Née le 15 septembre 1890 à Torquay dans le Devon, Agatha Mary Clarissa Miller grandit dans une famille de la classe moyenne supérieure. Elle reçoit une éducation à domicile qui lui permet de développer très tôt son goût pour l’écriture. Après des études en France, elle épouse en 1914 l’aviateur Archibald Christie. Pendant la Première Guerre mondiale, elle travaille comme infirmière puis pharmacienne, ce qui lui permet d’acquérir une connaissance des poisons qu’elle utilisera dans ses romans.
En 1920, elle publie son premier roman « La mystérieuse affaire de Styles » qui introduit le personnage d’Hercule Poirot. Sa carrière littéraire est lancée mais sa vie privée connaît des turbulences : en 1926, sa mère décède et son mari lui annonce qu’il la quitte pour une autre femme. Elle disparaît mystérieusement pendant onze jours avant d’être retrouvée dans un hôtel, épisode qui ne sera jamais totalement élucidé.
En 1930, elle épouse en secondes noces l’archéologue Max Mallowan, de quinze ans son cadet. Elle l’accompagne dans ses fouilles au Moyen-Orient, expériences qui nourrissent son imagination. Dans les années 1930, elle entre dans sa période la plus prolifique, créant notamment le personnage de Miss Marple.
Autrice de 66 romans policiers, 154 nouvelles et 20 pièces de théâtre, dont la célèbre « Souricière » qui détient le record de longévité au théâtre, Agatha Christie devient la romancière la plus lue au monde après Shakespeare. Elle écrit également six romans sentimentaux sous le pseudonyme de Mary Westmacott.
Élevée au rang de Dame commandeur de l’Empire britannique en 1971, elle s’éteint le 12 janvier 1976 à Wallingford. Figure incontournable de la littérature policière, son œuvre continue d’être largement adaptée au cinéma, à la télévision et en bande dessinée.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Ils étaient dix (1939)
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Résumé
Dans ce classique du roman policier publié en 1939, dix personnes sont invitées sur une île isolée au large du Devon, en Angleterre. À leur arrivée, les invités découvrent que leurs hôtes, les Owen, sont absents. Seuls les domestiques, M. et Mme Rogers, les accueillent dans une imposante demeure. Le soir venu, une voix enregistrée retentit et accuse chacun des dix convives d’avoir commis un meurtre resté impuni.
L’angoisse monte quand les invités réalisent qu’ils sont piégés sur cette île coupée du monde. Un à un, ils meurent selon les paroles d’une sinistre comptine pour enfants affichée dans chaque chambre. Les meurtres s’enchaînent : empoisonnement, noyade, coup sur la tête… Chaque décès s’accompagne de la disparition d’une des dix figurines de porcelaine disposées sur la table du salon. La paranoïa s’installe : le tueur est forcément l’un d’entre eux. Mais qui ?
La police découvrira dix cadavres sur l’île. Ce n’est qu’à travers une bouteille à la mer contenant une confession que la vérité éclatera enfin sur l’identité et les motivations du meurtrier, dans un dénouement glaçant qui bouscule tous les codes du genre.
Autour du livre
Considéré comme le plus grand succès d’Agatha Christie avec plus de 100 millions d’exemplaires vendus, ce huis clos machiavélique a marqué l’histoire du polar. Le défi que s’était lancé Christie – faire mourir dix personnages sans que cela ne devienne ridicule ni que l’identité du meurtrier ne soit évidente – relevait de la prouesse narrative. Agatha Christie fait montre d’une étonnante finesse psychologique dans la caractérisation de personnages torturés, hantés par de lourds secrets. L’île qui sert de décor s’inspire de Burgh Island, située au large du Devon, où Christie séjourna à plusieurs reprises.
Les adaptations se sont multipliées : théâtre, cinéma, télévision, jeux vidéo… Le titre original britannique, « Ten Little Niggers », jugé raciste, a été modifié dès 1940 aux États-Unis, puis définitivement abandonné au profit de « And Then There Were None » (« Ils étaient dix » en français depuis 2020). Le roman figure dans tous les classements des meilleurs polars de l’histoire. La Crime Writers’ Association le classe au 19ème rang des meilleurs polars de tous les temps, tandis que la Mystery Writers of America le place en 10e position. En 2015, les lecteurs l’ont élu « Christie préféré » pour les 125 ans de la romancière. Un chef-d’œuvre intemporel du suspense, à (re)découvrir pour frissonner de plaisir.
Aux éditions LE MASQUE ; 228 pages.
2. Le crime de l’Orient-Express (1934)
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Résumé
En 1934, Agatha Christie imagine un crime parfait dans le plus prestigieux des trains. L’Orient-Express file vers l’ouest quand Hercule Poirot y monte à Istanbul. Le détective belge fait la connaissance des autres voyageurs : une princesse russe hautaine, un couple aristocratique hongrois, une gouvernante anglaise, un homme d’affaires américain bourru nommé Ratchett et son secrétaire, ainsi qu’une palette de personnages aux nationalités diverses.
La nuit venue, des événements troublants secouent le wagon-lit : des bruits suspects, une silhouette en kimono rouge, des appels à l’aide. Au petit matin, le train se retrouve paralysé par une tempête de neige en Yougoslavie. On découvre alors Ratchett mort dans son compartiment, le corps percé de douze coups de couteau. L’enquête révèle sa véritable identité : il s’agit de Cassetti, un criminel qui avait enlevé et assassiné la petite Daisy Armstrong après avoir extorqué une rançon à sa famille. Ce drame avait entraîné la mort de la mère en couches, puis le suicide du père et de la gouvernante française injustement accusée.
Poirot interroge les suspects et accumule les indices. Le mystère s’épaissit quand il réalise que tous les passagers du wagon ont un lien avec la famille Armstrong.
Autour du livre
Ce chef-d’œuvre d’Agatha Christie puise sa source dans deux événements. Le premier, le kidnapping du fils de Charles Lindbergh en 1932, inspire directement l’affaire Armstrong. Le second, plus anecdotique mais tout aussi important pour l’intrigue, survient en février 1929 lorsqu’un Orient-Express reste bloqué six jours dans la neige près de Çerkezköy, en Turquie. Le huis clos ferroviaire, cadre idéal pour un mystère à résoudre, redouble d’efficacité grâce à l’immobilisation forcée du train. Christie elle-même emprunte cette ligne mythique fin 1928, récoltant observations et impressions qui nourriront son texte.
La réception critique salue l’ingéniosité de l’intrigue. Le Times Literary Supplement loue la capacité de Christie à « rendre crédible l’improbable ». Raymond Chandler, en revanche, critique vertement cette mécanique qu’il juge artificielle. Ces avis contradictoires n’empêchent pas le roman d’être classé parmi les cent meilleurs romans policiers de tous les temps par la Mystery Writers of America en 1995. Sidney Lumet réalise en 1974 une version cinématographique mémorable avec Albert Finney, suivie en 2017 par celle de Kenneth Branagh. La télévision s’empare également du texte, notamment avec David Suchet dans le rôle de Poirot.
Aux éditions LE MASQUE ; 240 pages.
3. Mort sur le Nil (1937)
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Résumé
En 1937, Agatha Christie publie « Mort sur le Nil », une enquête d’Hercule Poirot qui compte parmi ses œuvres les plus célèbres. L’intrigue se déroule en Égypte, où la riche héritière américaine Linnet Ridgeway vient d’épouser Simon Doyle, l’ex fiancé de sa meilleure amie Jacqueline de Bellefort. Le couple part en lune de miel sur le Nil, mais se retrouve poursuivi par Jacqueline, déterminée à leur rendre la vie impossible.
À bord du vapeur, Hercule Poirot observe la situation se dégrader. Un soir, Jacqueline, apparemment ivre, tire sur Simon et le blesse à la jambe. Le lendemain matin, Linnet est retrouvée morte dans sa cabine, tuée d’une balle dans la tête. Jacqueline possède pourtant un alibi solide : elle était surveillée par une infirmière au moment du meurtre. L’enquête se complique davantage quand la femme de chambre de Linnet puis une romancière sont assassinées à leur tour.
Autour du livre
« Mort sur le Nil » prend racine dans les souvenirs égyptiens d’Agatha Christie, qui séjourna plusieurs fois dans le pays, notamment en 1934 lors d’une croisière sur le S.S. Sudan avec son mari archéologue Max Mallowan. C’est d’ailleurs dans le célèbre hôtel Old Cataract d’Assouan qu’elle rédigea le roman en 1937. John Dickson Carr l’inclut en 1946 dans sa liste des dix meilleurs romans policiers jamais écrits.
