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Les meilleurs contes de Voltaire – Notre sélection

Voltaire en 7 contes – Notre sélection

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), est une figure majeure des Lumières. Né à Paris dans une famille bourgeoise, il reçoit une excellente éducation chez les Jésuites au collège Louis-le-Grand. Très tôt, il se fait remarquer par son esprit vif et son talent pour la poésie.

Sa carrière littéraire débute brillamment avec sa tragédie « Œdipe » (1718), mais son esprit satirique lui vaut aussi des ennuis avec le pouvoir : il est embastillé deux fois dans sa jeunesse. Son exil en Angleterre (1726-1728) le marque profondément et influence sa pensée philosophique.

Voltaire devient l’un des écrivains les plus célèbres de son temps, auteur prolifique de pièces de théâtre, de poèmes, d’essais historiques et philosophiques. Ses contes philosophiques, notamment « Candide ou l’Optimisme » (1759), comptent parmi ses œuvres les plus connues. Il entretient une correspondance monumentale (plus de 15 000 lettres recensées).

Dans la seconde partie de sa vie, installé au château de Ferney près de la frontière suisse, il mène d’importants combats contre l’intolérance religieuse et l’injustice, notamment dans l’affaire Calas. Déiste convaincu, il s’oppose au fanatisme religieux avec sa célèbre formule « Écrasez l’infâme ».

Après 28 ans d’absence, il fait un retour triomphal à Paris en 1778 où il meurt quelques mois plus tard. En 1791, il est l’un des premiers à entrer au Panthéon. Son influence sur la pensée européenne est considérable, notamment dans les domaines de la liberté d’expression, de la tolérance religieuse et de la justice.

Homme d’affaires avisé ayant constitué une importante fortune, mécène et entrepreneur à Ferney, Voltaire incarne l’intellectuel engagé, mettant sa plume et sa notoriété au service des causes qu’il défend. Son esprit critique et son style incisif ont profondément marqué la culture française.

Voici notre sélection de ses contes majeurs.


1. Zadig ou la Destinée (1747)

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Résumé

En 1747, Voltaire publie « Zadig ou la Destinée », un conte philosophique qui narre les aventures d’un jeune homme dans un Orient imaginaire inspiré des « Mille et une nuits ». Le héros éponyme incarne la perfection : sage, instruit, généreux, doté d’une intelligence remarquable. Pourtant, sa vie à Babylone ne cesse d’être bouleversée par des revers de fortune qui mettent à l’épreuve ses principes et sa persévérance.

Le récit enchaîne les rebondissements : après des déboires amoureux, Zadig devient le conseiller préféré du roi Moabdar, jusqu’à ce que son amour pour la reine Astarté le force à fuir. S’ensuit une série de mésaventures où il doit faire face à l’injustice, à la jalousie et aux persécutions. Malgré ces épreuves, il conserve sa noblesse d’âme et son discernement, qualités qui finissent par le mener au trône de Babylone.

Autour du conte

En 1747, dans les salons mondains de la duchesse du Maine à Sceaux, Voltaire compose « Zadig ou la Destinée ». Cette genèse particulière, rapportée par son secrétaire Longchamp, inscrit la création du conte dans l’effervescence intellectuelle des Lumières. Les soirées littéraires de la duchesse fonctionnent selon un principe de loterie : chaque participant tire au sort une lettre de l’alphabet qui détermine le genre littéraire qu’il doit produire. Pour Voltaire, le sort désigne le roman.

L’influence de l’Orient marque sensiblement la littérature française du XVIIIe siècle. Le succès des « Mille et une nuits » dans la traduction de Galland, puis des « Lettres persanes » de Montesquieu en 1721, crée un engouement pour les récits orientaux. Voltaire s’inscrit dans cette tradition avec « Zadig », mais il la renouvelle en y insufflant une dimension philosophique. Le cadre oriental sert de masque pour critiquer la société française : la monarchie absolue, la corruption des institutions, les injustices de la justice et le fanatisme religieux.

