Hubert Haddad naît le 10 mars 1947 à Tunis, dans une famille judéo-berbère dont le père est d’origine tunisienne et la mère d’origine algérienne. Ses parents émigrent à Paris en 1950, après avoir vécu à Sfax, Bône et Tunis. Dès la fin des années soixante, il se lance dans l’écriture en publiant d’abord dans des revues. Pionnier des ateliers d’écriture, il fonde plusieurs revues littéraires comme Le Point d’Être en 1970, Le Horla en 1990, et plus récemment Apulée en 2016.
Écrivain prolifique, Haddad investit tous les genres littéraires. Il excelle particulièrement dans la nouvelle et le roman, publiant notamment « Palestine » (2007) qui lui vaut le prix des cinq continents de la francophonie, et « Le peintre d’éventail » (2013) récompensé par le prix Louis Guilloux. Sous le pseudonyme de Hugo Horst, il anime depuis 1983 la collection de poésie Double Hache aux éditions Dumerchez.
Outre l’écriture, Haddad est également peintre et historien de l’art. Il expose ses œuvres dans plusieurs villes françaises et à l’étranger. Figure majeure de la Nouvelle fiction aux côtés d’auteurs comme Georges-Olivier Châteaureynaud et Frédérick Tristan, il poursuit aujourd’hui son travail d’animation d’ateliers d’écriture à travers la France, tout en dirigeant la revue Apulée. Son œuvre, traduite en de nombreuses langues, témoigne de son rayonnement international dans le paysage littéraire contemporain.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Le peintre d’éventail (2013)
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Résumé
Au fin fond de la contrée d’Atôra, sur l’île de Honshu, une pension tenue par Dame Hison, autrefois courtisane, accueille les âmes errantes qui cherchent à fuir le monde. C’est là que Matabei trouve refuge après avoir causé la mort accidentelle d’une jeune femme à Kobe. Dans ce havre isolé entre montagnes et Pacifique, il fait la connaissance d’Osaki Tanako, un vieil homme qui partage son temps entre l’entretien du jardin de la pension et la peinture d’éventails.
Peu à peu, Matabei devient le disciple dévoué de ce maître hors du commun qui lui transmet son art et sa vision. À la mort d’Osaki, il reprend le flambeau, perpétuant la tradition en formant à son tour un jeune disciple, Hi-Han. L’harmonie vacille avec l’arrivée d’Enjo, dont la beauté enflamme le cœur de Matabei. Leur passion naissante provoque le départ de Hi-Han et préfigure un bouleversement plus terrible encore : le tsunami du 11 mars 2011, qui anéantit le jardin et disperse ses occupants.
Autour du livre
Ce roman est né dans l’esprit d’Hubert Haddad après le séisme d’Haïti en 2010, qui a résonné en lui lorsque s’est produite la catastrophe de Fukushima. L’écrivain s’est alors mis à composer des centaines de haïkus, qui sont devenus ceux de son personnage Matabei, donnant naissance au roman. Un recueil, « Les haïkus du peintre d’éventail », a d’ailleurs été publié en parallèle.
Ce texte interroge la fragilité des traditions face aux forces de la nature et de la modernité. Le choix de personnages principaux d’origine étrangère – birmane et taïwanaise – permet aussi de questionner le rapport du Japon à l’altérité. Couronné par le prix Louis Guilloux (2013) et le prix Océans France Ô (2014), « Le peintre d’éventail » s’inscrit dans une longue méditation d’Haddad sur la culture japonaise, qu’il poursuit dans d’autres œuvres comme « Géométrie d’un rêve ».
Aux éditions FOLIO ; 192 pages.
2. Palestine (2007)
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Résumé
Dans les territoires occupés de Cisjordanie, le destin de Cham, jeune soldat israélien, bascule lors d’une embuscade palestinienne au cours de laquelle son collègue trouve la mort. Blessé, il est fait prisonnier par le commando avant d’être abandonné dans un cimetière. Sans papiers, amnésique, il est sauvé par Asmahane, une Palestinienne aveugle dont le mari, militant pacifiste, a été assassiné, et sa fille Falastin qui porte encore les stigmates psychologiques de ce drame.
