Dorothy Gladys Smith, surnommée Dodie, naît le 3 mai 1896 à Whitefield, près de Manchester, en Angleterre. Enfant unique, elle perd son père à l’âge de deux ans et grandit dans la maison de ses grands-parents à Old Trafford. Son enfance est marquée par une passion précoce pour le théâtre, encouragée par son grand-père William, spectateur assidu, et son oncle Harold qui lui conseille la lecture de Shakespeare.
En 1910, sa mère se remarie et la famille déménage à Londres. Dodie entre à la Royal Academy of Dramatic Art en 1914. Après la mort de sa mère d’un cancer du sein, elle trouve un emploi dans un magasin de meubles tout en poursuivant ses ambitions d’écriture. Sa carrière de dramaturge décolle avec le succès de « Call It a Day » en 1936, suivi de « Dear Octopus » en 1938.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s’exile aux États-Unis avec son mari Alec Beesley, objecteur de conscience. C’est là qu’elle écrit son premier roman, « Le Château de Cassandra » (1948), alors qu’elle souffre du mal du pays. En 1956, elle publie « Les 101 Dalmatiens », inspiré par ses propres chiens, qui connaît un succès retentissant et est adapté par les studios Disney en 1961.
Écrivaine prolifique, elle continue à écrire romans et pièces de théâtre jusqu’à la fin de sa vie. Elle s’éteint le 24 novembre 1990 à l’âge de 94 ans dans l’Essex, laissant derrière elle une bibliographie qui inclut romans jeunesse, pièces de théâtre et quatre volumes autobiographiques. Ses cendres sont dispersées au vent, selon ses volontés.
Voici notre sélection de ses romans jeunesse.
1. Le Château de Cassandra (dès 12 ans, 1948)
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Résumé
Angleterre, années 1930. Cassandra Mortmain, dix-sept ans, vit dans un château délabré. Elle tient un journal intime dans lequel elle consigne le quotidien de sa famille excentrique : son père, écrivain jadis célèbre pour un unique roman moderniste mais désormais en panne d’inspiration, sa belle-mère Topaz, ancienne modèle qui communie avec la nature, sa sœur aînée Rose qui rêve d’échapper à la pauvreté, et Stephen, le fils de leur défunte domestique, secrètement épris de Cassandra. La famille survit dans le dénuement le plus total en vendant des meubles pour se nourrir.
L’arrivée de Simon et Neil Cotton, deux frères américains héritiers du domaine voisin, bouleverse leur existence. Rose voit en Simon, l’aîné fortuné, une chance inespérée de sortir de la misère. Mais les sentiments qui naissent entre les jeunes gens ne suivront pas la voie qu’elle avait imaginée, et Cassandra elle-même va découvrir les tourments du premier amour…
Autour du livre
Premier roman de Dodie Smith, « Le Château de Cassandra » voit le jour en 1948 à New York. Exilée en Californie pendant la Seconde Guerre mondiale, elle y transpose sa nostalgie de l’Angleterre des années 1930. Son expérience d’écrivaine pour Hollywood – elle deviendra plus tard célèbre pour « Les 101 Dalmatiens » – teinte son écriture d’une sensibilité cinématographique.
Elle y compose un vibrant hommage à la tradition littéraire britannique. Les références à Jane Austen et aux sœurs Brontë parsèment le récit, Cassandra comparant explicitement sa situation à celle des héroïnes d’ « Orgueil et Préjugés ». Son prénom même fait écho à celui de la sœur de Jane Austen, gardienne de son œuvre. Le château, amalgame architectural de plusieurs époques, incarne cette filiation littéraire tout en symbolisant la transition entre tradition et modernité.
Le journal de Cassandra retrace aussi un parcours initiatique. À travers trois cahiers successifs, dont le prix croissant reflète l’évolution sociale de la famille, la jeune fille s’éveille aux soubresauts de l’âge adulte. Son regard d’abord romanesque sur le monde se teinte progressivement de nuances plus matures, sans jamais perdre sa fraîcheur ni son esprit d’observation acéré.
