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Les meilleures aventures d'Arsène Lupin (Maurice Leblanc) – Notre sélection

Arsène Lupin en 15 romans – Notre sélection

Maurice Leblanc (1864-1941) est un écrivain français principalement connu comme le créateur du célèbre personnage d’Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur. Né à Rouen dans une famille aisée – son père était négociant armateur et sa mère issue d’une famille de riches teinturiers – il fait de brillantes études au lycée Corneille.

En 1888, il quitte Rouen pour Paris afin de poursuivre une carrière littéraire, contre l’avis paternel qui le destinait au commerce. Sa vie privée est marquée par deux mariages : d’abord avec Marie-Ernestine Lalanne en 1889, dont il divorce en 1895, puis avec Marguerite Wormser qu’il épouse en 1906.

Le tournant de sa carrière survient en 1905 lorsque Pierre Lafitte, directeur du mensuel « Je sais tout », lui commande une nouvelle qui deviendra « L’Arrestation d’Arsène Lupin ». Le succès est immédiat et lance une série qui comptera 17 romans et 39 nouvelles. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent « L’Aiguille creuse » et « 813 ». Son succès lui vaut la Légion d’honneur en 1912.

Malgré sa popularité auprès du public, Leblanc souffre du manque de reconnaissance de ses pairs, souvent réduit au rang de « Conan Doyle français ». Il partage sa vie entre Paris et Étretat, où il acquiert en 1918 le « Clos Lupin », maison dans laquelle il écrit une grande partie de son œuvre. Fuyant l’occupation allemande, il se réfugie à Perpignan où il meurt d’une pneumonie en 1941.

Voici notre sélection des meilleures aventures d’Arsène Lupin.


1. L’Aiguille creuse (1909)

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Résumé

Au début du XXe siècle, un étrange cambriolage secoue le château d’Ambrumésy. Un voleur est touché par une balle mais s’évanouit dans la nature. Les enquêteurs restent perplexes : aucun objet n’a disparu. Seuls quelques tableaux, des Rubens, ont été substitués par des faux. Un jeune lycéen de 17 ans, Isidore Beautrelet, comprend que cette mise en scène porte la signature d’Arsène Lupin.

L’affaire prend une autre dimension quand Beautrelet découvre que Lupin cherche à percer un secret transmis de roi en roi depuis Jules César : l’énigme de l’Aiguille creuse. Cette cache mystérieuse renfermerait le trésor des rois de France, un butin fabuleux de pierres précieuses et de joyaux amassés au fil des siècles. S’engage alors entre le jeune homme et le gentleman-cambrioleur une course-poursuite à travers la France.

Autour du livre

Paru initialement en feuilleton dans le magazine « Je sais tout » entre novembre 1908 et mai 1909, « L’Aiguille creuse » marque un tournant significatif dans la saga d’Arsène Lupin. Maurice Leblanc s’éloigne des récits courts pour composer une intrigue dense où son célèbre gentleman-cambrioleur affronte un adversaire inattendu : Isidore Beautrelet, un lycéen surdoué de 17 ans.

La particularité de ce troisième opus réside dans la mise en retrait relative du héros principal. Arsène Lupin n’apparaît qu’à la page 114, laissant la vedette à son jeune opposant. Ce choix permet à Maurice Leblanc de renouveler sa formule en présentant son personnage sous un jour inédit : moins flamboyant mais plus complexe, moins sympathique mais plus humain. Le gentleman-cambrioleur se montre parfois hautain, voire cruel, n’hésitant pas à recourir au chantage ou à la menace pour parvenir à ses fins.

L’architecture narrative s’articule autour d’une double intrigue : une enquête policière classique doublée d’une quête historique remontant jusqu’à Jules César. Maurice Leblanc mêle habilement fiction et Histoire de France, transformant les falaises d’Étretat en décor d’une chasse au trésor vertigineuse. La révélation du secret de l’aiguille creuse – cachette millénaire du trésor des rois de France – explique la puissance exceptionnelle d’Arsène Lupin : ses ressources illimitées, son réseau d’informateurs et son influence considérable proviennent de ce fabuleux héritage qu’il a su s’approprier.

La dynamique entre Beautrelet et Lupin insuffle une énergie nouvelle au récit. Leur duel intellectuel se nourrit d’une admiration réciproque, même si Lupin ne peut s’empêcher d’adopter un ton condescendant envers son jeune adversaire, le gratifiant de surnoms comme « moutard » ou « bébé ». Cette joute verbale et stratégique culmine lors de face-à-face mémorables où s’affrontent deux intelligences d’exception.

Les critiques de l’époque saluent unanimement la densité de l’intrigue et son habileté à entremêler mystère policier et saga historique. Certains regrettent néanmoins l’effacement relatif d’Arsène Lupin et son comportement parfois antipathique. La fin tragique surprend également, tranchant avec le ton habituellement plus léger des aventures du gentleman-cambrioleur.

« L’Aiguille creuse » connaît plusieurs adaptations notables, notamment pour la télévision en 1973 avec l’épisode « Le Secret de l’aiguille » dans la série « Arsène Lupin » où Georges Descrières incarne le rôle-titre aux côtés de Bernard Giraudeau. Une version radiophonique voit également le jour en 1960, produite par Maurice Renault avec Michel Roux dans le rôle de Lupin. Le roman inspire également une adaptation théâtrale en 1996-1997, mise en scène par Gilles Gleizes au Théâtre des Jeunes Spectateurs de Montreuil. Plus récemment, la série Netflix « Lupin » rend hommage à cette intrigue emblématique.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.


2. 813 – La double vie d’Arsène Lupin (1910)

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Résumé

En 1910, le meurtre de Rudolf Kesselbach, un richissime diamantaire, secoue le Palace Hôtel de Paris. Une carte de visite d’Arsène Lupin est retrouvée sur la victime, mais le chef de la Sûreté M. Lenormand refuse de croire à la culpabilité du célèbre voleur. Deux autres hommes sont bientôt assassinés : le secrétaire de Kesselbach et un domestique de l’hôtel. Un indice énigmatique apparaît alors : le nombre 813.

Dans l’ombre, Lupin mène sa propre enquête sous plusieurs identités. Il cherche à comprendre le lien entre ces meurtres et un certain Pierre Leduc, que Kesselbach poursuivait avant sa mort. Le baron Altenheim, personnage trouble aux motivations obscures, s’immisce dans l’affaire tandis qu’un assassin invisible multiplie les crimes pour piéger Lupin.

