu d’un champ de blé. À l’intérieur gît un homme mort leur léguant ses biens par testament. En assumant la tâche de faucher le blé, Drew réalise avec effroi que chaque épi représente une vie humaine, le transformant malgré lui en administrateur de la mort.
« Oncle Einar » s’inscrit dans la chronique de la famille Elliott, une lignée de créatures fantastiques. Le protagoniste éponyme, doté d’ailes majestueuses, s’isole avec son épouse pour dissimuler sa différence et cherche à retrouver sa capacité de vol après avoir endommagé son radar biologique.
« Le Vent » insuffle une terreur météorologique dans l’esprit d’Allin, un ancien écrivain voyageur. Il contacte son ami Herb Thomson tard dans la nuit, persuadé que les vents qu’il a défiés aux quatre coins du monde se sont ligués pour l’éliminer.
« L’Homme du second » adopte le regard d’un jeune garçon qui suspecte la nature vampirique du nouveau locataire occupant l’étage supérieur de sa maison.
« Il était une vieille femme… » compose une fable grinçante sur une femme âgée qui refuse obstinément la mort. Lorsque celle-ci la dupe et s’empare de son corps, la vieille dame persiste dans sa rébellion, allant jusqu’à récupérer sa dépouille à la morgue.
« La Citerne » déploie un dialogue énigmatique entre deux sœurs. L’une d’elles évoque avec ferveur un monde souterrain fantasmé sous les égouts, où les amants disparus se retrouvent dans une danse macabre mêlant amour, souffrance et mort.
« La Grande Réunion » constitue le récit central de la saga des Elliott, cette famille de créatures surnaturelles. L’histoire se déroule lors d’un rassemblement dans leur demeure ancestrale de l’Illinois, observé à travers le regard de Timothy, un enfant mortel abandonné sur leur seuil qui aspire à leur ressembler. Le personnage d’Einar, déjà rencontré dans « Oncle Einar », y tient un rôle prépondérant. Cette nouvelle servira ultérieurement de base au roman « De la poussière à la chair » publié en 2001.
« La Merveilleuse Mort de Dudley Stone » clôt le recueil par une quête littéraire : des admirateurs retrouvent la trace d’un écrivain qui a choisi de se retirer du monde et d’abandonner l’écriture. Ils obtiennent de sa bouche le récit de sa propre histoire, révélant les raisons de son silence volontaire.
Autour du livre
Publié initialement aux États-Unis en 1955 chez Ballantine Books, ce recueil de dix-neuf nouvelles s’inscrit dans une démarche de réécriture et d’enrichissement. Sa genèse révèle un parcours éditorial significatif : les nouvelles originelles ont d’abord vu le jour dans les pages de magazines populaires comme « Weird Tales », « Fantastic » ou « Dime Mystery Magazine » entre 1943 et 1947, avant d’être retravaillées pour cette collection. Cette maturation éditoriale permet à Bradbury d’affiner ses textes et de construire une cohérence thématique plus aboutie.
Joe Mugnaini apporte une dimension visuelle au recueil avec douze illustrations originales qui accompagnent l’édition de 1955. Cette collaboration artistique perdure jusqu’en 1971, date à laquelle Bob Pepper prend le relais pour une nouvelle interprétation graphique. Les adaptations télévisées témoignent du potentiel visuel des récits : plusieurs nouvelles trouvent leur place dans des séries prestigieuses comme « Alfred Hitchcock présente », où Tim Burton lui-même réalise en 1986 une adaptation du « Bocal ».
Aux éditions FOLIO ; 432 pages.