Patrick Bauwen, de son vrai nom Patrick Bousquet, est un écrivain français né le 13 novembre 1968 à Aix-en-Provence. Il mène une double carrière de médecin urgentiste et d’auteur de thrillers. Responsable d’un service d’urgences dans une clinique à L’Isle-Adam en région parisienne, il partage sa vie entre la France et les États-Unis.
Il débute dans l’écriture en rédigeant des scénarios de jeux de rôle dans les années 1990, puis des novélisations de la série « Lanfeust de Troy » au début des années 2000. Son premier thriller, « L’Œil de Caine » (2006), rencontre un succès immédiat et reçoit plusieurs prix. Il est traduit en cinq langues, dont le russe et le japonais.
Ses romans suivants confirment son talent : « Monster » obtient le Prix Maison de la Presse en 2009, « Seul à savoir » le Prix Littré en 2011. Il crée notamment le personnage de Chris Kovak, un médecin tourmenté qui est le héros d’une trilogie « Évangile » comprenant « Le jour du chien » (2017), « La nuit de l’ogre » (2018) et « L’heure du diable » (2020). Son dernier roman, « L’influenceur », est paru en mars 2024.
En parallèle de sa carrière d’écrivain, Patrick Bauwen intervient également à la télévision en tant que chroniqueur médical, notamment dans l’émission « Je t’aime, etc. » sur France 2. Il est membre du collectif d’artistes « La Ligue de l’Imaginaire ».
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. L’Œil de Caine (2006)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
En 2006, une nouvelle émission de télé-réalité américaine promet de battre tous les records d’audience. Le concept de « L’Œil de Caine » : dix candidats, dix secrets à révéler. La productrice Hazel Caine a sélectionné des profils divers : Thomas Lincoln, un médecin radié de l’ordre, Elizabeth O’Donnel, une victime de violences conjugales, Vector Kaminsky, un génie de l’informatique, ou encore Peter DiMaggio, un garçon de 10 ans à l’intelligence précoce.
Le périple tourne court dès le trajet initial. Après une attaque à main armée dans une station-service, les participants reprennent conscience dans un village abandonné du Nevada. Leur bus est réduit en cendres, leurs téléphones ont disparu et aucun moyen de communication n’est disponible. L’isolement est total dans cette ancienne cité minière où seuls quelques chauves-souris et une maison close témoignent encore d’une activité humaine.
Un mystérieux Seth Gordon, schizophrène marqué par un passé violent, a infiltré le groupe. Il met en scène des meurtres ritualisés, éliminant méthodiquement les candidats tout en leur envoyant des messages cryptiques. Ce qui devait être un simple jeu télévisé se transforme en une course désespérée pour la survie.
Autour du livre
En s’emparant des codes de la télé-réalité alors en plein essor dans les années 2000, « L’Œil de Caine » se lit comme une critique cinglante de ce phénomène médiatique. Premier roman de Patrick Bauwen, ce thriller psychologique remporte le Prix du Roman Policier du Livre de Poche en 2008, une distinction qui marque le début prometteur d’une carrière d’écrivain.
Le parallèle avec « Ils étaient dix » d’Agatha Christie s’impose naturellement, mais Bauwen transpose l’intrigue dans l’univers contemporain de la téléréalité. Les candidats, caricaturaux à dessein, reflètent les stéréotypes de ces émissions : la starlette écervelée, la mère au foyer, le médecin déchu, l’informaticien geek. Cette galerie de personnages sert aussi à dénoncer le cynisme des productions télévisées qui manipulent aussi bien les participants que les spectateurs.
Le décor du village fantôme du Nevada, avec son église abandonnée et ses mines désaffectées, crée un contraste saisissant avec le luxe promis d’un hôtel de Las Vegas. Cette opposition met en lumière l’écart entre les promesses alléchantes de la télé-réalité et la brutalité des manipulations qu’elle dissimule.
La narration alterne entre la perspective des candidats et celle du tueur Seth, dont les interventions en italique rythment le récit. Les chapitres courts et les multiples rebondissements insufflent un rythme haletant qui culmine dans un dénouement inattendu. Cette fin, qui divise les critiques, bouscule les certitudes accumulées tout au long du livre.
