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Ann Radcliffe en 3 romans gothiques – Notre sélection

Ann Radcliffe naît le 9 juillet 1764 à Holborn, Londres, dans une famille modeste. Fille unique de William Ward et Ann Oates, qui tiennent une mercerie-chemiserie, elle grandit dans la religion anglicane. En 1788, elle épouse William Radcliffe, un journaliste diplômé d’Oxford qui l’encourage dans l’écriture.

Elle publie son premier roman gothique, « Les Châteaux d’Athlin et de Dunbayne », en 1789. Son succès grandit avec chaque nouvelle publication, notamment « Julia » (1790), « Les Mystères de la forêt » (1791), et atteint son apogée avec « Les Mystères d’Udolphe » (1794) et « L’Italien » (1797). Ses romans mettent en scène des héroïnes innocentes confrontées à de mystérieux personnages dans des châteaux sinistres, avec des éléments apparemment surnaturels qui trouvent toujours une explication rationnelle.

Radcliffe devient l’écrivaine la mieux payée des années 1790, ce qui permet à son mari d’abandonner son travail. Le couple voyage alors beaucoup, notamment en Hollande et en Allemagne. Après la publication de « L’Italien », elle se retire de la vie publique mais continue d’écrire. Des rumeurs sur sa prétendue folie circulent, mais elles s’avèrent fausses.

Elle meurt le 7 février 1823 à l’âge de 58 ans d’une infection pulmonaire. Son dernier roman, « Gaston de Blondeville », et son essai « Sur le surnaturel dans la poésie » sont publiés à titre posthume en 1826. Son influence sur le roman gothique est considérable, et inspire plus tard des auteurs comme Jane Austen, les sœurs Brontë, Edgar Allan Poe, et même Balzac et Dostoïevski.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Les Mystères de la forêt (1791)

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Résumé

En 1791, alors que l’Europe vit au rythme des soubresauts de la Révolution française, Pierre de la Motte fuit Paris pour échapper à ses créanciers. Une nuit d’orage, il trouve refuge dans une mystérieuse demeure où des brigands le retiennent prisonnier avant de lui confier une jeune fille, Adeline, qu’il doit emmener avec lui s’il veut avoir la vie sauve.

La famille La Motte, accompagnée d’Adeline, s’enfonce dans une forêt dense où ils découvrent une abbaye en ruines. Ce lieu devient leur refuge, mais aussi le théâtre d’événements inquiétants quand apparaît le marquis de Montalt, propriétaire des lieux.

Ses intentions malveillantes envers Adeline, conjuguées aux machinations de La Motte, forcent la jeune femme à entreprendre une périlleuse traversée de la France. Au fil de sa quête de vérité, elle va peu à peu découvrir les sombres secrets qui entourent sa naissance et l’identité véritable du marquis qui la persécute.

Autour du livre

Ce troisième roman d’Ann Radcliffe marque l’apogée du roman gothique anglais, un genre qu’elle a largement contribué à définir. L’immense succès commercial de l’ouvrage – quatre éditions en trois ans – témoigne de l’engouement du public pour ces récits mêlant mystère et romance. Le manuscrit trouvé dans l’abbaye deviendra d’ailleurs un motif récurrent de la littérature gothique, repris et parodié notamment par Jane Austen dans « L’Abbaye de Northanger ».

L’originalité tient à l’utilisation novatrice des théories esthétiques d’Edmund Burke sur le sublime. L’abbaye en ruines n’est pas qu’un simple décor : ses murs délabrés, ses passages secrets et ses recoins obscurs matérialisent les angoisses des personnages. Cette approche architecturale du sentiment de terreur influencera durablement le genre, jusqu’à Edgar Allan Poe.

Le succès du roman dépasse les frontières de l’Angleterre : traduit en français dès 1794, il séduit même le marquis de Sade, qui le lit pendant son emprisonnement à Bicêtre. « Les Mystères de la forêt » ouvre ainsi la voie à une nouvelle génération d’écrivains qui exploiteront les codes du genre gothique, des sœurs Brontë à Mary Shelley.

Aux éditions FOLIO ; 560 pages.


