René Descartes naît le 31 mars 1596 à La Haye-en-Touraine (aujourd’hui Descartes) dans une famille de petite noblesse. Sa mère meurt alors qu’il n’a que treize mois, le laissant aux soins de sa grand-mère et de son père. Enfant curieux, il ne cesse de poser des questions, ce qui pousse son père à le surnommer son « petit philosophe ».
À onze ans, il entre au Collège royal Henri-le-Grand de La Flèche où il étudie auprès des Jésuites. En raison de sa santé fragile, il bénéficie d’un traitement spécial qui lui permet de rester au lit le matin. Après ses études de droit à Poitiers, il s’engage dans l’armée et voyage à travers l’Europe.
Le 10 novembre 1619, il fait trois songes qui changent le cours de sa vie et l’orientent vers sa vocation philosophique. En 1628, sur les conseils du cardinal de Bérulle, il décide de se consacrer à l’étude de la philosophie. Il s’installe alors aux Provinces-Unies où il passe une grande partie de sa vie dans une relative solitude, se consacrant à ses travaux.
En 1637, il publie son célèbre « Discours de la méthode », suivi en 1641 des « Méditations métaphysiques ». Sa réputation grandit et atteint la cour de Suède. La reine Christine l’invite à Stockholm comme précepteur en 1649. Ce séjour lui est fatal : peu habitué au climat rigoureux et contraint de se lever tôt pour donner ses leçons, il contracte une pneumonie et meurt le 11 février 1650.
Son corps connaît plusieurs péripéties après sa mort. D’abord enterré à Stockholm, ses restes sont transférés à Paris en 1666, puis déplacés plusieurs fois avant de trouver leur place définitive à l’église Saint-Germain-des-Prés, où ils reposent encore aujourd’hui.
Philosophe, mathématicien et physicien, Descartes révolutionne la pensée de son temps. Son fameux « Je pense, donc je suis » marque la naissance de la philosophie moderne, tandis que ses travaux en mathématiques posent les bases de la géométrie analytique.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Discours de la méthode (1637)
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Publié anonymement en 1637, le « Discours de la méthode » de René Descartes marque une rupture fondamentale avec la tradition scolastique. À travers un récit autobiographique, Descartes retrace son parcours intellectuel depuis ses études au collège jésuite de La Flèche jusqu’à l’élaboration d’une méthode novatrice pour accéder à la vérité dans les sciences. Déçu par l’enseignement traditionnel qui ne lui a apporté que des certitudes douteuses, il décide de tout reprendre à zéro et de ne plus se fier qu’à sa propre raison.
Cette quête de vérité le conduit à formuler quatre préceptes essentiels : ne tenir pour vrai que ce qui apparaît avec évidence, diviser chaque difficulté en éléments simples, ordonner sa pensée du simple au complexe, et s’assurer de n’avoir rien omis. Sur cette base méthodologique, Descartes parvient à sa première certitude inébranlable : le fameux « cogito ergo sum » (je pense donc je suis). De ce point d’appui, il établit l’existence de l’âme comme substance pensante distincte du corps, puis démontre l’existence de Dieu comme garant de la véracité de nos idées claires et distinctes.
Le philosophe expose ensuite comment cette méthode peut s’appliquer à la physique et aux sciences naturelles. Sa conception mécaniste de la nature le conduit à comparer les êtres vivants à des machines, tout en maintenant la spécificité de l’homme doué de parole et de raison. Cette approche ouvre la voie à une maîtrise technique de la nature au service du progrès humain, notamment dans le domaine médical.
L’originalité du « Discours » réside dans son choix d’être rédigé en français plutôt qu’en latin, témoignant d’une volonté de toucher un public plus large que les seuls savants. La prudence de Descartes transparaît également : publié quatre ans après la condamnation de Galilée, il évite soigneusement d’y aborder la question controversée du mouvement de la Terre. L’ouvrage connaît un succès immédiat et suscite de nombreux débats, tant chez les catholiques que chez les protestants. Son influence demeure considérable : en posant les bases du rationalisme, le « Discours » inaugure véritablement la modernité scientifique et philosophique.
Aux éditions FLAMMARION ; 192 pages.