« L’Œil de Caine » inaugure l’univers de Bauwen, dont on retrouve certains personnages dans ses romans ultérieurs, notamment dans « Les fantômes d’Eden ». Cette interconnexion entre les œuvres construit peu à peu une mythologie propre à l’auteur.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 480 pages.
2. Seul à savoir (2010)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Marion March mène une vie tranquille comme assistante de production à France Télévisions. Un soir, elle reçoit sur Facebook un message énigmatique signé « Le Troyen » qui fait ressurgir son passé : une photo de Nathan Chess, le brillant chirurgien dont elle était éperdument amoureuse quinze ans plus tôt, avant qu’il ne disparaisse mystérieusement lors d’un dîner romantique sur le toit de l’Hôtel-Dieu à Paris.
Le mystérieux correspondant affirme détenir Nathan prisonnier et propose à Marion un jeu macabre intitulé « Sauvons des vies ». Soumise à un chantage implacable, elle n’a d’autre choix que de suivre les instructions du Troyen qui la mènent des rues de Paris jusqu’aux États-Unis. Sa quête la confronte au FBI, à la mafia mexicaine et aux dérives de la recherche médicale de pointe. Marion découvre que Nathan menait des recherches révolutionnaires sur la régénération tissulaire, une science aux implications vertigineuses.
Autour du livre
« Seul à savoir » s’inscrit dans la lignée des précédents succès de Patrick Bauwen, « L’Œil de Caine » et « Monster », avec des clins d’œil explicites à ces deux romans. L’auteur y glisse d’ailleurs une apparition sous les traits d’un médecin simplement nommé P.B., à la manière des caméos d’Alfred Hitchcock ou Stan Lee. Le romancier fait également référence au premier nom de la Ligue de l’Imaginaire, « les Marmottes Exhibitionnistes », un clin d’œil que les membres du collectif littéraire devaient placer dans leurs romans en 2009-2010.
Les expériences professionnelles de Bauwen comme médecin urgentiste imprègnent « Seul à savoir » d’une expertise médicale qui se manifeste dans les descriptions précises des procédures chirurgicales et des recherches en orthopédie. Cette maîtrise du milieu hospitalier se retrouve notamment dans les scènes situées à l’Hôtel-Dieu de Paris, où les codes et l’atmosphère du service des urgences sonnent juste.
La narration alterne entre deux temporalités – le présent de l’action et les flash-backs quinze ans plus tôt – qui s’entremêlent avec fluidité. Cette structure permet d’éclairer progressivement les zones d’ombre autour de la disparition de Nathan Chess, tout en maintenant le suspense jusqu’aux révélations finales. Bauwen aborde aussi des thématiques contemporaines comme les dangers des réseaux sociaux, le financement de la recherche médicale et ses possibles dérives éthiques quand les services de renseignement s’y intéressent.
Les scènes d’action se déroulent entre Paris – avec sa cathédrale Notre-Dame et l’Hôtel-Dieu – et les États-Unis, où se mêlent FBI, pègre et problématiques d’immigration clandestine. Cette dualité géographique sert le contraste entre une France « bleue, flocons de neige, amour toujours » et des États-Unis « avec ses stéréotypes bien trempés, action, course poursuite, FBI, secrets, intrigue et toute la sauce bien épicée. »
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 456 pages.
3. L’influenceur (2024)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Lisa Leroy mène une vie modeste comme assistante médicale dans une clinique de chirurgie esthétique parisienne. Le soir, elle partage sa passion pour la lecture avec ses 260 abonnés sur Instagram depuis le mobile-home qu’elle occupe avec son père alcoolique. Sa vie bascule lorsque Hazel Caine, directrice de l’agence Vertigo, lui propose de devenir une star des réseaux sociaux – à condition de suivre ses instructions à la lettre.
D’abord réticente, Lisa accepte cette offre qui promet de transformer son existence. Sa métamorphose s’opère à une vitesse fulgurante. Les followers affluent par milliers, les marques se l’arrachent, l’argent coule à flots. Mais ce succès a un prix : harcelée par des « haters », traquée par des admirateurs inquiétants, Lisa voit sa vie privée voler en éclats. Les incidents violents s’enchaînent, jusqu’à mettre sa vie en danger.
