Edward Morgan Forster naît le 1er janvier 1879 à Londres. Il perd son père, architecte, avant l’âge de deux ans. Sa mère l’élève seule et ils déménagent à Rooks Nest en 1883, une maison qui inspirera plus tard son roman « Howards End » (1910).
Après des études à l’école de Tonbridge où il est malheureux, il entre au King’s College de Cambridge. Il y rejoint le cercle des « Apôtres » et rencontre de futurs écrivains qui formeront plus tard le groupe de Bloomsbury. À partir de 1905, il commence à publier des romans qui connaissent un succès critique : « Monteriano » (1905), « Avec vue sur l’Arno » (1908), « Howards End » (1910).
Pendant la Première Guerre mondiale, objecteur de conscience, il sert pour la Croix-Rouge en Égypte. C’est là qu’il vit sa première expérience amoureuse avec un soldat blessé. Son roman le plus célèbre, « Route des Indes », paraît en 1924 après un second séjour en Inde.
Homosexuel non déclaré publiquement, il entretient une relation de quarante ans avec un policier marié, Bob Buckingham. Il vit avec sa mère jusqu’à la mort de celle-ci en 1945. Dans les années 1930 et 1940, il devient une personnalité populaire grâce à ses interventions à la BBC.
Bien qu’ayant refusé d’être fait chevalier en 1949, il reçoit de nombreuses distinctions, dont l’Order of Merit en 1969. Un an plus tard, il meurt d’un accident vasculaire cérébral à Coventry, à l’âge de 91 ans. Son roman « Maurice », histoire d’amour homosexuel écrite en 1913-1914, n’est publié qu’après sa mort en 1971.
Son œuvre, marquée par l’humanisme et la question des différences sociales, connaît un regain d’intérêt grâce aux adaptations cinématographiques des années 1980-1990, notamment celles réalisées par la société Merchant-Ivory.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Maurice (1971)
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Maurice Hall grandit dans l’Angleterre puritaine des années 1900, au sein d’une famille de la bourgeoisie. Orphelin de père, il vit entouré de sa mère et de ses deux sœurs. Malgré des résultats scolaires moyens, il intègre la prestigieuse université de Cambridge. C’est là qu’il fait la connaissance de Clive Durham, un étudiant qui éveille en lui des sentiments jusqu’alors inavoués. Les deux jeunes hommes nouent une relation amoureuse secrète, à une époque où l’homosexualité est passible de prison.
Le jour où Clive décide de se conformer aux conventions en épousant une jeune femme, Maurice sombre dans le désarroi. Convaincu d’être atteint d’une maladie, il consulte des médecins dans l’espoir de « guérir » de son homosexualité. Sa vie bascule de nouveau quand il rencontre Alec, un garde-chasse. Cette liaison, qui brave les tabous sexuels et sociaux de l’époque édouardienne, le confronte une nouvelle fois à des choix décisifs.
Écrit en 1913 mais publié à titre posthume en 1971, ce roman en partie autobiographique de E. M. Forster décrit les tourments d’un homme qui découvre et accepte progressivement son homosexualité. Avec une écriture pudique, le romancier anglais dresse aussi le portrait d’une société anglaise étouffante, prisonnière de ses codes et de sa morale rigide. Une œuvre marquante qui aborde frontalement un sujet alors totalement tabou.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 352 pages.
2. Howards End (1910)
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Au crépuscule de l’ère victorienne, dans une Angleterre qui voit poindre les premiers soubresauts du XXe siècle, deux sœurs d’origine allemande, Margaret et Helen Schlegel, mènent une existence aisée à Londres. Passionnées d’art et de culture, elles organisent des soirées où se croisent intellectuels et artistes. Leur rencontre avec la famille Wilcox, incarnation du capitalisme triomphant de l’Empire britannique, bouleverse leur quotidien.
La demeure familiale des Wilcox, Howards End, devient le point névralgique d’une histoire où s’entrechoquent trois mondes : celui des Schlegel, représentant la bourgeoisie intellectuelle aux idéaux progressistes ; celui des Wilcox, symboles d’un pragmatisme conservateur ; et celui de Leonard Bast, modeste employé de bureau qui aspire à s’élever socialement par la culture. Margaret, l’aînée des Schlegel, épouse Henry Wilcox, veuf autoritaire aux antipodes de ses convictions. Sa sœur Helen, plus impétueuse, se rapproche de Leonard Bast.
Ce roman de 1910 dépeint les tensions d’une société en mutation. Les suffragettes revendiquent leurs droits, l’industrialisation transforme les paysages, les barrières entre classes sociales commencent à vaciller. Les personnages se débattent avec leurs contradictions, leurs préjugés de classe, leurs convictions morales. Un texte d’une modernité saisissante.
Aux éditions LE BRUIT DU TEMPS ; 498 pages.
3. Avec vue sur l’Arno (1908)
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Italie, 1905. Lucy Honeychurch, une jeune bourgeoise anglaise, découvre Florence en compagnie de sa cousine Charlotte, une vieille fille guindée qui lui sert de chaperon. À la pension Bertolini, leur déception est grande : leur chambre ne donne pas sur l’Arno, le fleuve qui arrose la ville. M. Emerson, un original, et son fils George se proposent alors d’échanger leur appartement. Une proposition incongrue qui agace Charlotte et trouble Lucy.