2. Méditations métaphysiques (1641)
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Les « Méditations métaphysiques », publiées en latin en 1641 puis traduites en français en 1647, constituent l’œuvre philosophique majeure de René Descartes. Dans cet ouvrage organisé en six méditations successives, le philosophe entreprend une démarche radicale pour établir les fondements d’une connaissance certaine. Le point de départ est le suivant : Descartes décide de soumettre au doute méthodique toutes ses opinions et croyances, jusqu’aux vérités mathématiques les plus élémentaires. Cette remise en cause systématique le conduit à imaginer l’hypothèse d’un « malin génie » qui s’emploierait à le tromper constamment.
C’est au cœur même de ce doute radical que surgit la première certitude : même si je doute de tout, je ne peux douter que je suis en train de douter, donc de penser, donc d’exister. Cette découverte du cogito (« je pense, donc je suis ») permet à Descartes d’établir que l’esprit est plus facile à connaître que le corps, comme il le démontre à travers la célèbre expérience du morceau de cire. Les méditations suivantes s’attachent à prouver l’existence de Dieu puis à réhabiliter progressivement la connaissance du monde matériel, tout en maintenant la distinction fondamentale entre l’âme et le corps.
Le contexte de rédaction des « Méditations métaphysiques » est révélateur : Descartes compose son texte alors que Galilée vient d’être condamné par l’Inquisition en 1633. Le philosophe renonce d’ailleurs à publier son « Traité du monde » pour ne pas subir le même sort. Les « Méditations » se présentent donc comme une tentative prudente de concilier la nouvelle science mathématique avec la théologie chrétienne. La forme même de l’ouvrage est novatrice : en adoptant le genre de la méditation, traditionnellement réservé aux exercices spirituels, Descartes invite le lecteur à refaire personnellement l’expérience du doute et de la découverte des vérités premières.
L’influence des « Méditations métaphysiques » sur la philosophie occidentale s’est révélée considérable. Les sept séries d’objections et de réponses publiées avec le texte témoignent déjà des débats intenses suscités par l’ouvrage parmi les penseurs contemporains comme Hobbes, Arnauld ou Gassendi. La radicalité de la démarche cartésienne, son dualisme entre l’âme et le corps, sa conception du sujet pensant ont profondément marqué des philosophes comme Malebranche, Spinoza et Leibniz. Aujourd’hui encore, les « Méditations » demeurent une référence pour qui s’interroge sur les fondements de la connaissance et la nature de la conscience.
Aux éditions FLAMMARION ; 578 pages.
3. Les Passions de l’âme (1649)
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Les « Passions de l’âme », dernier ouvrage de Descartes publié en 1649, marque l’aboutissement de sa réflexion sur les rapports entre le corps et l’esprit. Dédié à la princesse Élisabeth de Bohême avec qui il entretenait une correspondance, ce traité philosophique examine la nature des émotions et leur influence sur le comportement.
L’ouvrage débute par une description minutieuse des mécanismes corporels impliqués dans les passions. Descartes y développe sa théorie des « esprits animaux », ces corpuscules issus du sang qui, selon lui, transmettent les informations entre le corps et l’âme par l’intermédiaire de la glande pinéale. Cette conception mécaniste du fonctionnement humain constitue une rupture majeure avec les théories de son temps.
Dans un second temps, Descartes établit une cartographie des passions en identifiant six émotions fondamentales : l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse. Il montre comment ces passions primitives se combinent pour former l’ensemble des affects, tout en analysant leurs manifestations physiques et leurs conséquences sur le comportement.
L’originalité de l’ouvrage réside dans sa capacité à dépasser le simple cadre physiologique pour proposer une véritable philosophie morale des passions. En développant le concept de « générosité », entendue comme la juste estimation de son libre arbitre, Descartes ouvre la voie à une éthique nouvelle. Cette approche novatrice influence encore aujourd’hui notre compréhension des émotions, tandis que ses intuitions sur le rôle du cerveau dans les processus émotionnels trouvent des échos dans les découvertes contemporaines en neurosciences.
Aux éditions FLAMMARION ; 302 pages.
4. Principes de la philosophie (1644)
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Au cœur des bouleversements scientifiques du XVIIe siècle, René Descartes entreprend la rédaction des « Principes de la philosophie », publiés en 1644 en latin puis traduits en français en 1647. L’ouvrage naît dans un contexte particulier : la condamnation de Galilée en 1633 pour ses thèses héliocentriques ébranle profondément Descartes, qui décide de ne pas publier son « Traité du monde et de la lumière ». Il s’oriente alors vers une refondation méthodique de la philosophie qui permettrait d’asseoir solidement la connaissance scientifique.