Au cœur de cette spirale infernale, un mystère la hante : pourquoi Hazel l’a-t-elle choisie ? Sa troublante ressemblance avec Vicky Vonn, une influenceuse morte dans des circonstances suspectes à Miami, n’est peut-être pas une coïncidence. De Paris aux palaces de Dubaï, Lisa devra percer les secrets de sa nouvelle mentor avant qu’il ne soit trop tard.
Autour du livre
« L’influenceur » s’inscrit dans la continuité de « L’Œil de Caine », Prix Polar du Livre de Poche, dans lequel Patrick Bauwen se penchait déjà sur les dérives de la téléréalité. Cette fois-ci, le médecin urgentiste transpose son regard clinique sur l’univers des réseaux sociaux, en y intégrant des références à des situations réelles. Il fait notamment écho à certains bad buzz qui ont secoué la toile et que les lecteurs familiers de cet univers reconnaîtront sans peine.
Le personnage d’Hazel Caine, déjà présent dans « L’Œil de Caine », prend ici une nouvelle dimension. Cette mystérieuse femme d’affaires impitoyable évoque la figure de Miranda Priestly du « Diable s’habille en Prada », tandis que sa fille Ash semble inspirée par Lisbeth Salander de la série « Millénium ». Les femmes occupent d’ailleurs l’avant-scène de ce livre, qu’il s’agisse du trio formé par Lisa, Dr Bollywood et Ash, ou des figures de pouvoir incarnées par Hazel et Séverine de Raincourt.
Le titre au masculin constitue un choix délibéré qui prend tout son sens dans les dernières pages. Sans céder à la facilité d’une charge à sens unique contre les influenceurs, Bauwen met en lumière aussi bien les contenus authentiques que les artifices du métier. Il dévoile notamment les mécanismes précis de fabrication d’une célébrité numérique : les heures stratégiques de publication (entre 7h et 9h ou 17h et 19h), l’importance de la cohérence visuelle, l’organisation de concours pour augmenter la visibilité.
La connaissance du milieu médical par Bauwen transparaît dans les nombreuses références et anecdotes qui émaillent le récit, apportant une crédibilité supplémentaire aux passages se déroulant en milieu hospitalier. Cette double expertise – médicale et numérique – nourrit une narration qui évite les clichés tout en livrant une analyse lucide des mécanismes de l’influence en ligne.
Aux éditions ALBIN MICHEL ; 336 pages.
4. Monster (Paul Becker #1, 2009)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans une petite ville de Floride en 2005, le docteur Paul Becker dirige une clinique d’urgence ouverte jour et nuit. Sa vie bascule quand son ami d’enfance, devenu policier, lui amène un patient inhabituel : un homme nu, menotté, doté d’une souplesse hors norme. Après une consultation mouvementée et la fuite du suspect, Paul trouve un téléphone portable oublié dans son cabinet. Un simple appel sur cet appareil va précipiter sa descente aux enfers.
Le téléphone contient trois photos compromettantes, dont celle d’un enfant enlevé et, plus troublant encore, un cliché de son propre père, qu’il n’a pas revu depuis l’enfance. En quelques heures, sa femme et son fils disparaissent mystérieusement. Suspecté de pédophilie par la police, Paul doit tout quitter pour mener sa propre enquête, qui le conduit sur les traces d’un vaste réseau criminel lié à son histoire familiale.
Ses péripéties le mènent dans les bas-fonds de la Floride, entre réseaux criminels et cirques ambulants peuplés de « monstres », sur fond d’ouragan Katrina qui menace les côtes. Plus il avance dans son enquête, plus les révélations sur son passé familial s’avèrent dévastatrices.
Autour du livre
Publié en 2009, « Monster » s’inscrit dans la lignée de « L’Œil de Caine », le premier roman de Patrick Bauwen qui avait reçu le Prix des lecteurs du Livre de Poche et le Prix du premier roman Carrefour en 2008. Cette seconde œuvre confirme le talent de l’auteur en remportant le Prix Maison de la Presse.