La ressemblance physique de Cham avec Nessim, leur fils et frère disparu, pousse les deux femmes à l’accueillir comme l’un des leurs. Sous sa nouvelle identité, celui qui était soldat de l’armée d’occupation expérimente désormais le quotidien des occupés : les humiliations aux check-points, les exactions des colons, les destructions arbitraires de maisons, les arrestations sans motif. Entre Falastin et lui naît un amour impossible, brutalement interrompu quand Asmahane meurt dans l’effondrement de sa maison, détruite par les bulldozers de l’armée israélienne.
Rongé par le chagrin et la rage, Cham/Nessim se laisse enrôler par une faction terroriste qui prépare un attentat suicide. Le hasard veut que pour sa mission, on lui remette des papiers d’identité israéliens – les siens, qu’on lui avait volés près du Tombeau des Patriarches avant l’embuscade initiale.
Autour du livre
Ce roman publié en 2007 s’inspire en partie de l’histoire personnelle d’Hubert Haddad, né à Tunis en 1947 dans une famille judéo-berbère. Son frère Michel, parti vivre en Israël en 1966, finit ses jours en ermite dans une cabane de Jérusalem-Est avant de se suicider en France – comme le frère de Cham dans le livre. Récompensé par le prix des Cinq Continents de la Francophonie et le prix Renaudot Poche, « Palestine » se distingue par son refus du manichéisme : on y croise des pacifistes des deux bords comme des extrémistes, des policiers brutaux comme des officiers humains, dans un conflit qui transcende les clivages simplistes.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.
3. Un monstre et un chaos (2019)
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Résumé
En 1939, deux jumeaux juifs de douze ans, Alter et Ariel, vivent dans le shtetl polonais de Mirlek avec leur mère Shaena. L’invasion allemande bouleverse brutalement leur existence : Alter assiste au meurtre de son frère et de sa famille avant de s’enfuir à travers la campagne. Le trauma lui fait perdre la mémoire de son nom. Recueilli dans un orphelinat catholique sous l’identité de Jan-Matheusza, il finit par rejoindre le ghetto de Lodz où s’entassent des milliers de Juifs.
Le ghetto est dirigé d’une main de fer par Chaïm Rumkowski, figure historique ambivalente qui le transforme en un vaste atelier industriel au profit de l’armée allemande. Convaincu que le travail pourra sauver sa communauté, il collabore activement avec les nazis, allant jusqu’à leur livrer femmes, vieillards et enfants. Dans cet univers cauchemardesque, Alter refuse de porter l’étoile jaune et trouve refuge auprès d’un marionnettiste, Maître Azoï. Dans les caves du théâtre couve bientôt une résistance clandestine faite d’imprimeries et de radios pirates.
Autour du livre
Ce livre remarquable dépasse le simple témoignage historique pour questionner la nature humaine face à l’horreur. Le recours au regard d’un enfant et à l’univers des marionnettes crée une distance salvatrice avec l’insoutenable, sans jamais l’édulcorer. La culture yiddish y pulse avec force à travers ses expressions, ses chants et ses légendes, comme un dernier rempart contre la barbarie. Les figures historiques côtoient les personnages fictifs dans une narration qui mêle avec justesse documentaire et onirisme. Chaïm Rumkowski, personnage réel controversé qui collabora avec les nazis dans l’espoir illusoire de sauver les siens, incarne toute l’ambiguïté morale de cette période.
Aux éditions ZULMA ; 304 pages.
