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Henry Fielding en 2 romans – Notre sélection

Henry Fielding naît le 22 avril 1707 à Sharpham Park dans le Somerset, en Angleterre. Fils d’un lieutenant-colonel et d’une fille de juriste, il reçoit une éducation au prestigieux Collège d’Eton, puis étudie à l’université de Leyde aux Pays-Bas.

Il se lance d’abord dans une carrière théâtrale prolifique. Il écrit de nombreuses pièces satiriques qui connaissent le succès à Londres. Cependant, le Stage Licensing Act de 1737, qui impose une censure stricte, met fin à ses activités. Il se tourne alors vers le droit et devient magistrat.

Sa carrière littéraire prend un nouveau tournant en 1741 avec la publication de « Shamela », une parodie du roman « Pamela » de Samuel Richardson. Il enchaîne avec plusieurs romans majeurs dont « Joseph Andrews » (1742) et son chef-d’œuvre, « Histoire de Tom Jones » (1749).

Côté vie privée, il épouse Charlotte Craddock en 1734, union heureuse mais marquée par la pauvreté. Après le décès de Charlotte en 1744, il se remarie avec Mary Daniel, leur ancienne servante. Parallèlement à son activité d’écrivain, il mène une carrière de juge de paix intègre à Westminster et contribue à la création d’une force de police embryonnaire.

Miné par la maladie (goutte, asthme, jaunisse), il part se soigner au Portugal en 1754. Le voyage est difficile pour cet homme désormais presque impotent. Il meurt à Lisbonne le 8 octobre 1754, laissant derrière lui une œuvre qui influence durablement le développement du roman anglais.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Joseph Andrews (1742)

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Résumé

Angleterre, XVIIIe siècle. Joseph Andrews, un jeune valet vertueux au service de Lady Booby, se distingue par sa probité et sa droiture morale. À la mort de Sir Thomas Booby, sa veuve entreprend de séduire le séduisant Joseph. Le jeune homme repousse inlassablement les avances de sa maîtresse, tout comme celles de Mrs Slipslop, la dame de compagnie. Furieuse, Lady Booby le congédie sans ménagement. Joseph prend alors la route pour retrouver sa bien-aimée Fanny Goodwill, une modeste laitière.

Sur son chemin, il rencontre le pasteur Abraham Adams, un personnage érudit mais distrait, qui devient son mentor et compagnon de voyage. Ensemble, ils affrontent une succession d’épreuves : Joseph est attaqué et dépouillé par des brigands, tandis que le duo se trouve régulièrement confronté à l’hypocrisie et à la mesquinerie des gens qu’ils croisent. Quand ils retrouvent enfin Fanny, Lady Booby ne désarme pas et met tout en œuvre pour empêcher leur union…

Autour du livre

La publication de « Joseph Andrews » en 1742 marque une rupture significative dans l’histoire de la littérature anglaise. Fielding écrit ce roman en réaction directe à « Pamela » de Samuel Richardson, paru en 1741, dont il moque le sentimentalisme exacerbé et le didactisme appuyé. En faisant de Joseph le frère de l’héroïne de Richardson, il subvertit les codes du roman sentimental : là où Pamela résistait aux avances de son maître, Joseph doit repousser celles de sa maîtresse. Cette inversion des rôles sert de point de départ à une œuvre qui transcende rapidement sa dimension parodique initiale.

L’originalité de Fielding réside dans la création d’un genre nouveau qu’il nomme lui-même « épopée comique en prose ». Cette innovation littéraire fusionne deux courants esthétiques majeurs du XVIIIe siècle : l’approche pseudo-héroïque et néoclassique des « Augustans » comme Alexander Pope et Jonathan Swift, et la fiction populaire de Daniel Defoe et Samuel Richardson. Le sous-titre « en imitation de la manière de Cervantes » inscrit également l’œuvre dans la tradition picaresque du « Don Quichotte », notamment à travers la figure du pasteur Adams, double anglais du chevalier à la triste figure.

La satire sociale innerve l’ensemble du récit. Fielding brosse un tableau sans concession de l’Angleterre rurale, où défilent juges de paix corrompus, ecclésiastiques hypocrites et petits nobles arrogants. Le personnage d’Adams incarne une vision chrétienne authentique face à ces dérives : sa bonté et sa charité, bien que souvent tournées en dérision, représentent un idéal moral qui traverse les pages. Cette dimension éthique se double d’une réflexion sur la nature humaine : Fielding met en scène des personnages sophistiqués, ni totalement bons ni complètement mauvais, rompant avec les archétypes moraux de Richardson.

La critique accueillit de façon contrastée ce premier roman de Fielding : si le grand public l’applaudit, les lettrés se montrèrent déconcertés par son caractère protéiforme. Il est aujourd’hui considéré comme l’un de ses deux chefs-d’œuvre avec « Histoire de Tom Jones » (1749).