La narration se révèle particulièrement efficace : le huis clos du bateau, la multiplication des suspects et le retournement final constituent les ingrédients d’un succès qui ne s’est jamais démenti. L’intrigue brille par son économie de moyens : peu de descriptions du cadre égyptien pourtant grandiose, mais des personnages secondaires minutieusement ciselés qui donnent vie à l’ensemble. Le mécanisme du crime, particulièrement ingénieux, repose sur une machination à deux temps qui trompe aussi bien les autres personnages que le lecteur jusqu’aux dernières pages.
« Mort sur le Nil » a connu de nombreuses adaptations : théâtrales dès 1944, radiophoniques en 1997, télévisuelles en 1950 et 2004, et cinématographiques en 1978 avec Peter Ustinov, puis en 2022 avec Kenneth Branagh. Le film de 1978, tourné en Égypte à bord du vapeur Memnon, réunit une distribution exceptionnelle incluant notamment David Niven, Mia Farrow et Maggie Smith.
Aux éditions LE MASQUE ; 240 pages.
4. Le meurtre de Roger Ackroyd (1926)
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Résumé
Dans une paisible bourgade anglaise des années 1920, le docteur Sheppard, médecin de campagne, apprend le suicide de Mrs Ferrars, une riche veuve soupçonnée d’avoir empoisonné son mari. Le lendemain, Roger Ackroyd, industriel fortuné qui entretenait une liaison avec Mrs Ferrars, est retrouvé poignardé dans son bureau. Le célèbre détective Hercule Poirot, récemment installé dans le village pour sa retraite, accepte d’enquêter à la demande de Flora Ackroyd, nièce de la victime.
Les suspects ne manquent pas : Ralph Paton, fils adoptif d’Ackroyd criblé de dettes, qui a mystérieusement disparu ; Parker, le majordome au passé trouble ; Mrs Cecil Ackroyd, belle-sœur de la victime aux finances précaires ; ou encore Charles Kent, un vagabond aperçu près de la demeure le soir du meurtre. Le docteur Sheppard, narrateur de l’histoire, assiste Poirot dans son enquête, tandis que sa sœur Caroline, commère invétérée du village, alimente le détective en rumeurs et informations.
Autour du livre
Publié en 1926, « Le meurtre de Roger Ackroyd » marque un tournant dans l’histoire du roman policier. L’idée maîtresse provient d’une conversation entre Agatha Christie et son beau-frère James Watts, qui suggéra qu’un narrateur de type Watson pourrait être le coupable. Lord Mountbatten lui adressa également une lettre proposant un concept similaire. Cette double suggestion inspire à Christie ce qui deviendra son chef-d’œuvre.
Le roman suscite immédiatement la controverse. Les puristes du genre considèrent comme une trahison le fait de dissimuler l’assassin derrière le narrateur. Seule Dorothy L. Sayers défend avec ardeur cette innovation narrative. Christie réfute l’accusation de tricherie : « Le Dr Sheppard éprouve un malin plaisir à n’écrire que la vérité : pas toute la vérité, mais la vérité tout de même ». Le texte joue sur l’ambiguïté de la narration à la première personne. Roland Barthes note : « Le lecteur cherchait l’assassin derrière tous les ‘il’ de l’intrigue : il était sous le ‘je’. » Le récit repose sur des omissions stratégiques et un discours à double entente qui prend tout son sens lors d’une relecture.
En 1990, la Crime Writers’ Association le classe cinquième meilleur roman policier de tous les temps. En 2013, cette même association le désigne meilleur roman policier jamais écrit. Il figure également parmi les « 100 livres du siècle » sélectionnés par Le Monde en 1999. Le livre connaît de nombreuses adaptations. En 1928, la pièce « Alibi » avec Charles Laughton dans le rôle de Poirot remporte un vif succès à Londres. La version télévisée de 2000, avec David Suchet, reste fidèle à l’esprit du roman. Le professeur Pierre Bayard propose même, dans « Qui a tué Roger Ackroyd ? », une relecture suggérant un autre coupable : Caroline, la sœur du narrateur.
Le personnage de Caroline Sheppard justement, pétulante commère du village, préfigure Miss Marple. Christie écrit d’ailleurs dans son autobiographie : « Il est possible que Miss Marple soit née du plaisir que j’avais pris à brosser le portrait de la sœur du Dr Sheppard […] une vieille fille caustique, curieuse, sachant tout, entendant tout : la parfaite détective à domicile. »
Aux éditions LE MASQUE ; 224 pages.
5. Cinq petits cochons (1942)
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Résumé
Dans « Cinq petits cochons », publié en 1942, Agatha Christie nous entraîne dans une enquête à rebours menée de main de maître par l’inimitable Hercule Poirot. Un défi de taille pour le détective belge : élucider un meurtre vieux de seize ans, pour lequel la coupable présumée, Caroline Crale, a été jugée et condamnée avant de s’éteindre derrière les barreaux. Pourtant, une lettre posthume clame son innocence.
Sa fille, Carla, déterminée à rétablir la vérité, s’en remet aux légendaires « petites cellules grises » du détective. Poirot reprend l’investigation depuis le début, en se plongeant dans les souvenirs et les témoignages de cinq protagonistes, telles les pièces d’un puzzle. Chacun livre sa version des faits, les secrets se dévoilent, et le lecteur, happé par cette valse des mensonges et des non-dits, tente de démêler le vrai du faux.
Mais la grande dame du crime n’a pas dit son dernier mot. Tel une prestidigitatrice, elle sème les indices avec une habileté diabolique, brouillant les pistes jusqu’à l’inattendu dénouement final. Un classique du genre où le talent de la Reine du suspense s’exprime avec brio, usant de rebondissements jusqu’à la révélation ultime qui, immanquablement, nous laisse pantois. Un must absolu pour les amateurs d’énigmes policières.
Autour du livre
Publié en 1942 aux États-Unis sous le titre « Murder in Retrospect » puis au Royaume-Uni sous celui de « Five Little Pigs », ce roman se démarque dans l’œuvre d’Agatha Christie. L’enquête, menée seize ans après les faits, repose exclusivement sur les témoignages des protagonistes, sans indices matériels. Cette contrainte narrative inscrit l’ouvrage dans la tradition du « détective en fauteuil », tout en renouvelant le genre par sa structure originale.
Le titre fait référence à une comptine enfantine, « This Little Piggy », dont les vers correspondent aux cinq suspects. Cette mise en abyme ludique sert de fil conducteur à Poirot pour organiser sa réflexion. Le roman se distingue également par son traitement psychologique des personnages, notamment à travers leurs versions contradictoires des événements. Il s’inscrit dans une période particulièrement productive de Christie, qui publie entre 1935 et 1942 treize romans mettant en scène Poirot. Paradoxalement, cette intense production précède un certain désenchantement de l’autrice envers son détective : les huit années suivantes ne verront paraître que deux nouvelles enquêtes du Belge.
Le succès critique fut immédiat. Le Times Literary Supplement salue « l’habileté diabolique de l’autrice », tandis que The Observer évoque « l’un des dénouements les plus spectaculaires » de Christie. Robert Barnard le considère même comme « le meilleur Christie de tous les temps ». « Cinq petits cochons » a connu plusieurs adaptations notables : une pièce de théâtre en 1960 (« Go Back for Murder »), un épisode de la série télévisée avec David Suchet en 2003, et une version française en 2011 dans « Les petits meurtres d’Agatha Christie ».
Aux éditions LE MASQUE ; 240 pages.
6. La mystérieuse affaire de Styles (1920)
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Résumé
« La mystérieuse affaire de Styles », premier roman d’Agatha Christie paru en 1920, nous plonge au cœur d’un manoir anglais pendant la Première Guerre mondiale. Le capitaine Hastings, en convalescence chez son ami John Cavendish à Styles Court, fait la connaissance de l’excentrique famille de ce dernier. Mais un soir, un cri déchirant retentit. Emily Inglethorp, la maîtresse des lieux, agonise dans sa chambre, victime d’un empoisonnement. Les soupçons se portent immédiatement sur son jeune mari Alfred, que personne n’apprécie.
Heureusement, Hercule Poirot, un détective belge réfugié dans le village voisin, se joint à l’enquête à la demande de Hastings. Le coupable est-il aussi évident qu’il n’y paraît ? Poirot n’en est pas convaincu. « Ne vous fiez jamais aux apparences ! », aime à répéter le Belge aux moustaches impeccablement cirées. Bien vite, son flair lui souffle que le crime est loin d’être aussi simple. Dans cette demeure huppée, dont la quiétude dissimule de lourds secrets, tous avaient une raison d’en vouloir à Emily Inglethorp.