2. Les Mystères d’Udolphe (1794)

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Résumé

Dans la France méridionale de 1584, Émilie Saint-Aubert grandit au domaine familial de La Vallée, entourée de l’amour de ses parents et bercée par la contemplation de la nature. Cette existence idyllique bascule avec la mort de sa mère, suivie peu après par celle de son père lors d’un voyage dans les Pyrénées. Orpheline, elle est confiée à sa tante, Madame Chéron, femme vaniteuse qui ne tarde pas à épouser un mystérieux noble italien, le Signor Montoni. Ce mariage précipité force Émilie à quitter la France et son amoureux Valancourt pour suivre le couple à Venise.

Le séjour vénitien tourne au cauchemar quand Montoni, criblé de dettes de jeu, tente d’imposer à Émilie un mariage avec le Comte Morano. Face à sa résistance, il l’emprisonne avec sa tante dans son château d’Udolphe, forteresse isolée des Apennins. Dans ce lieu sinistre aux couloirs labyrinthiques, Émilie est confrontée à des phénomènes inexpliqués : musiques nocturnes, bruits de pas, apparitions spectrales. Pendant que sa tante dépérit sous la tyrannie de Montoni qui convoite ses biens, la jeune femme lutte pour préserver son honneur et découvrir les sombres secrets qui hantent les murs d’Udolphe.

Autour du livre

La publication des « Mystères d’Udolphe » en 1794 marque l’apogée du roman gothique anglais. Ann Radcliffe reçut 500 livres sterling pour son manuscrit – somme considérable pour l’époque – qui devint rapidement un succès commercial et critique. La romancière innove alors par sa façon d’installer la terreur : plutôt que de recourir à l’horreur explicite, elle instaure une atmosphère d’inquiétude permanente où le surnaturel apparent trouve toujours une explication rationnelle.

Cette approche novatrice du fantastique a profondément influencé la littérature européenne. Jane Austen s’en inspira pour écrire « L’Abbaye de Northanger », tandis que des auteurs comme Walter Scott, Charles Dickens ou Edgar Allan Poe reconnurent leur dette envers Radcliffe. L’œuvre a également fait l’objet d’adaptations diverses, notamment deux opéras-comiques au XIXe siècle.

Le roman bouleverse les codes de son temps en plaçant une héroïne sensible face à un monde hostile dominé par la cupidité masculine. Si les évanouissements répétés d’Émilie peuvent faire sourire le lecteur moderne, ils traduisent la condition féminine de l’époque : privée de droits légaux, une femme ne pouvait opposer que sa faiblesse apparente aux violences qu’elle subissait.

Aux éditions FOLIO ; 905 pages.


3. L’Italien (1797)

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Résumé

Naples, 1758. Le jeune noble Vincentino di Vivaldi aperçoit à l’église San Lorenzo une jeune femme, Ellena Rosalba, dont la voix le bouleverse instantanément. Cette orpheline, qui vit sous la protection de sa tante Signora Bianchi, éveille en lui une passion dévorante. Mais leur idylle naissante se heurte rapidement à l’opposition farouche de la Marchesa, la mère de Vivaldi, qui refuse catégoriquement cette mésalliance. Pour contrecarrer les projets de son fils, elle s’allie à son confesseur, le sinistre moine Schedoni, décrit comme « fort maigre et de grande taille » avec « l’empreinte des passions les plus basses ».

Sous l’impulsion de la Marchesa, Schedoni orchestre l’enlèvement d’Ellena et son emprisonnement dans le couvent de San Stefano, où une abbesse impitoyable tente de la forcer à prendre le voile. Vivaldi parvient à la délivrer, mais leur tentative de mariage est brutalement interrompue par l’Inquisition qui arrête le jeune homme. Pendant ce temps, Schedoni conduit Ellena dans une demeure isolée au bord de la mer avec l’intention de l’assassiner.

Autour du livre

Dernier récit publié du vivant d’Ann Radcliffe en 1797, « L’Italien » marque l’apothéose du roman gothique anglais. La noirceur psychologique du personnage de Schedoni, ses conflits intérieurs et son parcours moral tortueux en font un précurseur direct des héros byroniens qui marqueront la littérature victorienne. Lord Byron lui-même ne cachait pas son admiration pour cette œuvre qui sut conjuguer les codes du roman noir avec une réflexion sur les abus de pouvoir.

Les souterrains labyrinthiques des couvents et les geôles de l’Inquisition constituent la toile de fond d’une critique virulente des institutions religieuses. Cette dénonciation des dérives du catholicisme italien résonne particulièrement dans l’Angleterre protestante de l’époque, où les débats sur le pouvoir temporel de l’Église font rage.

Autoédition ; 206 pages.

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