La particularité la plus marquante réside dans le choix narratif : Paul Becker s’adresse directement au lecteur, l’impliquant comme témoin et confident de sa descente aux enfers. Cette proximité avec le protagoniste crée un lien émotionnel fort qui renforce l’impact des événements. Les chapitres courts et incisifs, comparés par certains critiques à des « coups de scalpel », maintiennent une tension constante.
L’histoire se déroule en 2005 en Floride, avec l’ouragan Katrina en toile de fond. Le cadre médical, maîtrisé par Bauwen lui-même médecin urgentiste, apporte une crédibilité aux scènes se déroulant dans la clinique. Les références au cinéma d’horreur et aux séries télévisées abondent, de « Vendredi 13 » à « Saw » en passant par « X-Files » et « Prison Break », inscrivant le roman dans une filiation assumée avec la culture populaire américaine.
Les critiques soulignent la manière dont le sujet sensible de la pédophilie est traité avec retenue, sans complaisance dans l’horreur. Le monde du cirque et ses « freaks » ajoutent une dimension gothique à l’intrigue, rappelant l’univers de Stephen King. Malgré quelques situations jugées parfois rocambolesques par certains lecteurs, la construction du récit et l’enchaînement des révélations maintiennent la cohérence jusqu’au dénouement final.
Ce deuxième thriller de Bauwen ouvre la voie à une suite, « Les fantômes d’Eden », où l’on retrouve le personnage de Paul Becker, preuve du potentiel de ce héros ordinaire précipité dans des circonstances extraordinaires.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 608 pages.
5. Les fantômes d’Eden (Paul Becker #2, 2014)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Médecin à Naples en Floride, Paul Becker a tout perdu : sa femme l’a quitté, sa clinique est au bord de la faillite et son obésité menace sa santé. Pour échapper à cette spirale destructrice, il part se réfugier dans une cabane du parc de Yellowstone. Un an plus tard, métamorphosé par une cure drastique, il manque de peu d’être assassiné : le tueur élimine par erreur Jack, son voisin qui lui ressemble. Paul décide alors de profiter de cette méprise pour enquêter incognito sur sa tentative de meurtre.
De retour à Eden, sa ville natale proche des Everglades, Paul se fait passer pour un journaliste du Miami Herald et assiste à son propre enterrement. Sa recherche de la vérité le replonge dans l’été 1979, quand il avait douze ans et formait avec Jerry, Cameron, Stan et la belle Sarah une bande d’amis inséparables. Entre les marécages des Everglades et les rues moites d’Eden, Paul découvre que les secrets enfouis de son adolescence pourraient bien expliquer pourquoi quelqu’un cherche à le tuer aujourd’hui.
Autour du livre
Les ombres des Everglades et la moiteur du Sud des États-Unis imprègnent chaque page des « Fantômes d’Eden ». Cette suite de « Monster » peut toutefois se lire de manière autonome, tant l’histoire développe sa propre identité. La structure narrative alterne entre deux époques : l’été 1979 dans une petite ville de Floride, et le présent de Paul Becker. Cette construction en miroir crée un effet de résonance entre les mystères du passé et les dangers du présent.
Les références à Stephen King abondent, notamment à travers la bande d’adolescents qui évoque celle du roman « Le Corps ». La figure d’Abigaïl, une voyante aveugle, fait écho aux personnages de King, tout comme le « Bazar du bizarre ». Ces clins d’œil constituent un hommage au maître du genre. Plusieurs indices suggèrent également une dimension autobiographique : Paul Becker partage les initiales de Patrick Bauwen et exerce comme lui la profession de médecin urgentiste.
Maxime Chattam recommande chaudement ce livre sur les réseaux sociaux, tandis que Bernard Werber reçoit une dédicace en ouverture. À travers la trame criminelle se dessine une réflexion sur les dérives possibles de la science et du progrès médical, thème récurrent chez Bauwen qui porte un regard critique sur son propre milieu professionnel. La question des relations parents-enfants et de leurs conséquences à l’âge adulte sous-tend l’ensemble du récit.
Les critiques saluent particulièrement les chapitres courts qui maintiennent un rythme soutenu malgré les 744 pages. Si certains jugent le dénouement un peu « grand-guignolesque », la majorité souligne la maîtrise avec laquelle les différentes intrigues s’imbriquent jusqu’à la révélation finale. L’atmosphère poisseuse des bayous et la dimension presque fantastique de certaines scènes contribuent à créer une tension qui ne faiblit jamais.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 744 pages.