Autour du livre

« 813 » est initialement publié en feuilleton dans le quotidien « Le Journal » de mars à mai 1910. En 1917, dans le contexte de la Première Guerre mondiale, le roman connaît une nouvelle édition scindée en deux volumes : « La double vie d’Arsène Lupin » et « Les Trois Crimes d’Arsène Lupin ». Maurice Leblanc saisit l’occasion pour accentuer la dimension anti-allemande de son récit, témoignant ainsi de l’influence du climat géopolitique sur l’évolution de son œuvre.

« 813 » se démarque radicalement des précédentes aventures du gentleman-cambrioleur. Le ton s’assombrit considérablement, et le protagoniste lui-même subit une métamorphose notable. Pour la première fois, Lupin n’apparaît plus comme simple objet d’enquête mais devient le véritable centre du récit. Cette évolution narrative s’accompagne d’une transformation psychologique du personnage : l’élégant voleur nourrit désormais des ambitions démesurées, allant jusqu’à envisager la domination de l’Europe.

Le charme désinvolte qui caractérisait jusqu’alors le personnage cède la place à une figure plus complexe et inquiétante. Son mépris pour la vie d’autrui et sa propension à manipuler son entourage révèlent une face sombre jusque-là inédite. Cette mutation narrative s’inscrit dans une trame parsemée de morts violentes, où Lupin doit affronter un adversaire particulièrement redoutable : le mystérieux L.M. La critique souligne unanimement cette évolution majeure du personnage. La dimension psychologique prend le pas sur les traditionnels jeux d’esprit, et la géopolitique européenne s’invite dans l’intrigue.

Le roman a connu plusieurs adaptations à l’écran. Une première version américaine voit le jour en 1920 sous la direction de Scott Sidney, suivie trois ans plus tard par une adaptation japonaise signée Kenji Mizoguchi. En 1980, une adaptation télévisuelle française intitulée « Arsène Lupin joue et perd » propose une version fidèle du roman, mais son manque de succès auprès du public met un terme aux projets de suite initialement envisagés.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 225 pages.


3. 813 – Les Trois Crimes d’Arsène Lupin (1910)

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Résumé

En 1910, un riche homme d’affaires est assassiné dans un hôtel parisien. Sur son corps, une carte de visite : celle d’Arsène Lupin. D’autres meurtres suivent, tous signés de la même façon. Le gentleman-cambrioleur, que l’on croyait mort depuis quatre ans, est arrêté et enfermé à la prison de la Santé. Mais depuis sa cellule, il continue de mener l’enquête car il sait qu’un mystérieux criminel cherche à le piéger.

L’affaire prend une dimension internationale quand des lettres secrètes de Bismarck disparaissent. Un mystérieux personnage nommé Pierre Leduc et un nombre énigmatique – 813 – semblent au cœur d’un complot qui menace l’équilibre de l’Europe. Pour démasquer son ennemi, Lupin devra s’évader, multiplier les identités et négocier avec le Kaiser lui-même.

Autour du livre

Dans cette deuxième partie de « 813 », notre héros perd de sa superbe habituelle face à un ennemi qui le déstabilise. La refonte de 1917 insuffle au texte une tonalité résolument anti-germanique, en phase avec le contexte de la Première Guerre mondiale. Lupin s’immisce dans les relations internationales avec la Prusse et ravive la question brûlante de l’Alsace-Lorraine, dont l’annexion par l’Allemagne en 1870 demeure une plaie ouverte dans la conscience nationale française.

Le personnage de Lupin connaît ici une métamorphose saisissante. Son arrogance habituelle cède progressivement la place à une vulnérabilité inattendue face à un adversaire aussi insaisissable qu’inquiétant, le mystérieux L.M. Cette confrontation pousse le gentleman cambrioleur dans ses derniers retranchements, jusqu’à la frontière de ses principes moraux. Pour la première fois, Lupin se trouve acculé, déstabilisé, perdant le contrôle de situations qu’il maîtrisait jadis avec brio.

La mégalomanie du protagoniste atteint son paroxysme lorsqu’il envisage de dominer l’Europe, allant jusqu’à négocier directement avec le Kaiser. Cette ambition démesurée contraste avec sa déchéance progressive, ponctuée de morts violentes qui assombrissent considérablement le ton du récit. Maurice Leblanc avait d’ailleurs conçu « 813 » comme l’ultime aventure d’Arsène Lupin, ce qui explique la noirceur inhabituelle du roman et sa conclusion quasi tragique.

« 813 » a connu plusieurs adaptations : un film muet américain réalisé par Scott Sidney en 1920, suivi d’une version japonaise par Kenji Mizoguchi en 1923. En 1980, une adaptation télévisuelle française intitulée « Arsène Lupin joue et perd » voit le jour, mais ne rencontre pas le succès escompté.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 223 pages.


4. Le Bouchon de cristal (1912)

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Résumé

Dans les beaux quartiers parisiens de la Belle Époque, un cambriolage orchestré par Arsène Lupin dérape tragiquement. Un homme est tué et deux complices sont arrêtés, dont le jeune Gilbert que Lupin considère comme son protégé. Alors que la guillotine menace l’innocent Gilbert, le gentleman-cambrioleur dispose de quelques semaines à peine pour déjouer la machine judiciaire.

Tout repose sur un bouchon de cristal que détient le député Daubrecq, un objet en apparence anodin mais qui renferme une liste explosive : celle de vingt-sept parlementaires compromis dans le scandale de Panama. Face à ce maître-chanteur aussi cruel qu’intelligent, Lupin perd ses moyens. Pour la première fois, son adversaire anticipe chacune de ses manœuvres et le ridiculise systématiquement.

Autour du livre

Publié d’abord en feuilleton dans « Le Journal » du 25 septembre au 9 novembre 1912 avant de paraître en volume, « Le Bouchon de cristal » présente une inflexion notable dans les aventures d’Arsène Lupin. Pour la première fois, le gentleman-cambrioleur perd sa superbe habituelle et se trouve confronté à un adversaire qui le surpasse en ruse et en intelligence : le député Daubrecq.

Maurice Leblanc puise son inspiration dans le scandale retentissant de Panama qui secoua la Troisième République entre 1892 et 1893, mêlant corruption politique et chantage au plus haut niveau de l’État. L’auteur emprunte également au maître du genre policier Edgar Allan Poe, notamment à sa nouvelle « La Lettre volée », l’idée audacieuse de dissimuler un objet en l’exposant au grand jour. Cette double filiation, politique et littéraire, nourrit une intrigue où les enjeux personnels se mêlent aux machinations d’État.

