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Alice Walker en 3 romans – Notre sélection

Alice Walker naît le 9 février 1944 à Eatonton, en Géorgie, dans une famille modeste de métayers. À l’âge de huit ans, elle perd la vue de l’œil droit suite à un accident avec une carabine à air comprimé, un événement traumatisant qui la pousse vers la lecture et l’écriture. Brillante élève malgré la ségrégation, elle devient major de sa promotion et obtient une bourse pour étudier à l’université Spelman, puis au Sarah Lawrence College dont elle sort diplômée en 1965.

En 1967, elle épouse l’avocat juif Melvyn Rosenman Leventhal, le premier couple mixte légalement marié dans le Mississippi. De cette union naît leur fille Rebecca en 1969, mais le couple divorce en 1976. Dans les années 1970, Walker s’établit en Californie et poursuit sa carrière d’écrivaine tout en enseignant dans plusieurs universités.

Son œuvre littéraire connaît une consécration en 1983 lorsqu’elle devient la première femme afro-américaine à recevoir le Prix Pulitzer pour son roman « La couleur pourpre » (1982). Ce livre, qui aborde les thèmes du racisme et du patriarcat, est adapté au cinéma par Steven Spielberg en 1985.

Militante engagée, Walker participe activement au mouvement des droits civiques dans les années 1960, développe le concept de « womanisme » (féminisme noir), et s’implique dans diverses causes comme la défense des droits des femmes, l’environnement et le pacifisme. Dans les années 2000, son engagement pour la cause palestinienne et ses prises de position controversées, notamment son soutien au théoricien du complot David Icke, suscitent des accusations d’antisémitisme.

Aujourd’hui, Alice Walker continue d’écrire et de militer pour diverses causes sociales. Son œuvre, qui comprend romans, nouvelles, poèmes et essais, interroge les thèmes de la discrimination raciale, du féminisme et de la quête spirituelle. Elle compte parmi les voix influentes de la littérature américaine contemporaine.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. La couleur pourpre (1982)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans la Géorgie rurale des années 1900, la vie de Celie, une adolescente afro-américaine de quatorze ans, bascule lorsque son beau-père la viole et la met enceinte à deux reprises. Les enfants lui sont arrachés à la naissance. N’ayant personne vers qui se tourner, elle commence à écrire des lettres à Dieu. Sa seule consolation vient de sa sœur cadette Nettie, jusqu’au jour où leur beau-père décide de marier Celie à un fermier veuf brutal, Albert. Ce dernier souhaitait initialement épouser Nettie, mais se rabat sur Celie dans l’idée d’avoir une servante qui s’occupera de ses enfants.

Le quotidien de Celie est rythmé par les coups et les humiliations, jusqu’à l’arrivée de deux femmes qui bouleversent son existence. D’abord Sofia, l’épouse de son beau-fils, qui refuse catégoriquement de se soumettre aux hommes et inspire Celie par sa force de caractère. Puis Shug Avery, une chanteuse de blues charismatique qui est l’ex maîtresse d’Albert. Cette dernière initie Celie à une nouvelle forme d’amour et lui apprend à s’affranchir de ses chaînes.

Entre-temps, Nettie, qui avait trouvé refuge chez sa sœur, doit fuir les avances d’Albert. Elle promet d’écrire à Celie, mais les années passent et ne donne plus signe de vie, si bien que Celie en vient à penser que sa sœur est morte. Un jour, elle découvre qu’Albert cache depuis des années les lettres de Nettie. Celles-ci révèlent une vérité bouleversante sur le destin de ses enfants disparus…

Autour du livre

Publiée en 1982, « La couleur pourpre » naît de la volonté d’Alice Walker d’aborder frontalement des sujets tabous comme l’inceste, les violences conjugales et l’homosexualité féminine. Elle s’empare de la forme épistolaire pour donner voix à une femme qui n’en a pas en utilisant un dialecte afro-américain authentique qui reflète le parler des communautés rurales du Sud des États-Unis.