4. Opium Poppy (2011)
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Résumé
Dans les montagnes du Kandahar, en Afghanistan, un jeune garçon d’une douzaine d’années vit avec sa famille de cultivateurs de pavot. Surnommé « l’Évanoui » après s’être évanoui lors de sa circoncision, il mène une existence paisible jusqu’à ce qu’une attaque des rebelles dévaste son village. Son père, victime d’une attaque cérébrale pendant l’assaut, est soudainement invalide. La famille se réfugie alors à Kaboul où, face à la misère, sa mère l’abandonne, incapable de nourrir une bouche supplémentaire.
Livré à lui-même, l’enfant rejoint les rangs des talibans où combat déjà son frère aîné, Alam. Il devient enfant-soldat, perdant peu à peu toute émotion jusqu’à ne plus ressentir la peur. Un jour, refusant d’exécuter un ordre, il est laissé pour mort dans un village dévasté. Sauvé in extremis par Médecins Sans Frontières, il entame alors un long périple à travers l’Iran, la Turquie, la Bulgarie et l’Italie, jusqu’à Paris. Dans la capitale française, celui qui se fait désormais appeler Alam est placé dans un centre d’accueil pour mineurs isolés.
Ne supportant pas l’enfermement, il s’échappe et trouve refuge dans les squats de la banlieue parisienne. Là, parmi les dealers et les trafiquants, il retrouve paradoxalement le seul univers qu’il connaisse : celui de la violence et de la drogue, comme si son destin d’enfant-soldat ne pouvait connaître d’autre issue.
Autour du livre
Publié en 2011, « Opium Poppy » est un récit âpre sur le sort des enfants-soldats et la tragédie des réfugiés de guerre. Le roman a reçu le Prix du Cercle Interallié 2012, et s’inscrit dans la lignée de « Palestine » (Prix Renaudot Poche 2009). La narration alterne entre le présent parisien et le passé afghan, dans un effet de miroir saisissant entre deux mondes que tout semble opposer mais que la violence et le trafic de drogue finissent par réunir.
Aux éditions FOLIO ; 192 pages.
5. Mā (2015)
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Résumé
Au Japon, dans un modeste café du quartier de Golden Gai à Tokyo, Shōichi, un jeune étudiant timide à grosses lunettes, rencontre Saori, une femme d’une rare beauté qui va bouleverser son existence. Cette universitaire, passionnée par l’œuvre du poète Santōka, dernier grand maître du haïku, remarque la ressemblance troublante entre le jeune serveur et l’artiste qui fait l’objet de ses recherches. Une passion fulgurante naît entre eux, mais leur histoire s’achève brutalement par la mort tragique de Saori, qui ne laisse derrière elle qu’un manuscrit : la biographie du poète qu’elle admirait tant.
Le cœur meurtri, Shōichi entreprend alors de marcher dans les pas de Santōka, ce moine-poète du début du XXe siècle qui avait lui aussi connu les affres de l’abandon. La vie de Santōka avait basculé à l’âge de onze ans lorsque sa mère, désespérée par les infidélités de son époux, s’était jetée dans un puits. Après une existence marquée par l’échec et l’alcool, il avait choisi la voie du dépouillement total, parcourant les routes du Japon pendant près de quinze ans, composant des haïkus et mendiant sa subsistance.
Les destins de ces deux hommes s’entremêlent alors dans une quête commune du détachement. À travers les chemins escarpés des îles japonaises, leurs errances se font écho, guidées par la même aspiration : trouver dans la marche et le dénuement une forme de transcendance.
Autour du livre
Ce sixième roman d’Hubert Haddad consacré au Japon s’inscrit dans la lignée du « Peintre d’éventail », qui lui avait valu le prix Louis Guilloux. La particularité de « Mā » réside dans sa construction en miroir, où les époques se superposent et les identités se confondent, dans une méditation sur l’impermanence des choses chère à la philosophie zen. Les haïkus qui émaillent le texte ne sont pas de simples ornements mais constituent la respiration même du récit, lui conférant son rythme singulier. Le roman a reçu un accueil critique unanime lors de sa parution en 2015.
Aux éditions ZULMA ; 240 pages.