Né le 20 mai 1940 dans une famille juive du Bronx à New York, Leonard Susskind commence sa vie professionnelle comme plombier à 16 ans, prenant la suite de son père malade. Sa trajectoire prend un tournant décisif lorsqu’il décide de s’orienter vers la physique. Après des études au City College of New York où il obtient sa licence en 1962, il poursuit à l’université Cornell sous la direction de Peter A. Carruthers, décrochant son doctorat en 1965.
Sa carrière académique le mène d’abord à l’université Yeshiva, puis à celle de Tel Aviv, avant qu’il ne s’établisse définitivement à Stanford en 1979, où il occupe aujourd’hui la chaire Felix Bloch de physique théorique. Il est considéré comme l’un des pères de la théorie des cordes, ayant découvert indépendamment que les particules pouvaient être la manifestation des différents états d’excitation d’une corde relativiste.
Ses contributions majeures à la physique théorique lui valent le prestigieux prix Sakurai en 1998. Parallèlement à ses recherches, il s’investit dans la vulgarisation scientifique à travers une série de cours intitulée « Le minimum théorique » et plusieurs ouvrages à succès, dont « Le paysage cosmique » (2007) et « Trous noirs – La guerre des savants » (2008). Son débat avec Stephen Hawking sur le paradoxe de l’information dans les trous noirs marque l’histoire de la physique théorique contemporaine.
Membre de l’Académie nationale des sciences et de l’Académie américaine des arts et des sciences, Susskind poursuit aujourd’hui ses recherches et son enseignement, contribuant activement au développement de la physique théorique moderne.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Le minimum théorique (avec George Hrabovsky, 2013)
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C’est dans les amphithéâtres de Stanford qu’est né « Le minimum théorique ». Leonard Susskind y donnait des cours du soir à destination d’un public atypique : des adultes passionnés de physique mais n’ayant jamais eu l’occasion d’en étudier les bases mathématiques. De cette expérience pédagogique est né un livre qui occupe une place à part dans le paysage de l’édition scientifique.
Les premiers chapitres posent les bases essentielles : calcul différentiel et intégral, trigonométrie, notions de vecteurs et d’espaces d’états. La progression conduit ensuite naturellement aux trois lois du mouvement de Newton, à la dynamique des particules et aux concepts d’énergie cinétique et potentielle. Susskind part ensuite sur l’introduction du principe de moindre action, qui mène aux formulations lagrangienne et hamiltonienne de la mécanique. Ces approches plus sophistiquées permettent de mettre en lumière les symétries fondamentales et les lois de conservation qui en découlent, comme la conservation de l’énergie ou du moment angulaire.
Les derniers chapitres abordent des concepts plus avancés : l’espace des phases, le théorème de Liouville, les crochets de Poisson, pour culminer avec les forces électriques et magnétiques. Chaque nouvelle notion est accompagnée d’exercices et illustrée par des dialogues savoureux entre George et Lenny, deux personnages directement inspirés des protagonistes de « Des souris et des hommes » de Steinbeck. Ces conversations, qui ouvrent chaque chapitre, offrent une pause bienvenue dans la progression mathématique et permettent de replacer les concepts dans un contexte plus large.
Ce qui fait la force singulière de cet ouvrage, c’est sa capacité à trouver le juste équilibre entre rigueur et accessibilité. Là où la plupart des manuels universitaires submergent le lecteur sous une avalanche de détails techniques, Susskind et son co-auteur George Hrabovsky ont choisi de privilégier la clarté et l’essentiel. Le succès a été au rendez-vous avec plus de 40 000 exemplaires vendus aux États-Unis, preuve qu’il existe une réelle demande pour une approche exigeante mais abordable de la physique théorique. Elle a donné naissance à une série de quatre ouvrages qui couvre également la mécanique quantique, la théorie des champs et la relativité générale.
Aux éditions PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES ; 258 pages.
2. Mécanique quantique (avec Art Friedman, 2014)
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Dans ce second opus de la série « Le minimum théorique », Leonard Susskind et Art Friedman relèvent un défi ambitieux : rendre accessible la mécanique quantique sans en sacrifier la rigueur mathématique. Ils y déploient une méthodologie pédagogique innovante pour initier le lecteur aux mystères du monde subatomique. Le livre s’adresse idéalement aux lecteurs disposant de bases en calcul différentiel et en algèbre linéaire.
La première partie s’articule autour du spin quantique, un concept fondamental qui sert de fil conducteur pédagogique. À travers l’exemple d’un électron dont le spin peut être mesuré selon différents axes, les auteurs illustrent comment une particule quantique peut exister dans une superposition d’états « haut » et « bas ». Cette propriété, sans équivalent dans le monde classique, permet d’introduire naturellement les notions d’espaces vectoriels complexes et d’opérateurs linéaires. Le formalisme mathématique de Dirac, avec sa notation « bra-ket », est alors présenté comme un puissant outil pour manipuler ces concepts.