La critique britannique n’a cessé de célébrer ce roman devenu un classique de la littérature du XXe siècle. En 2003, la BBC le classe à la 82ème place de sa liste des 200 meilleurs romans. J. K. Rowling le considère comme l’une de ses lectures préférées et déclare que « Cassandra est l’un des personnages les plus charismatiques » qu’elle ait jamais rencontrés. Armistead Maupin cite l’influence de sa structure en journal intime sur son roman « Maybe the Moon ». En 2019, la BBC l’inclut cette fois dans sa liste des 100 romans les plus inspirants.
Dodie Smith elle-même en tire une pièce de théâtre en 1954. Walt Disney envisage dans les années 1960 une adaptation avec Hayley Mills, projet qui n’aboutit pas. En 2003, la BBC produit finalement une version cinématographique avec Romola Garai dans le rôle de Cassandra. « Le Château de Cassandra » inspire également plusieurs comédies musicales, dont une création au Watford Palace Theatre en 2017.
Aux éditions GALLIMARD JEUNESSE ; 576 pages.
2. Les 101 Dalmatiens (dès 10 ans, 1956)
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Résumé
Londres, années 1950. M. Dearly, un brillant financier, et son épouse partagent leur demeure de Regent’s Park avec deux dalmatiens, Pongo et Missis. Cette dernière met bientôt au monde quinze chiots. Leurs naissances attirent l’attention de Cruella de Vil, une ancienne camarade de Mme Dearly, qui manifeste un intérêt troublant pour les petits. Malgré le refus catégorique des Dearly de lui vendre les chiots, ceux-ci disparaissent mystérieusement peu après.
Scotland Yard se révèle impuissant à résoudre l’affaire. Pongo et Missis prennent alors les choses en main : grâce à un ingénieux réseau de communication entre chiens, ils parviennent à localiser leurs petits dans le Suffolk. Au manoir de Cruella, ils découvrent avec effroi que leurs quinze chiots ne sont pas seuls : quatre-vingt-deux autres dalmatiens y sont séquestrés. Tous sont destinés à satisfaire le projet macabre de Cruella : confectionner des manteaux avec leur fourrure. Une course contre la montre s’engage…
Autour du livre
« Les 101 Dalmatiens » naît d’une expérience de Dodie Smith. Après la perte d’un dalmatien nommé Pongo appartenant à son mari Alec Beesley, le couple adopte deux nouveaux dalmatiens, Folly et Buzz. En 1943, ces derniers donnent naissance à quinze chiots, dont l’un, apparemment mort-né, est miraculeusement ranimé par Alec. Cette aventure familiale inspire directement le roman, initialement publié en feuilleton dans le magazine Woman’s Day sous le titre « The Great Dog Robbery ».
Le livre est remarquable par son traitement novateur des rapports entre humains et animaux. Les chiens considèrent les humains comme leurs animaux de compagnie, tout en leur laissant croire l’inverse, créant ainsi un renversement des perspectives traditionnel. Le personnage de Cruella de Vil incarne la cruauté envers les animaux, particulièrement dans l’industrie de la mode. Son nom même, évocation du mot « devil » (diable), souligne sa nature maléfique, renforcée par son passé sulfureux – elle fut notamment renvoyée de son école pour avoir bu de l’encre.
La structure narrative s’articule autour du « Twilight Barking », un ingénieux système de communication canin qui permet aux chiens de transmettre des messages à travers tout le pays. Cette invention littéraire sert non seulement l’intrigue mais reflète aussi une réflexion sur les modes de communication et d’entraide au sein du monde animal.
Le succès du roman ne se dément pas depuis sa publication. La presse souligne particulièrement sa richesse narrative et son humour. Alison Flood insiste sur la supériorité de la version littéraire par rapport à ses adaptations, la jugeant « plus riche et plus drôle ». Le livre connaît un tel succès qu’il provoque une véritable mode des dalmatiens en Angleterre.
« Les 101 Dalmatiens » a connu de nombreuses adaptations, dont la plus célèbre reste le film d’animation des studios Disney sorti en 1961, qui devient rapidement un blockbuster. Les droits d’adaptation vendus à Disney assurent d’ailleurs la sécurité financière de la famille Smith pendant des décennies. En 1996, une version en prises de vues réelles met en scène Glenn Close dans le rôle de Cruella, une performance qui lui vaut un Golden Globe. Le roman inspire également un spectacle musical où les comédiens jouant les humains sont montés sur des échasses pour adopter « le point de vue des chiens ».
Aux éditions FOLIO JUNIOR ; 240 pages.