Boualem Sansal, né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had, petit village des monts de l’Ouarsenis, est un écrivain algérien d’expression française, principalement romancier mais aussi essayiste, censuré en Algérie à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place.
1. 2084 – La fin du monde
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L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions.
Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l’existence d’un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion…
Boualem Sansal s’est imposé comme une des voix majeures de la littérature contemporaine. Au fil d’un récit débridé, plein d’innocence goguenarde, d’inventions cocasses ou inquiétantes, il s’inscrit dans la filiation d’Orwell pour brocarder les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.
2. Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller
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Les narrateurs sont deux frères nés de mère algérienne et de père allemand. Ils ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d’Aïn Deb, près de Sétif. En 1994, le GIA massacre une partie de la population du bourg.
Pour les deux fils, le deuil va se doubler d’une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid.
Basé sur une histoire authentique, le roman propose une réflexion véhémente et profonde, nourrie par la pensée de Primo Levi. Il relie trois épisodes à la fois dissemblables et proches : la Shoah, vue à travers le regard d’un jeune Arabe qui découvre avec horreur la réalité de l’extermination de masse ; la sale guerre des années 1990 en Algérie ; la situation des banlieues françaises, et en particulier la vie des Algériens qui s’y trouvent depuis deux générations dans un abandon croissant de la République.
» A ce train, dit un personnage, parce que nos parents sont trop pieux et nos gamins trop naïfs, la cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée. Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles. » Sur un sujet aussi délicat, Sansal parvient à faire entendre une voix d’une sincérité bouleversante.
3. Rue Darwin
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« Je l’ai entendu comme un appel de l’au-delà : Va, retourne à la rue Darwin. J’en ai eu la chair de poule. Jamais, au grand jamais, je n’avais envisagé une seule seconde de retourner un jour dans cette pauvre ruelle où s’était déroulée mon enfance ».
Après la mort de sa mère, Yazid, le narrateur, décide de retourner rue Darwin dans le quartier Belcourt, à Alger. « Le temps de déterrer les morts et de les regarder en face » est venu.
Une figure domine cette histoire : celle de Lalla Sadia, dite Djéda, toute-puissante grand-mère installée dans son fief villageois, dont la fortune immense s’est bâtie à partir du florissant bordel jouxtant la maison familiale. C’est là que Yazid a été élevé, avant de partir pour Alger. L’histoire de cette famille hors norme traverse la grande histoire tourmentée de l’Algérie, des années cinquante à aujourd’hui.
Encore une fois, Boualem Sansal nous emporte dans un récit truculent et rageur dont les héros sont les Algériens, déchirés entre leur patrie et une France avec qui les comptes n’ont toujours pas été soldés. Il parvient à introduire tendresse et humour jusque dans la description de la corruption, du grouillement de la misère, de la tristesse qui s’étend.
Rue Darwin est le récit d’une douleur identitaire, génératrice du chaos politique et social dont l’Algérie peine à sortir.
4. Le serment des barbares
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Le roman de Boualem Sansal s’ouvre sur une grande et puissante description de la petite ville de Rouiba, non loin d’Alger. Là, comme partout en Algérie, on peut mesurer la métamorphose des villes et la métamorphose des hommes que ces trente dernières années ont transfigurés tragiquement.
Après trente ans justement, Abdallah, un modeste ouvrier agricole parti travailler en France, de retour enfin au pays, ne reconnaît plus ni la terre, ni les siens. « J’ai laissé un paradis, je retrouve un enfer », confie-t-il à son frère.
Absent au monde, ressassant les souvenirs d’une période heureuse où il travaillait au service des colons, Abdallah l’incompris, le marginal, se retire dans une vieille bicoque, à la sortie de la ville, près du cimetière chrétien. Un jour, on le retrouve assassiné. À ses côtés, un autre homme a été tué. Il s’agit de Si Moh, une sorte de petit parrain local, l’antithèse complète d’Abdallah. Larbi, un vieil inspecteur qui tente d’éviter comme il le peut toute forme de corruption, mène l’enquête.
Le Serment des barbares est un roman unique sur l’histoire de l’Algérie. Amer et désenchanté, Boualem Sansal brosse un portrait et une histoire sans concession de son pays. Mais aussi critique soit-elle, cette vision est supplantée par une langue poétique et passionnée, l’attachement indéfectible de l’auteur à son pays natal s’y lit à chaque phrase. Le Serment des barbares a reçu en 1999 le prix du Premier Roman.
5. Le train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu
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«Je plaisante, je plaisante, mais la situation est affreusement désespérée. L’affaire était louche dès le début pourtant, l’ennemi n’est pas tombé du ciel, il sortait bien de quelque trou, verdammt, un enfant l’aurait compris. Quand avons-nous cessé d’être intelligents ou simplement attentifs ?»
Ute Von Ebert, dernière héritière d’un puissant empire industriel, habite à Erlingen, fief cossu de la haute bourgeoisie allemande. Sa fille Hannah, vingt-six ans, vit à Londres. Dans des lettres au ton très libre et souvent sarcastique, Ute lui raconte la vie dans Erlingen assiégée par un ennemi dont on ignore à peu près tout et qu’elle appelle «les Serviteurs», car ils ont décidé de faire de la soumission à leur dieu la loi unique de l’humanité. La population attend fiévreusement un train qui doit l’évacuer. Mais le train du salut n’arrive pas.
Et si cette histoire était le fruit d’un esprit fantasque et inquiet, qui observe les ravages de la propagation d’une foi sectaire dans les démocraties fatiguées ?
Comme dans 2084, Boualem Sansal décrit la mainmise de l’extrémisme religieux sur les zones fragiles de nos sociétés, favorisée par la lâcheté ou l’aveuglement des dirigeants.