La puissance du roman réside dans sa capacité à transcender le récit de l’oppression pour célébrer la résilience et la solidarité entre femmes. Les personnages féminins se construisent et s’émancipent ensemble en tissant des liens qui défient les normes sociales de l’époque. Alice Walker y aborde également les séquelles de l’esclavage sur les relations homme-femme dans la communauté afro-américaine. La violence masculine, omniprésente, semble découler d’une transmission générationnelle de traumatismes. À travers les lettres de Nettie depuis l’Afrique, Walker établit un parallèle saisissant entre l’oppression des femmes aux États-Unis et les pratiques traditionnelles africaines comme l’excision, tout en dénonçant l’impact destructeur du colonialisme occidental.

« La couleur pourpre » s’impose rapidement comme un jalon majeur de la littérature américaine. Le New York Times Book Review, sous la plume de Mel Watkins, salue « un roman saisissant, magistralement écrit », louant son impact émotionnel et sa structure épistolaire novatrice. D’autres critiques soulignent l’audace avec laquelle Walker aborde les questions de sexisme et de racisme systémique. Le roman reçoit le Prix Pulitzer de la fiction en 1983, faisant d’Alice Walker la première femme afro-américaine à obtenir cette distinction. La BBC News l’inclut en 2019 dans sa liste des cent romans les plus influents.

En 1985, Steven Spielberg le porte à l’écran avec Whoopi Goldberg dans le rôle de Celie, Danny Glover dans celui d’Albert et Oprah Winfrey dans celui de Sofia. Malgré onze nominations aux Oscars, le film ne remporte aucune statuette, suscitant une controverse dans la critique qui le considérait comme le meilleur film de l’année. En 2005, le roman est adapté en comédie musicale à Broadway, puis connaît une nouvelle adaptation cinématographique en 2023, produite notamment par Oprah Winfrey et Steven Spielberg.

Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 384 pages.


2. Dans le temple de mon esprit (1989)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans l’Amérique contemporaine, Arveyda, un talentueux guitariste, tombe amoureux de Carlotta, une jeune femme d’origine latino-américaine qu’il épouse. Leur bonheur périclite lorsqu’Arveyda succombe aux charmes de Zédé, la mère de Carlotta, une femme mystérieuse vivant en exil de son pays natal.

En parallèle, Suwelo, un professeur noir d’histoire américaine, voit son mariage avec Fanny s’effondrer alors qu’il prend conscience de son incapacité, comme tant d’hommes de sa génération, à établir une relation égalitaire avec les femmes. Suite à leur séparation, Fanny entreprend un périple qui la mène à la rencontre de son père, tandis que Suwelo hérite d’une maison à Baltimore où il fait la connaissance de Lissie, une femme extraordinaire dotée du don de se remémorer ses vies antérieures.

À travers les récits de Lissie, qui s’étendent sur des millénaires et traversent continents et époques, une histoire alternative de l’humanité se dessine, remontant aux origines africaines, avant la séparation des genres et l’avènement du patriarcat. Cette fresque ambitieuse, où apparaissent également Celie et Shug, personnages du précédent roman d’Alice Walker « La couleur pourpre », interroge les fondements de notre civilisation et propose une réflexion sur l’amour, la mémoire et l’identité.

Autour du livre

Dans le sillage du succès retentissant de « La couleur pourpre » (1982), Alice Walker développe avec « Dans le temple de mon esprit » une vision encore plus ambitieuse. Si le premier roman abordait frontalement la condition des femmes noires dans le Sud américain, ce nouvel opus élargit considérablement la perspective en incorporant des mythes ancestraux, des questionnements spirituels et une relecture féministe de l’Histoire. La romancière américaine y articule l’intime et le collectif, le mythique et l’historique, dans une perspective résolument féministe et décoloniale.

La structure non linéaire du récit reflète la complexité des thèmes abordés. À travers les souvenirs de Lissie, Walker propose une cosmogonie alternative où l’Afrique apparaît comme le berceau d’une civilisation matriarcale en harmonie avec la nature. Cette utopie originelle aurait été détruite par l’émergence du patriarcat, symbolisée par l’invention de la propriété privée et l’asservissement des femmes. Les récits de Lissie sur ses vies antérieures permettent de questionner les traumatismes de l’esclavage et du colonialisme, tout en ouvrant des perspectives de guérison et de reconstruction identitaire.