La singularité de ce volet réside dans la mise en échec répétée du protagoniste. Lupin chancelle, s’égare, perd pied face à Daubrecq qui semble prévoir chacun de ses mouvements. Cette inversion des rapports de force dévoile un Lupin plus humain, tourmenté par la culpabilité et l’urgence de sauver son protégé Gilbert de la guillotine. Le compte à rebours inexorable vers l’exécution insuffle au récit une tension dramatique sans précédent dans la série.

Le personnage de Daubrecq s’impose comme l’un des antagonistes les plus redoutables de la série. Cruel, machiavélique et d’une intelligence hors du commun, il incarne une noirceur qui tranche avec les adversaires précédents de Lupin. Sa force réside moins dans la violence physique que dans sa capacité à manipuler et à anticiper les actions de ses opposants, y compris celles du génial Lupin.

L’intrigue se démarque par son rythme effréné et sa construction en crescendo. Les rebondissements s’enchaînent sans répit, les fausses pistes se multiplient, et chaque victoire apparente se transforme en nouvelle défaite. Cette structure narrative maintient le lecteur en haleine jusqu’au dénouement final, où Lupin retrouve enfin sa virtuosité légendaire.

« Le Bouchon de cristal » connaît plusieurs adaptations, notamment pour la télévision en 1971 avec Georges Descrières dans le rôle d’Arsène Lupin. Une version radiophonique est également produite en 1960, réalisée par Abder Isker avec Michel Roux dans le rôle-titre, diffusée sur France II Régionale en six épisodes.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 283 pages.


5. Le Triangle d’or (1918)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Paris, 1915. Le capitaine Patrice Belval, blessé de guerre, surprend une conversation qui le glace : des hommes projettent d’enlever Coralie, la jeune infirmière qui l’a soigné et dont il est éperdument amoureux. Avec l’aide de ses camarades mutilés, il déjoue la tentative d’enlèvement. Mais Coralie refuse sa protection et lui interdit de la revoir.

L’assassinat brutal du mari de Coralie précipite Belval dans une machination qui le dépasse. Des indices troublants relient ce meurtre à un complot visant à dérober les réserves d’or de la France en pleine guerre mondiale. Pour faire face à un adversaire redoutable, Belval fait appel à Arsène Lupin. Un choix risqué : le gentleman cambrioleur est censé être mort, précipité dans la mer du haut des falaises de Capri.

Autour du livre

Publié initialement en feuilleton dans la revue « Le Journal » du 21 mai au 26 juillet 1917, « Le Triangle d’or » paraît en volume aux éditions Pierre Lafitte en 1918. Cette parution intervient en pleine Première Guerre mondiale, un contexte qui imprègne profondément l’intrigue et les thématiques abordées. Maurice Leblanc y brosse le portrait saisissant d’une France en guerre, à travers le prisme des mutilés qui peuplent les hôpitaux parisiens.

La construction du récit se distingue des autres aventures d’Arsène Lupin par sa structure en deux parties nettement distinctes. Dans la première intitulée « La Pluie d’étincelles », le gentleman cambrioleur brille par son absence, laissant la place au capitaine Patrice Belval et à ses compagnons d’infortune. Maurice Leblanc n’hésite pas à reléguer son héros fétiche au second plan, le transformant en deus ex machina qui n’intervient qu’à mi-parcours.

La figure du mutilé de guerre occupe une place centrale dans le récit. À travers le personnage du capitaine Belval, amputé d’une jambe, et de ses camarades éclopés, Maurice Leblanc livre une réflexion novatrice sur la place des invalides dans la société française de l’époque. Cette thématique résonne particulièrement avec l’actualité de 1917-1918, alors que la France compte déjà des milliers de « gueules cassées ».

Le patriotisme constitue un autre fil conducteur majeur. La trame narrative s’articule autour d’une vaste conspiration visant à spolier la France de ses réserves d’or en plein conflit mondial. Dans ce contexte, Arsène Lupin met ses talents au service de son pays, délaissant ses activités habituelles de gentleman cambrioleur pour endosser le rôle d’agent secret patriote.

Les avis de la critique convergent sur plusieurs points. Si certains lecteurs déplorent la lenteur de la première partie et l’apparition tardive de Lupin, la plupart saluent l’habileté avec laquelle Maurice Leblanc déploie une intrigue complexe aux multiples rebondissements. L’équilibre entre roman d’espionnage, histoire d’amour et aventures lupiniennes séduit, même si certains critiques pointent l’invraisemblance de certaines péripéties. Le traitement du personnage de Ya-Bon, l’ordonnance sénégalaise, fait l’objet de vives critiques, son portrait relevant des préjugés coloniaux de l’époque.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 384 pages.


6. L’Île aux trente cercueils (1919)

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Résumé

En 1917, Véronique d’Hergemont mène une existence paisible à Besançon quand elle aperçoit ses initiales gravées sur une cabane dans un film. Cette découverte bouleversante la pousse à partir pour la Bretagne, sur les traces de son fils et de son père, disparus en mer quinze ans plus tôt. Ses recherches la conduisent jusqu’à l’île de Sarek, un lieu sinistre cerné de trente récifs que les marins appellent « l’île aux trente cercueils ».

À peine débarquée sur l’île, Véronique se retrouve au cœur d’événements terrifiants. Une prophétie ancestrale annonce trente morts et quatre femmes en croix. Les meurtres s’enchaînent selon un rituel macabre, tandis que rôde l’ombre menaçante de son ex-mari, le comte Vorski, un homme cruel qu’elle croyait mort à la guerre. Seule face à l’horreur, Véronique devra lutter pour sa survie jusqu’à l’arrivée providentielle d’Arsène Lupin.

Autour du livre

Publié en 1919 aux éditions Pierre Lafitte, « L’Île aux trente cercueils » paraît d’abord en feuilleton dans « Le Journal » du 6 juin au 3 août 1919, avant d’être édité en volume la même année. L’intrigue se déploie sur l’île fictive de Sarek, imaginée au large de l’archipel des Glénan. Sa topographie et son nom évoquent l’île anglo-normande de Sercq. Cette localisation insulaire instaure un huis clos oppressant où s’entremêlent mystères, légendes bretonnes et crimes sanglants. Maurice Leblanc délaisse ici les codes habituels du roman policier pour s’aventurer aux confins du fantastique et de l’horreur gothique.

La structure narrative se divise en deux parties. La première plonge dans une atmosphère de terreur où s’accumulent les meurtres, tandis que la seconde prend une tournure plus légère avec l’apparition d’Arsène Lupin. Ce changement de ton radical constitue l’une des originalités du roman. Lupin n’intervient que dans le dernier tiers de l’histoire, contrairement aux précédentes aventures où il occupe le devant de la scène.

