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Les meilleurs romans de Charlotte Brontë – Notre sélection

Charlotte Brontë en 4 romans – Notre sélection

Charlotte Brontë naît le 21 avril 1816 à Thornton, dans le Yorkshire de l’Ouest, au sein d’une famille modeste. Troisième des six enfants du révérend Patrick Brontë, elle perd sa mère d’un cancer alors qu’elle n’a que cinq ans. En 1824, elle est envoyée avec ses sœurs aînées à l’école de Cowan Bridge, un établissement aux conditions de vie difficiles où ses deux sœurs aînées contractent la tuberculose et meurent peu après.

De retour au presbytère de Haworth, Charlotte grandit aux côtés de son frère Branwell et de ses sœurs Emily et Anne. Les enfants développent un monde imaginaire foisonnant, notamment « la confédération de Glass Town ». Après des expériences comme gouvernante, Charlotte part en 1842 à Bruxelles avec sa sœur Emily pour parfaire son français. Elle y tombe sous le charme de son professeur, Constantin Héger, une expérience qui marquera profondément son œuvre.

En 1846, elle publie avec ses sœurs un recueil de poèmes sous les pseudonymes de Currer, Ellis et Acton Bell. Son roman « Jane Eyre », publié en 1847 sous le nom de Currer Bell, rencontre un immense succès. Mais le bonheur est de courte durée : en l’espace de quelques mois, elle perd son frère Branwell et ses sœurs Emily et Anne, tous emportés par la tuberculose.

Malgré sa dépression, elle continue d’écrire et publie « Shirley » (1849) puis « Villette » (1853). En 1854, elle épouse Arthur Bell Nicholls, le vicaire de son père, et connaît enfin le bonheur. Malheureusement, ce bonheur est bref : Charlotte meurt le 31 mars 1855, enceinte, probablement des suites d’une déshydratation et d’une malnutrition. Elle laisse derrière elle une œuvre marquante qui révolutionne la place des femmes dans la littérature victorienne.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Jane Eyre (1847)

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Résumé

Dans l’Angleterre victorienne, une petite fille orpheline grandit sous le toit hostile de sa tante, Mrs Reed. Rebelle face aux injustices qu’elle subit, Jane Eyre est envoyée à Lowood, un pensionnat religieux aux méthodes impitoyables. Elle y passe huit années, d’abord comme élève puis comme enseignante, avant de partir à la recherche d’une nouvelle vie.

Le destin la mène à Thornfield Hall, imposante demeure où elle devient la gouvernante d’Adèle, la pupille du propriétaire. Edward Rochester, homme orgueilleux et tourmenté, est d’abord intrigué puis séduit par cette jeune femme sans beauté mais dotée d’un esprit vif et d’une grande droiture morale. Leur amour naissant se heurte bientôt à un lourd secret qui hante les couloirs de Thornfield.

Autour du livre

Publié en 1847 sous le pseudonyme de Currer Bell, « Jane Eyre » est le premier roman de Charlotte Brontë. L’autrice y révolutionne la prose fictionnelle en se concentrant sur le développement moral et spirituel de son héroïne à travers une narration à la première personne d’une intensité psychologique inédite. Cette innovation narrative lui vaut d’être considérée comme « la première historienne de la conscience » et comme celle qui a ouvert la voie à des romanciers comme Marcel Proust et James Joyce.

« Jane Eyre » puise dans la propre expérience de l’autrice, notamment pour les scènes se déroulant à Lowood. Les conditions terribles décrites dans cette école s’inspirent directement de celles que Charlotte Brontë a connues à la Clergy Daughters School de Cowan Bridge, où ses sœurs Elizabeth et Maria sont mortes de tuberculose. Le personnage d’Helen Burns, qui meurt de la même maladie dans les bras de Jane, constitue d’ailleurs un portrait fidèle de Maria Brontë selon Elizabeth Gaskell, biographe des sœurs Brontë.