La publication de « Zadig » suit une stratégie éditoriale complexe et révélatrice des contraintes de l’époque. Une première version paraît en Hollande sous le titre « Memnon » en 1747, sans grand retentissement. Voltaire confie ensuite astucieusement différentes parties du texte à deux imprimeurs distincts – Prault à Paris et Lefèvre à Nancy – pour garder le contrôle de son œuvre et déjouer la censure. Cette méthode se vérifie dans la composition matérielle du livre : les treize premiers cahiers diffèrent des suivants par leur impression et leur papier.

Le texte interroge la coexistence du mal et du bien dans un monde supposément régi par la Providence. Les malheurs qui s’abattent sur Zadig malgré sa vertu posent la question de la justice divine et du sens de l’existence. L’intervention finale de l’ange Jesrad propose une réponse ambiguë : si le mal participe d’un ordre divin incompréhensible aux hommes, la raison humaine garde sa capacité d’action sur le monde. Cette tension entre déterminisme et liberté traverse tout le conte.

La dimension satirique se mêle constamment à la réflexion philosophique. Voltaire déploie une ironie mordante pour dénoncer les travers de son époque, comme lorsqu’il décrit les disputes théologiques sur le pied avec lequel il convient d’entrer dans le temple de Mithra. Les institutions françaises sont visées à travers leur transposition orientale : les condamnations arbitraires de Zadig dénoncent l’absence de séparation des pouvoirs, tandis que la figure du roi Moabdar critique l’absolutisme.

Le personnage de Zadig incarne l’idéal du philosophe des Lumières qui oppose la raison aux superstitions. Sa méthode d’observation et de déduction, notamment dans l’épisode du chien et du cheval, préfigure les enquêtes de Sherlock Holmes, comme l’a souligné Pierre Bayard dans « Le Plagiat par anticipation ». Cette modernité du texte se retrouve dans son influence sur la naissance du roman policier.

La critique littéraire souligne la signification toujours discutée du conte : faut-il y voir une adhésion à l’idée de Providence et de destin immuable, ou au contraire une remise en cause ironique de l’optimisme philosophique ? Cette ambiguïté constitue la force d’une œuvre qui refuse les réponses simplistes aux questions qu’elle soulève.

Aux éditions FOLIO ; 176 pages.


2. Candide ou l’Optimisme (1759)

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Résumé

Dans un château de Westphalie au XVIIIe siècle, le jeune Candide mène une existence insouciante auprès de sa cousine Cunégonde dont il est épris. Son précepteur, le docteur Pangloss, lui enseigne que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais cette vie paisible s’effondre le jour où le baron surprend Candide en train d’embrasser sa fille : le jeune homme est chassé du château à coups de pied.

Commence alors pour Candide une succession d’aventures extraordinaires qui le conduisent aux quatre coins du monde. De la Hollande au Paraguay en passant par Lisbonne, il affronte guerres, naufrages, tremblements de terre et autodafés. Sa quête pour retrouver sa bien-aimée Cunégonde le mène jusqu’au mythique Eldorado, pays de cocagne où l’or et les pierres précieuses jonchent le sol. Mais ni la richesse ni les retrouvailles avec son amour de jeunesse ne lui apportent le bonheur espéré.

Autour du conte

Publié clandestinement en 1759 sous le pseudonyme de « Docteur Ralph », « Candide ou l’Optimisme » naît des réflexions de Voltaire sur deux événements traumatisants : le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et le début de la guerre de Sept Ans en 1756. Cette double catastrophe, naturelle et humaine, pousse le philosophe à remettre en question l’optimisme leibnizien selon lequel nous vivrions dans « le meilleur des mondes possibles ».

La genèse de l’ouvrage s’inscrit dans un contexte particulier : l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, à laquelle participe Voltaire, vient de perdre son privilège royal. « Candide » devient alors un nouveau vecteur pour diffuser les idées des Lumières. Le succès ne tarde pas : en un mois, six mille exemplaires trouvent preneur, un record pour l’époque.

Le texte malmène joyeusement les conventions du roman d’aventures et du conte philosophique. Les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné, multipliant les rebondissements improbables. Les personnages meurent pour ressusciter quelques chapitres plus tard, parcourent le monde en un temps record, survivent aux pires catastrophes. Cette accumulation d’invraisemblances sert le propos satirique : plus les malheurs s’accumulent, plus l’optimisme béat de Pangloss paraît absurde.