Publié juste après la Première Guerre mondiale, le roman traduit la germanophobie ambiante à travers le personnage du cruel Vorski, décrit comme un « superboche ». Cette dimension idéologique s’accompagne d’une foi dans le progrès scientifique caractéristique de l’époque, notamment à travers le thème de la radioactivité présentée de manière naïvement positive.

Le personnage de Véronique d’Hergemont incarne une figure féminine d’une rare force pour l’époque. Confrontée à des épreuves terrifiantes, elle fait preuve d’un courage et d’une détermination remarquables, n’attendant pas le secours des hommes pour survivre et affronter ses ennemis. Cette autonomie du personnage principal féminin tranche avec les conventions littéraires du début du XXe siècle.

La critique de l’époque salue l’audace de Maurice Leblanc qui renouvelle le genre en conjuguant aventure, mystère et épouvante. Les avis contemporains s’avèrent plus partagés. Certains apprécient l’atmosphère angoissante et la construction complexe de l’intrigue, tandis que d’autres regrettent l’arrivée tardive d’Arsène Lupin et son intervention jugée artificielle. Le caractère mélodramatique et les invraisemblances du récit font également débat.

Le roman a connu plusieurs adaptations. En 1979, Marcel Cravenne réalise une mini-série télévisée avec Claude Jade dans le rôle de Véronique. Cette version fait le choix d’écarter totalement le personnage d’Arsène Lupin. En 2011, Marc Lizano adapte l’histoire en bande dessinée, supprimant également Lupin. Plus récemment, en 2022, une nouvelle mini-série réalisée par Frédéric Mermoud, avec Virginie Ledoyen, propose une relecture moderne de l’intrigue, toujours sans le célèbre gentleman-cambrioleur.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 352 pages.


7. Les Dents du tigre (1921)

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Résumé

À la fin de la Première Guerre mondiale, Don Luis Perenna, héros de la Légion étrangère, se voit confier une mission délicate : retrouver les héritiers d’une fortune de 200 millions de francs. Ce qu’ignorent les autorités, c’est que derrière ce noble espagnol se cache Arsène Lupin, que tous croient mort depuis trois ans. Si les descendants de la famille Roussel ne sont pas retrouvés, l’héritage lui reviendra de droit.

Une série de meurtres vient bouleverser cette quête d’héritiers. Les suspects potentiels meurent les uns après les autres, et les soupçons se tournent vers Perenna/Lupin. Dans ce jeu mortel où rien n’est ce qu’il paraît, le gentleman cambrioleur doit composer avec un nouvel élément perturbateur : ses sentiments pour la mystérieuse Florence, qui pourrait être soit une victime innocente, soit une manipulatrice diabolique.

Autour du livre

La genèse des « Dents du tigre » prend corps dans l’esprit de Maurice Leblanc avant la Première Guerre mondiale, en 1914. Singularité notable, le roman paraît d’abord en langue anglaise dans une traduction de Teixeira de Mattos aux éditions Doubleday, avant sa prépublication en français qui ne débute qu’en août 1920 dans la revue « Le Journal ». Cette parution s’accompagne d’une campagne promotionnelle remarquable : le quotidien publie en première page, durant trois jours consécutifs, des vignettes annonçant le retour du gentleman-cambrioleur.

Dans cette onzième aventure, Leblanc métamorphose profondément son personnage. L’identité d’Arsène Lupin n’est plus un mystère à percer pour le lecteur : dès le premier chapitre, il apparaît sous les traits de Don Luis Perenna, anagramme transparent de son véritable nom. Cette transparence marque une rupture avec les précédents opus où le héros n’entrait en scène que tardivement, dissimulé derrière des identités mystérieuses.

La transformation ne s’arrête pas là. Fini le gentleman-cambrioleur désinvolte et primesautier des débuts : Lupin y apparait plus complexe, tourmenté par ses faiblesses. Son infaillibilité légendaire s’effrite face à un adversaire d’une intelligence redoutable qui le manipule et le pousse dans ses retranchements. Cette vulnérabilité nouvelle confère une dimension plus humaine au personnage, même si certains lecteurs regrettent la perte de sa superbe d’antan.

Le roman se démarque également par son ampleur inhabituelle. Deux fois plus long qu’un Lupin classique avec ses 500 pages, il accumule les rebondissements et les fausses pistes dans une construction narrative vertigineuse.

Un élément controversé des « Dents du tigre » réside dans son traitement de la colonisation. L’épisode où Lupin devient « Arsène 1er, empereur de Mauritanie » reflète sans nuance l’idéologie coloniale de l’époque. Cette parenthèse exotique, où le héros conquiert et administre un royaume africain avant de l’offrir généreusement à la France, fait grincer des dents les lecteurs modernes.

Le roman a connu deux adaptations cinématographiques : « La dent du Tigre » en 1919 et « Tora no-Kiba » en 1951.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 510 pages.


8. La Comtesse de Cagliostro (1924)

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Résumé

Au cœur de la Normandie des années 1890, un jeune homme de vingt ans du nom de Raoul d’Andrésy – qui deviendra plus tard Arsène Lupin – s’apprête à se marier. Le destin le jette sur la route de Joséphine Balsamo, comtesse de Cagliostro, une femme d’une beauté surnaturelle qu’il arrache à une mort certaine. Cette rencontre bouleverse sa vie et le précipite dans une aventure extraordinaire.

Le jeune homme délaisse sa fiancée pour suivre cette créature énigmatique qui affirme être née en 1788 et détenir le secret de l’éternelle jeunesse. Ensemble, ils se lancent à la recherche d’un trésor légendaire, poursuivis par une organisation occulte dirigée par l’impitoyable Beaumagnan. D’indices en révélations, de pièges en coups de théâtre, leur quête les entraîne dans un jeu mortel où l’amour se mêle à la haine.

Autour du livre

Publié initialement en feuilleton dans « Le Journal » entre décembre 1923 et janvier 1924, « La Comtesse de Cagliostro » permet à Maurice Leblanc de dévoiler les origines de son célèbre gentleman-cambrioleur, alors âgé de vingt ans et connu sous le nom de Raoul d’Andrésy. Cette genèse tardive – le roman paraît dix-sept ans après les premières aventures du personnage – témoigne d’une volonté de l’auteur d’approfondir la psychologie de son héros en éclairant ses débuts.

