John Maxwell Coetzee est un écrivain né le 9 février 1940 au Cap, en Afrique du Sud. D’origine afrikaner, il grandit dans un milieu anglophone et fait ses études dans une école anglaise. Après des études de mathématiques au Cap, il part pour Londres où il étudie la linguistique et l’informatique. Il travaille comme programmeur avant de poursuivre des études littéraires aux États-Unis, où il obtient un doctorat à l’université du Texas en 1965 en soutenant une thèse sur Samuel Beckett.
Sa carrière d’écrivain débute en 1974. Il enseigne successivement à Buffalo, au Cap, puis s’installe en Australie en 2002. Son œuvre est couronnée par les plus prestigieuses récompenses littéraires, notamment deux Prix Booker (1983, 1999) et le Prix Nobel de littérature en 2003, qui salue une œuvre exposant « la complicité déconcertante de l’aliénation ». Reconnu pour sa prose dépouillée, il acquiert la nationalité australienne en 2006.
Voici notre sélection de ses meilleurs romans.
1. En attendant les barbares (1980)
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Aux marges d’un Empire imaginaire, dans une cité perdue au milieu du désert, un magistrat mène une existence paisible. Son quotidien est chamboulé par l’arrivée du colonel Joll, un officier impitoyable mandaté pour protéger la frontière d’une prétendue invasion des « barbares » – des tribus nomades qui peuplent ces terres arides depuis des siècles.
Sous prétexte de sécurité, le colonel fait régner la terreur. Il torture des prisonniers indigènes pour leur faire avouer un complot inexistant. Le magistrat sauve une jeune nomade mutilée lors des interrogatoires. Il la soigne, noue avec elle des liens ambigus, puis entreprend un périlleux voyage pour la ramener parmi les siens. Ce geste de compassion lui vaut d’être traité en paria. Accusé de collaboration avec l’ennemi, il est jeté en prison et torturé.
Paru en 1980, « En attendant les barbares » est l’une des œuvres majeures de J. M. Coetzee, une fable universelle sur la peur de l’autre et les dérives autoritaires. Le récit se déroule dans un lieu et une époque volontairement indéterminés, ce qui donne à l’histoire une portée allégorique.
Si le roman peut se lire comme une dénonciation de l’apartheid, sa résonance dépasse largement ce cadre historique. À travers le personnage du magistrat, qui passe du statut de complice passif à celui de victime du système, Coetzee dissèque les mécanismes de la violence d’État et montre comment une société crée ses propres « barbares » pour justifier sa brutalité.
Aux éditions POINTS ; 256 pages.
2. Disgrâce (1999)
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À l’université du Cap, au crépuscule des années 1990, David Lurie enseigne la littérature romantique sans grande passion. À cinquante-deux ans, ce séducteur vieillissant collectionne les échecs sentimentaux. Sa liaison avec l’une de ses étudiantes provoque un scandale qui le force à démissionner : accusé de harcèlement sexuel, il refuse obstinément de présenter des excuses publiques.
Pour échapper à l’opprobre, David se réfugie dans la campagne sud-africaine, chez sa fille Lucy. Cette dernière mène une existence austère : elle cultive des légumes, vend des fleurs au marché et héberge des chiens errants. La cohabitation s’avère difficile entre ce père intellectuel et sa fille qui a choisi une vie simple. Un drame atroce bouleverse leur quotidien le jour où trois inconnus les attaquent : Lucy subit un viol, David est brûlé vif.
« Disgrâce » est une œuvre magistrale sur le déclin d’un homme et d’une société. Dans une prose dépourvue d’artifices, Coetzee brode une puissante allégorie de l’Afrique du Sud post-apartheid à travers la chute d’un universitaire blanc.
Aux éditions POINTS ; 288 pages.
3. Michael K, sa vie, son temps (1983)
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Dans l’Afrique du Sud des années 1980, Michael K vit au Cap avec sa mère malade. Jardinier municipal, il est né avec un bec-de-lière qui défigure son visage. Les autres le considèrent comme un simple d’esprit. Quand la guerre civile éclate, il décide d’emmener sa mère vers la ferme où elle a grandi. Il la transporte dans une charrette bricolée, à travers un pays ravagé par les combats.
La mère meurt en chemin. Michael poursuit seul sa route, évite les barrages militaires, se cache dans la nature. Il finit par trouver la ferme abandonnée. Là, avec quelques graines de potiron, il crée un petit jardin qu’il cultive en secret. Mais les autorités le soupçonnent d’aider des terroristes. Il est arrêté, enfermé dans des camps de travail dont il s’échappe.
« Michael K, sa vie, son temps » déploie une écriture sèche, austère, qui sied parfaitement à son sujet. Coetzee construit son récit autour d’un anti-héros dont le mutisme et la passivité deviennent paradoxalement des armes de résistance face à l’absurdité de la guerre civile. Si l’apartheid constitue la toile de fond historique, Coetzee évite toute référence explicite à la couleur de peau de son protagoniste. Cette universalisation transforme Michael K en figure archétypale de l’opprimé qui refuse de se soumettre aux structures du pouvoir.
