Éric-Emmanuel Schmitt est un écrivain et dramaturge franco-belge né le 28 mars 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon. Issu d’une famille de sportifs (ses parents étaient professeurs d’éducation physique), il suit un brillant parcours académique qui le mène à l’École normale supérieure. Il devient agrégé de philosophie en 1983 et soutient une thèse sur Diderot en 1987.
Après quelques années d’enseignement universitaire, sa carrière prend un tournant décisif en 1994 avec le succès de sa pièce « Le Visiteur », qui remporte trois Molières. Dès lors, il se consacre entièrement à l’écriture. Son œuvre, traduite dans plus de cinquante pays, est particulièrement diverse : théâtre, romans, nouvelles, récits autobiographiques. Il est notamment connu pour son « Cycle de l’Invisible », une série d’œuvres évoquant les grandes religions, dont « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran » (2001) et « Oscar et la dame rose » (2002).
Une expérience mystique vécue en 1988 dans le désert du Hoggar marque profondément sa vie et son œuvre. Installé à Bruxelles depuis 2002, il acquiert la nationalité belge en 2008. Membre de l’Académie Goncourt depuis 2016, il poursuit une carrière prolifique d’écrivain tout en s’investissant dans d’autres domaines artistiques comme le cinéma et le théâtre, où il officie également comme réalisateur et comédien.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Oscar et la dame rose (2002)
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Oscar, dix ans, vit à l’hôpital des enfants où il lutte contre une leucémie. Après l’échec de sa greffe de moelle osseuse, il comprend qu’il va mourir, même si personne n’ose le lui dire directement. Ses parents, désemparés, peinent à affronter la situation tandis que le personnel médical reste distant.
Seule Mamie Rose, une bénévole en blouse rose qui rend visite aux enfants malades, ose lui parler sans détour. Cette ancienne catcheuse autoproclamée propose à Oscar d’écrire chaque jour une lettre à Dieu et lui suggère un jeu : vivre chaque journée comme si elle représentait dix années de vie. À travers douze lettres, Oscar raconte son quotidien à l’hôpital, sa romance avec la mystérieuse Peggy Blue, ses amitiés avec Popcorn ou Einstein, et ses réflexions sur l’existence.
Ce texte court, publié en 2002, s’inscrit dans le « Cycle de l’invisible » d’Éric-Emmanuel Schmitt, une série d’œuvres questionnant la spiritualité. L’Académie de médecine lui a décerné le prix Hamburger pour sa contribution à l’humanisation de l’hôpital. Le succès ne s’est jamais démenti : adapté au théâtre avec Danielle Darrieux puis au cinéma avec Michèle Laroque, le livre continue d’émouvoir les lecteurs vingt ans après sa parution.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 96 pages.
2. La Part de l’autre (2001)
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Le 8 octobre 1908, Adolf Hitler se présente au concours d’entrée de l’École des Beaux-Arts de Vienne. Ce jour-là, deux destins s’écrivent en parallèle : celui du jeune homme recalé qui deviendra le dictateur que l’Histoire a retenu, et celui d’Adolf H., admis à l’école, qui s’épanouira comme artiste.
Le premier, humilié par son échec, survit d’expédients dans les rues de Vienne. La Grande Guerre révèle sa véritable nature : galvanisé par la violence des combats, il y trouve sa vocation. L’effondrement de l’Allemagne en 1918 nourrit sa haine et son antisémitisme, le propulsant vers le pouvoir et l’horreur. Le second prend un chemin opposé : soigné par Freud, il surmonte ses démons intérieurs, rejoint les cercles artistiques parisiens, connaît l’amour auprès d’une Juive et termine sa vie entouré de ses petits-enfants en Californie.