Le jeune Raoul d’Andrésy incarne déjà les traits caractéristiques qui feront la renommée d’Arsène Lupin : l’intelligence, l’insolence et un talent inné pour le cambriolage, hérité de son père Théophraste Lupin, ancien professeur de boxe et escroc mort en prison aux États-Unis. Mais son inexpérience et sa naïveté le distinguent nettement du Lupin des aventures ultérieures. Cette vulnérabilité se manifeste particulièrement dans sa relation tumultueuse avec Joséphine Balsamo, la mystérieuse Comtesse de Cagliostro qui prétend être née en 1788 d’une liaison entre Joseph Balsamo et Joséphine de la Pagerie.

Cette femme énigmatique s’inscrit dans la tradition des « femmes fatales » de la littérature, à l’instar de Milady de Winter dans « Les Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas, une influence revendiquée par Leblanc. La Comtesse de Cagliostro se présente comme une figure ambivalente, mêlant séduction et cruauté, capable de torturer froidement une femme avant de s’évanouir la scène suivante. Cette dualité s’exprime jusque dans son apparence physique : centenaire qui paraît avoir trente ans, elle rappelle « ces femmes de Vinci ou plutôt de Bernardino Luini dont toute la grâce est dans un sourire qu’on ne voit pas, mais qu’on devine, et qui vous émeut et vous inquiète à la fois. »

L’intrigue s’articule autour de quatre énigmes gravées sur le miroir magique de Cagliostro, dont les solutions mènent à différents trésors. Cette structure narrative astucieuse permet à Leblanc d’établir des connections avec d’autres romans de la série : « L’Île aux trente cercueils », « L’Aiguille creuse » et « Dorothée, danseuse de corde ». Le paysage normand, particulièrement l’abbaye de Jumièges, sert de toile de fond à cette quête qui mêle ésotérisme, astronomie et patrimoine religieux.

La dimension romantique occupe une place prépondérante dans le récit. Le jeune Lupin oscille entre deux femmes : Clarisse d’Étigues, qui incarne l’amour pur, et Joséphine Balsamo, symbole de la passion destructrice. Cette dualité amoureuse façonne sensiblement le personnage, lui conférant une profondeur psychologique inédite dans la série. La mort tragique de Clarisse et la disparition de leur enfant marquent durablement Lupin, expliquant en partie son cynisme et sa mélancolie futures masqués derrière une apparente désinvolture.

Les critiques contemporains saluent majoritairement ce roman qui réussit à insuffler une nouvelle dimension au personnage de Lupin. Certains le considèrent comme l’un des meilleurs opus de la série depuis « 813 ». La complexité des personnages, la densité de l’intrigue et l’atmosphère mêlant mystère et fantastique sont particulièrement appréciées. Néanmoins, quelques voix s’élèvent contre le traitement parfois stéréotypé des personnages féminins, reflet des préjugés de l’époque.

Le roman a connu plusieurs adaptations, notamment en bande dessinée avec « La Comtesse de Cagliostro » et « Cagliostro ou la naissance d’Arsène Lupin ». Au Japon, il a inspiré le film « Nanatsu-no Houseki ». L’importance du roman dans la mythologie lupinienne a également conduit Laurent Benosa à publier une enquête cartographique et iconographique sur l’œuvre.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 349 pages.


9. La Demoiselle aux yeux verts (1927)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Le baron Raoul de Limézy flâne sur les boulevards parisiens quand son attention est attirée par un curieux manège : un homme suit discrètement une touriste anglaise aux yeux bleus. Par amusement, Lupin – car c’est lui qui se cache sous cette identité – décide d’observer la scène. Cette filature le mène jusqu’à une pâtisserie où il croise le regard d’une troublante inconnue aux yeux verts.

Une série d’événements dramatiques s’enchaîne alors : une altercation dans la rue, une agression dans un train de nuit, un meurtre mystérieux. Au cœur de cette affaire se trouve Aurélie, la jeune femme aux yeux verts, héritière d’un secret convoité par plusieurs groupes de malfaiteurs. Entre un commissaire revanchard, un beau-père énigmatique et des bandes rivales qui s’affrontent dans l’ombre, Lupin devra déployer tous ses talents pour protéger celle dont il est tombé amoureux.

Autour du livre

Maurice Leblanc conçoit « La Demoiselle aux yeux verts » lors de deux séjours en Auvergne : à l’automne 1923 à Chamalières, puis à l’automne 1924 au Thermal-Palace de Vichy. Cette genèse particulière transparaît dans l’histoire, puisque l’intrigue se dénoue justement dans cette région française. Publié initialement en feuilletons quotidiens dans « Le Journal » du 8 décembre 1926 au 18 janvier 1927, le roman paraît ensuite en librairie aux Éditions Pierre Lafitte le 29 juin 1927. Le succès est immédiat : après un premier tirage à 8 000 exemplaires, l’éditeur lance deux nouveaux tirages de 3 000 puis 6 000 exemplaires en juillet et août de la même année.

Dans cet opus, Leblanc s’éloigne des schémas habituels des aventures de son héros. Arsène Lupin délaisse momentanément ses activités de cambrioleur pour endosser le rôle d’un enquêteur, à la manière d’un Sherlock Holmes. Cette mutation du personnage s’accompagne d’un changement de ton : l’humour et la légèreté cèdent progressivement la place à une atmosphère plus romanesque, teintée de mystère.

Lupin y apparaît plus vulnérable, plus humain : il commet des erreurs, se laisse déborder par ses émotions et perd momentanément sa légendaire maîtrise des événements. Cette fragilité nouvelle contraste avec l’image du gentleman-cambrioleur infaillible des premiers romans.

La structure narrative joue habilement sur l’alternance des points de vue, passant de la vision personnelle des événements narrés par Lupin à celle d’un spectateur extérieur. Cette construction permet de saisir la façon dont le héros s’adapte aux situations, improvise et saisit les opportunités qui se présentent à lui.

L’accueil critique se révèle contrasté. Si certains saluent la complexité de l’intrigue et l’évolution du personnage principal, d’autres regrettent l’aspect parfois alambiqué de l’histoire. Le personnage de la demoiselle aux yeux verts divise également : tandis que certains critiques apprécient sa dimension mystérieuse, d’autres la jugent trop effacée comparée à d’autres héroïnes lupiniennes.

Le roman connaît une adaptation télévisée en 1971 dans la série « Arsène Lupin », avec Georges Descrières dans le rôle-titre. L’épisode, réalisé par Dieter Lemmel, constitue le sixième volet de la première saison. Le roman est également adapté en bande dessinée et en manga.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 253 pages.


