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Louis Guilloux en 5 livres majeurs – Notre sélection

Louis Guilloux en 4 livres – Notre sélection

Louis Guilloux naît le 15 janvier 1899 à Saint-Brieuc dans une famille modeste – son père est cordonnier et militant socialiste, sa mère modiste. Il grandit dans un milieu marqué par les difficultés matérielles mais aussi par l’engagement politique. Élève boursier au lycée de Saint-Brieuc, il développe une passion pour l’anglais et fait des rencontres intellectuelles déterminantes, notamment celle du philosophe Georges Palante.

En 1918, il part pour Paris où il vit de petits métiers tout en commençant à écrire dans la presse. Son premier roman, « La maison du peuple », publié en 1927, le fait remarquer sur la scène littéraire. Il se marie en 1924 avec Renée Tricoire, professeure de lettres.

Les années 1930 sont marquées par une intense activité littéraire et politique. Il publie plusieurs romans dont « Le Sang noir » (1935), considéré comme son chef-d’œuvre. Il s’engage dans la lutte antifasciste et participe au Congrès des écrivains pour la défense de la culture en 1935. Il voyage en URSS avec André Gide en 1936.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il reste à Saint-Brieuc où il aide discrètement la Résistance. À la Libération, il devient interprète pour l’armée américaine, une expérience qu’il relatera plus tard dans « O.K., Joe ! » (1976).

Son roman « Le jeu de patience » obtient le prix Renaudot en 1949. Dans les décennies suivantes, il continue d’explorer différentes formes romanesques, publiant notamment « Les Batailles perdues » (1960) et « Coco perdu » (1978). Il entretient des amitiés littéraires importantes, notamment avec Albert Camus.

Louis Guilloux meurt le 14 octobre 1980 à Saint-Brieuc, sa ville natale qu’il n’a jamais vraiment quittée et qui sert de cadre à la plupart de ses romans. Son œuvre, marquée par un profond humanisme et une attention constante aux plus démunis, témoigne des grands bouleversements du XXe siècle.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Le Sang noir (roman, 1935)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

« Le Sang noir » se déroule en 1917 dans une ville de province française jamais nommée mais qui évoque Saint-Brieuc. Le protagoniste est François Merlin, surnommé « Cripure » par ses élèves en référence à la « Critique de la raison pure » de Kant. Ce professeur de philosophie est un personnage atypique : intellectuel brillant mais physiquement disgracié par une acromégalie qui déforme ses pieds, il vit reclus avec Maïa, une ancienne prostituée illettrée, et une meute de chiens. Hanté par le souvenir de Toinette, son amour de jeunesse qui l’a quitté pour un officier, Cripure nourrit l’amertume d’une carrière universitaire avortée après l’échec de sa thèse.

Le roman se concentre sur une seule journée, alors que les mutineries secouent le front et que la révolution gronde en Russie. Cette journée bascule quand une cérémonie est organisée au lycée pour décorer Mme Faurel, l’épouse du député. Cripure s’y confronte à Nabucet, un collègue fat et patriote qui incarne tout ce qu’il méprise dans cette société provinciale. L’altercation dégénère en gifle publique. Un duel est organisé, puis annulé par les témoins qui jugent le combat inéquitable vu l’infirmité de Cripure. De retour chez lui, accablé par cette nouvelle humiliation, il découvre que ses chiens ont déchiqueté son manuscrit, la « Chrestomathie », dans lequel il plaçait ses derniers espoirs de reconnaissance. Ce sera l’élément déclencheur de son suicide.

Autour du livre

Publié en 1935 chez Gallimard, « Le Sang noir » manqua de peu le prix Goncourt. André Malraux, fervent admirateur de l’œuvre, en signa une préface retentissante pour sa réédition de 1955. Le roman s’inspire largement de Georges Palante, professeur de philosophie de Guilloux à Saint-Brieuc, lui aussi atteint d’acromégalie et qui se suicida en 1925. Par-delà le contexte de la Grande Guerre, Guilloux dresse un tableau impitoyable d’une société provinciale sclérosée où s’entrechoquent les grandes questions existentielles et la petitesse des êtres. En 2006, Peter Kassovitz en tira un téléfilm avec Rufus dans le rôle de Cripure, suivi en 2014 par une adaptation en opéra allemand au théâtre d’Erfurt sous le titre « Das schwarze Blut ».

Aux éditions FOLIO ; 627 pages.


2. Le pain des rêves (roman, 1942)

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Résumé

À la veille de la Première Guerre mondiale, dans les quartiers déshérités de Saint-Brieuc, un jeune garçon grandit au sein d’une famille démunie, logée dans une ancienne écurie de la rue du Tonneau. Le père a disparu sans explication, laissant sa femme Mado et leurs enfants sous la protection du grand-père, un tailleur qui s’épuise à la tâche pour assurer leur survie. Parmi les frères du narrateur, l’un sillonne les mers comme marin au long cours tandis que Pélo, infirme, reste cloué dans son fauteuil. Le quotidien de cette famille modeste s’écoule entre les ruelles mal famées, les maisons de prostitution et les cafés douteux qui constituent leur environnement immédiat.

Le décès du grand-père marque une rupture décisive dans leur existence. L’intervention des œuvres sociales leur permet d’accéder à un logement plus décent, tandis qu’une comtesse philanthrope prend Pélo sous son aile et finance son séjour en sanatorium. C’est alors qu’apparaît la cousine Zabelle, personnage fantasque fraîchement revenue de Toulon. Elle débarque accompagnée de son mari Michel, dit « le pauvre Michel », et de son amant surnommé le Moco.