Le pari d’Éric-Emmanuel Schmitt, en 2001, consistait à humaniser la figure d’Hitler pour mieux comprendre les mécanismes qui mènent au Mal. Le projet a d’abord suscité l’incompréhension : plusieurs de ses proches ont tenté de le dissuader d’écrire sur ce sujet tabou. Le pari s’est révélé gagnant : devenu l’un de ses livres les plus populaires, « La Part de l’autre » démontre comment les choix individuels, aussi minimes soient-ils, peuvent infléchir le cours du monde.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 503 pages.
3. L’Évangile selon Pilate (2000)
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Dans les jardins de Gethsémani, Yéchoua (Jésus) attend son arrestation. À travers un long monologue intérieur, il se remémore son parcours : son enfance en Galilée, sa vie de charpentier, sa rencontre avec Jean-Baptiste qui le désigne comme le Messie. Malgré ses doutes, il finit par accepter ce rôle et se met à prêcher l’amour et le pardon, accomplissant des miracles sans vraiment le vouloir. Cette première partie du roman s’achève au moment où les soldats viennent l’arrêter.
La seconde partie adopte le point de vue de Ponce Pilate, préfet romain de Judée, à travers les lettres qu’il écrit à son frère Titus. Après avoir ordonné la crucifixion de Yéchoua sous la pression des autorités juives, Pilate se retrouve confronté à un événement inexplicable : le corps du supplicié a disparu. Commence alors une enquête pour retrouver le cadavre et comprendre ce qui s’est passé. Entre les rumeurs de résurrection et l’influence grandissante de sa femme Claudia, convertie aux idées du prophète, Pilate voit ses certitudes vaciller.
Cette relecture des Évangiles a nécessité sept années de documentation. Le manuscrit original fut d’ailleurs volé, obligeant Éric-Emmanuel Schmitt à tout réécrire – une péripétie qu’il raconte dans le « Journal d’un roman volé » qui complète l’ouvrage. Le livre a connu un succès considérable et fut adapté au théâtre en 2004, avec Jacques Weber dans le rôle de Pilate.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.
4. L’Enfant de Noé (2004)
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En 1942, Joseph Bernstein, un jeune garçon juif de sept ans originaire de Bruxelles, se trouve séparé de ses parents menacés de déportation. D’abord confié à la comtesse de Sully, il trouve refuge à la Villa Jaune, un pensionnat dirigé par le père Pons. Dans cet établissement catholique où se cachent d’autres enfants juifs, Joseph se lie d’amitié avec Rudy, un adolescent qui devient son « parrain ».
Le père Pons n’est pas un prêtre ordinaire. La nuit, dans une crypte secrète sous la chapelle, il collectionne et étudie objets et textes du judaïsme. Tel Noé sauvant les espèces du déluge, il préserve la culture d’un peuple menacé d’extinction. Entre Joseph et lui naît une relation singulière, faite d’échanges sur leurs religions respectives et de réflexions sur ce qui les rapproche plutôt que ce qui les sépare.
Ce roman, publié en 2004, s’inspire de l’histoire vraie de l’abbé Joseph André, vicaire de l’église Saint-Jean Baptiste à Namur, qui protégea de nombreux enfants juifs pendant la guerre. Quatrième volet du « Cycle de l’invisible » d’Éric-Emmanuel Schmitt, « L’Enfant de Noé » interroge avec brio les liens entre judaïsme et christianisme à travers le regard d’un enfant.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 128 pages.
5. Ulysse from Bagdad (2008)
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Dans l’Irak de Saddam Hussein au début des années 2000, Saad Saad mène une vie d’étudiant en droit à Bagdad, entouré de sa famille et de sa fiancée Leïla. Son prénom, qui signifie « espoir » en arabe et « triste » en anglais, préfigure le destin qui l’attend. La guerre éclate, l’embargo étouffe le pays, les bombes américaines s’abattent sur la ville. En quelques mois, il perd son père, plusieurs beaux-frères et Leïla, pulvérisée avec son immeuble.