Poirot va devoir démêler l’écheveau de ce mystère inextricable, émaillé de faux indices et de chausse-trappes, pour confondre le diabolique assassin. Sa logique implacable et ses « petites cellules grises » auront raison du coupable, dans un dénouement inattendu et magistral, qui fera dire à plus d’un lecteur : « Mais bien sûr, comment ai-je pu passer à côté ? ». Un délice de roman, qui révèle dès ses premières pages tout le talent de la jeune romancière.
Autour du livre
Premier roman d’Agatha Christie, « La mystérieuse affaire de Styles » naît d’une gageure : sa sœur la met au défi d’écrire un roman policier dont le lecteur ne pourrait identifier le meurtrier malgré tous les indices à sa disposition. Christie relève le défi en 1916, à 27 ans, alors qu’elle travaille comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale. Cette expérience nourrit son œuvre : elle puise dans sa connaissance des poisons et s’inspire des réfugiés belges de Torquay pour créer Hercule Poirot.
Le manuscrit essuie d’abord les refus de Hodder and Stoughton et Methuen avant que John Lane, fondateur de The Bodley Head, ne l’accepte moyennant quelques modifications du dénouement. Le contrat s’avère peu avantageux : 25 livres sterling d’avance et aucun droit sur les ventes avant 2000 exemplaires écoulés. Malgré ces conditions, l’ouvrage rencontre un succès d’estime lors de sa parution aux États-Unis en octobre 1920, puis au Royaume-Uni en janvier 1921.
Le Times Literary Supplement salue un récit « presque trop ingénieux », tandis que le New York Times Book Review loue la dextérité d’une main déjà experte. Le roman pose les jalons du « Golden Age of Detective Fiction » avec ses attributs emblématiques : le manoir isolé, la demi-douzaine de suspects aux secrets bien gardés, les fausses pistes et les retournements inattendus.
L’intrigue déploie une mécanique d’horlogerie où chaque indice compte : la tasse de café brisée, la tache de bougie sur le tapis, le filament d’étoffe verte. Le crime lui-même repose sur un stratagème chimique sophistiqué, préfigurant l’intérêt durable de Christie pour les poisons comme instruments de meurtre. L’usage du bromure pour précipiter la strychnine inspira même un véritable criminel quelques années après la publication.
« La mystérieuse affaire de Styles » marque aussi les débuts d’Hercule Poirot, qui deviendra l’un des personnages les plus célèbres de la littérature policière. Christie choisit symboliquement Styles comme décor de la dernière affaire de Poirot dans « Hercule Poirot quitte la scène », bouclant ainsi la boucle d’une carrière exceptionnelle. Le roman a connu de nombreuses adaptations, notamment télévisées avec David Suchet dans le rôle de Poirot en 1990, et plus récemment une version audio avec Peter Dinklage prêtant sa voix au célèbre détective.
Aux éditions LE MASQUE ; 230 pages.
7. La mort dans les nuages (1935)
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Résumé
Publié en 1935, « La mort dans les nuages » se déroule à bord du Prométhée, un avion reliant Paris à Londres. À bord se trouvent notamment le détective belge Hercule Poirot ainsi que Madame Giselle, une usurière française. Au cours du vol, cette dernière est retrouvée morte, apparemment assassinée par une fléchette empoisonnée tirée d’une sarbacane. Un crime impensable, commis sous le nez d’une vingtaine de témoins confinés dans un espace clos. Poirot lui-même, pourtant assis à quelques mètres de la victime, n’a rien vu. Comble de malchance, l’arme du crime est découverte sous le siège du détective. Un affront que le petit Belge à l’impressionnante moustache ne saurait tolérer !
L’enquête met rapidement en lumière la personnalité trouble de la victime ainsi que les relations toxiques qu’elle entretenait avec les autres passagers. Tous avaient une bonne raison de souhaiter sa mort. Tel un joueur d’échecs, le détective privé va avancer ses pions, éliminer les hypothèses une à une, et finir par coincer son adversaire en lui assénant un implacable « échec et mat ». Un dénouement brillant, digne du talent de la Reine du crime, qui prouve une fois encore que face à l’ingéniosité d’un assassin, seul un Hercule Poirot peut faire le poids.
Autour du livre
« La mort dans les nuages », publié en 1935, s’inscrit dans une période prolifique de la carrière d’Agatha Christie, marquée par la publication d’œuvres majeures comme « Le crime de l’Orient-Express » (1934) et « Mort sur le Nil » (1937). Le choix d’un avion comme théâtre du crime témoigne d’une modernité assumée, Christie privilégiant ce mode de transport dans sa vie personnelle en raison de son mal de mer chronique.
L’intrigue se déroule dans un espace confiné, dispositif narratif cher à la romancière qui l’avait déjà expérimenté dans « Le crime de l’Orient-Express » et qu’elle réutilisera notamment dans « Ils étaient dix ». Le personnage de Daniel Clancy, écrivain de romans policiers, préfigure celui d’Ariadne Oliver, qui deviendra une figure récurrente des romans de Christie. Cette inclusion d’un auteur de polar dans l’intrigue permet à Christie d’exercer son art de l’auto-dérision et de porter un regard amusé sur sa profession.
L’ingéniosité du meurtre repose sur une erreur technique reconnue plus tard par Christie elle-même : dans « Mrs McGinty est morte » (1952), elle fait avouer à son alter-ego Ariadne Oliver avoir décrit une sarbacane d’une trentaine de centimètres alors que les véritables sarbacanes amérindiennes mesurent environ 1,80 mètre. Cette confession déguisée souligne l’honnêteté intellectuelle de Christie envers ses lecteurs.
Les critiques de l’époque ont salué unanimement l’inventivité du récit. The Times Literary Supplement souligne la surprise totale du dénouement, tandis que The Observer loue la capacité de Christie à déjouer les attentes du lecteur le plus averti. Les adaptations télévisées, notamment celle de 1992 avec David Suchet, ont su préserver l’essence du roman tout en y apportant des modifications pertinentes. La transformation du personnage de Jane Grey en hôtesse de l’air modernise l’intrigue sans en altérer la mécanique.
Aux éditions LE MASQUE ; 284 pages.
8. Un cadavre dans la bibliothèque (1942)
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Résumé
Dans le paisible village de St. Mary Mead, la quiétude matinale des époux Bantry vole en éclats lorsque leur femme de chambre découvre le corps sans vie d’une jeune femme dans leur bibliothèque. La victime, vêtue d’une robe de soirée tape-à-l’œil et arborant une chevelure d’un blond platine, n’a aucun lien apparent avec les propriétaires des lieux. Dolly Bantry fait immédiatement appel à son amie Miss Marple, fine observatrice et enquêtrice reconnue, pour lever le voile sur ce mystère qui menace la réputation de son mari.
L’enquête révèle que la victime serait Ruby Keene, une danseuse de 18 ans qui se produisait à l’hôtel Majestic de Danemouth. La jeune femme avait récemment noué des liens avec Conway Jefferson, un riche veuf handicapé qui projetait de l’adopter et de lui léguer sa fortune, au grand dam de ses héritiers. La découverte d’un second corps, celui de Pamela Reeves, 16 ans, retrouvée carbonisée dans une voiture volée, vient encore compliquer l’enquête. Miss Marple comprend que la clé du mystère réside dans un détail en apparence anodin : les ongles des victimes.
Autour du livre
Ce roman publié en 1942 joue astucieusement avec les codes du genre policier. Dans son avant-propos, Christie présente l’écriture comme une recette de cuisine, prenant pour ingrédient principal le cliché du « cadavre dans la bibliothèque » pour mieux le subvertir. La scène d’ouverture, où Mrs Bantry rêve paisiblement avant d’être brutalement réveillée par l’annonce macabre, illustre ce mélange subtil entre convention et innovation.
L’œuvre s’inscrit dans un moment particulier de la carrière de Christie, qui rédigeait simultanément ce roman et « N. ou M. ? ». Si ce dernier évoque directement la Seconde Guerre mondiale, « Un cadavre dans la bibliothèque » reste délibérément ancré dans un univers préservé des troubles de son époque.
Le personnage de Miss Marple y déploie toute sa sagacité, s’appuyant sur sa connaissance intime de la nature humaine pour résoudre l’énigme. Son approche intuitive contraste avec les méthodes plus conventionnelles de la police, comme le souligne Maurice Willson Disher dans sa critique pour le Times Literary Supplement de 1942 : « Quand Miss Marple dit ‘La robe était totalement inadaptée’, elle observe des faits qui échappent à l’œil masculin ».