Cette arrivée fracassante ouvre au jeune narrateur les portes d’un univers insoupçonné, fait de légèreté et d’arts mondains, en total contraste avec son quotidien austère. À travers son regard d’enfant, la misère et la crasse de la rue du Tonneau se parent d’une lumière nouvelle, transfigurées par ses rêveries et son imagination fertile.

Autour du livre

Couronné par le Prix Eugène-Dabit du roman populiste en 1942, « Le pain des rêves » brille par sa capacité à transfigurer la misère sans jamais verser dans le pathos. L’œuvre, née pendant les heures sombres de l’Occupation, porte peut-être en elle cette volonté d’échapper à la noirceur du présent par le refuge dans les souvenirs d’enfance. Les lieux décrits existent toujours : l’adaptation télévisée des années 1970 a d’ailleurs immortalisé ces décors authentiques, de l’école Baratoux aux ruelles tortueuses du vieux Saint-Brieuc.

Aux éditions FOLIO ; 512 pages.


3. La maison du peuple (roman, 1927)

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Résumé

Dans une petite ville de Bretagne, à l’aube du XXe siècle, un cordonnier nommé François Quéré fait vivre tant bien que mal sa famille grâce à son modeste atelier. Son fils Louis, encore enfant, assiste aux premiers pas de son père dans le militantisme socialiste, encouragé par le Dr Rébal qui insuffle ces idées nouvelles parmi les ouvriers de Saint-Brieuc. Porté par ses convictions et le soutien de ses camarades, François participe à la création d’une section locale du parti, qui attire bientôt de nombreux adhérents.

L’engagement politique du cordonnier suscite l’hostilité de la bourgeoisie locale : les commandes se raréfient, mettant en péril l’équilibre économique déjà fragile du foyer. Les divisions qui apparaissent au sein du mouvement lors des élections municipales n’entament pourtant pas la détermination de François. Il conçoit alors un projet qui cristallise tous ses espoirs : bâtir une « Maison du peuple », espace dédié à l’instruction et à l’émancipation des ouvriers. « Chez nous nous serons libres. Nous ne devrons rien à personne », déclare-t-il avec ferveur. Mais l’éclatement de la Première Guerre mondiale en 1914 vient brutalement interrompre toute initiative.

Autour du livre

Premier roman de Louis Guilloux publié en 1927 aux éditions Grasset, « La Maison du peuple » puise sa matière dans les souvenirs d’enfance de l’auteur. Il a notamment séduit Albert Camus qui y reconnaît le mérite de restituer au peuple « la seule grandeur qu’on ne puisse lui arracher, celle de la vérité ». Ce premier texte annonce déjà les thèmes majeurs qui parcourront toute l’œuvre de Guilloux : la dignité des humbles, la solidarité face à l’adversité, les espoirs brisés d’une génération sacrifiée.

Aux éditions GRASSET ; 224 pages.


4. O.K., Joe ! (témoignage, 1976)

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Résumé

En août 1944, dans une Bretagne fraîchement libérée où résonnent encore les canons de Brest, Louis Guilloux, employé municipal de Saint-Brieuc, accepte un poste d’interprète auprès de l’armée américaine. Sa tâche consiste à traduire les témoignages des victimes françaises lors des procès en cour martiale. Les accusations portent essentiellement sur des viols et des meurtres perpétrés par des soldats américains contre la population civile.

Dans cette atmosphère trouble de l’immédiat après-guerre, où s’entremêlent la joie de la Libération et les règlements de compte contre les collaborateurs présumés, Guilloux travaille aux côtés de Bob Stone et Will Bradford, deux officiers chargés des enquêtes. Les journées s’écoulent entre interrogatoires de témoins, audiences au tribunal et trajets en Jeep à travers la campagne bretonne. Mais une réalité dérangeante s’impose peu à peu : les accusés sont systématiquement des soldats noirs, et les verdicts sont implacables – la peine capitale.

Lorsque Guilloux ose interroger ses collègues américains sur cette troublante récurrence, il se heurte à leur incompréhension : « Mais parce qu’ils le sont ! », lui répond-on, comme une évidence qui n’appelle aucune remise en question. La situation devient d’autant plus insoutenable quand un soldat blanc, jugé pour des faits similaires, est acquitté. Cette expérience met en lumière le fossé entre l’image des libérateurs – ces soldats décontractés distribuant chewing-gums et chocolats – et la réalité d’une armée marquée par un racisme institutionnel.

Autour du livre

Il aura fallu trois décennies à Louis Guilloux pour mettre en mots cette période de sa vie. Publié en 1976, « O.K., Joe ! » dévoile une face méconnue de la Libération : sur les 191 soldats américains accusés de viol en France entre 1942 et 1946, 139 étaient noirs, et parmi les 70 condamnés à mort, 55 étaient afro-américains – alors qu’ils ne représentaient que 10 % des effectifs. En 2023, le documentaire éponyme de Philippe Baron prolonge cette réflexion en donnant la parole aux descendants des victimes, tandis que l’universitaire Alice Kaplan, dans son livre « L’interprète », analyse en profondeur les mécanismes de cette justice à deux vitesses.

Aux éditions FOLIO ; 144 pages.

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