Susskind et Friedman progressent ensuite vers des systèmes plus complexes en abordant l’intrication quantique. Ce phénomène paradoxal, qui troublait tant Einstein, montre comment deux particules peuvent être corrélées instantanément quelle que soit la distance qui les sépare. Les auteurs démontrent mathématiquement pourquoi cette propriété ne viole pas la causalité, tout en expliquant son importance fondamentale pour la théorie quantique. Le principe d’incertitude d’Heisenberg est également dérivé rigoureusement, non comme une limitation technique de mesure, mais comme une conséquence mathématique des propriétés des opérateurs non-commutatifs.
Les derniers chapitres culminent avec l’étude de l’oscillateur harmonique quantique et l’équation de Schrödinger. Cette partie révèle comment les états quantiques évoluent dans le temps et comment les observables physiques émergent des valeurs propres des opérateurs. Les auteurs montrent également les liens entre la mécanique classique et quantique, notamment à travers la correspondance entre les crochets de Poisson et les commutateurs d’opérateurs.
Ce livre se démarque par son positionnement singulier dans le paysage de la littérature scientifique. En évitant les analogies approximatives si fréquentes en vulgarisation, il offre une véritable formation théorique, tout en restant plus accessible qu’un manuel universitaire traditionnel. Les nombreux exercices proposés, d’une difficulté progressive, permettent une assimilation active des concepts. Le succès de cette approche est attesté par son adoption comme support de cours à l’université Stanford, où Susskind dispense un enseignement fondé sur cette méthode.
Aux éditions PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES ; 356 pages.
3. Relativité restreinte et théorie classique des champs (avec Art Friedman, 2017)
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« Relativité restreinte et théorie classique des champs » constitue le troisième opus de la série « Le minimum théorique » de Leonard Susskind et Art Friedman, dans laquelle ils proposent une approche novatrice des fondements de la physique moderne. L’ouvrage s’articule autour de deux axes majeurs : la relativité restreinte d’Einstein et la théorie classique des champs, avec une attention particulière portée à l’électromagnétisme de Maxwell.
Le livre s’ouvre sur une exposition rigoureuse de la relativité restreinte d’Einstein. Le premier chapitre pose les bases des référentiels inertiels et démontre pourquoi les lois de la physique doivent demeurer identiques quel que soit l’observateur en mouvement uniforme. De cette prémisse découle tout un ensemble de conséquences stupéfiantes : le temps s’écoule différemment selon la vitesse de déplacement, les distances se contractent, et deux événements simultanés pour un observateur ne le sont plus nécessairement pour un autre. Les auteurs s’attardent sur les paradoxes célèbres comme celui des jumeaux, où l’un des deux frères voyageant à grande vitesse revient plus jeune que son jumeau resté sur Terre. La géométrie de Minkowski vient ensuite donner un cadre mathématique à ces phénomènes en unifiant l’espace et le temps en un continuum à quatre dimensions.
La seconde partie, consacrée à la théorie classique des champs, occupe la majeure partie de l’ouvrage. Les auteurs y développent une approche inédite des équations de Maxwell qui gouvernent l’électromagnétisme. Plutôt que de partir des observations expérimentales historiques, ils construisent ces équations à partir de principes théoriques fondamentaux : le principe d’action minimale, l’invariance de Lorentz (issue de la relativité restreinte) et l’invariance de jauge. Cette méthode révèle comment les champs électriques et magnétiques s’unifient naturellement dans le cadre relativiste. Les concepts mathématiques nécessaires, comme les tenseurs et les opérations vectorielles (divergence, gradient, rotationnel), sont introduits progressivement. Le chapitre sur la symétrie de jauge montre comment cette propriété mathématique, apparemment abstraite, détermine la structure même des forces électromagnétiques dans la nature.
Cette construction théorique culmine avec la démonstration que les équations de Maxwell ne sont pas simplement compatibles avec la relativité restreinte, mais en sont une conséquence presque inévitable. Les auteurs montrent comment les champs électromagnétiques transportent énergie et impulsion, conduisant naturellement à la célèbre équation E=mc². Le livre s’achève sur les premières indications de la manière dont ces concepts peuvent être étendus à d’autres types de champs, ouvrant la voie vers la relativité générale et la théorie quantique des champs.
Ce troisième volet de la série réussit à rendre accessibles des concepts mathématiques sophistiqués tout en maintenant la rigueur scientifique. Les lecteurs apprécieront les conversations humoristiques entre Lenny et Art qui précèdent chaque chapitre, apportant une touche d’humour bienvenue à des sujets ardus. Soulignons enfin l’excellence de l’explication des tenseurs et de la symétrie de jauge, concepts traditionnellement difficiles à appréhender.