La construction révèle une savante architecture. La première partie du récit conduit les protagonistes de la Westphalie à Lisbonne, théâtre du fameux tremblement de terre. La deuxième les entraîne vers l’Amérique du Sud et l’Eldorado, pays imaginaire où règnent paix et prospérité. La dernière partie ramène les personnages en Europe pour un dénouement qui prône une sagesse pratique : « Il faut cultiver notre jardin ».

L’ironie mordante n’épargne personne. Les gouvernements européens subissent les foudres de Voltaire : la France et la Prusse pour leur bellicisme, le Portugal pour son Inquisition, l’Angleterre pour l’exécution de l’amiral Byng. Les ordres religieux, notamment les Jésuites, font l’objet d’attaques particulièrement virulentes. Le philosophe dénonce également l’esclavage à travers l’épisode du nègre de Surinam, mutilé par ses maîtres.

Les personnages incarnent différentes postures philosophiques. Pangloss représente la caricature de Leibniz, poussant jusqu’à l’absurde le principe de raison suffisante. Martin incarne le pessimisme radical, voyant partout le mal triompher. Entre ces deux extrêmes, Candide suit un parcours initiatique qui le conduit à une forme de sagesse pragmatique.

La réception de « Candide ou l’Optimisme » divise profondément la critique. Madame de Staël parle d’une « gaieté infernale » qui « rit des misères de cette espèce humaine ». Stendhal, malgré son admiration, se dit troublé par le « fond mauvais » du texte. Flaubert évoque un « grincement de dents » derrière le rire voltairien. Pour Francesco de Sanctis en revanche, Voltaire manifeste « bon sens » et « malice ».

Les adaptations se multiplient au fil des siècles. Leonard Bernstein en tire une opérette en 1956, avec un livret de Lillian Hellman. Le cinéma s’empare également du texte, notamment avec « Candide » de Jean-Pierre Cassel en 1960 et « Mondo Candido » de Gualtiero Jacopetti en 1975. Plus près de nous, en 2016, la telenovela brésilienne « Êta Mundo Bom! » s’inspire librement du conte voltairien.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.


3. L’Ingénu (1767)

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Résumé

Dans la France de Louis XIV, un jeune Indien du Canada fait irruption en Basse-Bretagne. Le prieur de Kerkabon et sa sœur l’accueillent avec enthousiasme quand ils reconnaissent en lui leur neveu. Cet étranger au franc-parler déconcertant, surnommé l’Ingénu pour sa candeur naturelle, bouleverse leur petit monde. Son baptême le rapproche de la belle Mademoiselle de Saint-Yves, mais leur amour se heurte à un interdit religieux : une marraine ne peut épouser son filleul.

La quête de l’Ingénu pour faire reconnaître ses droits le mène jusqu’à Versailles. Son honnêteté lui vaut la prison : la Bastille l’attend. Entre les murs de sa cellule, il s’instruit auprès du janséniste Gordon tandis que sa bien-aimée remue ciel et terre pour le sauver. Elle y parvient au prix de son honneur, en cédant au chantage d’un ministre corrompu. Ce sacrifice la conduira à la mort.

Autour du conte

Dans « L’Ingénu », Voltaire offre un regard mordant sur les travers de la société française du XVIIe siècle, à travers les yeux d’un Huron fraîchement débarqué en Bretagne. Cette satire sociale, publiée en 1767 à Lausanne, se distingue par sa capacité à mêler habilement plusieurs genres littéraires : l’apologue, le conte philosophique, la satire et le roman d’apprentissage.

Le choix d’attribuer fictivement l’ouvrage au père Quesnel, figure éminente du jansénisme, n’est pas anodin. Cette attribution ironique préfigure l’une des thématiques centrales : le conflit entre jésuites et jansénistes. Par ce stratagème, Voltaire parvient à déjouer la censure tout en positionnant son texte comme une critique musclée des querelles religieuses.

L’histoire se déroule en 1689, soit quatre années après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV. Ce contexte historique nourrit la dénonciation voltairienne des persécutions religieuses et du despotisme royal. La rivalité coloniale entre la France et l’Angleterre, qui aboutira à la guerre de Sept Ans et à la perte de l’empire colonial français, transparaît également dans le récit à travers des allusions ironiques.

