David Lodge est un écrivain et universitaire britannique né le 28 janvier 1935 à Brockley, dans le sud de Londres. Issu d’une famille modeste catholique, il grandit pendant la Seconde Guerre mondiale et est marqué par les bombardements de Londres.
Après des études de lettres à l’université de Londres (1952-1955) et son service militaire (1955-1957), il entame une carrière universitaire à l’université de Birmingham en 1960, où il devient professeur de littérature anglaise en 1976. Deux séjours aux États-Unis, en 1964-1965 comme boursier Harkness et en 1969 comme professeur invité à Berkeley, influencent significativement son œuvre.
En 1987, il quitte l’université pour se consacrer entièrement à l’écriture. Son œuvre romanesque, qui débute en 1960 avec « The Picturegoers », aborde des thèmes récurrents comme la vie universitaire, le catholicisme dans la société britannique, et Londres de l’après-guerre. Il est particulièrement connu pour ses « romans de campus » satiriques, dont « Changement de décor » (1975) et « Un tout petit monde » (1984).
Lodge est aussi un théoricien de la littérature reconnu, auteur d’essais critiques importants. Son travail a été récompensé par de nombreuses distinctions, notamment le Whitbread Book of the Year (1980) et le titre de Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique (1998). En France, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres en 1997.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Changement de décor (1975)
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En 1969, deux professeurs de littérature anglaise décident d’échanger leurs postes universitaires pour six mois. Morris Zapp, brillant spécialiste américain de Jane Austen, quitte sa prestigieuse université californienne pour rejoindre la modeste faculté de Rummidge, dans les Midlands britanniques. Philip Swallow, enseignant anglais sans envergure, fait le chemin inverse vers la bouillonnante côte ouest américaine.
L’échange intervient à une période charnière : contestation étudiante, guerre du Vietnam, révolution sexuelle. Les deux quadragénaires, que tout oppose, se retrouvent propulsés dans des univers radicalement différents. Tandis que le timide Swallow découvre une Amérique en pleine effervescence, Zapp affronte la grisaille et le conservatisme britannique. Par un concours de circonstances, chacun devient locataire de l’épouse de l’autre, restée au pays avec les enfants. L’échange de postes vire peu à peu à l’échange de vies. Les situations cocasses s’enchaînent jusqu’à une confrontation finale dans un hôtel new-yorkais.
Publié en 1975, ce premier volet d’une trilogie universitaire a valu à David Lodge le prestigieux prix Hawthornden. Le personnage de Morris Zapp s’inspire librement du célèbre critique littéraire Stanley Fish. Lodge alterne habilement les styles narratifs : roman épistolaire, articles de presse, dialogues de théâtre, scénario de cinéma. Un portrait acide du monde académique anglo-saxon secoué par les turbulences des années 60.
Aux éditions RIVAGES ; 400 pages.
2. Un tout petit monde (1984)
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À l’université de Rummidge, au printemps 1979, le jeune Persse McGarrigle découvre l’univers des colloques universitaires. Naïf et enthousiaste, ce professeur irlandais fraîchement recruté n’a jamais entendu parler du structuralisme. Sa rencontre avec la séduisante Angelica Pabst, doctorante passionnée de romans médiévaux, bouleverse sa vie. Lorsqu’elle s’évapore sans laisser d’adresse, il décide de la retrouver coûte que coûte.
Sa quête effrénée le mène de congrès en congrès, d’Amsterdam à Tokyo en passant par Lausanne et Honolulu. Sur son chemin, il croise une galerie de personnages hauts en couleur : Morris Zapp, universitaire américain cynique et désabusé, Philip Swallow, professeur britannique tourmenté par une liaison passée, ou encore Fulvia Morgana, riche marxiste italienne. Tous convoitent une prestigieuse chaire de l’UNESCO qui promet 100 000 dollars sans aucune obligation d’enseignement.
Second opus de la « Trilogie du campus », ce roman de 1984 conjugue les ressorts du roman courtois aux intrigues universitaires. Les personnages font écho aux héros arthuriens : Persse incarne un Perceval moderne en quête du Graal, tandis que le théoricien Arthur Kingfisher évoque le Roi Pêcheur. Finaliste du Booker Prize, le livre a été adapté en série par Granada Television en 1988. Umberto Eco, dans sa préface, salue l’invention d’un nouveau genre : « le picaresque académique ».