La demeure gothique de Thornfield trouve son modèle dans North Lees Hall, près de Hathersage. De façon remarquable, la première propriétaire de cette maison, Agnes Ashurst, fut elle aussi enfermée car prétendument « folle » dans une chambre du deuxième étage – un écho troublant au sort de Bertha Mason dans le roman. Charlotte Brontë commence d’ailleurs la rédaction de « Jane Eyre » à Manchester, alors qu’elle accompagne son père qui doit subir une opération de la cataracte.

L’accueil critique initial s’avère contrasté. Elizabeth Rigby qualifie l’œuvre de « composition éminemment anti-chrétienne » dans The Quarterly Review. The Mirror of Literature critique l’absence de « personnages naturels » et accuse Brontë de « poignarder la religion dans l’obscurité ». À l’inverse, George Henry Lewes loue la puissance d’identification : « On lit cela comme une page de sa propre vie. »

Le roman se distingue par sa modernité sur plusieurs plans. Brontë y aborde frontalement des questions sociales sensibles comme la condition des femmes, la religion ou les interactions entre classes sociales. La peinture sans concession des relations entre les sexes et l’affirmation de l’indépendance féminine en font l’un des premiers romans féministes, bien que Brontë n’y réclame pas explicitement l’égalité politique ou juridique.

Le personnage de Bertha Mason cristallise les questionnements sur la race et le colonialisme. Son statut de créole des Antilles et sa « folie » permettent d’aborder les préjugés de l’époque sur les liens supposés entre race et santé mentale. Cette dimension est d’ailleurs approfondie dans « La Prisonnière des Sargasses » de Jean Rhys (1966), qui réécrit l’histoire du point de vue de la première épouse de Rochester.

L’influence de « Jane Eyre » perdure jusqu’à aujourd’hui à travers de multiples adaptations. Le roman inspire notamment « Rebecca » de Daphné du Maurier et sa célèbre adaptation par Hitchcock. Les nombreuses versions cinématographiques témoignent de la permanence de son pouvoir d’évocation, d’Orson Welles et Joan Fontaine en 1943 jusqu’à Michael Fassbender et Mia Wasikowska en 2011.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 539 pages.


2. Shirley (1849)

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Résumé

Dans le Yorkshire des années 1810, alors que les guerres napoléoniennes paralysent le commerce britannique, Robert Moore tente de sauver sa manufacture de tissus de la faillite. Déterminé à redorer le blason familial, cet industriel d’origine flamande se heurte à l’hostilité de ses ouvriers qui, menacés par l’arrivée des machines, détruisent son matériel. Sa cousine Caroline Helstone, jeune orpheline élevée par un pasteur austère, nourrit pour lui un amour secret que Robert, absorbé par ses difficultés, ne remarque pas.

L’arrivée de Shirley Keeldar, riche héritière du domaine voisin, bouleverse leur existence. Cette jeune femme au tempérament affirmé, qui gère ses terres avec autorité, se lie d’amitié avec la timide Caroline. Mais leurs relations se tendent lorsque Robert, en quête d’un mariage avantageux, commence à courtiser Shirley.

Autour du livre

La genèse de « Shirley » s’inscrit dans une période particulièrement sombre pour Charlotte Brontë. Durant sa rédaction, entre 1848 et 1849, la romancière perd successivement son frère Branwell, puis ses sœurs Emily et Anne. Ces deuils successifs imprègnent l’œuvre d’une profondeur singulière, notamment dans le traitement des thèmes de la solitude et de la mort.

La particularité la plus remarquable de ce second roman publié réside dans son impact linguistique : avant sa parution, Shirley était exclusivement un prénom masculin. La popularité du personnage éponyme transforme définitivement cet usage, Shirley devient un prénom essentiellement féminin. Cette métamorphose illustre la force subversive du personnage principal, une héritière indépendante qui défie les conventions de son époque.

Le cadre historique se révèle particulièrement ambitieux : l’intrigue se déroule dans le Yorkshire de 1811-1812, en pleine révolution industrielle, sur fond de guerres napoléoniennes et du soulèvement des Luddites contre la mécanisation du textile. Cette fresque sociale marque une rupture avec « Jane Eyre », le premier succès de Charlotte Brontë.