La construction des personnages révèle une dimension psychologique inhabituelle pour l’époque. Le protagoniste éponyme évolue d’une naïveté naturelle vers une conscience critique éclairée, tandis que Gordon, le janséniste emprisonné, abandonne progressivement ses convictions sectaires. Cette double transformation illustre la vision voltairienne d’une émancipation par la raison.

La figure du père Tout-à-tous incarne la casuistique pernicieuse des jésuites. Son nom même, référence détournée à l’Épître aux Corinthiens, reflète l’ironie mordante de Voltaire envers les accommodements moraux du clergé. À travers ce personnage, la critique des institutions religieuses se fait particulièrement féroce.

Les scènes à Versailles et à la Bastille permettent une satire impitoyable de l’administration royale. La complexité absurde des démarches administratives, l’arbitraire des emprisonnements et la corruption des mœurs à la cour sont dépeints avec une ironie cinglante. Le contraste entre la vie provinciale en Bretagne et les intrigues versaillaises souligne la décadence morale des élites.

L’originalité de « L’Ingénu » réside notamment dans sa dimension sentimentale, inhabituelle chez Voltaire. Le destin tragique de Mlle de Saint-Yves traduit une sensibilité nouvelle, où le corps devient le miroir des tourments de l’âme, marquant une rupture avec la conception cartésienne traditionnelle.

Pour éviter la censure, Voltaire a dû nier la paternité de ce conte théologique. Cette précaution n’a pourtant pas empêché le retrait du livre de la vente sur ordre de la police, en raison de ses critiques envers les dogmatismes religieux et les institutions.

« L’Ingénu » a connu plusieurs adaptations : une version opératique dès 1768 avec la musique de Grétry et le livret de Marmontel, des adaptations cinématographiques en France (1975) et en Russie (1994), une adaptation théâtrale par Françoise Thyrion en 2001, ainsi qu’une version pour le grand écran en 1972 par Norbert Carbonnaux.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 280 pages.


4. Micromégas (1752)

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Résumé

Dans ce conte philosophique publié en 1752, Voltaire met en scène Micromégas, un jeune savant de trente-neuf kilomètres de haut qui vit sur une planète proche de Sirius. Banni de sa planète pour avoir écrit un livre jugé hérétique par le clergé local, il décide de parcourir l’univers. Sur Saturne, il rencontre un « nain » de deux kilomètres de haut qui devient son compagnon de périple.

Les deux géants arrivent sur Terre où ils découvrent avec stupéfaction l’existence d’êtres microscopiques : les humains. Ils engagent alors une conversation avec l’équipage d’un navire scientifique revenant d’une expédition au cercle polaire. Si les connaissances scientifiques des Terriens impressionnent les visiteurs stellaires, leurs guerres absurdes et leurs querelles philosophiques les consternent. Avant de repartir, Micromégas offre aux humains un livre censé contenir toutes les réponses à leurs questions métaphysiques. Le livre s’avère vierge.

Autour du conte

« Micromégas » est l’un des premiers contes philosophiques de Voltaire et l’une des premières œuvres de science-fiction. Sa genèse remonte probablement à 1738-1739, bien que sa publication officielle date de 1752. Le texte initial pourrait correspondre au « Voyage du baron de Gangan », envoyé par Voltaire au prince héritier Frédéric de Prusse en juin 1739.

La publication connaît un parcours tumultueux. En février 1751, Voltaire confie le manuscrit à l’éditeur parisien Michel Lambert. Fontenelle, se sentant tourné en dérision dans le texte, porte plainte, ce qui contraint Voltaire à renoncer à la publication. Un autre libraire parisien, Grangé, obtient le manuscrit et réalise une édition subreptice, mais Fontenelle intervient à nouveau et les exemplaires sont détruits, à l’exception d’un seul qui parvient en Allemagne. Le conte paraît finalement en 1752 en trois éditions distinctes.