Poussé par sa mère à fuir ce chaos, Saad décide de rejoindre l’Angleterre pour y trouver du travail et soutenir financièrement les siens. Sans papiers ni argent, il entame une traversée périlleuse : Le Caire, Malte, la Sicile, la France… À chaque étape, il affronte les passeurs, la police, les centres de rétention. Le fantôme de son père l’accompagne dans cette errance, avec qui il dialogue sur le sens de la vie et des frontières.
Avec « Ulysse from Bagdad », Éric-Emmanuel Schmitt transpose l’Odyssée d’Homère dans notre époque : Saad devient Ulysse, affronte son Cyclope sous les traits d’un geôlier cruel, résiste aux sirènes incarnées par des rockeuses, trouve refuge chez une Calypso sicilienne. Cette dimension universelle donne une épaisseur particulière à ce témoignage sur l’exil et les frontières, qui résonne encore plus fortement aujourd’hui avec la multiplication des crises migratoires.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 288 pages.
6. La traversée des temps – Paradis perdus (2021)
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À Beyrouth, de nos jours, un homme sort d’un long sommeil dans une grotte. Noam est né il y a 8000 ans, au Néolithique, dans un village au bord d’un immense lac. Fils du chef Panoam, il découvre peu à peu les secrets et les manipulations qui agitent sa communauté, puis tombe amoureux de l’énigmatique Noura.
Alors que les eaux du lac montent inexorablement, Noam pressent une catastrophe imminente. Entouré de son oncle Barak et du guérisseur du village, il tente de sauver les siens du déluge qui menace. Cette épreuve le marquera d’un sceau surnaturel : devenu immortel, il traversera les âges jusqu’à notre époque, où il entreprend de coucher son histoire sur le papier.
Premier tome d’une saga en huit volumes, « Paradis perdus » constitue une ambitieuse fresque romanesque qui entend retracer l’histoire de l’humanité. Fruit de trente années de recherches et de documentation, ce projet titanesque mêle habilement la trame historique du Néolithique avec le mythe biblique du Déluge. En transposant cette histoire dans un cadre préhistorique crédible, Éric-Emmanuel Schmitt questionne les origines de notre civilisation et les choix qui ont conduit l’humanité à s’éloigner de la nature.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 608 pages.
7. Félix et la source invisible (2019)
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Dans le quartier populaire de Belleville, Fatou illumine le quotidien des habitués de son bistrot « Au boulot ». Cette mère célibataire d’origine sénégalaise élève seule son fils Félix, 12 ans, dans une ambiance joyeuse où défilent des personnages pittoresques : une prostituée au grand cœur, un épicier philosophe, un client qui apprend chaque jour une page du dictionnaire.
L’équilibre de cette petite communauté vole en éclats quand Fatou découvre qu’elle ne peut pas acquérir le commerce voisin à cause d’anciennes dettes dont elle ignorait l’existence. Ce coup du sort la précipite dans une dépression sévère et le mutisme.
Pour guérir sa mère, Félix multiplie les tentatives : médecins, médicaments, puis marabouts appelés à la rescousse par son oncle venu du Sénégal. L’arrivée providentielle de son père, un certain Saint-Esprit qu’il n’avait jamais connu, va les conduire dans un voyage salvateur sur les terres africaines où Fatou a grandi.
Publié en 2019, « Félix et la source invisible » constitue le huitième volet du « Cycle de l’invisible », une série de récits indépendants dans lesquels Éric-Emmanuel Schmitt questionne différentes spiritualités. Après le bouddhisme, l’islam ou le christianisme, c’est l’animisme africain qui prend vie à travers cette fable urbaine contemporaine. Sans jamais verser dans l’exotisme, le texte fait un pont entre la vie moderne parisienne et les croyances ancestrales sénégalaises.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 192 pages.
8. Lorsque j’étais une œuvre d’art (2002)
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À vingt ans, Tazio Firelli ne supporte plus sa vie. Cadet des célèbres jumeaux Firelli, adulés dans le monde entier pour leur beauté, il se sent transparent, laid, raté. Au moment où il s’apprête à se jeter d’une falaise, Zeus-Peter Lama, un artiste contemporain excentrique et mégalomane, l’intercepte et lui propose un marché : le transformer en œuvre d’art vivante.