Les multiples adaptations télévisées témoignent de la puissance narrative de l’intrigue : la BBC en 1984 avec Joan Hickson, ITV en 2004 avec Geraldine McEwan, sans oublier les versions française et coréenne qui ont transposé l’histoire dans leurs contextes culturels respectifs. Cette universalité du récit repose sur l’habileté avec laquelle Christie entremêle les apparences trompeuses et les vérités dissimulées.
La construction méticuleuse du double meurtre, où chaque indice prend son sens dans la résolution finale, démontre une maîtrise consommée des mécanismes du suspense. Le dénouement, qui repose sur une substitution d’identité audacieuse, bouleverse les certitudes initiales tout en respectant scrupuleusement la logique interne du récit.
Aux éditions LE MASQUE ; 192 pages.
9. Meurtre en Mésopotamie (1936)
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Résumé
1936. Sur un site de fouilles archéologiques en Mésopotamie, une série d’événements inquiétants perturbe la quiétude des lieux. Louise Leidner, l’épouse de l’archéologue qui dirige l’expédition, reçoit des lettres menaçantes qui semblent émaner de son premier mari, un espion allemand présumé mort quinze ans plus tôt. Une infirmière, Amy Leatheran, est engagée pour veiller sur elle, mais ne peut empêcher le drame : Louise est retrouvée morte dans sa chambre, victime d’un violent coup à la tête.
Hercule Poirot, le célèbre détective belge de passage à Bagdad, est appelé sur les lieux. L’enquête s’annonce complexe : la victime exerçait une étrange fascination sur les hommes de l’expédition tout en suscitant des sentiments ambivalents. Alors que les soupçons se portent sur chacun des membres de l’équipe, une seconde mort frappe le site archéologique. Anne Johnson, qui prétendait avoir percé le mystère du premier meurtre, est empoisonnée avant d’avoir pu révéler ce qu’elle savait.
Qui en voulait à Mme Leidner ? Son mari, un scientifique absorbé par ses travaux ? L’un des membres de l’équipe, excédé par les sautes d’humeur de la victime ? Ou un fantôme du passé, ressurgi pour assouvir sa vengeance ?
Autour du livre
« Meurtre en Mésopotamie » puise sa substance dans les séjours d’Agatha Christie sur les sites archéologiques d’Irak et de Syrie, aux côtés de son second mari, Max Mallowan. Cette immersion dans le monde des fouilles confère au roman une authenticité remarquable, nourrie par l’expérience de la romancière. Le personnage de Louise Leidner s’inspire directement de Katherine Woolley, épouse de l’archéologue Sir Leonard Woolley, qui dirigeait les fouilles d’Ur où travaillait Mallowan. Christie a transposé dans son héroïne la personnalité complexe et polarisante de Katherine Woolley, dont elle était devenue l’amie proche.
Le roman se démarque par son architecture narrative ingénieuse. Le choix d’Amy Leatheran comme narratrice offre un regard neuf sur Poirot, absent durant le premier tiers du roman. Cette construction permet d’établir solidement le contexte et les tensions entre les personnages avant l’entrée en scène du détective. La dimension du huis clos, caractéristique du genre, prend ici une ampleur particulière dans le cadre isolé d’une mission archéologique où les suspects, tous érudits, dissimulent leurs motivations derrière un vernis de civilité.
« Meurtre en Mésopotamie » a donné lieu à plusieurs adaptations, notamment pour la série télévisée « Agatha Christie’s Poirot » en 2002, avec David Suchet. Le tournage s’est déroulé en Tunisie, entre l’Hôtel Casino de Hammam Lif et le site archéologique d’Uthina. Si l’adaptation conserve les éléments essentiels de l’intrigue, elle prend quelques libertés avec le texte original, notamment en intégrant le personnage du Capitaine Hastings, absent du roman. Une version radiophonique, adaptée par Michael Bakewell pour BBC Radio 4, met en scène John Moffatt dans le rôle de Poirot. En 2008, le roman a également fait l’objet d’une adaptation en roman graphique, d’abord publiée en France en 2005 sous la plume de François Rivière et le trait de Chandre.
Aux éditions LE MASQUE ; 284 pages.
10. Le crime du golf (1923)
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Résumé
1923. Un appel au secours désespéré attire Hercule Poirot sur la côte française. Paul Renauld, un millionnaire qui a fait fortune en Amérique du Sud, redoute pour sa vie et implore l’aide du détective belge. Mais quand Poirot arrive à Merlinville-sur-Mer avec son ami le capitaine Hastings, il est déjà trop tard : le corps de Renauld a été retrouvé au petit matin, un poignard planté dans le dos, dans une fosse fraîchement creusée en bordure d’un terrain de golf.
L’affaire s’annonce particulièrement tortueuse. La veuve de Renauld affirme que deux hommes masqués ont fait irruption chez eux en pleine nuit, l’ont ligotée et ont emmené son mari. Le commissaire Giraud de la Sûreté de Paris débarque sur les lieux et ne cache pas son mépris pour les méthodes désuètes de Poirot. Bientôt, un second cadavre est découvert. Le fils de la première victime devient le principal suspect.
Autour du livre
Avec « Le crime du golf », deuxième enquête d’Hercule Poirot publiée en 1923, Agatha Christie insuffle une tonalité résolument française à l’intrigue, puisant son inspiration dans l’univers de Gaston Leroux et son « Mystère de la chambre jaune ». Cette coloration particulière transparaît tant dans le cadre – une station balnéaire du Nord de la France – que dans l’antagonisme savoureux entre Poirot et l’inspecteur Giraud de la Sûreté.
La romancière y fait des liens avec l’actualité criminelle de l’époque. Christie fait notamment référence au tueur en série George Joseph Smith, dont la sinistre technique de noyade de ses épouses successives illustre la théorie de Poirot sur l’immuabilité de la nature humaine : « Ce qu’il a payé, c’est son manque d’originalité ». Le roman constitue également un moment charnière dans l’évolution des personnages. Christie y orchestre le départ programmé du capitaine Hastings, qui trouve l’amour et s’exile en Argentine. Ce départ libère Poirot du rôle de mentor qu’il endossait jusqu’alors, lui permettant d’affirmer pleinement sa personnalité de détective.
L’accueil critique s’avère particulièrement favorable. Le Times Literary Supplement salue en 1923 cette « énigme captivante d’un genre inhabituel », tandis que The New York Times Book Review loue l’ingéniosité de sa construction et la maîtrise de son développement. The Observer va jusqu’à déceler une forme de satire dans le personnage de Poirot, soulignant son contraste rafraîchissant avec ses contemporains.
L’œuvre connaît de multiples adaptations, dont la plus notable reste celle de la série « Agatha Christie’s Poirot » en 1996, avec David Suchet. La version télévisée prend certaines libertés avec l’intrigue originale, notamment en recentrant l’action à Deauville et en modifiant la nature des relations entre les personnages, tout en préservant l’essence du récit.
Aux éditions LE MASQUE ; 230 pages.
11. La Maison biscornue (1949)
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Résumé
À l’automne 1947, dans le Londres d’après-guerre, trois générations de la famille Leonides cohabitent sous l’autorité du patriarche Aristide dans une imposante demeure surnommée « La Maison biscornue ». Quand le vieil homme succombe à un empoisonnement, sa petite-fille Sophia fait appel à son fiancé Charles Hayward pour élucider le crime. Fils d’un commissaire de Scotland Yard, Charles découvre une famille dysfonctionnelle où chacun avait un mobile pour tuer. Si les soupçons se portent initialement sur Brenda, la jeune veuve d’Aristide, et sur Laurence Brown, le précepteur des enfants, avec qui elle entretiendrait une liaison, la vérité s’avère bien plus trouble.
Autour du livre
« La Maison biscornue » occupe une place particulière dans l’œuvre d’Agatha Christie, qui la considérait comme l’un de ses deux romans préférés avec « Témoin indésirable ». Le titre fait référence à une comptine anglaise populaire, « There Was a Crooked Man », dont les vers narrent l’histoire d’un homme tordu vivant dans une maison tordue – une métaphore qui illustre parfaitement la nature « déformée » des relations familiales au sein des Leonides.
L’architecture même de la demeure devient un personnage à part entière, reflet des relations toxiques qui unissent ses habitants. Le choix du huis clos familial permet de disséquer avec une précision chirurgicale les névroses et les secrets qui gangrènent cette famille grecque émigrée. La présence d’un narrateur extérieur, Charles Hayward, offre un regard neuf sur cette microsociété repliée sur elle-même.