10. La Demeure mystérieuse (1929)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Le soir d’un défilé de mode à l’Opéra de Paris en 1907, deux hommes enlèvent Régine Aubry, une chanteuse qui porte ce soir-là un corselet orné de diamants. Ils la séquestrent dans une demeure inconnue, lui dérobent sa parure puis la libèrent. Van Houben, le lapidaire propriétaire des pierres précieuses, enrage. L’histoire se répète peu après avec Arlette, une jeune mannequin qui réussit à s’enfuir.

Intrigué par ces événements, le baron Jean d’Enneris – qui n’est autre qu’Arsène Lupin – se lance sur la piste des voleurs. Les indices le mènent, avec le brigadier Béchoux, jusqu’à la résidence du comte de Mélamare. L’arrestation du noble semble clore l’affaire, mais l’intervention d’Antoine Fagerault rebat les cartes. Ce dernier évoque une machination visant la famille Mélamare depuis des générations. Entre jalousie pour Arlette dont il est tombé amoureux et découverte d’un trio de vieillards assoiffés de vengeance, Lupin devra dénouer un écheveau plus complexe qu’il n’y paraît.

Autour du livre

« La Demeure mystérieuse » paraît d’abord en feuilleton dans « Le Journal » du 25 juin au 31 juillet 1928, avant d’être publié en volume chez Pierre Lafitte en juillet 1929. Pour promouvoir la prépublication, « Le Journal » s’offre une campagne publicitaire ambitieuse avec des spots dans deux cents cinémas parisiens.

Cette nouvelle aventure d’Arsène Lupin succède à « L’Agence Barnett et Cie », où le célèbre gentleman-cambrioleur opérait sous l’identité de Jim Barnett. Dans « La Demeure mystérieuse », il endosse le rôle de Jean d’Enneris, un aristocrate navigateur dont le nom fait écho à sa véritable identité, Raoul d’Andrésy – les deux patronymes évoquant des villes d’Île-de-France.

L’intrigue se déroule en 1907, aux débuts de la carrière de Lupin, dans l’univers raffiné de la haute couture parisienne. Maurice Leblanc renouvelle sa formule en puisant dans les procédés d’Émile Gaboriau : il remonte aux origines d’un crime actuel dans le passé aristocratique et révolutionnaire. L’autre innovation notable réside dans le motif du double architectural, avec la réplique parfaite de la demeure mystérieuse qui joue un rôle central dans l’intrigue.

On retrouve avec bonheur le brigadier Béchoux, personnage phare de « L’Agence Barnett et Cie ». Les échanges savoureux entre ce policier naïf et Lupin constituent l’un des points forts du roman. Le gentleman-cambrioleur ne cesse de le railler et de déjouer ses plans, avant de lui laisser le crédit de la résolution de l’enquête – non sans avoir au passage dérobé les diamants pour son propre compte.

La critique de l’époque souligne la maestria avec laquelle Maurice Leblanc orchestre les multiples rebondissements et la révélation finale qui élucide une haine familiale vieille de cent cinquante ans. Certains considèrent même ce roman comme l’un des meilleurs de la série, supérieur aux « Dents du Tigre » ou au « Triangle d’or ». D’autres y voient toutefois les signes d’un certain essoufflement créatif, avec un protagoniste moins développé que dans ses incarnations précédentes comme Paul Sernine, et des scènes qui manquent parfois d’originalité.

« La Demeure mystérieuse » fait l’objet d’une adaptation télévisée en 1974 dans la série « Arsène Lupin », avec Georges Descrières dans le rôle-titre. L’épisode constitue le septième volet de la deuxième saison, réalisé par Jean-Pierre Desagnat.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.


11. La Barre-y-va (1931)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Un soir d’août, une mystérieuse jeune femme attend Arsène Lupin dans son appartement parisien. Catherine Montessieux s’est introduite chez lui pour implorer son aide. Au même moment, le brigadier Béchoux contacte Lupin depuis Radicatel, en Normandie : un homme vient d’être assassiné au manoir de la Barre-y-va, la demeure dont Catherine et sa sœur Bertrande ont hérité.

La victime n’est autre que le mari de Bertrande, abattu près du pigeonnier dans des circonstances inexpliquées. Le meurtrier s’est volatilisé, laissant derrière lui l’arme du crime. Lupin, sous l’identité de Raoul d’Avenac, découvre que le grand-père des deux sœurs pratiquait l’alchimie. Une série d’incidents suspects s’enchaîne bientôt : la mort d’une vieille femme, un attentat contre Catherine, et plus mystérieux encore : le déplacement de trois saules qui modifie la ligne de partage de l’héritage.

Autour du livre

Publié d’abord en feuilleton dans « Le Journal » du 8 août au 15 septembre 1930, puis en volume chez Lafitte en 1931, « La Barre-y-va » s’inscrit dans la lignée des aventures d’Arsène Lupin, sous le pseudonyme de Raoul d’Avenac. Le titre du roman fait référence à un phénomène naturel caractéristique de la Normandie : le mascaret, localement appelé « la barre », une puissante vague qui remonte la Seine lors des grandes marées.

Maurice Leblanc ancre son intrigue dans le terroir normand, entre Rouen et Le Havre, près de Tancarville. Cette connaissance intime de la région transparaît notamment dans l’utilisation des particularismes linguistiques locaux. La toponymie locale imprègne également le récit, avec des références aux hydronymes en « Bec- » d’origine nordique.

« La Barre-y-va » marque le retour du brigadier Théodore Béchoux, déjà croisé dans « L’Agence Barnett et Cie » et « La Demeure mystérieuse ». Le gentleman-cambrioleur traite son compagnon avec une condescendance teintée d’ironie mordante. Cette dynamique rappelle le duo Holmes-Watson, mais avec une dimension plus acerbe. Béchoux devient le souffre-douleur d’un Lupin décrit comme particulièrement amer et aigri dans cet opus.

L’intrigue mêle sciences occultes, alchimie et mystère d’héritage, tout en s’appuyant sur des éléments géographiques et historiques de la région. La présence d’un tumulus romain livrant des paillettes d’or à chaque grande marée des équinoxes confère au récit une dimension légendaire, ancrée dans l’histoire locale.

La réception critique de l’époque révèle des avis contrastés. Si certains lecteurs apprécient toujours la verve et l’ingéniosité de Lupin, d’autres pointent une certaine lassitude dans la formule. Le personnage principal semble avoir perdu de sa superbe : ses fanfaronnades incessantes et son comportement envers Béchoux sont parfois jugés excessifs. Le mystère de l’or, élément central de l’intrigue, apparaît à certains critiques comme trop prévisible.