Séduit par cette promesse de renaissance, Tazio signe un contrat qui le dépossède de son corps et de sa liberté. Rebaptisé « Adam bis », il subit plusieurs opérations chirurgicales qui métamorphosent son apparence. Il devient alors une sculpture humaine, propriété de son créateur, exposée dans les musées et convoitée par les collectionneurs. Mais sa rencontre avec Fiona, fille d’un peintre non-conformiste, lui ouvre les yeux sur sa condition d’esclave moderne et déclenche sa rébellion.
Ce conte philosophique publié en 2002 revisite le mythe de Faust et fait écho au Frankenstein de Mary Shelley. À travers cette fable grinçante sur l’art contemporain, Éric-Emmanuel Schmitt questionne les limites de la création artistique et dénonce une société obsédée par l’image et les apparences. Le roman soulève aussi des questions éthiques sur le body art et la marchandisation du corps humain, dans un contexte où des artistes comme Orlan commençaient à utiliser la chirurgie comme médium artistique.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 256 pages.
9. La Femme au miroir (2011)
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« La Femme au miroir » trace le portrait de trois héroïnes que tout sépare, sauf leur prénom et leur soif de liberté. Anne vit à Bruges au XVIe siècle. Le jour de ses noces, elle s’enfuit dans la forêt où elle développe des dons mystiques qui inquiètent son entourage. Quatre siècles plus tard à Vienne, Hanna étouffe dans son mariage parfait avec un aristocrate. Elle trouve son salut dans la psychanalyse, alors balbutiante. De nos jours à Hollywood, la star Anny Lee accumule les excès pour fuir son malaise existentiel.
Chacune se heurte aux conventions de son temps. Anne brave l’autorité religieuse en vivant sa spiritualité hors des sentiers battus. Hanna scandalise la bonne société viennoise en consultant un disciple de Freud. Anny déjoue les plans de son agent qui veut faire d’elle une icône glamour.
Par un jeu subtil de miroirs et d’échos, leurs trajectoires finissent par se rejoindre. Le roman interroge la condition féminine et la quête d’authenticité à travers les âges, entre mysticisme, psychanalyse et célébrité moderne. Couronné par le prix Agrippa-d’Aubigné en 2012, ce texte d’Éric-Emmanuel Schmitt a été traduit dans une douzaine de langues.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 480 pages.
10. Les Perroquets de la place d’Arezzo (2013)
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Dans un quartier cossu de Bruxelles, la place d’Arezzo abrite une curieuse population : des perroquets échappés de leurs cages qui ont fait des arbres leur royaume. Sous leurs cris incessants se joue une comédie humaine où s’agitent bourgeois, artistes et petites gens.
Un matin, tous les riverains reçoivent une mystérieuse lettre : « Ce mot simplement pour te signaler que je t’aime. Signé : tu sais qui. » Cette déclaration anonyme agit comme un détonateur. Les réactions en chaîne se multiplient, dévoilant peu à peu les secrets intimes de chacun. Du politicien obsédé par le sexe à la fleuriste acariâtre, de l’écrivain à succès au séduisant jardinier, du couple gay aux libertins assumés – tous voient leur vie bouleversée par ces quelques mots.
À travers cette mosaïque de personnages, c’est toute une galerie de comportements amoureux qui se dessine. Les couples se font et se défont au rythme des révélations, tandis que le mystérieux corbeau – ou est-ce une colombe ? – poursuit son œuvre.
Publié en 2013, ce roman de 780 pages tranche avec les œuvres précédentes d’Éric-Emmanuel Schmitt. Pour la première fois, il construit une large fresque sociale qui aborde frontalement la sexualité sous toutes ses formes. La référence à peine voilée à l’affaire DSK, à travers le personnage de Zachary Bidermann, ancre délibérément le récit dans l’actualité brûlante de l’époque.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 792 pages.