6. Le jour du Chien (Chris Kovak #1, 2017)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Christian Kovak, médecin urgentiste parisien, ne s’est jamais remis de la mort de sa femme Djeen, poussée sous une rame de métro trois ans plus tôt par un tueur psychopathe surnommé le Chien. Un soir, alors qu’il rentre de garde, il intervient pour protéger une femme agressée dans une rame. L’incident est filmé et diffusé sur internet. En visionnant la vidéo, Kovak découvre avec stupeur que sa femme apparaît en arrière-plan.
Cette réapparition bouleverse tout. Le commissaire Batista, qui avait mené l’enquête sur la mort de Djeen, commence à soupçonner Kovak d’avoir orchestré la disparition de son épouse. D’autant que le Chien s’est évadé de l’hôpital psychiatrique où il était enfermé. Épaulé par son beau-frère Sam et par Audrey, la femme qu’il a secourue dans le métro, Kovak se lance dans une quête de vérité qui le mène des beaux quartiers aux profondeurs des catacombes parisiennes.
Autour du livre
« Le jour du Chien » se distingue par sa construction narrative en deux temps. La première partie installe une atmosphère de thriller classique qui s’intensifie peu à peu, avant de basculer dans une seconde partie qui révèle la complexité des enjeux et la profondeur des personnages.
Patrick Bauwen, médecin urgentiste à Paris quand il n’écrit pas, transpose son expérience professionnelle dans la construction du personnage de Kovak. Cette double casquette lui permet de maîtriser les aspects techniques et de donner une crédibilité supplémentaire aux scènes médicales.
L’originalité du livre réside aussi dans son utilisation du Paris souterrain comme personnage à part entière. Les catacombes, les tunnels désaffectés du métro et les excavations deviennent le théâtre d’une vie parallèle où se côtoient marginaux et criminels. Cette dimension souterraine rappelle « Les rivières pourpres » de Jean-Christophe Grangé ou les romans de Franck Thilliez, tout en gardant sa singularité.
Bauwen y met aussi en scène des thèmes contemporains : l’omniprésence des réseaux sociaux, la viralité des vidéos, les dérives des laboratoires pharmaceutiques et les magouilles politiques. Ces éléments s’intègrent naturellement à l’intrigue sans jamais sembler artificiels ou moralisateurs.
Couronné par le Prix du Polar 2017, « Le jour du Chien » ouvre une trilogie qui se poursuit avec « La nuit de l’ogre » et « L’heure du diable ». Le final, qui laisse plusieurs questions en suspens, prépare le terrain pour les tomes suivants tout en offrant une conclusion satisfaisante à cette première partie.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 504 pages.
7. La nuit de l’ogre (Chris Kovak #2, 2018)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Chris Kovak, médecin urgentiste aux démons personnels tenaces, sort d’une garde de nuit épuisante quand une jeune femme toque à sa portière. Les yeux vairons, une étrange blessure à la main, elle le supplie de la prendre en stop. À peine montée dans la voiture, elle s’enfuit à un feu rouge, abandonnant derrière elle un sac contenant une tête humaine conservée dans du formol.
Parallèlement, le lieutenant Audrey Valenti, son ancienne compagne, enquête sur une agression particulièrement atroce : une jeune femme retrouvée à demi-morte dans un tunnel désaffecté, le corps rongé par les rats. Les deux affaires convergent rapidement vers les confréries secrètes des facultés de médecine et un mystérieux homme au chapeau melon, collectionneur de photos post-mortem.
Autour du livre
En prolongement du « Jour du chien », « La nuit de l’ogre » creuse plus profondément la psychologie de Chris Kovak, devenu une figure torturée et sombre, qui se réfugie dans les médicaments et l’alcool pour échapper à ses démons. Sa descente aux enfers fait écho aux thématiques macabres qui structurent l’intrigue.