Aux éditions PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES ; 358 pages.
4. Relativité générale (avec André Cabannes, 2023)
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Quatrième opus de la série « Le minimum théorique », cet ouvrage dévoile les mystères de la relativité générale à travers dix chapitres structurés comme des leçons. Il s’ouvre sur le célèbre principe d’équivalence d’Einstein, illustré par l’expérience de pensée de l’ascenseur : un homme dans un ascenseur ne peut déterminer si la force qu’il ressent provient d’une accélération ou d’un champ gravitationnel.
Les premiers chapitres posent les fondements mathématiques indispensables : l’algèbre tensorielle et le calcul différentiel dans les espaces courbes. Les tenseurs y sont présentés comme des objets mathématiques permettant de décrire les lois physiques de manière indépendante du référentiel choisi. La géométrie de Riemann, essentielle pour comprendre la courbure de l’espace-temps, est ensuite abordée à travers le concept de transport parallèle et de connexion affine.
La deuxième partie du livre met ces outils au service de la physique. L’espace-temps de Minkowski, cadre de la relativité restreinte, cède progressivement la place à des géométries plus complexes où la matière déforme le tissu de l’univers. Les équations de champ d’Einstein émergent alors naturellement comme la description mathématique de cette déformation.
Une large partie traite des trous noirs et de leurs propriétés singulières : l’horizon des événements, la dilatation temporelle extrême à leur surface, et le destin des objets qui s’en approchent. Pour un observateur extérieur, un explorateur tombant dans un trou noir semblerait mettre un temps infini à franchir l’horizon, tandis que l’explorateur lui-même vivrait cette traversée en un temps fini – paradoxe qui illustre la nature profonde de l’espace-temps courbe. Le livre s’achève sur l’étude des ondes gravitationnelles, ces ondulations de l’espace-temps prédites par Einstein et dont la première détection directe en 2015 a marqué un tournant dans notre compréhension de l’univers.
Ce manuel se démarque des ouvrages de vulgarisation traditionnels par son approche rigoureuse mais accessible. Issu d’un cours donné par Susskind à Stanford, il constitue un pont entre les livres grand public, qui évitent les mathématiques, et les manuels universitaires souvent impénétrables. Le physicien russe Lev Landau considérait la relativité générale comme « la plus belle théorie physique jamais conçue » – un point de vue que ce livre permet de mieux comprendre. Cette dimension pratique, couplée à l’excellence pédagogique, explique le succès de l’ouvrage auprès des étudiants comme des professionnels souhaitant rafraîchir leurs connaissances.
Aux éditions DU BEC DE L’AIGLE ; 436 pages.
5. Trous noirs – La guerre des savants (2008)
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En 1981, Stephen Hawking, éminent physicien britannique, lance une bombe dans le monde de la physique théorique : selon lui, toute information absorbée par un trou noir serait irrémédiablement perdue. Cette déclaration suscite l’opposition immédiate de Leonard Susskind, physicien à Stanford, qui y voit une violation inadmissible du principe de conservation de l’information en physique quantique. S’ensuit un affrontement théorique qui mobilisera les plus grands esprits de la physique pendant près de trente ans.
Durant cette période, Susskind multiplie les conférences et les publications pour démontrer l’impossibilité mathématique de la thèse de Hawking. Il développe notamment le principe de complémentarité des trous noirs : l’information peut être soit émise hors du trou noir pour un observateur extérieur, soit tomber à l’intérieur pour un observateur franchissant l’horizon des événements – mais jamais les deux simultanément. Ses recherches le mènent à collaborer avec Gerard ‘t Hooft et à développer le principe holographique, suggérant que notre univers pourrait être une projection en trois dimensions d’informations codées sur une surface bidimensionnelle.
La controverse s’achève finalement en 2004 lorsque Hawking, lors d’une conférence à Dublin, admet publiquement s’être trompé, concédant que l’information ne peut être définitivement perdue dans un trou noir.
L’originalité de cet ouvrage réside dans sa capacité à transformer une controverse scientifique complexe en une épopée intellectuelle palpitante. Sans céder à la simplification excessive, Susskind parvient à rendre accessibles des concepts aussi ardus que la mécanique quantique ou la théorie des cordes. La dimension humaine n’y est pas négligée : Susskind livre un témoignage sincère sur ses propres incertitudes et dresse des portraits nuancés de ses pairs, notamment celui de son principal adversaire, Stephen Hawking. Le texte alterne habilement entre explications théoriques, anecdotes personnelles et réflexions philosophiques sur la nature de l’univers.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 480 pages.