L’originalité du roman réside dans sa conclusion stupéfiante qui bouleverse les codes du genre policier. Christie y démontre sa maîtrise du suspense psychologique en construisant une intrigue qui ne repose pas tant sur les indices matériels que sur l’observation minutieuse des comportements humains. La solution, d’une audace rare pour l’époque, confirme le talent de Christie pour subvertir les attentes du lecteur.
« La Maison biscornue » a connu plusieurs adaptations, dont une version radiophonique par la BBC en 2008 et une adaptation cinématographique en 2017 réalisée par Gilles Paquet-Brenner, avec Glenn Close et Gillian Anderson. Le film, bien que fidèle à l’esprit du livre, n’a pas réussi à retranscrire toute la subtilité psychologique qui fait la force du texte original.
Aux éditions LE MASQUE ; 240 pages.
12. A.B.C. contre Poirot (1936)
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Résumé
Été 1935, Grande-Bretagne. Le célèbre détective belge Hercule Poirot reçoit une mystérieuse lettre qui le met au défi d’empêcher un crime à venir. Signée « A.B.C. », elle marque le début d’une série de meurtres suivant l’ordre alphabétique. À Andover, Alice Ascher est tuée dans sa boutique. À Bexhill, Betty Barnard est étranglée sur la plage. À Churston, Sir Carmichael Clarke est assassiné dans sa demeure. Alors que la police traque un certain Alexander Bonaparte Cust, vendeur ambulant présent sur chaque scène de crime, Poirot est peu convaincu par cette piste trop évidente. Derrière cette apparente folie meurtrière se dissimule un plan méticuleux visant à masquer un seul homicide parmi d’autres.
Autour du livre
Ce dix-huitième roman d’Agatha Christie, publié en 1936, innove par sa structure narrative singulière. Le récit alterne entre la narration à la première personne du capitaine Hastings et des passages à la troisième personne, technique empruntée à Charles Dickens, l’auteur favori de Christie. Cette dualité crée un effet saisissant où le lecteur jongle entre proximité avec l’action et vision surplombante des événements.
L’intrigue se déroule dans une Angleterre marquée par la montée du nazisme en Europe et les séquelles de la Grande Dépression : chômage massif, divisions politiques, méfiance généralisée. Cette toile de fond sociale ajoute une épaisseur supplémentaire à ce qui pourrait n’être qu’un simple jeu de piste meurtrier.
L’accueil critique fut immédiatement enthousiaste. Le Times Literary Supplement prédit avec humour que « si Mrs Christie abandonne un jour la fiction pour le crime, elle sera très dangereuse : seul Poirot pourra l’arrêter. » Isaac Anderson, dans The New York Times Book Review, considère le roman comme « la meilleure chose qu’elle ait jamais écrite, sans même excepter Roger Ackroyd« .
« A.B.C. contre Poirot » a inspiré de nombreuses adaptations, dont la plus fidèle reste celle de 1992 pour la télévision britannique avec David Suchet. La version cinématographique de 1965, avec Tony Randall, prend davantage de libertés avec le matériau original. Plus récemment, en 2018, la BBC a produit une mini-série avec John Malkovich, proposant une relecture plus sombre centrée sur le passé de Poirot.
Aux éditions LE MASQUE ; 234 pages.
13. Le couteau sur la nuque (1933)
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Résumé
Londres, années 1930. Hercule Poirot reçoit une requête inhabituelle : la célèbre actrice Jane Wilkinson souhaite son aide pour obtenir le divorce de Lord Edgware, son époux tyrannique. Lors de sa visite, Poirot apprend que celui-ci avait déjà accepté par écrit – ce que Jane nie. Le lendemain, Lord Edgware est découvert assassiné dans sa demeure. Les témoignages des domestiques désignent Jane comme la meurtrière, mais celle-ci dispose d’un alibi : elle participait à un dîner avec treize convives. L’enquête se complexifie quand Carlotta Adams, une imitatrice capable de se faire passer pour Jane, est retrouvée morte d’une overdose, suivie de l’assassinat d’un témoin gênant. Autant d’éléments qui conduisent Poirot sur la piste d’une machination aussi ingénieuse que meurtrière.
Autour du livre
La genèse du roman trouve son inspiration dans une représentation de Ruth Draper, comédienne américaine virtuose de l’imitation. Christie, séduite par sa capacité à métamorphoser sa personnalité sur scène, en tire l’idée maîtresse de son intrigue. L’écriture débute à Rhodes à l’automne 1931, avant de s’achever à Nimrud en Irak où la romancière accompagne son mari, l’archéologue Max Mallowan. Un squelette découvert sur le site archéologique est même baptisé « Lord Edgware » par l’équipe.
« Le couteau sur la nuque » se distingue par son traitement novateur du motif du sosie, thème récurrent dans la littérature policière. La superstition des treize convives à table, qui donne son titre à l’édition américaine (Thirteen at Dinner), s’entrelace habilement avec la trame criminelle. Cette dimension symbolique renvoie au dernier repas du Christ, écho avec le destin tragique qui attend les protagonistes.
Les critiques saluent unanimement l’ingéniosité du roman dès sa parution. Le Times Literary Supplement souligne la perspicacité de Poirot, capable de résoudre l’énigme grâce à une remarque fortuite entendue dans la rue. Le New York Times Book Review célèbre la virtuosité avec laquelle Christie orchestre les fausses pistes et dénoue les fils de l’intrigue.
Le succès ne se dément pas au fil des décennies, donnant lieu à de multiples adaptations. Dès 1934, le roman est porté à l’écran avec Austin Trevor dans le rôle de Poirot. Peter Ustinov et David Suchet incarneront également le détective belge, respectivement en 1985 et 2000. La version française des « Petits meurtres d’Agatha Christie » propose en 2012 une relecture originale située dans le milieu théâtral des années 1950.
Aux éditions LE MASQUE ; 288 pages.
14. Les vacances d’Hercule Poirot (1941)
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Résumé
Dans une petite station balnéaire du Devon, Hercule Poirot séjourne au luxueux hôtel Jolly Roger. Parmi les clients se trouve Arlena Marshall, une ancienne actrice à la beauté ensorcelante qui ne laisse personne indifférent. Elle entretient une liaison avec Patrick Redfern sous les yeux de leurs conjoints respectifs : Kenneth Marshall et Christine Redfern. Lorsqu’Arlena est découverte étranglée sur une plage isolée, tous les suspects semblent avoir un alibi en béton. Poirot va peu à peu mettre au jour un stratagème élaboré.
Autour du livre
« Les vacances d’Hercule Poirot » est publié en 1941 en pleine Seconde Guerre mondiale. Le cadre insulaire s’inspire directement de Burgh Island au large du Devon, accessible uniquement en « sea tractor ». Cette particularité géographique confère au récit une atmosphère claustrophobe qui sert admirablement le huis clos. L’intrigue réutilise certains éléments de la nouvelle « Trio à Rhodes » (1936), notamment le trio mari-maîtresse-épouse délaissée, mais en leur donnant une dimension nouvelle. La construction du mystère s’appuie sur un jeu subtil d’alibis et de fausses pistes, où le temps et les apparences deviennent des instruments de manipulation.
La réception critique lors de la sortie du livre fut particulièrement élogieuse. Maurice Willson Disher, dans The Times Literary Supplement, salue la capacité de Christie à diriger ses lecteurs vers de fausses conclusions avant de « faire exploser son secret comme une mine terrestre ». The Observer qualifie le roman de « meilleure Agatha Christie depuis Dix petits nègres« . Les adaptations cinématographiques témoignent de sa puissance narrative. La version de 1982 avec Peter Ustinov transpose l’action dans l’Adriatique, tandis que celle de 2001 avec David Suchet reste fidèle au Devon original.
Aux éditions LE MASQUE ; 223 pages.
15. La maison du péril (1932)
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Résumé
En vacances dans les Cornouailles, Hercule Poirot s’inquiète pour Magdala Buckley, surnommée Nick, qui a survécu à trois tentatives de meurtre. Le détective belge prend l’affaire en main et conseille à la jeune femme d’inviter sa cousine Maggie pour la protéger. Mais lors d’une soirée à End House, la demeure de Nick, Maggie est tuée d’une balle dans la tête alors qu’elle porte l’écharpe de sa cousine. Poirot met bientôt au jour un écheveau de faux testaments, de trafic de cocaïne et de rivalités amoureuses.