Le contexte scientifique et philosophique de l’époque imprègne sensiblement les pages. Newton vient de bouleverser la physique avec sa loi universelle de la gravitation. John Locke publie son « Essai sur l’entendement humain », qui influence considérablement la pensée du XVIIIe siècle. Les microscopes perfectionnés par Leeuwenhoek et Hartsoeker permettent l’observation d’êtres minuscules. Maupertuis dirige une expédition en Laponie qui confirme l’aplatissement de la Terre aux pôles, théorie avancée par Newton.

Les deux géants manifestent une curiosité intellectuelle insatiable et admirent la précision des connaissances scientifiques des humains. En revanche, Voltaire tourne en dérision les systèmes philosophiques traditionnels. À l’instar de Locke, il considère vaine la spéculation métaphysique et préconise l’observation et l’expérimentation.

Le relativisme constitue le fil conducteur du récit, comme l’illustre le nom même du protagoniste, formé des mots grecs « mikros » (petit) et « megas » (grand). Cette dualité souligne que chaque élément de l’univers est simultanément grand par rapport à plus petit que lui et petit par rapport à plus grand. Voltaire combat ainsi la croyance en l’absolu, source de préjugés. Il dénonce également l’absurdité de la guerre et l’orgueil démesuré des hommes au regard de leur place dans l’univers. Contrairement à Pascal qui dramatisait la « disproportion » entre l’homme et la nature, Voltaire adopte une vision plus sereine. Grâce au système newtonien, l’univers devient compréhensible et rassurant.

L’astéroïde (224617) Micromégas, découvert le 22 décembre 2005 par Jean-Claude Merlin, tire son nom du conte.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 95 pages.


5. La Princesse de Babylone (1768)

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Résumé

« La Princesse de Babylone », conte philosophique de Voltaire publié en 1768, débute dans une Babylone antique où règne le roi Bélus. Sa fille Formosante, d’une beauté incomparable, doit se marier. Pour lui trouver un époux à sa mesure, son père organise un concours. Trois rois prestigieux se présentent, mais c’est un simple berger, Amazan, qui remporte toutes les épreuves grâce à ses qualités exceptionnelles.

L’idylle naissante entre Formosante et Amazan tourne court quand ce dernier apprend, par un merle, que sa bien-aimée aurait embrassé le roi d’Égypte. Fou de chagrin, il s’enfuit. La princesse, victime d’un malentendu – ce baiser n’était qu’une ruse pour échapper aux avances du roi – part à sa recherche. Accompagnée d’un phénix, elle parcourt l’Asie et l’Europe sur ses traces, jusqu’à leur retrouvaille finale à Séville, où Amazan la sauve des griffes de l’Inquisition.

Autour du conte

Dans ce conte philosophique écrit en 1768, Voltaire mêle avec brio l’imaginaire oriental des « Mille et une nuits » à une critique acerbe de la société de son temps. L’histoire s’inscrit dans la lignée du « Roland furieux » de L’Arioste, dont Voltaire admirait « la grande poésie d’Homère avec plus de variété, toute l’imagination des Mille et une nuits, la sensibilité de Tibulle, les plaisanteries de Plaute ».

Le récit se déroule dans une Babylone aux dimensions démesurées, où un palais s’étend sur deux kilomètres et où un amphithéâtre peut accueillir jusqu’à 500 000 spectateurs. Cette hyperbole architecturale sert à Voltaire pour souligner l’orgueil démesuré de la noblesse, incarnée par le roi Bélus. Le pays des Gangarides, contrée utopique située sur la rive orientale du Gange, représente quant à lui l’idéal d’une société égalitaire et pacifique. Dans ce lieu parfait, les animaux sont respectés et leur mise à mort est considérée comme un crime, ce qui permet à Voltaire d’aborder la question du végétarisme et de s’opposer à la vision cartésienne des « animaux-machines ».

Le texte s’inscrit dans un contexte particulier : en 1767, Voltaire venait de publier « La Philosophie de l’histoire », qui avait suscité une vive controverse avec le « pédant Larcher ». Cette querelle portait notamment sur la question de la prostitution sacrée à Babylone, que Voltaire niait au nom de la raison. « La Princesse de Babylone » devient ainsi un moyen pour l’auteur de ridiculiser les « fables » historiques, y compris bibliques, à travers un jeu constant avec les chiffres et les dates.