Le roman puise son authenticité dans l’ancrage géographique précis : la région du Spen Valley, que Charlotte Brontë connaît intimement. Les lieux décrits trouvent leurs pendants réels : Briarmains s’inspire de la Red House de Gomersal, tandis que Fieldhead prend pour modèle le manoir élisabéthain d’Oakwell Hall. L’attaque de la fabrique de Robert Moore transpose un événement historique : l’assaut des Luddites contre la manufacture Cartwright à Rawfolds.

Plusieurs personnages s’inspirent de figures réelles : Mrs Pryor emprunte ses traits à Margaret Wooler, directrice de l’école Roe Head où Charlotte Brontë fut élève puis enseignante. Le personnage de Shirley incarnerait ce qu’Emily Brontë aurait pu devenir dans des circonstances plus favorables, bien qu’Ellen Nussey, amie proche des sœurs Brontë, ne reconnaisse pas Emily dans ce portrait.

La narration marque également une innovation dans l’œuvre de Charlotte Brontë : contrairement à « Jane Eyre » et au futur « Villette », « Shirley » abandonne la première personne pour adopter un narrateur omniscient. Cette voix narrative permet d’orchestrer une galerie de personnages contrastés, notamment à travers les duos que forment Caroline et Shirley d’une part, Robert et Louis Moore d’autre part.

Les adaptations demeurent rares : une seule version cinématographique voit le jour en 1922, un film muet britannique réalisé par A.V. Bramble avec Carlotta Breese dans le rôle-titre. Plus récemment, en 2014, BBC Radio 4 propose une dramatisation en dix épisodes, avec Joanne Froggatt incarnant Caroline et Jemima Rooper prêtant sa voix à Shirley.

Aux éditions HUGO POCHE ; 867 pages.


3. Villette (1853)

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Résumé

Années 1830. Lucy Snowe est une jeune Anglaise de 23 ans, orpheline et sans fortune. Après avoir passé quelques années chez sa marraine Mrs Bretton, puis comme dame de compagnie d’une vieille dame, Lucy décide de quitter l’Angleterre pour tenter sa chance à l’étranger. Elle s’installe à Villette, capitale du royaume fictif de Labassecour (inspiré de la Belgique), où elle trouve un poste d’enseignante d’anglais dans un pensionnat dirigé par Mme Beck.

Dans cette institution catholique où Lucy, protestante convaincue, se sent étrangère, elle doit composer avec une directrice autoritaire qui espionne son personnel, des élèves parfois hostiles, et le professeur Paul Emmanuel, un homme colérique et tyrannique qui la bouscule sans cesse. Peu à peu, Lucy retrouve d’anciennes connaissances et noue de nouvelles relations, notamment avec le Dr John, un médecin dont elle s’éprend secrètement.

Autour du livre

À travers « Villette », paru en 1853, transparaît l’expérience de Charlotte Brontë lors de son séjour à Bruxelles. Le personnage de M. Paul Emanuel s’inspire directement de Constantin Héger, le directeur de la pension où elle enseigna, tandis que Graham Bretton emprunte ses traits à George Murray Smith, l’éditeur de la romancière. Cette transposition autobiographique dépasse toutefois la simple retranscription d’événements vécus pour créer une œuvre qui interroge les tensions entre protestantisme et catholicisme, les contraintes sociales pesant sur les femmes, et la complexité des relations humaines.

La narration à la première personne, confiée à Lucy Snowe, se distingue par sa nature peu fiable : la narratrice dissimule sciemment des informations au lecteur, comme lorsqu’elle tait pendant un long moment l’identité véritable du Dr John, qu’elle a pourtant reconnue. Cette stratégie narrative instaure une complicité particulière avec le lecteur tout en soulignant la dimension psychologique du roman.