Le livre s’ouvre sur une lettre-préface adressée à la princesse Élisabeth de Bohême, où Descartes expose sa conception de la philosophie comme étude de la sagesse. Le philosophe y développe sa célèbre métaphore de l’arbre du savoir : la métaphysique en constitue les racines, la physique le tronc, tandis que la médecine, la mécanique et la morale en sont les branches principales. Cette architecture du savoir reflète l’ambition cartésienne de bâtir un système complet des connaissances humaines sur des fondements inébranlables.
La première partie pose les bases de la méthode cartésienne à travers le doute méthodique. Descartes y établit la certitude du cogito (« je pense, donc je suis ») comme premier principe de sa philosophie. Il démontre ensuite l’existence de Dieu et la distinction réelle entre l’âme et le corps. Les parties suivantes appliquent ces principes métaphysiques à l’étude du monde physique, proposant une vision mécaniste de l’univers qui rompt avec la physique aristotélicienne alors dominante.
Les « Principes de la philosophie » marquent un moment décisif dans l’histoire de la pensée occidentale. L’ouvrage témoigne du projet cartésien de substituer à la scolastique médiévale une nouvelle philosophie fondée sur la raison et l’évidence. Le retentissement considérable du livre s’explique aussi par sa dimension pédagogique : Descartes souhaitait en faire un manuel destiné aux enseignants, notamment jésuites, pour diffuser sa méthode. Si certaines théories physiques ont été dépassées par les découvertes ultérieures de Newton, l’exigence cartésienne de clarté et de rigueur dans la recherche de la vérité continue d’exercer une influence sur la philosophie moderne.
Aux éditions VRIN ; 158 pages.
5. Règles pour la direction de l’esprit (1628)
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Les « Règles pour la direction de l’esprit », rédigées par René Descartes vers 1628, constituent l’un des textes fondateurs de la philosophie moderne. Dans cet ouvrage inachevé, le philosophe établit une méthode universelle visant à orienter la pensée dans sa quête de vérité. Le projet initial prévoyait trente-six règles réparties en trois sections, mais seules vingt-et-une règles furent finalement écrites, dont les trois dernières demeurèrent sans commentaires.
Dans la première section, Descartes pose les bases d’une révolution épistémologique. Il s’insurge contre le morcellement des sciences et l’autorité des Anciens, deux piliers de l’enseignement scolastique de son temps. À cette fragmentation stérile du savoir, il substitue l’idée d’une « sagesse universelle », comparable à la lumière du soleil qui éclaire indifféremment tous les objets. Cette quête de certitude s’appuie sur deux facultés essentielles : l’intuition, qui saisit les vérités simples avec une évidence immédiate, et la déduction, qui permet d’établir des chaînes de raisons entre ces vérités premières.
La deuxième partie du traité dévoile une méthode inspirée des mathématiques mais destinée à s’appliquer à tous les domaines du savoir. Descartes y développe sa conception de la « mathesis universalis », science générale de l’ordre et de la mesure qui transcende la distinction traditionnelle entre arithmétique et géométrie. Le texte s’interrompt alors que l’auteur s’apprête à exposer sa théorie des équations.
L’histoire de ce manuscrit se révèle aussi singulière que son contenu. Retrouvé dans les papiers de Descartes à Stockholm par Pierre Chanut, il ne sera publié qu’en 1701, soit plus d’un demi-siècle après la mort du philosophe. Sa réception traverse les siècles : les logiciens de Port-Royal s’en inspirent, Leibniz y puise l’idée d’une réorganisation encyclopédique des savoirs, les néo-kantiens de Marbourg au XXe siècle y décèlent les prémices de la philosophie transcendantale. Ce brouillon génial, où la méthode cartésienne se cherche encore, témoigne d’une audace intellectuelle qui ne cessera d’interpeller les penseurs, de Simone Weil aux philosophes contemporains.
Aux éditions VRIN ; 146 pages.