Autour du livre
Publié en 1932, « La maison du péril » témoigne de la maîtrise d’Agatha Christie dans l’art du puzzle criminel. Le Times Literary Supplement salue une solution « inhabituellement ingénieuse », tandis que le New York Times Book Review loue un dénouement « des plus surprenants ». La romancière confie dans son autobiographie n’avoir gardé que peu de souvenirs de l’écriture de ce livre : « La maison du péril est un autre de mes livres qui m’a laissé si peu d’impressions que je me souviens à peine l’avoir écrit ». Les carnets de travail retrouvés par John Curran révèlent pourtant une construction minutieuse, avec une intrigue proche de sa version finale dès les premières ébauches.
Le cadre maritime de St Loo, ville fictive des Cornouailles, s’inspire directement de Torquay dans le Devon, ville natale de Christie. Le Majestic Hotel où séjournent Poirot et Hastings est calqué sur l’Imperial Hotel de Torquay. Cette transposition géographique permet à la romancière d’ancrer son récit dans un décor familier tout en gardant la liberté de l’invention. Le roman est dédié à l’écrivain Eden Phillpotts qui encouragea les premiers pas littéraires de Christie. En 1908, alors qu’elle se remettait d’une grippe, il lui prodigua de précieux conseils sur l’art du dialogue et la caractérisation des personnages.
« La maison du péril » a connu de nombreuses adaptations : une pièce de théâtre en 1940 avec Francis L. Sullivan dans le rôle de Poirot, un téléfilm soviétique en 1989, un épisode de la série ITV en 1990 avec David Suchet, un jeu vidéo en 2007, une bande dessinée en 2008 et même un épisode des « Petits meurtres d’Agatha Christie » sur France 2 en 2009.
Aux éditions LE MASQUE ; 220 pages.
16. Le Train Bleu (1928)
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Résumé
Dans le Train Bleu reliant Calais à Nice, Hercule Poirot croise le chemin de Ruth Kettering. Cette Américaine fortunée, fille du magnat Rufus Van Aldin, vient de recevoir en cadeau le « Cœur de Feu », un rubis d’exception. Elle quitte un mariage sans amour pour retrouver son amant, ignorant que son mari Derek voyage dans le même train avec une danseuse parisienne. Au petit matin, le corps de Ruth est découvert étranglé, le précieux rubis volatilisé. Van Aldin implore Poirot d’enquêter. Si tous les indices semblent accuser Derek Kettering, le détective belge remonte la piste d’une machination orchestrée par un insoupçonnable criminel.
Autour du livre
La genèse du « Train Bleu » révèle une période douloureuse dans la carrière d’Agatha Christie. L’écrivaine compose ce roman en 1927, aux Canaries, alors qu’elle traverse une phase personnelle tumultueuse : divorce, disparition médiatisée, décès de sa mère. La nécessité financière la pousse à développer une nouvelle parue en 1923, « L’Express de Plymouth », en roman. Dans son autobiographie, elle confie : « J’avais l’impression de plus en plus forte que tout ce que je disais était idiot ! […] Je bafouillais, balbutiais, hésitais et me répétais. »
Cette expérience d’écriture contrainte lui permet néanmoins d’affirmer son professionnalisme, prouvant sa capacité à produire même dans l’adversité. « Le Train Bleu » marque plusieurs innovations dans l’œuvre de Christie : première apparition du village de St. Mary Mead, futur fief de Miss Marple, et introduction de personnages récurrents comme Georges, le valet de Poirot, et Mr Goby, mystérieux informateur qui réapparaîtra dans « Les indiscrétions d’Hercule Poirot » et « La troisième fille ».
Malgré les réserves de son autrice, le Times Literary Supplement salue en 1928 la maestria de Christie : « Le lecteur ne sera pas déçu quand le distingué Belge […] construit ses déductions presque à partir de rien, les soutient par une magistrale accumulation de preuves négatives et attrape son poisson à la surprise générale. »
« Le Train Bleu » connaît plusieurs adaptations remarquables. En 2005, ITV produit un épisode de la série « Agatha Christie’s Poirot » avec David Suchet, qui transpose l’intrigue dans les années 1930. La BBC Radio 4 propose en 1985 une version radiophonique avec Maurice Denham, première adaptation des romans de Poirot par la BBC. En 2007, Marc Piskic signe une adaptation en roman graphique chez HarperCollins, traduite de l’édition française d’Emmanuel Proust.
Aux éditions LE MASQUE ; 283 pages.
17. Hercule Poirot quitte la scène (1975)
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Résumé
En 1949, Hercule Poirot, désormais en fauteuil roulant, convoque son ami le capitaine Hastings à Styles Court, là même où ils résolurent leur première enquête. Le détective belge confie à Hastings qu’un tueur en série se cache parmi les pensionnaires de cette maison devenue hôtel. Ce mystérieux « X » a orchestré cinq meurtres sans jamais être inquiété, manipulant d’autres personnes pour commettre ses crimes. Parmi les pensionnaires se trouvent la fille d’Hastings, un médecin et sa femme malade, un ornithologue amateur, et d’autres invités apparemment sans histoire. Mais lorsqu’une série d’incidents tragiques survient, Poirot comprend qu’il devra peut-être sacrifier sa propre vie pour arrêter le tueur.
Autour du livre
« Hercule Poirot quitte la scène », dernier roman mettant en scène Hercule Poirot, recèle une histoire singulière. Rédigé pendant le Blitz londonien en 1940-1941, alors qu’Agatha Christie redoutait de ne pas survivre aux bombardements allemands, ce testament littéraire resta scellé dans un coffre de banque pendant plus de trente ans. La romancière souhaitait ainsi assurer des revenus à sa famille en cas de décès, tout en empêchant d’autres écrivains de s’emparer du personnage de Poirot après sa disparition.
La publication du livre en 1975 provoqua un retentissement considérable. Le New York Times fit même paraître une nécrologie du détective belge en première page – un honneur sans précédent pour un personnage de fiction. Le journal titrait : « Hercule Poirot est mort, Célèbre détective belge ».
Cette ultime enquête se démarque par sa construction circulaire : Poirot retourne sur les lieux de sa première affaire, Styles Court, pour y mourir après avoir résolu son cas le plus complexe. La dimension psychologique prend le pas sur l’énigme pure, avec un tueur qui ne commet pas directement ses crimes mais manipule les autres pour qu’ils deviennent meurtriers.
Le livre a fait l’objet d’une remarquable adaptation télévisée en 2013, avec David Suchet dans le rôle de Poirot. Cet ultime épisode de la série ITV a été salué par la critique et nommé pour l’Emmy Award du meilleur téléfilm en 2015. La disparition du détective y est mise en scène avec une intensité dramatique particulièrement émouvante.
Aux éditions LE MASQUE ; 288 pages.
18. Rendez-vous avec la mort (1938)
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Résumé
En 1938, dans un hôtel de Jérusalem, Hercule Poirot surprend une conversation troublante : « Tu vois bien qu’il faut la tuer, non ? ». L’objet de cette menace est Mrs Boynton, une ancienne gardienne de prison devenue une belle-mère tyrannique qui maintient sa famille sous son emprise psychologique. Lors d’une excursion à Pétra, en Jordanie, Mrs Boynton est retrouvée morte dans son fauteuil, une marque de piqûre au poignet. Le colonel Carbury confie l’enquête à Poirot, qui s’engage à résoudre l’énigme en vingt-quatre heures.
Autour du livre
Publié en 1938, « Rendez-vous avec la mort » reflète l’expérience d’Agatha Christie au Moyen-Orient, où elle accompagnait son second mari, l’archéologue Max Mallowan. La cité de Pétra, qui sert de cadre à l’intrigue, avait particulièrement marqué l’autrice lors de ses visites. Cette familiarité avec les lieux transparaît dans la précision des descriptions et l’atmosphère particulière qui nimbe le récit.
Le roman se démarque par sa construction en deux temps : le premier tiers s’apparente à un thriller psychologique qui met en scène la famille dysfonctionnelle des Boynton, tandis que la suite bascule dans une enquête policière classique. Cette dualité permet d’approfondir la psychologie des personnages tout en maintenant la tension narrative.
La figure de Mrs Boynton incarne une forme de mal particulièrement insidieuse : celui de l’emprise psychologique. Son passé de gardienne de prison éclaire sa propension à la domination, transformant sa famille en détenus virtuels. Cette métaphore de l’enfermement psychologique prend une dimension supplémentaire dans le cadre grandiose et désertique de Pétra.
L’adaptation théâtrale réalisée par Christie elle-même en 1945 témoigne de sa capacité à réinventer son œuvre : la romancière y supprime le personnage de Poirot et modifie l’identité du meurtrier. Le roman a également inspiré plusieurs adaptations cinématographiques et télévisuelles, dont une version avec Peter Ustinov (1988) et une autre avec David Suchet (2009).