La dimension gothique de « Villette », incarnée par les apparitions récurrentes d’une religieuse fantôme, se mêle à une réflexion sur l’isolement et l’aliénation culturelle. Brontë intègre d’ailleurs de nombreux passages en français, reflet des difficultés d’adaptation de Lucy dans ce pays étranger. Cette mise en scène du choc des cultures s’accompagne d’une critique acerbe du catholicisme, Lucy proclamant sans ambages que « Dieu n’est pas avec Rome ».

L’accueil critique s’avère particulièrement élogieux. George Eliot y perçoit « quelque chose de presque surnaturel dans sa puissance », tandis que Virginia Woolf le considère comme « le plus beau roman » de Charlotte Brontë. La fin ambiguë, que l’autrice qualifie elle-même de « petite énigme », laisse planer le doute sur le sort de M. Paul Emanuel, probablement englouti dans un naufrage.

La BBC en propose une mini-série en 1970 avec Judy Parfitt, puis deux versions radiophoniques remarquables : l’une en 1999 avec Catherine McCormack et Joseph Fiennes, couronnée d’un Sony Award, l’autre en 2009 avec Anna Maxwell Martin. L’influence du roman se prolonge également dans la littérature contemporaine, comme en atteste « Lucy » de Jamaica Kincaid (1990), qui en reprend certains thèmes tout en y ajoutant une critique postcoloniale implicite.

Aux éditions ARCHIPOCHE ; 713 pages.


4. Le Professeur (1857)

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Résumé

« Le Professeur » retrace le parcours de William Crimsworth dans l’Angleterre victorienne. Orphelin issu d’une famille autrefois prospère, le jeune homme refuse la carrière ecclésiastique que ses oncles lui destinent et part travailler comme commis dans l’usine de son frère aîné Edward. Face à l’hostilité permanente de ce dernier, William quitte l’Angleterre pour la Belgique, muni d’une lettre de recommandation.

À Bruxelles, il devient professeur d’anglais dans un pensionnat de garçons dirigé par M. Pelet, puis enseigne également dans l’établissement voisin pour jeunes filles que dirige Mlle Reuter. D’abord séduit par cette dernière, William découvre qu’elle doit épouser M. Pelet. Il reporte alors son attention sur Frances Henri, une jeune enseignante de couture qui assiste à ses cours. Entre eux naît une relation fondée sur le respect mutuel et l’amour de la connaissance.

Autour du livre

« Le Professeur » est publié à titre posthume en 1857, alors qu’il constitue chronologiquement le premier roman de Charlotte Brontë, rédigé avant « Jane Eyre ». Plusieurs maisons d’édition refusent initialement le manuscrit, et c’est finalement Arthur Bell Nicholls, le veuf de l’autrice, qui supervise sa révision et son édition.

Le récit puise sa matière dans la propre expérience de Brontë à Bruxelles en 1842, où elle étudie le français au pensionnat des époux Heger. Cette dimension autobiographique transparaît notamment dans le choix audacieux d’adopter un narrateur masculin – William Crimsworth – pour relater son vécu d’enseignante. Cette transposition du genre permet à Brontë de livrer un témoignage plus libre de son séjour bruxellois et de ses sentiments pour son « maître ».

« Le Professeur » se distingue par son traitement des tensions religieuses et culturelles. Le protagoniste manifeste un certain dédain envers les catholiques, qualifiant leurs pratiques de « sorcellerie romaine ». Cette posture reflète l’ancrage anglican prononcé de Brontë, qui dépeint les personnages catholiques sous des traits peu flatteurs de duplicité. Elle y met également en scène les préjugés du narrateur envers les Flamands, dont il méprise la façon de malmener la langue anglaise.

Les thèmes développés dans « Le Professeur » seront plus tard repris et approfondis dans « Villette », autre roman de Brontë. Cette fois-ci, l’histoire sera narrée du point de vue d’une enseignante, suggérant que l’autrice a souhaité revisiter cette matière autobiographique sous un angle plus proche de son expérience réelle.

Une originalité formelle du texte réside dans l’insertion de dialogues en français, qui contribuent à l’authenticité du cadre bruxellois tout en soulignant la dimension multilingue de l’expérience relatée.

Aux éditions HUGO POCHE ; 379 pages.

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