André Gide (1869-1951) est une figure majeure de la littérature française du XXe siècle. Né à Paris dans une famille bourgeoise protestante, il devient l’un des écrivains les plus influents de son époque. Cofondateur de « La Nouvelle Revue française », il publie des œuvres majeures comme « Les Nourritures terrestres » (1897), « L’immoraliste » (1902) et « Les Faux-monnayeurs » (1925).
Intellectuel engagé, il s’oppose au colonialisme, soutient brièvement le communisme avant de s’en détourner, et prend position contre le fascisme. Son œuvre, marquée par une quête permanente de liberté et d’authenticité, notamment dans l’expression de son homosexualité, lui vaut le prix Nobel de littérature en 1947. L’ensemble de ses écrits est mis à l’Index par le Vatican après sa mort, survenue à Paris en 1951.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Les faux-monnayeurs (1925)
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Publié en 1925, « Les faux-monnayeurs » raconte l’histoire de Bernard Profitendieu, un lycéen qui découvre qu’il est un enfant illégitime. Dans un élan de révolte, il quitte brutalement le domicile familial et se réfugie chez son ami Olivier Molinier. Le Paris des années 1920 sert de toile de fond à ce récit où s’entrecroisent les destins d’une multitude de personnages issus de la bourgeoisie.
Au centre de l’intrigue se trouve Édouard, l’oncle d’Olivier, un écrivain qui travaille sur un roman intitulé « Les faux-monnayeurs ». Bernard devient son secrétaire et l’accompagne en Suisse, ce qui provoque la jalousie d’Olivier. Ce dernier, vexé, tombe sous l’influence néfaste du comte de Passavant, un auteur mondain aux intentions douteuses. En arrière-plan se déroule une affaire de faux-monnayage impliquant des lycéens, dont Georges, le frère cadet d’Olivier.
Avec cette architecture narrative sophistiquée, André Gide bouleverse les codes du roman traditionnel en multipliant les points de vue et en conjuguant journal intime, correspondance et récit. Cette œuvre expérimentale pour son époque aborde sans détour des thèmes comme l’homosexualité, l’hypocrisie sociale et la quête d’authenticité.
Aux éditions FOLIO ; 377 pages.
2. La symphonie pastorale (1919)
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Dans le Jura suisse des années 1890, un pasteur protestant découvre une jeune fille aveugle lors d’une visite à une mourante. Gertrude, une orpheline de quinze ans qui n’a jamais appris à parler ni à communiquer, vit recluse dans un état quasi-sauvage. Mu par la compassion, l’homme décide de la recueillir chez lui, malgré les réticences de son épouse Amélie.
Le pasteur entreprend alors l’éducation de Gertrude avec patience et dévouement. Sous sa tutelle, la jeune fille s’éveille rapidement à la vie intellectuelle et spirituelle. Il lui décrit le monde avec poésie, lui fait découvrir la musique, notamment la Symphonie pastorale de Beethoven.
Peu à peu, le pasteur développe pour sa protégée des sentiments qui dépassent la simple charité chrétienne. Son fils aîné Jacques n’est pas indifférent non plus aux charmes de la jeune aveugle. Le jour où une opération permet à Gertrude de recouvrer la vue, les masques tombent.
Écrit en 1919 sous forme de journal intime, ce roman d’André Gide ausculte les tourments d’un homme d’église déchiré entre sa foi et ses désirs. Dans une langue lumineuse, Gide tisse une méditation sur l’amour impossible, la cécité morale et les ravages de l’hypocrisie.
Aux éditions FOLIO ; 149 pages.
3. Les caves du Vatican (1914)
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Rome, 1890. Un escroc du nom de Protos lance une rumeur sensationnelle : le pape aurait été enlevé et serait séquestré dans les caves du Vatican. Un imposteur aurait pris sa place. Pour le libérer, Protos et sa bande réclament de l’argent aux fidèles. L’arnaque est simple mais redoutable.
Cette rumeur attire le candide Amédée Fleurissoire, un bourgeois de province qui compte bien délivrer le souverain pontife. À peine arrivé à Rome, le jeune homme tombe dans les filets des escrocs qui se font passer pour des hommes d’église.
Ce roman de Gide, écrit comme une farce grinçante, bouscule les conventions de son époque. L’auteur parisien se moque des dévots naïfs tout en réfléchissant sur la possibilité d’un crime sans mobile. Son ton irrévérencieux provoqua un scandale à la parution du livre en 1914.
Aux éditions FOLIO ; 250 pages.
4. L’immoraliste (1902)
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Dans « L’immoraliste », paru en 1902, André Gide raconte l’histoire de Michel, un intellectuel qui épouse Marceline pour exaucer le souhait de son père. Leur mariage sans passion les mène en Algérie, à Biskra. Michel y contracte la tuberculose et manque de mourir. Sa femme le soigne avec dévouement jusqu’à sa guérison.