À travers le périple de ses personnages, de la Chine à l’Espagne en passant par la Russie et l’Angleterre, Voltaire dresse un portrait satirique des différentes nations : le flegme britannique, la gravité excessive des Espagnols, l’esprit commerçant des Hollandais – dont les femmes se désintéressent du phénix car « ses plumes ne pourraient probablement se vendre aussi bien que celles des canards » – et la frivolité des Parisiens. Le pape, désigné sous l’appellation ironique du « vieux des sept montagnes », fait l’objet d’une critique particulièrement musclée pour ses « rites ridicules ».

La fin du conte prend un tournant polémique inattendu : Voltaire abandonne la fiction pour s’attaquer nommément à ses adversaires, notamment le « détestable Coger », censeur qui venait de critiquer le « Bélisaire » de Marmontel, et le « gazetier ecclésiastique », directeur anonyme des « Nouvelles ecclésiastiques », organe des jansénistes. Cette sortie du cadre narratif transforme le conte en pamphlet contre les ennemis des Lumières.

Stendhal lui-même reconnaît l’importance de « La Princesse de Babylone » en y faisant référence dans « Le rouge et le noir », où Mathilde de La Mole cherche à se procurer « le second volume de ‘La Princesse de Babylone’ de Voltaire, digne complément d’une éducation éminemment monarchique et religieuse, chef-d’œuvre du Sacré-Cœur ».

Aux éditions FOLIO ; 176 pages.


6. Le Monde comme il va (1748)

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Résumé

Dans ce conte philosophique publié en 1748, Voltaire met en scène Babouc, un jeune Scythe sans préjugés, chargé par l’ange Ituriel d’une mission capitale : observer et juger la ville de Persépolis. Cette cité, qui n’est autre que Paris sous un déguisement oriental, risque la destruction divine en raison de sa prétendue décadence.

Au fil de son séjour, Babouc découvre une société contrastée. Il s’indigne d’abord des guerres absurdes, de la vénalité des charges publiques, des querelles religieuses et de la vanité des lettrés. Puis, guidé par un vieil érudit, il perçoit que ces travers coexistent avec de nobles qualités : des juges intègres, des marchands qui font prospérer l’économie, des artistes de talent. Pour rendre son verdict à Ituriel, il fait forger une statue mêlant métaux précieux et vils matériaux, métaphore d’une société imparfaite mais acceptable.

Autour du conte

Premier conte philosophique marquant de Voltaire, « Le Monde comme il va » paraît en 1748 sous le titre « Babouc ou le monde comme il va ». Sa genèse débute par une lecture à la Duchesse du Maine et sa société en 1747, avant sa publication l’année suivante à Dresde. Le sous-titre énigmatique « Vision de Babouc écrite par lui-même » soulève de nombreuses interrogations, d’autant qu’il contraste avec un récit narré à la troisième personne.

Dans cette satire sociale, Voltaire s’inscrit dans la lignée des « Lettres persanes » de Montesquieu en adoptant le procédé du regard étranger sur la société. Persépolis, qui sert de toile de fond au récit, constitue un masque transparent de Paris, permettant à Voltaire de critiquer les travers de la société française du XVIIIe siècle tout en déjouant la censure. Les lecteurs contemporains ne s’y trompent pas : derrière cette capitale perse se dessinent les contours de Paris, avec ses splendeurs et ses vices.

Voltaire y opère une revue méthodique de tous les milieux sociaux, alternant constamment entre répulsion et admiration. Cette oscillation permanente caractérise l’ensemble du récit : chaque comportement critiquable révèle potentiellement un aspect positif. Les conseils du vieux lettré provoquent un basculement dans la vision de Babouc, dépassant ses jugements initiaux superficiels.

La dimension satirique se déploie sur plusieurs fronts : la guerre, dont l’absurdité éclate dans le contraste entre les discours des dirigeants sur le « bonheur du genre humain » et la réalité des villes détruites ; le système judiciaire, où les charges s’achètent ; les cercles littéraires, peuplés d’écrivains vaniteux et de parasites ; et la religion, marquée par l’hypocrisie et les rivalités entre communautés.

« Le Monde comme il va » se distingue par sa structure en flux et reflux d’opinions contradictoires. Le poids des arguments ne dépend pas d’événements isolés mais d’une accumulation d’observations. Cette construction permet à Voltaire de développer une réflexion sur la complexité du jugement moral et l’impossibilité d’une condamnation simpliste.