« La Barre-y-va » connaît une adaptation à la télévision en 1973 sous le titre « L’homme au chapeau noir », avec Georges Descrières et Nicole Calfan. Le scénariste opère plusieurs modifications significatives : ajout d’un troisième enquêteur aux côtés de Lupin et Béchoux, transformation des trois saules en un seul arbre déplacé, et renforcement de la dimension mystérieuse incarnée par l’homme au chapeau noir. L’épisode, diffusé le 27 décembre 1973, compte parmi les plus réussis de la série télévisée des années 70. Le roman fait également l’objet d’adaptations en bande dessinée, notamment par Maurice Tillieux, et par Jérôme Félix et Alain Janolle.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.


12. La Femme aux deux sourires (1933)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Paris, années 1930. Une jeune femme blonde frappe à la porte de Raoul, qui n’est autre qu’Arsène Lupin. Elle dit s’appeler Clara et chercher le marquis d’Erlemont, qui vit à l’étage supérieur. L’inspecteur Gorgeret la traque : elle serait la complice du Grand Paul, un dangereux gangster. Mais quand Lupin la retrouve plus tard dans les salons mondains sous le nom d’Antonine, il comprend que cette femme cache bien des secrets.

Le marquis d’Erlemont confie alors à Lupin une mission : retrouver un mystérieux héritage familial disparu depuis vingt ans. Cette recherche fait ressurgir une vieille affaire criminelle jamais résolue : l’assassinat de la chanteuse Elisabeth Hornain, tuée dans des circonstances mystérieuses et dont les bijoux ont été dérobés. Tandis que le Grand Paul multiplie les menaces et que la police resserre sa surveillance, Lupin doit dénouer l’écheveau qui relie ces énigmes du passé à la troublante jeune femme aux deux visages.

Autour du livre

Publié aux éditions Pierre Lafitte en juillet 1933, « La Femme aux deux sourires » connaît d’abord une prépublication en 46 feuilletons dans « Le Journal », du 6 juillet au 20 août 1932, selon la tradition éditoriale de l’époque.

Dans ce dix-huitième tome des aventures du gentleman-cambrioleur, Maurice Leblanc dévoile un Arsène Lupin sous les traits de Raoul, personnage dont l’identité se révèle dès les cinquante premières pages. Cette transparence inhabituelle n’entame en rien la qualité de l’intrigue, qui tranche par son atmosphère théâtrale aux accents de vaudeville. L’action transporte le lecteur des caves troubles de Montmartre aux cabarets prestigieux des Champs-Élysées, créant un contraste saisissant entre les bas-fonds parisiens et la haute société.

Le personnage de Lupin se montre particulièrement enjoué dans cette aventure, multipliant les prouesses pour déjouer aussi bien la police que les malfrats. Son esprit vif et son sens de l’humour éclatent notamment dans ses confrontations avec l’inspecteur Gorgeret et le redoutable Grand Paul. La présence d’une mystérieuse jeune femme aux multiples identités ajoute une dimension romantique à l’intrigue, bien que certains lecteurs déplorent le caractère prévisible de cette trame narrative.

L’ambiance bon enfant qui imprègne le récit constitue l’une de ses singularités. Les dialogues, particulièrement réussis, insufflent un dynamisme constant à la narration. Le mystère central, qui remonte quinze ans en arrière avec l’assassinat inexpliqué d’une chanteuse lyrique dans le parc d’un château, déploie habilement ses ramifications jusqu’au présent de l’intrigue.

« La Femme aux deux sourires » se situe chronologiquement après « Les douze coups de l’horloge », période où, selon plusieurs observateurs, le romancier commence à montrer des signes de lassitude dans le développement des intrigues. La résolution du mystère, jugée parfois trop dépendante du hasard, fait l’objet de réserves.

Le roman a fait l’objet d’une adaptation télévisée en 1971, le huitième épisode de la première saison de la série « Arsène Lupin ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 315 pages.


13. Victor, de la Brigade mondaine (1933)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans le Paris des années 1930, l’inspecteur Victor Hautin, vieux policier retors de la Brigade mondaine, enquête sur un vol audacieux : neuf bons de la Défense nationale, d’une valeur de 900 000 francs, ont disparu de la banque centrale de l’Est. L’affaire prend un tour macabre quand deux meurtres successifs s’y rattachent. Tous les indices pointent vers Arsène Lupin, le célèbre gentleman cambrioleur, pourtant connu pour sa répugnance à verser le sang.

L’enquête se resserre autour d’une mystérieuse princesse russe, Alexandra Basileïf, que Victor soupçonne d’être la maîtresse de Lupin. Le rusé policier s’infiltre alors dans l’entourage d’un certain Antoine Bressacq, possible alias du fameux voleur. De Garches à Saint-Cloud, en passant par les palaces parisiens, un jeu du chat et de la souris s’engage entre les différents protagonistes.

Autour du livre

Publié en feuilleton dans les colonnes du quotidien Paris-Soir du 17 juin au 15 juillet 1933, puis en volume chez Laffite en septembre de la même année, « Victor, de la Brigade mondaine » marque un tournant notable dans la série des aventures d’Arsène Lupin. Maurice Leblanc y adopte une perspective narrative inédite en plaçant au premier plan non pas son célèbre gentleman cambrioleur, mais son antagoniste, l’inspecteur Victor Hautin.

Cette innovation narrative ne relève pas du simple artifice littéraire. Les sources indiquent que Maurice Leblanc, lassé de son personnage fétiche, espérait créer en Victor un rival à la hauteur de Lupin, tout comme Arthur Conan Doyle avait tenté d’éliminer Sherlock Holmes et Agatha Christie gardait dans ses tiroirs la mort d’Hercule Poirot. Cette tentative d’émancipation transparaît dans la construction même du récit, où Lupin n’apparaît qu’en filigrane pendant une grande partie de l’intrigue.

Le choix de faire de Victor le protagoniste principal permet à Maurice Leblanc de renouveler sa formule en inversant les codes habituels de la série. L’inspecteur incarne une figure atypique dans la galerie des policiers lupiniens, généralement dépeints comme des pantins inefficaces. Vieux routier de la Brigade mondaine au caractère bien trempé, Victor se distingue par son indépendance d’esprit et ses méthodes peu orthodoxes qui, paradoxalement, le rapprochent de son adversaire. Son goût pour le déguisement et sa propension à séduire les femmes en font presque un double de Lupin.

L’intrigue s’articule autour des thèmes récurrents de l’usurpation d’identité et de l’imposture. La présence d’un faux Lupin confronté au véritable gentleman cambrioleur crée un jeu de miroirs qui démultiplie les possibilités narratives. Cette mise en abyme de l’imposture culmine dans une chute finale que les lecteurs jugent soit magistrale, soit frustrante par son caractère inattendu.