La réception critique souligne l’habileté avec laquelle Christie tisse les fils de l’intrigue. Le Times Literary Supplement loue particulièrement la façon dont Poirot conduit son enquête, même si la solution lui paraît moins saisissante que d’autres dénouements imaginés par Christie. The Observer va plus loin en considérant ce roman comme mathématiquement deux fois plus brillant que les précédents, compte tenu du nombre restreint de suspects.
Aux éditions LE MASQUE ; 230 pages.
19. Meurtre au champagne (1944)
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Résumé
Dans le Londres mondain des années 1940, Rosemary Barton meurt empoisonnée au cyanure lors de son dîner d’anniversaire au restaurant. L’enquête conclut d’abord au suicide, mais un an plus tard, son mari George reçoit des lettres anonymes suggérant un meurtre. Pour démasquer le coupable, il organise un dîner identique au précédent, réunissant les mêmes convives pour célébrer l’anniversaire d’Iris, la sœur de Rosemary. La soirée tourne au drame : George succombe à son tour, empoisonné de la même manière. Le Colonel Race et l’inspecteur Kemp mènent l’enquête. Ils ne tardent pas à découvrir que chaque invité avait un mobile pour éliminer Rosemary : infidélités, chantage, héritage… La vérité éclate lorsqu’une nouvelle tentative de meurtre vise Iris.
Autour du livre
« Meurtre au champagne » trouve son origine dans une nouvelle d’Agatha Christie publiée en 1937, « L’Iris jaune », mettant en scène Hercule Poirot. La romancière transforme ce récit court en roman policier, substituant le Colonel Race à son célèbre détective belge. Cette réécriture permet d’approfondir la psychologie des personnages et d’étoffer considérablement l’intrigue initiale. Le titre joue sur l’opposition entre le caractère festif du champagne et la mort violente qu’il dissimule.
La narration se déploie en trois parties distinctes : « Rosemary », « Le jour des morts » et « Iris », chacune placée sous l’égide d’une citation littéraire. La première partie adopte une narration polyphonique, où les différents protagonistes livrent leurs souvenirs de la victime, créant ainsi un portrait fragmenté et ambigu de Rosemary Barton.
« Meurtre au champagne » a connu plusieurs adaptations télévisées notables, dont une version américaine en 1983 et une production britannique en 2003. La BBC en a également proposé une adaptation radiophonique en 2012. La version française, intégrée à la série « Les petits meurtres d’Agatha Christie » en 2013, transpose l’intrigue dans les années 1950-1960, remplaçant le Colonel Race par le commissaire Swan Laurence.
Aux éditions LE MASQUE ; 230 pages.
20. Je ne suis pas coupable (1940)
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Résumé
Angleterre, années 1940. Elinor Carlisle mène une vie paisible jusqu’à ce qu’une lettre anonyme vienne tout bouleverser. Cette missive l’avertit que quelqu’un tente de s’attirer les faveurs de sa tante Laura Welman, une riche veuve dont elle doit hériter. Accompagnée de son fiancé Roderick Welman, elle se rend au chevet de sa tante paralysée et y découvre Mary Gerrard, une jeune protégée de Mrs Welman. Roderick tombe éperdument amoureux de Mary, poussant Elinor à rompre leurs fiançailles. Peu après, Mrs Welman meurt sans testament, faisant d’Elinor son unique héritière. La situation se complique dramatiquement lorsque Mary est retrouvée empoisonnée à la morphine. Tous les soupçons se portent sur Elinor, qui se retrouve accusée d’un double meurtre quand l’autopsie de sa tante révèle qu’elle aussi a été empoisonnée.
Autour du livre
Le titre original « Sad Cypress » provient d’une chanson de « La Nuit des rois » de Shakespeare, placée en épigraphe du roman. Cette référence à la tragédie shakespearienne annonce les thèmes de l’amour malheureux et de la mort qui parcourent le récit.
La structure tripartite – le crime vu par l’accusée, l’enquête de Poirot et le procès – constitue une innovation dans la série des Poirot. Pour la première fois, Christie place une partie significative de l’action dans un tribunal. Les témoignages permettent de distiller progressivement les indices tout en maintenant le suspense jusqu’au dénouement.
Les connaissances pharmaceutiques acquises par Christie pendant la Première Guerre mondiale, lorsqu’elle travaillait comme infirmière dans un dispensaire, transparaissent dans la précision avec laquelle sont décrits les effets de la morphine et de l’apomorphine.
La réception critique fut élogieuse dès sa parution. The Times Literary Supplement salua notamment l’économie narrative et l’équité avec laquelle les indices sont présentés au lecteur. The Guardian, tout en louant la maîtrise technique, regretta que l’intrigue repose sur un point de droit mal interprété.
« Je ne suis pas coupable » a fait l’objet de plusieurs adaptations : un feuilleton radiophonique de la BBC en 1992 avec John Moffatt, un épisode de la série télévisée « Hercule Poirot » en 2003 avec David Suchet, et une version française dans « Les petits meurtres d’Agatha Christie » en 2010.
Aux éditions LE MASQUE ; 230 pages.
21. La mort n’est pas une fin (1944)
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Résumé
Thèbes, 2000 av. J.-C. Le retour de Renisenb dans sa maison familiale après son veuvage coïncide avec l’arrivée de Nofret, la nouvelle concubine de son père Imhotep. Cette dernière ne tarde pas à attiser les rivalités entre les trois fils d’Imhotep – Yahmose, Sobek et Ipi – ainsi que leurs épouses. L’hostilité croissante conduit à la mort suspecte de Nofret, précipitée du haut d’une falaise. Cette première disparition marque le début d’une série de meurtres qui décime progressivement la maisonnée. Entre les hypothèses d’une malédiction surnaturelle et la présence d’un tueur bien réel, Renisenb doit démêler le vrai du faux pour survivre, alors que la menace se resserre autour d’elle.
Autour du livre
« La mort n’est pas une fin » constitue une exception notable dans l’œuvre d’Agatha Christie : c’est son seul récit qui ne se déroule pas au XXe siècle. L’inspiration provient des lettres d’Hékanakht, découvertes dans les années 1920 près de Louxor et traduites par l’égyptologue Battiscombe Gunn. Ces missives relatent les tensions familiales nées de l’arrivée d’une concubine dans une famille de la XIe dynastie.
L’égyptologue Stephen Glanville, ami de Christie, lui suggéra ce cadre historique et l’assista dans la reconstitution minutieuse de la vie quotidienne égyptienne. Son influence s’étendit jusqu’au dénouement du roman, qu’il convainquit l’autrice de modifier – une décision que Christie regretta par la suite, estimant sa version originale supérieure.
Maurice Richardson, dans The Observer du 8 avril 1945, salue la capacité de Christie à nous faire sentir « aussi à l’aise sur le Nil en 1945 avant J.-C. que si elle nous bombardait de faux indices dans un salon recouvert de chintz à Leamington Spa ». « La mort n’est pas une fin » figure à la 83e place du classement des cent meilleurs romans policiers établi par la Crime Writers’ Association en 1990.
L’intrigue se distingue par son nombre exceptionnellement élevé de victimes, comparable uniquement à « Ils étaient dix » dans la bibliographie de Christie. Le roman inaugure également un nouveau sous-genre : le polar historique, mêlant pour la première fois enquête criminelle et fiction historique.
Fait remarquable, ce roman demeure l’un des rares de Christie à n’avoir jamais été adapté à l’écran, bien qu’une version télévisée par la BBC ait été annoncée. Les chapitres suivent le calendrier agricole égyptien, une structure que Christie employa dans plusieurs de ses œuvres.
Aux éditions LE MASQUE ; 224 pages.
22. La plume empoisonnée (1942)
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Résumé
Dans l’Angleterre des années 1940, Jerry Burton, pilote en convalescence, s’installe avec sa sœur Joanna dans la petite ville de Lymstock. À peine arrivés, ils reçoivent une lettre anonyme les accusant d’entretenir une relation incestueuse. Ils découvrent que de nombreux habitants sont également victimes de ces missives malveillantes. La situation prend un tour dramatique lorsque Mme Symmington, l’épouse du notaire, se suicide après avoir reçu l’une de ces lettres. Peu après, Agnes Woddell, la femme de chambre des Symmington, est retrouvée assassinée. Miss Marple, appelée à la rescousse par la femme du pasteur, mène l’enquête.