Aux éditions RIVAGES ; 528 pages.
3. Jeu de société (1988)
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Dans l’Angleterre de Margaret Thatcher, Robyn Penrose enseigne la littérature à l’université de Rummidge. Cette jeune universitaire féministe, spécialiste des romans victoriens, vit une situation précaire : son poste d’enseignante n’est que temporaire, dans un contexte de restrictions budgétaires qui frappe durement le monde académique.
Le destin la met sur la route de Vic Wilcox, directeur général d’une entreprise de métallurgie. Dans le cadre de « l’Année de l’Industrie », programme gouvernemental visant à rapprocher université et entreprises, Robyn doit suivre Vic chaque mercredi dans son usine, observer son travail, comprendre ses méthodes. Cette immersion forcée provoque d’abord des étincelles : l’universitaire théoricienne affronte le patron terre-à-terre, chacun défendant ses convictions avec véhémence.
À travers leurs échanges et leurs expériences, Robyn découvre la réalité brutale du monde industriel tandis que Vic s’ouvre peu à peu à la dimension symbolique et romantique de l’existence. Leur rapprochement culmine lors d’une liaison éphémère à Francfort, avant que chacun ne reprenne sa route, transformé par cette rencontre.
Ce dernier volet de la trilogie universitaire de Lodge, paru sous Thatcher, dresse un portrait cinglant de l’Angleterre des années 1980. Lodge y dissèque les antagonismes sociaux avec un humour corrosif typiquement britannique. Finaliste du Booker Prize, il a séduit la critique des deux côtés de l’Atlantique avant d’être adapté en série télévisée par la BBC. La BBC a d’ailleurs tourné plusieurs scènes à l’université de Birmingham, où Lodge a lui-même enseigné pendant près de trente ans.
Aux éditions RIVAGES ; 512 pages.
4. Thérapie (1995)
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Dans l’Angleterre des années 1990, Lawrence Passmore traverse une crise existentielle. À 58 ans, ce scénariste vedette d’une sitcom populaire accumule les succès : villa cossue, appartement londonien, épouse dévouée, situation financière enviable. Mais une douleur tenace au genou vient perturber cette apparente félicité.
Désemparé face à ce mal mystérieux que la médecine conventionnelle ne parvient pas à soulager, il se tourne vers les médecines douces : acupuncture, aromathérapie, thérapie comportementale. Sa thérapeute lui suggère de tenir un journal. C’est dans ce contexte que sa femme Sally annonce leur séparation. S’ensuit une période chaotique où Tubby, son surnom, enchaîne les échecs sentimentaux tout en découvrant l’œuvre de Kierkegaard, philosophe danois dont le parcours résonne étrangement avec le sien.
Au fil de ses lectures et de ses errances, un souvenir s’impose : celui de Maureen, son premier amour, une jeune catholique irlandaise qu’il avait brutalement quittée dans sa jeunesse. Apprenant qu’elle parcourt aujourd’hui les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, il part à sa recherche, espérant peut-être une forme de rédemption.
Publié en 1995, ce roman déploie une satire de la société britannique post-Thatcher, où le succès matériel ne suffit plus à masquer le vide existentiel. Entre comédie et méditation philosophique, l’histoire emprunte des chemins inattendus : le monde des sitcoms côtoie la pensée de Kierkegaard, tandis que les thérapies new age se mêlent aux traditions catholiques.
Aux éditions RIVAGES ; 496 pages.
5. La vie en sourdine (2008)
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Novembre 2006. Desmond Bates, professeur de linguistique contraint à une retraite anticipée à cause de sa surdité, tue l’ennui entre la lecture du Guardian et les mondanités organisées par sa femme Winifred, propriétaire d’une boutique de décoration en vogue. Un soir, dans le brouhaha d’un vernissage, il rencontre Alex Loom, une jeune américaine qui prépare une thèse sur le suicide.