Aux éditions POINTS ; 256 pages.
4. L’âge de fer (1990)
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En 1986, Elizabeth Curren vit ses derniers jours dans sa grande maison du Cap, en Afrique du Sud. Cette professeure à la retraite vient d’apprendre qu’elle souffre d’un cancer en phase terminale. Sa fille, partie s’installer aux États-Unis vingt ans plus tôt pour fuir le régime d’apartheid, ne reviendra pas la voir mourir. Elizabeth décide alors de lui écrire une longue lettre-testament.
Dans sa solitude, elle accueille Vercueil, un vagabond qui a installé son abri près de son garage. Cet homme à l’odeur forte, miné par l’alcool, devient son improbable confident. Elizabeth lui confie la mission de transmettre sa lettre après sa mort.
La violence qui secoue le pays rattrape bientôt Elizabeth. Le meurtre du fils de Florence, sa domestique noire, lors d’émeutes dans le township voisin, l’oblige à regarder en face la brutalité du système. Son cancer ronge son corps comme l’apartheid dévore son pays.
J. M. Coetzee construit son récit autour d’une double métaphore puissante. Le cancer qui dévore Elizabeth Curren reflète le mal qui ronge l’Afrique du Sud de l’apartheid. Cette professeure blanche à la retraite découvre tardivement l’horreur d’un système qu’elle a longtemps toléré par son silence.
La structure épistolaire – une longue lettre d’adieu à sa fille exilée – sert de confession et d’examen de conscience. Le choix de Vercueil comme confident n’est pas anodin : ce vagabond alcoolique incarne les exclus d’une société malade. Sa présence force Elizabeth à sortir de son confort moral et à regarder la réalité en face, notamment lors du meurtre du fils de sa domestique par la police.
Aux éditions POINTS ; 223 pages.
5. Au cœur de ce pays (1977)
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Au cœur du veld sud-africain se dresse une ferme perdue dans l’immensité désertique. C’est là que vit Magda, une femme solitaire qui partage son existence avec un père tyrannique. Les jours s’écoulent, immuables, jusqu’à l’arrivée de Klein-Anna, la nouvelle épouse d’Hendrik, leur serviteur noir. Le père ne résiste pas longtemps aux charmes de la jeune femme et en fait sa maîtresse, sous le regard de plus en plus perturbé de sa fille.
L’équilibre précaire de ce microcosme vole en éclats lorsque Magda, submergée par ses démons intérieurs, tire sur son père. Après sa mort, elle se retrouve seule aux commandes de la propriété. Incapable de maintenir son autorité sur les serviteurs, elle perd pied peu à peu, tandis que les frontières entre réalité et fantasmes s’estompent dans son esprit tourmenté.
Dans ce roman publié en 1977, J. M. Coetzee compose une œuvre puissante sur la solitude et la domination. Le texte, éclaté en 266 fragments, reflète la désintégration psychique du personnage. L’écriture, d’une précision chirurgicale, restitue la violence sourde qui imprègne les relations entre Blancs et Noirs dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Aux éditions POINTS ; 224 pages.
6. Elizabeth Costello (2003)
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Écrivaine australienne reconnue, Elizabeth Costello parcourt les amphithéâtres et les salles de conférence du monde entier. Son succès repose sur un roman paru il y a un quart de siècle, une réécriture audacieuse d’un personnage de James Joyce. À presque soixante-dix ans, elle multiplie les interventions publiques : remise de prix en Pennsylvanie, colloque au Massachusetts, séminaire aux Pays-Bas. Mais le cœur n’y est plus.
Le roman dévoile huit épisodes de la vie de cette femme de lettres vieillissante. Entre deux prestations, on la voit interagir avec son fils qui tente de la comprendre, sa belle-fille qui la trouve insupportable, sa sœur missionnaire en Afrique. Sans compromis, elle aborde des sujets qui dérangent : la souffrance animale, qu’elle compare à l’Holocauste, ou encore la nature du mal en littérature. Le portrait intime d’une intellectuelle qui n’hésite plus à bousculer les conventions et à tenir des propos controversés.
Dans une prose sobre, Coetzee sert une réflexion sur la vieillesse, la solitude et le pouvoir des mots. La structure du livre, organisée autour de huit conférences, permet à l’auteur d’aborder des questions fondamentales : les droits des animaux, la nature du mal, le rôle de la littérature. Mais ces discours servent surtout à révéler les doutes et les combats intérieurs d’Elizabeth Costello. Elle n’hésite pas à défendre des positions radicales, quitte à choquer son auditoire – comme lorsqu’elle compare les abattoirs industriels aux camps de concentration nazis.
Aux éditions POINTS ; 320 pages.