Ce voyage initiatique bouleverse Lucy. Sa rencontre avec George, aux antipodes des jeunes hommes de son milieu, ébranle ses certitudes. Pourtant, de retour en Angleterre, elle accepte d’épouser Cecil, un prétendant socialement acceptable. Mais le fantôme d’un baiser échangé avec George la poursuit. Écartelée entre les injonctions de son rang et l’appel de sa nature profonde, Lucy devra faire un choix.
Satire délicieuse d’une Angleterre édouardienne étriquée, chronique d’une émancipation, « Avec vue sur l’Arno » est un grand classique de la littérature anglaise. E. M. Forster y déploie tout son génie pour croquer une galerie de personnages hauts en couleur et nous offrir le portrait lumineux d’une héroïne en quête de liberté.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 368 pages.
4. Route des Indes (1924)
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« Route des Indes » nous transporte au cœur de l’Inde des années 1920, sous domination britannique. Chandrapore, petite ville provinciale, est le théâtre d’une cohabitation tendue entre colonisateurs et colonisés. C’est dans ce contexte que débarquent Mrs Moore et Miss Quested, deux Anglaises bien décidées à découvrir l’Inde authentique.
Une rencontre impromptue dans une mosquée scelle le début d’une amitié improbable entre Mrs Moore et le docteur Aziz, jeune médecin musulman. Celui-ci leur propose alors une excursion aux mystérieuses grottes de Marabar. Mais l’incident qui s’y produit fait basculer le destin des personnages : Miss Quested accuse le docteur Aziz de l’avoir agressée.
Le procès qui s’ensuit exacerbe les tensions entre Anglais et Indiens. Les préjugés et les incompréhensions mutuelles éclatent au grand jour, mettant en lumière la difficulté des relations dans cette Inde coloniale. Entre amitiés brisées et quête de vérité, Forster nous entraîne dans un récit qui interroge les fondements mêmes du Raj britannique.
Aux éditions LE BRUIT DU TEMPS ; 453 pages.
5. Monteriano (1905)
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Angleterre, début du XXe siècle. Lilia Herriton, jeune veuve, étouffe sous la coupe de sa belle-famille puritaine. Pour l’éloigner d’un prétendant jugé indésirable, on l’expédie en Italie, accompagnée de la chaste Caroline Abbott. Là-bas, tout bascule. Subjuguée par la beauté des paysages toscans, Lilia s’éprend de Gino, un Italien de basse extraction. Malgré l’intervention de son beau-frère Philip, elle l’épouse. Un scandale.
Le choc des cultures est brutal. Lilia déchante vite, prisonnière d’un mariage malheureux. Elle périt en couches en donnant naissance à un fils que les Herriton veulent arracher à son père. S’engage une lutte impitoyable entre deux mondes que tout oppose. Philip, d’abord méprisant, se lie d’amitié avec Gino. Caroline, tiraillée entre devoir et passion, tombe amoureuse de l’Italien. Le drame atteint son paroxysme le jour où Harriet, la sœur de Philip, enlève l’enfant.
Vif et brillant, ce premier roman d’E. M. Forster est une satire au scalpel des travers de la société britannique. Par petites touches, il dévoile l’emprise des conventions et les élans du cœur face aux différences. Un récit saisissant sur la quête de soi, les affres de la passion et le poids des préjugés.
Aux éditions LE BRUIT DU TEMPS ; 221 pages.
6. La machine s’arrête (1909)
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Nous sommes dans un avenir indéterminé. La Terre est devenue un vaste réseau de cellules individuelles souterraines, reliées entre elles par des moyens de communication dernier cri. Dans cet univers hyper-technologique, les contacts directs sont proscrits, les déplacements réduits au strict minimum. Car une Machine providentielle veille au grain, anticipe les désirs, comble les besoins de chacun. Elle est la nouvelle divinité de ce monde sans âme.
Le jour où Vashti reçoit un appel de son fils Kuno, c’est tout son quotidien feutré qui vacille. Il veut la voir en chair et en os. Pire, il prétend que la vie dans les entrailles de la Machine n’est qu’un leurre, une illusion morbide. Lui rêve de retrouver le chemin de la surface, des grands espaces, d’une existence à échelle humaine, en prise avec la réalité rugueuse du monde physique. Pure folie aux yeux de sa mère comme de tous les serviteurs inconditionnels de la Machine. Mais l’impensable se produit. Peu à peu, inexorablement, la Machine montre des signes de faiblesse. Et si elle s’arrêtait ?
Plus d’un siècle après sa parution, le chef-d’œuvre visionnaire d’E. M. Forster n’a rien perdu de sa puissance d’anticipation et de sa force évocatrice. Au fil d’une intrigue envoûtante, il nous tend un miroir troublant où nos interrogations les plus actuelles sur la technologie, l’écologie et le sens même de notre humanité se reflètent avec une acuité saisissante.
Aux éditions L’ÉCHAPPÉE ; 112 pages.