Sans vraiment comprendre ce qu’il accepte à cause de ses problèmes d’audition, Desmond se retrouve embarqué dans une relation ambiguë avec l’étudiante. Tandis qu’il tente de se dépêtrer de cette situation équivoque, son père de 89 ans, ancien musicien de jazz vivant seul à Londres, commence à montrer des signes inquiétants de confusion mentale. Entre les cours de lecture labiale et les visites à son père, Desmond doit aussi composer avec sa nouvelle vie de retraité aux côtés d’une épouse encore très active professionnellement.
Publié en 2008, ce roman largement autobiographique puise dans l’expérience personnelle de David Lodge, lui-même atteint de surdité. L’humour britannique caractéristique de l’auteur transforme les situations quotidiennes en scènes tantôt cocasses, tantôt poignantes. Le handicap auditif devient le prisme à travers lequel sont abordés des sujets graves comme l’isolement social, la maladie, le deuil, le rapport au temps qui passe.
Aux éditions RIVAGES ; 464 pages.
6. La chute du British Museum (1965)
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Londres, début des années 1960. Adam Appleby, 25 ans, prépare une thèse sur la structure des phrases longues dans le roman anglais moderne. Catholique pratiquant, il vit avec Barbara et leurs trois enfants dans un deux-pièces exigu de Battersea. Pour le jeune couple qui respecte l’interdiction de la contraception par l’Église, chaque rapport intime devient un jeu de « roulette vaticane », malgré leurs tentatives de suivre la « méthode des températures ».
Cette journée de novembre commence mal : Barbara a trois jours de retard. Hanté par la perspective d’un quatrième enfant qu’il ne pourrait pas nourrir, Adam se rend comme chaque jour au British Museum. Entre une carte de lecteur périmée, un prêtre irlandais à transporter en scooter et une mystérieuse proposition concernant le manuscrit d’un auteur oublié, rien ne se passe comme prévu. Les péripéties s’enchaînent dans un Londres où les Beatles créent des embouteillages, où le brouillard nimbe les rues de Bloomsbury.
David Lodge s’inspire de sa propre expérience de jeune universitaire catholique pour écrire ce roman en 1965. Chaque chapitre constitue un pastiche d’auteurs britanniques majeurs : Virginia Woolf, Graham Greene ou James Joyce, dont le monologue de Molly Bloom est repris dans l’épilogue. Le titre lui-même devait initialement reprendre un vers d’Ira Gershwin, « The British Museum had lost its charm », avant que la succession ne refuse les droits. Les critiques, d’abord déroutés par ces variations stylistiques, n’en saisirent la portée qu’après l’ajout d’une note explicative dans les éditions suivantes.
Aux éditions RIVAGES ; 272 pages.
7. Pensées secrètes (2001)
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En février 1997, l’université britannique de Gloucester accueille Helen Reed, une romancière quarantenaire encore bouleversée par son veuvage récent. Venue animer un atelier d’écriture pour un semestre, elle fait la connaissance de Ralph Messenger, brillant directeur du centre de recherche en sciences cognitives, réputé tant pour ses travaux sur l’intelligence artificielle que pour ses aventures extraconjugales.
Leur rencontre fait jaillir des étincelles intellectuelles : elle défend une vision spirituelle de la conscience, lui ne jure que par les neurosciences. Leurs débats enflammés masquent une attraction grandissante. La révélation des infidélités de son défunt mari et de l’épouse de Ralph pousse Helen dans les bras de ce séducteur arrogant, donnant naissance à une liaison passionnée de trois semaines.
L’idylle s’effondre quand Ralph viole l’intimité d’Helen en lisant son journal intime, découvrant au passage la liaison de sa propre femme. En parallèle, un scandale de pédopornographie éclate dans son département.
Un dispositif narratif original – alternant journaux intimes manuscrits et numériques, enregistrements sur dictaphone et narration classique – sert ce questionnement sur notre capacité à accéder aux « pensées secrètes » d’autrui. Cette réflexion résonne particulièrement avec l’émergence d’Internet et du courrier électronique qui, en 1997, commencent à bouleverser nos modes de communication.
Aux éditions RIVAGES ; 464 pages.