Autour du livre
« La plume empoisonnée » occupe une place particulière dans l’œuvre d’Agatha Christie, qui le considérait comme l’un de ses meilleurs romans. La romancière innove en confiant la narration à un personnage masculin, Jerry Burton, et en reléguant Miss Marple à un rôle secondaire – elle n’apparaît que dans les derniers chapitres.
Le titre original, « The Moving Finger », provient d’un quatrain des « Rubaiyat » d’Omar Khayyam, évoquant l’inexorabilité du destin. Cette référence littéraire s’inscrit dans une double métaphore : celle du doigt accusateur des lettres anonymes, et celle de la machine à écrire utilisée avec un seul doigt pour masquer l’identité de leur auteur.
Christie marie intrigue policière et critique sociale de la vie provinciale anglaise. La thématique des lettres anonymes permet d’évoquer les tensions sous-jacentes d’une communauté apparemment paisible, tandis que l’histoire d’amour entre Jerry et Megan, jeune femme métamorphosée sous son influence, ajoute une dimension romantique au récit.
« La plume empoisonnée » a connu des adaptations notables, notamment deux versions télévisées britanniques avec Joan Hickson (1985) et Geraldine McEwan (2006) dans le rôle de Miss Marple. La version française des « Petits meurtres d’Agatha Christie » (2009) propose une relecture en remplaçant Miss Marple par le duo Larosière-Lampion.
Aux éditions LE MASQUE ; 200 pages.
23. Témoin muet (1937)
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Résumé
Dans le Berkshire des années 1930, Emily Arundell, une riche célibataire, écrit à Hercule Poirot pour lui faire part de ses inquiétudes : elle pense avoir été victime d’une tentative de meurtre après une chute dans son escalier. Son entourage attribue l’accident à la balle de Bob, son fox-terrier. Lorsque Poirot reçoit la lettre, Emily est déjà morte, officiellement d’une insuffisance hépatique. Le détective belge découvre qu’elle a modifié son testament peu avant sa mort, léguant sa fortune à sa dame de compagnie Minnie Lawson plutôt qu’à ses neveux et nièces. Accompagné du capitaine Hastings, Poirot mène l’enquête pour démêler les fils d’une affaire où seul un chien semble avoir été témoin du drame.
Autour du livre
Publié en 1937, « Témoin muet » marque l’avant-dernière apparition du capitaine Hastings aux côtés d’Hercule Poirot jusqu’à « Hercule Poirot quitte la scène », leur ultime collaboration en 1975. L’originalité du récit réside dans son point de départ : pour la première fois, Agatha Christie fait enquêter Poirot sur une affaire déjà close, le meurtre remontant à deux mois.
La genèse du roman recèle une surprise découverte en 2004 : il s’agit en réalité de l’expansion d’une nouvelle inédite, « L’incident de la balle du chien », retrouvée dans les carnets de la romancière. Cette version originelle comportait deux différences majeures : l’identité du meurtrier et son mobile. La nouvelle ne fut publiée qu’en 2009, soit 72 ans après le roman.
Le livre est dédié à Peter, le fox-terrier d’Agatha Christie, dont le portrait orne la couverture de l’édition originale. Ce compagnon fidèle, qui inspira le personnage de Bob, mourut l’année suivante à l’âge de 14 ans. Cette dédicace témoigne de l’affection de Christie pour les animaux, un aspect méconnu de sa personnalité.
La réception critique fut contrastée en 1937. Si The Times Literary Supplement pointait quelques invraisemblances dans l’exécution du crime, The Guardian saluait la maîtrise du genre. Le critique E.R. Punshon nota avec justesse que la présence du chien était si marquante qu’elle menaçait presque d’éclipser Poirot lui-même.
« Témoin muet » a connu plusieurs adaptations notables, dont un épisode de la série « Agatha Christie’s Poirot » en 1996 avec David Suchet. Cette version télévisée prend quelques libertés avec l’intrigue originale, ajoutant notamment un second meurtre et modifiant le sort final de la coupable. En 2013, la série française « Les petits meurtres d’Agatha Christie » propose une relecture de l’histoire, transposée dans la France des années 1950.
Aux éditions LE MASQUE ; 240 pages.
24. Madame McGinty est morte (1952)
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Résumé
Angleterre, début des années 1950. Hercule Poirot est appelé à l’aide par le superintendant Spence. Un jeune homme, James Bentley, vient d’être condamné à mort pour le meurtre de sa logeuse, Mrs McGinty, mais le policier doute de sa culpabilité. En enquêtant dans le village de Broadhinny, Poirot apprend que Mrs McGinty avait fait une découverte troublante : elle avait reconnu dans un vieil article de journal l’une des personnes pour qui elle travaillait comme femme de ménage. L’article parlait de femmes impliquées dans d’anciennes affaires criminelles. Un second meurtre vient bientôt confirmer que quelqu’un dans le village tient à garder son passé secret.
Autour du livre
Publié en 1952, « Madame McGinty est morte » inaugure une nouvelle phase créative où l’humour prend une place prépondérante, notamment à travers le personnage d’Ariadne Oliver, romancière à succès qui constitue un savoureux autoportrait de Christie elle-même. Les tribulations de Poirot dans une pension de famille délabrée et les observations caustiques d’Oliver sur les adaptations théâtrales de ses œuvres insufflent une légèreté bienvenue au récit policier. Le mystère s’articule autour d’anciennes photographies et de secrets enfouis, lesquels créent un pont entre crimes passés et présents.
Le texte se démarque par sa construction en couches successives, où chaque révélation modifie la perception des événements précédents. Les dialogues ciselés alternent avec des moments de tension psychologique, tandis que les fausses pistes s’accumulent avec une redoutable efficacité. La dimension sociologique transparaît à travers le portrait d’une société d’après-guerre où les secrets du passé menacent constamment de ressurgir.
« Madame McGinty est morte » a connu plusieurs adaptations, dont un film en 1964 où, fait inhabituel, le personnage de Poirot fut remplacé par Miss Marple incarnée par Margaret Rutherford. En 2008, la série télévisée avec David Suchet propose une version plus fidèle au roman original, conservant notamment le duo Poirot-Oliver qui deviendra récurrent dans les dernières enquêtes du détective belge.
Aux éditions LE MASQUE ; 254 pages.
25. Némésis (1971)
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Résumé
Miss Marple reçoit une lettre posthume de son vieil ami Jason Rafiel, millionnaire récemment décédé. Ce dernier lui propose un marché : si elle parvient à résoudre une mystérieuse affaire criminelle dont il ne lui révèle aucun détail, elle héritera de 20 000 livres sterling. Pour seul indice, Rafiel a organisé pour elle un circuit touristique de demeures historiques anglaises. Au fil des visites, Miss Marple découvre qu’une jeune femme nommée Verity Hunt a été assassinée des années auparavant, et que Michael Rafiel, le fils de Jason, purge une peine de prison à perpétuité pour ce meurtre. Guidée par son instinct et son sens aigu de l’observation, Miss Marple démêle peu à peu les fils d’une histoire où la passion dévorante d’une femme l’a conduite au crime.
Autour du livre
Publié en 1971, « Némésis » constitue l’ultime enquête de Miss Marple écrite par Agatha Christie, bien que « La dernière énigme » paraisse ultérieurement. Le titre fait écho à une scène du « Major parlait trop » (1964), où Miss Marple se comparait à Némésis, déesse grecque de la Justice et de la Vengeance. Cette métaphore prend tout son sens dans ce récit qui questionne la nature de la justice et les différentes formes qu’elle peut revêtir.
Les thématiques abordées s’avèrent particulièrement audacieuses pour l’époque. Le roman traite notamment de l’homosexualité féminine à travers le personnage de Clotilde Bradbury-Scott, dont l’amour obsessionnel pour sa protégée Verity Hunt la pousse au meurtre.
Les critiques saluèrent unanimement la fraîcheur d’inspiration dont Christie fait preuve à 80 ans. The Guardian évoque un récit « étonnamment frais », tandis que The Observer souligne la « confrontation diaboliquement fine » entre Miss Marple et la meurtrière. Seul Robert Barnard émet des réserves, jugeant les chemins empruntés par l’intrigue « ni attrayants ni profitables ».
« Némésis » a bénéficié de plusieurs adaptations, notamment deux versions télévisées britanniques : l’une en 1987 avec Joan Hickson, fidèle au roman original, l’autre en 2007 avec Geraldine McEwan, proposant une relecture plus contemporaine. Une adaptation radiophonique de la BBC met également en scène June Whitfield dans le rôle-titre.
Aux éditions LE MASQUE ; 288 pages.