« Joseph Andrews » fit l’objet de plusieurs adaptations. Samuel Jackson Pratt en tira une pièce de théâtre, représentée au Theatre Royal Drury Lane en 1778. En 1977, Tony Richardson réalisa une adaptation cinématographique saluée par la critique, avec Peter Firth dans le rôle de Joseph et Ann-Margret dans celui de Lady Booby – cette dernière recevant une nomination aux Golden Globes pour sa prestation. La BBC l’adapta également pour la radio en 1986, puis en 2021 sous une forme modernisée intitulée « Joseph Andrews Remixed ».

Aux éditions FLAMMARION ; 416 pages.


2. Histoire de Tom Jones (1749)

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Résumé

Angleterre, XVIIIe siècle. Dans le Somerset, le riche et vertueux Squire Allworthy découvre un jour un nourrisson abandonné dans son lit. Il décide d’adopter l’enfant et le baptise Tom Jones, après que Jenny Jones, une servante du voisinage, s’est déclarée être sa mère. Le petit Tom grandit aux côtés de Blifil, né du mariage de Bridget, la sœur d’Allworthy, avec le capitaine Blifil. Les deux garçons développent des caractères diamétralement opposés : Tom, malgré son tempérament impétueux, brille par sa générosité naturelle et sa franchise, tandis que Blifil cache une âme noire sous des apparences vertueuses.

En grandissant, Tom s’éprend éperdument de la belle Sophia Western, la fille d’un hobereau voisin. La jeune fille partage ses sentiments, mais leur amour se heurte à un double obstacle : la naissance obscure de Tom et l’ambition du père de Sophia, qui souhaite marier sa fille à Blifil pour unir les deux domaines. La situation se corse lorsque Blifil, jaloux de Tom, ourdit un complot qui pousse Allworthy à chasser son fils adoptif.

Sophia, refusant catégoriquement d’épouser Blifil, s’enfuit à Londres. Tom se lance alors à sa poursuite sur les routes d’Angleterre, accompagné de Partridge, un ancien maître d’école. Ce périple mouvementé le conduit jusqu’à Londres où l’attendent de nouvelles épreuves qui menaceront non seulement ses espoirs de bonheur avec Sophia, mais aussi sa liberté…

Autour du livre

Henry Fielding écrit « Histoire de Tom Jones » entre 1746 et 1748, alors qu’il vient de perdre sa première épouse adorée, Charlotte Craddock, décédée en 1744. Sa disparition teinte sensiblement l’œuvre : Sophia Western, l’héroïne, est inspirée de Charlotte, comme l’atteste le narrateur qui écrit d’elle qu’elle « ressemblait à celle dont l’image ne sortira jamais de mon cœur ». Le livre paraît en 1749 chez l’éditeur londonien Andrew Millar, dans un contexte effervescent qui voit éclore les œuvres de Samuel Richardson, Sarah Fielding, Tobias Smollett et Laurence Sterne.

L’ouvrage est remarquable pour sa construction magistrale en dix-huit livres, chacun s’ouvrant sur un chapitre discursif sans rapport direct avec la narration. Cette architecture sophistiquée sert un projet ambitieux : peindre la nature humaine dans sa vérité, sans fard ni embellissement. L’omniprésence d’un narrateur ironique, qui commente l’action et interpelle le lecteur, établit une complicité inédite. Ce procédé permet à Fielding d’orchestrer une satire mordante de la société anglaise, tout en maintenant une distance amusée qui préserve le récit des excès du sentimentalisme.

Le roman brille aussi par sa peinture des mœurs de l’époque georgienne. La route y occupe une place centrale, théâtre d’aventures picaresques où se croisent aubergistes retors et bandits de grand chemin. Le portrait de la noblesse rurale, incarnée par le rustre Squire Western et le sage Allworthy, contraste avec celui de l’aristocratie londonienne, représentée par la manipulatrice Lady Bellaston. Cette fresque sociale s’enrichit d’une réflexion morale sur la vertu et l’hypocrisie, la prudence et la passion.

À sa parution, l’accueil critique se révèle contrasté. Si certains condamnent sa « grossièreté » et son « immoralité », d’autres, comme Elizabeth Carter de la Blue Stockings Society, le préfèrent à « Clarissa » de Richardson. Le roman devient rapidement un immense succès populaire. La Harpe le considère comme « le premier roman du monde ». Au siècle suivant, Coleridge compte son intrigue parmi « les trois plus parfaites ayant jamais été conçues ». Somerset Maugham le place parmi les dix plus grands romans de la littérature universelle. Les critiques modernes soulignent sa « perfection artistique » et sa « splendeur d’architecture palladienne ». Gilbert Sigaux évoque une « admirable symphonie romanesque toujours vivante après deux siècles ».

Dès 1765, François-André Philidor en tire un opéra-comique créé au Théâtre italien. En 1963, Tony Richardson réalise une adaptation cinématographique mémorable, avec Albert Finney dans le rôle-titre, qui remporte plusieurs Oscars. La BBC produit en 1997 une mini-série en cinq épisodes, avec Max Beesley. Voltaire s’en serait inspiré pour « Candide », tandis que Jane Austen y puise le modèle du personnage de George Wickham dans « Orgueil et préjugés ».

Aux éditions FOLIO ; 1152 pages.

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