Patrick Bauwen, lui-même médecin urgentiste, insuffle une authenticité saisissante aux scènes hospitalières et aux arcanes des confréries médicales. Les anecdotes sur les rituels estudiantins et le quotidien des services d’urgence proviennent directement de son expérience. Un souci de véracité qui s’étend jusqu’aux références historiques : le site thanatos.net mentionné dans le livre existe réellement, tout comme la tradition victorienne des photographies post-mortem qui constitue l’un des ressorts principaux de l’intrigue.
L’atmosphère oppressante se nourrit des lieux choisis : sous-sols du métro parisien grouillant de rats, catacombes, couloirs d’hôpitaux déserts, morgues, salles de dissection. Cette géographie souterraine morbide trouve son point culminant dans le personnage énigmatique de l’homme au chapeau melon, figure cauchemardesque inspirée du tableau éponyme de René Magritte.
La structure narrative alterne entre la voix à la première personne de Kovak, qui nous plonge dans sa psyché tourmentée, et des chapitres à la troisième personne qui élargissent la perspective. Cette dualité renforce l’impression d’un monde où les apparences sont trompeuses, où chaque personnage dissimule une part d’ombre. La confrontation entre Kovak et son ex-compagne Audrey Valenti, désormais lieutenant de police, ajoute une tension supplémentaire à ce jeu de masques.
« La nuit de l’ogre » constitue le deuxième volet d’une trilogie qui se conclut avec « L’heure du diable ». Les mystères non résolus, notamment l’identité du personnage surnommé le Chien, créent un fil conducteur qui traverse les trois livres, tout en permettant à chaque tome de fonctionner de manière autonome.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 576 pages.
8. L’heure du diable (Chris Kovak #3, 2020)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans la banlieue parisienne, le docteur Chris Kovak ne sort plus de chez lui. Devenu agoraphobe, il enchaîne les téléconsultations entre deux doses de médicaments et d’opium. Sa routine bascule quand un patient énigmatique le contacte en pleine nuit pour lui révéler que la mort de son père n’était pas accidentelle.
En parallèle, le lieutenant Audrey Valenti enquête sur un meurtre macabre : le corps d’une femme déguisée en sorcière a été retrouvé, coupé en deux par un train. Les premiers éléments révèlent qu’elle a été noyée avant d’être placée sur les rails. L’enquête mène Valenti vers un groupe d’adeptes de béhourd, un sport de combat médiéval ultraviolent, et vers une mystérieuse société secrète baptisée « Memento Mori ».
Mais bientôt, un tueur surnommé « le Chien » piège Kovak dans un jeu macabre : le jeune médecin doit résoudre des énigmes pour sauver des vies. Entre Paris, Prague et Amsterdam, cette course contre la montre force l’ex-urgentiste à sortir de sa tanière pour affronter les fantômes de son passé.
Autour du livre
Troisième et dernier volet d’une trilogie commencée avec « Le jour du Chien » en 2017 et poursuivie avec « La nuit de l’ogre » en 2018, « L’heure du diable » offre un final saisissant qui éclaire sous un jour nouveau les deux précédents tomes. Si chaque livre peut se lire indépendamment grâce à des intrigues autonomes, la lecture chronologique permet d’apprécier l’évolution psychologique des personnages, particulièrement celle de Chris Kovak qui sombre progressivement dans ses addictions.
Une des particularités du livre réside dans son ancrage dans des milieux méconnus : le béhourd, sport de combat médiéval en armure, et les sociétés secrètes universitaires comme la Memento Mori. Cette immersion dans des univers parallèles s’accompagne d’une réflexion sur les dérives contemporaines des réseaux sociaux et la manipulation par les fake news.
Le titre prend tout son sens au fil du récit : trois heures du matin, considérée comme l’heure du diable dans certaines croyances, devient le moment choisi par le tueur pour contacter sa proie. Cette dimension ésotérique irrigue l’ensemble de l’intrigue, des rituels mortifères aux secrets enfouis dans le passé des personnages.
La narration alterne les points de vue, y compris celui du tueur, sans jamais compromettre le mystère de son identité jusqu’au dénouement final. Cette révélation, saluée par la critique pour son effet de surprise, vient parachever une trilogie qui s’inscrit dans la lignée des grands thrillers médicaux, Patrick Bauwen exerçant lui-même comme médecin urgentiste à l’instar de son protagoniste.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 552 pages.