Cette maladie transforme Michel. Son rapport au monde change : il rejette son éducation puritaine et s’éveille aux plaisirs des sens. Dans les ruelles de Biskra, il s’intéresse de plus en plus aux jeunes garçons. En France, malgré une brillante carrière universitaire, il s’égare. Les discours de Ménalque sur la liberté absolue le confortent dans son rejet des conventions sociales.
Quelques temps plus tard, Marceline fait une fausse couche et tombe gravement malade. Michel, devenu étranger à lui-même, la traîne de ville en ville avant de revenir à Biskra. Son indifférence croissante précipite la mort de sa femme. Perdu, il supplie ses amis de lui venir en aide.
Le génie du roman réside dans son ambiguïté calculée. Gide ne juge pas son personnage mais expose avec une précision clinique sa métamorphose intérieure. La tuberculose agit comme un catalyseur qui réveille chez Michel des pulsions longtemps réprimées. Sa quête de liberté absolue, d’abord exaltante, se transforme peu à peu en une forme d’autodestruction.
Aux éditions FOLIO ; 181 pages.
5. La porte étroite (1909)
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« La porte étroite » raconte une histoire d’amour impossible entre deux cousins, Jérôme et Alissa, dans une famille protestante de la bourgeoisie normande au début du XXe siècle. Orphelin de père, Jérôme passe ses vacances près du Havre, dans la demeure familiale de Fongueusemare. Il y développe une relation privilégiée avec sa cousine Alissa, fondée sur leur goût commun pour la littérature et leur sensibilité religieuse.
Cette idylle vacille le jour où Alissa apprend que sa sœur cadette Juliette est aussi amoureuse de Jérôme en secret. Par abnégation, elle commence à prendre ses distances. Même après le mariage de Juliette avec un autre homme, Alissa continue de repousser toute idée d’union avec Jérôme. Elle s’enferme peu à peu dans une quête mystique de vertu absolue.
Dans ce court roman à la construction complexe, André Gide alterne le récit de Jérôme, les lettres échangées entre les amants et le journal intime d’Alissa. Il trace ainsi le portrait d’une jeune femme qui sacrifie son bonheur au nom d’un idéal de pureté absolue. Le livre, paru en 1909, marque le premier grand succès public de l’auteur.
Aux éditions FOLIO ; 185 pages.
6. Paludes (1895)
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Dans le Paris littéraire de 1895, un écrivain anonyme entreprend la rédaction d’un roman intitulé « Paludes ». Son texte met en scène Tityre, un personnage solitaire qui vit près d’un marais. Mais ce que nous lisons n’est pas ce roman – c’est plutôt le récit d’une semaine dans la vie de cet auteur qui ne cesse de dire à tous qu’il écrit « Paludes ».
Entre les réunions mondaines où il croise des intellectuels prétentieux, les conversations avec son amie Angèle et ses tentatives d’organisation méticuleuse de son agenda, le narrateur s’enlise dans une existence aussi stagnante que les marécages de son propre roman. Il rêve d’action, projette un déplacement à Montmorency qui tournera court sous la pluie.
Cette sotie médiévale racontée par des simples d’esprit constitue la première œuvre véritablement moderne de l’auteur. Le jeune André Gide tourne en dérision les cénacles intellectuels et leurs bavardages creux. À 24 ans, il signe un texte révolutionnaire pour son époque : l’histoire d’un roman qui ne s’écrit pas, où l’absence d’action devient le sujet même du récit.
Aux éditions FOLIO ; 147 pages.
7. Isabelle (1911)
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Dans la campagne normande des années 1890, un jeune intellectuel parisien pousse la porte du château de la Quartfourche. Gérard Lacase, qui prépare un doctorat sur Bossuet, vient consulter la bibliothèque de Monsieur Floche. Il y découvre un monde figé dans le temps : une noble demeure où survivent deux familles déclassées, dont un enfant handicapé du nom de Casimir et son précepteur, l’abbé Santal.
L’atmosphère particulière des lieux éveille l’instinct romanesque de Lacase. Une photographie d’Isabelle, la mère mystérieusement absente de Casimir, le fascine. Une lettre découverte entre deux lambris lui dévoile un drame passionnel : une liaison interdite, un meurtre dans les bois, une femme reniée par sa famille. Le jeune homme se laisse emporter par son imagination et développe une obsession pour cette inconnue.
Le style épuré de Gide donne à ce court roman une intensité remarquable. Il y dépeint la naissance d’un amour chimérique et sa brutale dissolution au contact du réel.
Aux éditions FOLIO ; 160 pages.