La critique contemporaine accueille l’œuvre avec une certaine réserve. Le texte reste dans l’ombre de « Zadig », publié à quelques mois d’intervalle. Certains considèrent que le rythme manque d’énergie comparé à « Candide » ou « Micromégas ». D’autres saluent néanmoins l’équilibre entre divertissement et réflexion philosophique, reconnaissant dans ce premier conte célèbre de Voltaire les prémices de son art du récit philosophique. Le film « L’Or et le Plomb » réalisé par Alain Cuniot en 1966, s’en inspire.

Aux éditions FOLIO ; 112 pages.


7. Jeannot et Colin (1764)

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Résumé

Dans l’Auvergne du XVIIIe siècle, Jeannot et Colin grandissent ensemble, unis par une amitié sincère. L’un est fils de commerçant, l’autre de laboureur. Leur vie bascule quand le père de Jeannot fait fortune par des moyens douteux et s’achète un titre de noblesse. La famille part pour Paris, où elle devient « de la Jeannotière ». Le jeune Jeannot abandonne ses études, convaincu par son gouverneur que l’argent suffit à tout. Il se pavane dans les salons, chante des vaudevilles et séduit une veuve calculatrice.

Mais la roue tourne. Le père est emprisonné pour dettes, la mère éplorée, et les créanciers saisissent tous leurs biens. La veuve s’évapore, les amis disparaissent. C’est alors que Colin, l’ami délaissé d’Issoire, arrive à Paris. Sans rancune, il aide Jeannot et sa famille à se relever. De retour en Auvergne, Jeannot épouse la sœur de Colin et retrouve le bonheur dans une vie simple.

Autour du conte

Publié en avril 1764 dans la première édition des « Contes de Guillaume Vadé », « Jeannot et Colin » s’inscrit dans la tradition du conte philosophique, genre littéraire particulièrement prisé au XVIIIe siècle. Cette forme narrative permet aux philosophes des Lumières de contourner habilement la censure qui pèse sur leurs écrits tout en diffusant leurs idées auprès d’un large public.

Le récit dépeint avec mordant la société française de l’Ancien Régime, où l’argent règne en maître absolu. À travers le parcours des deux protagonistes, Voltaire dresse un tableau impitoyable de la vie parisienne et de ses codes sociaux. L’ascension fulgurante puis la chute brutale de la famille Jeannotière servent de prétexte à une critique acerbe des nouveaux riches et de leur vanité. Il met notamment en scène l’ignorance crasse d’une classe sociale émergente qui considère l’instruction comme superflue, préférant les apparences à la connaissance.

La dimension satirique du conte se manifeste particulièrement dans le personnage du gouverneur, figure emblématique de l’anti-pédagogue qui s’emploie à démontrer l’inutilité de tout savoir. Cette caricature permet à Voltaire de dénoncer un système éducatif défaillant qui privilégie les mondanités au détriment de l’instruction véritable. Le latin, l’astronomie, la géographie ou encore l’histoire sont ainsi balayés d’un revers de main au profit des arts d’agrément comme le chant et la danse.

L’évolution du texte dans le temps témoigne de sa réception changeante. Initialement passé presque inaperçu lors de sa publication, le conte connaît un regain d’intérêt grâce à son adaptation théâtrale par Jean-Pierre Claris de Florian en 1780. S’ensuivent plusieurs autres adaptations qui, en réduisant progressivement le texte, en font une lecture essentiellement moralisante. Cette transformation aboutit à son classement dans la littérature jeunesse, statut qu’il conserve encore aujourd’hui comme outil pédagogique.

La portée philosophique du conte dépasse toutefois les simples maximes sur la vanité et l’amitié véritable. Il constitue une solide réflexion sur les mécanismes sociaux de son époque : la description minutieuse de la vie parisienne, la mise en scène de l’ascension et de la chute sociale, la peinture d’une société où l’argent fait office de valeur suprême, et le constat d’un monde sans pitié composent un tableau saisissant des travers de la société du XVIIIe siècle.

Aux éditions FLAMMARION ; 128 pages.

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