« Victor, de la Brigade mondaine » a connu plusieurs adaptations, notamment un épisode de la série télévisée Arsène Lupin en 1971, réalisé par Jean-Pierre Decourt avec Georges Descrières dans le rôle-titre. Le roman a également été transposé en bande dessinée et adapté au cinéma en langue espagnole sous le titre « El inspector Victor contra Arsenio Lupin ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 313 pages.


14. La Cagliostro se venge (1935)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans une banque parisienne des années 1920, Arsène Lupin remarque un homme myope qui manipule d’importantes sommes d’argent. Le célèbre gentleman-cambrioleur flaire une occasion et se lance sur sa piste. Cette filature en apparence anodine le précipite dans une suite d’événements inattendus qui le dépassent.

L’affaire prend un tour personnel quand Lupin découvre qu’il est tombé dans un piège orchestré par son ancienne ennemie, la redoutable comtesse de Cagliostro. Même après sa disparition, elle continue à le hanter. Dans cette machination apparaît soudain Jean, le fils que Lupin n’a jamais connu, qui vit désormais sous le nom de Félicien Charles. Manipulé par les disciples de la comtesse, le jeune homme est désormais l’instrument d’une vengeance qui a traversé les années.

Autour du livre

« La Cagliostro se venge » vient clore le cycle initié par « La Comtesse de Cagliostro », publié d’abord en feuilleton dans « Le Journal » du 21 juillet au 23 août 1934, avant sa parution en volume chez Pierre Lafitte en juillet 1935. Maurice Leblanc y dévoile un Arsène Lupin vieillissant, qui s’interroge sur son héritage et affronte les fantômes de son passé.

Fait notable, le livre s’ouvre sur une préface signée Lupin lui-même, dans laquelle le gentleman-cambrioleur prend ses distances avec son biographe. Il lui reproche notamment de trop le mettre en avant et désapprouve l’image de séducteur qui lui est accolée. Cette mise en abyme originale renforce la dimension réflexive de l’œuvre.

Trente années se sont écoulées depuis les événements relatés dans « La Comtesse de Cagliostro ». Le protagoniste a perdu de sa légèreté caractéristique, même s’il conserve son esprit frondeur. Il porte en lui une blessure jamais refermée, celle causée par Joséphine Balsamo, la Comtesse de Cagliostro. Cette femme fatale, bien que physiquement absente du récit, projette son ombre sur l’ensemble de l’intrigue. Sa vengeance d’outre-tombe prend une forme particulièrement cruelle : transformer le fils de Lupin en criminel, reniant ainsi tous les principes de son père.

L’histoire se déroule dans un microcosme constitué de quelques villas autour d’un lac, une atmosphère de huis clos propice aux tensions dramatiques. Le mystère s’épaissit progressivement, jusqu’à faire douter le lecteur de sa résolution. La dimension policière s’entremêle avec une réflexion plus intime sur la transmission et la filiation.

Les critiques soulignent unanimement la tonalité sombre de ce dernier roman publié du vivant de Maurice Leblanc. Certains lecteurs apprécient cette variation sur le personnage de Lupin, plus introspectif et confronté à ses doutes. D’autres regrettent l’absence de l’ancrage dans le pays de Caux, caractéristique des précédentes aventures, ou trouvent l’intrigue trop tarabiscotée. Néanmoins, la majorité s’accorde sur la qualité de cette conclusion qui boucle les questions laissées en suspens par « La Comtesse de Cagliostro ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.


15. Le Dernier Amour d’Arsène Lupin (2012)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1920, Arsène Lupin mène une double vie sous l’identité du capitaine André de Savery. D’un côté, il fréquente la haute société et y rencontre la ravissante Cora de Lerne, une jeune femme dont le père vient de se suicider. De l’autre, il prend en charge l’éducation d’enfants défavorisés dans la « Zone », un bidonville situé entre Gennevilliers et Pantin, au nord de Paris.

Sa routine vole en éclats lorsqu’il apprend que Cora est menacée par d’étranges individus qui convoitent également un précieux manuscrit légué par Napoléon à son aïeul, le général Lupin. Ce manuscrit contiendrait en effet les révélations de Jeanne d’Arc sur « les hautes directives de la politique anglaise ». Entre son amour naissant pour Cora et cette nouvelle aventure qui se solde par une confrontation avec les services secrets britanniques, il s’engage dans une périlleuse course contre la montre pour protéger son héritage familial et celle qu’il aime.

Autour du livre

« Le Dernier Amour d’Arsène Lupin » constitue l’ultime volet des aventures du gentleman cambrioleur, découvert de façon fortuite en 2011 par Florence Boespflug-Leblanc, la petite-fille de Maurice Leblanc. Le tapuscrit de 160 pages dormait depuis des décennies « en haut d’un placard, dans une chemise beige aux crochets rouillés ». Maurice Leblanc y travaillait en septembre 1936 lorsqu’il fut victime d’une « congestion cérébrale ». Il tenta de le reprendre au début de l’année suivante « d’une main très tremblée » mais ne put jamais l’achever.

Cette dernière aventure se démarque des précédentes par un Lupin plus mature et idéaliste. Le célèbre gentleman cambrioleur ne cache même plus sa véritable identité aux forces de l’ordre et se consacre à l’éducation d’enfants défavorisés, leur inculquant « la morale civique, l’énergie, la propreté, la fierté ». Cette évolution témoigne de l’état d’esprit de Maurice Leblanc au soir de sa vie : le fringant séducteur de la Belle Époque s’efface au profit d’un homme soucieux de « rendre la société plus juste » qui souhaite consacrer sa fortune à des recherches scientifiques pour le bien de l’humanité.

Leblanc innove également dans le traitement de la romance. Pour la première fois, Lupin envisage un mariage où son épouse connaîtrait sa véritable identité, contrairement à ses précédentes unions qui s’étaient soldées par une fuite au couvent ou par la mort de sa bien-aimée. La sensualité des scènes amoureuses s’avère aussi plus appuyée que dans les romans antérieurs.

La critique s’est montrée partagée sur cette publication posthume. Si Jacques Derouard, spécialiste de l’œuvre, reconnaît que ce n’est « pas le meilleur livre de Maurice Leblanc », il souligne néanmoins l’intérêt d’y découvrir un Lupin plus libéré, marqué par le contexte social et politique de l’époque. D’autres critiques pointent les défauts d’écriture et de construction inhérents à un texte inachevé, tout en saluant cette vision inédite d’un Lupin éducateur et pacifiste, préoccupé par la justice sociale.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 216 pages.

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