Alice Walker y aborde ainsi frontalement la question du racisme systémique et ses répercussions psychologiques. Le personnage de Fanny incarne cette lutte intérieure : victime du racisme blanc, elle refuse néanmoins de céder à la haine. Ses cauchemars récurrents d’un festin cannibale où les Blancs dévorent sans fin symbolisent la violence du système colonial et ses séquelles transgénérationnelles.

La réception critique du roman s’est révélée contrastée. J. M. Coetzee, dans sa recension pour le New York Times, salue l’ambition du projet tout en questionnant certains aspects de sa réalisation. Il souligne notamment la tension entre la dimension fabuleuse du récit et son ancrage historique. D’autres critiques apprécient sa dimension spirituelle et émancipatrice, tandis que certains lui reprochent son manque de cohérence narrative.

Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 460 pages.


3. Le secret de la joie (1992)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1990, Tashi, une Africaine de la tribu Olinka, mène une existence déchirée entre deux mondes. Enfant, elle a échappé à l’excision grâce à l’intervention de missionnaires chrétiens, mais cette « chance » la marginalise au sein de sa communauté. Mariée à Adam, un Américain, elle s’installe aux États-Unis où elle adopte le nom d’Evelyn Johnson. Pourtant, le sentiment d’être une femme incomplète la poursuit. Dans sa quête d’identité culturelle, elle prend une décision radicale : retourner en Afrique pour subir l’excision, bien qu’elle soit hantée par le souvenir de sa sœur Dura, morte durant ce même rituel.

L’opération, pratiquée par M’Lissa, la tsunga (exciseuse) du village, marque le début d’un calvaire physique et mental. De retour aux États-Unis, Tashi s’enfonce dans la folie. Son fils Benny naît avec un handicap mental causé par les complications de l’accouchement, séquelles directes de sa mutilation. Son mari Adam, désemparé face à sa souffrance, trouve refuge auprès de Lisette, une Française dont il aura un second fils, Pierre.

Tourmentée par ses démons, Tashi consulte plusieurs psychiatres, dont le célèbre Carl Jung. Progressivement, sa douleur se mue en colère. Elle finit par voir dans la mort de sa sœur non plus un accident, mais un meurtre perpétré au nom de la tradition. Cette prise de conscience la pousse à retourner en Afrique, où M’Lissa est devenue une figure respectée. Face à celle qu’elle considère comme la coupable de la mort de sa sœur et la responsable de ses souffrances, Tashi finit par accomplir un acte qui la mènera devant les tribunaux…

Autour du livre

Publié en 1992, « Le secret de la joie » s’inscrit dans la continuité thématique des précédents récits d’Alice Walker, notamment « La couleur pourpre », dont Tashi était un personnage secondaire. La genèse du roman trouve son origine dans la volonté de Walker de traiter des conséquences dévastatrices des mutilations génitales féminines, une pratique qui, selon les estimations de l’époque, touchait entre 90 et 100 millions de femmes dans le monde. Pour donner vie à son histoire, Walker prend le parti de créer une tribu fictive, les Olinka, ce qui lui permet d’aborder ce sujet sensible sans pointer du doigt une culture spécifique.

L’histoire est racontée à travers une mosaïque de voix, chaque chapitre donne la parole à un personnage différent. Cette multiplication des points de vue permet de saisir toute la complexité des impacts de l’excision, non seulement sur la victime directe mais aussi sur son entourage. La narration non chronologique, avec ses sauts temporels et ses changements de perspective, reflète magistralement l’état mental fragmenté de Tashi.

Le San Francisco Chronicle considère le livre « aussi captivant que ‘La couleur pourpre' », tandis que le New York Daily News salue une « remarquable fiction ». Cosmopolitan met en avant « le courage extraordinaire » et « la compassion remarquable » qui transparaît des pages. D’autres critiques apprécient la manière dont Walker parvient à transformer un sujet d’une violence inouïe en une œuvre qui conserve toute sa force sans jamais tomber dans le sensationnalisme.

« Le secret de la joie » a connu plusieurs adaptations et a contribué à sensibiliser le public occidental à la question de l’excision. Une partie des droits d’auteur a été reversée à des organisations luttant contre cette pratique.

Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 336 pages.

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