6. Le Monde ou Traité de la lumière (1633)
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Rédigé entre 1632 et 1633, « Le Monde ou Traité de la lumière » constitue l’une des œuvres majeures de René Descartes, dans laquelle le philosophe développe sa conception mécanique de l’univers et sa théorie de la lumière. Le contexte historique de sa rédaction s’avère déterminant : en pleine controverse entre partisans de l’héliocentrisme et du géocentrisme, Descartes achève son manuscrit lorsqu’il apprend la condamnation de Galilée par l’Inquisition en 1633. Cette nouvelle le pousse à renoncer à la publication de son traité, qui ne paraîtra qu’en 1664, après sa mort.
L’ouvrage se structure en deux parties principales. Dans la première, Descartes expose sa vision corpusculaire de la matière : tout dans l’univers serait composé de minuscules particules en mouvement perpétuel. Il développe notamment sa théorie des trois éléments – le feu, constitué des particules les plus fines et mobiles ; l’air, fait de corpuscules de taille moyenne ; et la terre, composée des particules les plus grossières. Ces éléments, soumis à trois lois fondamentales du mouvement, expliquent selon lui tous les phénomènes naturels, du système solaire aux marées.
La seconde partie se concentre sur la nature de la lumière, que Descartes conçoit comme une pression instantanée transmise à travers la matière subtile qui remplit l’espace. Un élément singulier du traité réside dans sa méthode d’exposition : plutôt que de décrire directement notre monde, Descartes imagine la création d’un « nouveau monde » hypothétique. Cette fiction lui permet d’exposer ses théories tout en se prémunissant d’éventuelles accusations d’hérésie.
L’impact du traité sur la pensée scientifique s’avère considérable malgré sa publication tardive. Les théories cartésiennes inspireront notamment Christian Huygens dans son « Traité de la lumière » (1690). Les manuscrits circulant dans les cercles intellectuels avant même leur publication officielle, les idées de Descartes nourrissent les débats scientifiques tout au long du XVIIe siècle. Cette œuvre constitue ainsi un jalon essentiel dans l’émergence d’une nouvelle physique, libérée du carcan aristotélicien, même si ses conclusions seront largement remises en cause par Newton.
Aux éditions GALLIMARD ; 304 pages.
7. La recherche de la vérité par la lumière naturelle (1637)
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« La recherche de la vérité par la lumière naturelle » se déroule dans une demeure campagnarde où trois personnages se réunissent pour une conversation philosophique. Eudoxe, le maître des lieux décrit comme « un homme doué d’un esprit ordinaire, mais dont le jugement n’est gâté par aucune fausse opinion », reçoit la visite de deux hommes : Polyandre, qui n’a jamais étudié, et Épistémon, érudit maîtrisant parfaitement l’enseignement des écoles. Cette configuration permet à Descartes d’orchestrer un dialogue où s’affrontent différentes conceptions de la connaissance.
L’échange débute par une remise en question radicale des savoirs acquis. Eudoxe guide progressivement Polyandre vers le doute méthodique, l’amenant à questionner tout ce qui lui semblait certain jusqu’alors, y compris l’existence des choses matérielles et de son propre corps. De ce doute radical émerge pourtant une première certitude : celle de sa propre existence en tant qu’être pensant. « Je doute, donc je pense, donc je suis » devient le socle sur lequel Eudoxe propose de reconstruire l’ensemble des connaissances humaines, des vérités mathématiques jusqu’à l’existence de Dieu.
Malheureusement, le texte s’interrompt au moment où les trois protagonistes s’apprêtent à développer les implications de cette première certitude. Le dialogue reste ainsi inachevé, s’arrêtant net alors que Polyandre commence à expliciter « ce qu’il entend par être pensant ».
Ce dialogue philosophique occupe une place singulière dans l’œuvre cartésienne. Rédigé en français et non en latin, il constitue l’unique texte dialogué de Descartes. Le manuscrit original a connu un destin mouvementé : seul le début du texte français fut retrouvé en 1906 dans les papiers de Leibniz à Hanovre. Le reste de l’œuvre n’est accessible qu’à travers ses traductions néerlandaise (1684) et latine (1701). Ernst Cassirer souligne d’ailleurs la valeur exceptionnelle de ce texte : « Aucun autre écrit de Descartes, même le Discours de la méthode, ne nous fournit une meilleure approche et une meilleure introduction à son univers de pensée ».
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 160 pages.