Violaine Huisman naît en 1979 à Paris. Son père, Denis Huisman, est professeur de philosophie et écrivain, tandis que sa mère, Catherine Cremnitz, est une femme psychologiquement fragile qui finira par mettre fin à ses jours. Après des études au prestigieux lycée Henri-IV, Violaine s’envole à dix-neuf ans pour New York, où elle poursuit ses études par correspondance jusqu’à obtenir une maîtrise de lettres modernes.
À New York, elle se forge une carrière dans le monde littéraire : elle travaille dans l’édition, devient traductrice, et coordonne les événements littéraires de la Brooklyn Academy of Music. En 2018, elle publie son premier roman, « Fugitive parce que reine », qui remporte le Prix Françoise Sagan et connaît un succès international. Son deuxième roman, « Rose désert », paraît en 2019.
La pandémie de 2020 marque un tournant dans sa vie : elle décide de rentrer en France pour se rapprocher de son père vieillissant et s’installe en Provence avec ses deux filles. Elle partage désormais son temps entre Arles, où ses filles sont scolarisées, et Marseille, où elle a installé son bureau dans le quartier des Grands Carmes. En 2024, elle publie « Les monuments de Paris », son troisième roman, qui évoque sa relation avec son père.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Fugitive parce que reine (2018)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Le jour où le mur de Berlin s’écroule en 1989, la vie de Violaine, dix ans, bascule : sa mère Catherine est internée brutalement en hôpital psychiatrique. Dans une famille de la haute bourgeoisie parisienne, Violaine et sa sœur Elsa grandissent sous l’emprise d’une mère maniaco-dépressive à la personnalité hors norme. Alternant entre phases d’amour fusionnel et crises violentes, Catherine mène une existence tumultueuse, consumée par l’alcool, les médicaments, les relations passionnelles.
Pour comprendre cette femme qui changera sept fois de nom en trente ans, Violaine Huisman compose un triptyque : d’abord le récit de son enfance marquée par l’instabilité maternelle, puis une plongée dans le passé de Catherine – sa jeunesse meurtrie, sa mère distante, son séjour prolongé à l’hôpital, son ascension sociale grâce à sa beauté – et enfin les derniers moments d’une vie brûlée par les deux bouts, achevée par un suicide.
Autour du livre
Premier roman salué par la critique, « Fugitive parce que reine » s’inscrit dans une lignée d’œuvres littéraires consacrées aux mères bipolaires, dont « Rien ne s’oppose à la nuit » de Delphine de Vigan. La singularité du texte de Violaine Huisman réside dans sa construction en trois mouvements qui permettent d’appréhender la figure maternelle sous des angles différents : le regard de l’enfant, la biographie objective, et enfin le deuil de la femme adulte.
La narration oscille constamment entre la violence des situations décrites et l’amour inconditionnel qui lie la mère à ses filles. Le titre résume parfaitement cette dualité : Catherine règne sur la vie de ses filles tout en leur échappant perpétuellement. Le milieu social privilégié dans lequel évoluent les personnages constitue un élément crucial du récit – la beauté exceptionnelle de Catherine lui servant de « laisser-passer » pour s’élever dans la société parisienne.
Le livre a reçu plusieurs distinctions, dont le Prix Marie-Claire du roman féminin et le Prix Françoise Sagan. La dimension autobiographique s’y révèle sans fard : tous les noms sont conservés, jusqu’au titre du livre « Saxifrage » que Catherine publia chez Séguier en 1993. Cette authenticité brute se retrouve dans la langue, qui mêle registre soutenu et expressions crues, reflet des contrastes de la personnalité maternelle.
La dimension psychologique s’avère particulièrement fouillée dans la deuxième partie, dans laquelle Violaine Huisman reconstitue le parcours de sa mère : enfant non désirée, hospitalisée durant sa petite enfance, marquée par l’absence d’amour maternel. Ce travail d’anamnèse éclaire les comportements ultérieurs de Catherine sans pour autant les justifier, dans une tension permanente entre compréhension et effroi face à certains actes, comme le meurtre du chien familial.
Violaine Huisman dessine en filigrane une réflexion sur la transmission et la maternité : Catherine, privée d’amour dans son enfance, reproduit malgré elle certains schémas tout en voulant désespérément épargner ce « désert d’amour » à ses filles. Cette problématique traverse les trois générations de femmes évoquées dans le récit, de la grand-mère à l’autrice en passant par Catherine.
Aux éditions FOLIO ; 304 pages.
2. Rose désert (2019)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
« À court d’arguments contre moi-même, à court d’excuses, à court tout court, je décidai d’entreprendre un voyage à la mesure de mon égarement. » Après une rupture dévastatrice qui la laisse exsangue, Violaine s’envole pour le Maroc afin d’assister aux trente ans de sa sœur. Sur une impulsion, elle décide de poursuivre sa route jusqu’au Sénégal en traversant le Sahara occidental, ignorant les dangers de la région.
À Nouakchott, la capitale mauritanienne, elle trouve un allié inattendu en la personne de Serge, qui l’accompagne jusqu’à Saint-Louis du Sénégal. Cette échappée solitaire devient le théâtre d’une introspection où s’entremêlent le souvenir brûlant de sa relation passée et les fantômes de son histoire familiale, notamment celui de sa mère Catherine, femme excessive bipolaire dont le suicide hantera plus tard ce périple initiatique.
Autour du livre
« Rose désert » s’inscrit dans le prolongement direct de « Fugitive parce que reine », premier roman autobiographique de Violaine Huisman publié en 2018. La construction symétrique des deux œuvres témoigne d’une continuité thématique : après avoir rendu hommage à sa mère Catherine dans son premier livre, l’autrice poursuit son exploration des liens toxiques à travers le prisme d’une passion amoureuse dévastatrice.
La narration alterne entre deux temporalités : une première partie écrite à la première personne qui suit le périple africain et une seconde où l’écrivaine se met à distance en utilisant la troisième personne pour disséquer son passé. Cette architecture narrative souligne la dualité entre l’immédiateté de la fuite et le recul nécessaire à la compréhension de soi.
Le désert mauritanien se mue en métaphore d’un cheminement intérieur où résonnent les échos d’une sexualité sans tabou, parfois brutale, toujours assumée. Les descriptions crues des relations charnelles s’entremêlent à une réflexion plus large sur la condition féminine et l’héritage maternel. Violaine Huisman interroge notamment la façon dont les schémas relationnels se transmettent, comment une fille de femme bipolaire appréhende l’amour et la sexualité.
La figure maternelle, déjà centrale dans « Fugitive parce que reine », réapparaît ici sous un angle nouveau. Catherine Cremnitz, avec ses excès et sa personnalité hors norme, continue d’habiter le récit, comme si l’emprise amoureuse décrite par l’autrice n’était que le reflet de cette première relation fusionnelle et chaotique.
Les critiques soulignent la singularité d’une écriture qui marie la crudité des sentiments à des envolées lyriques maîtrisées. Cette dualité stylistique fait écho au caractère ambivalent des relations décrites, entre attraction et destruction, amour et soumission. Certains lecteurs regrettent néanmoins une construction parfois décousue et des passages redondants avec le premier roman.
Aux éditions FOLIO ; 320 pages.
3. Les monuments de Paris (2024)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Violaine Huisman revient en France au début de la pandémie pour accompagner les derniers jours de son père Denis, figure emblématique des Trente Glorieuses, à la fois philosophe et homme d’affaires. Huitième enfant d’une fratrie échelonnée sur trente ans, elle dresse le portrait sans concession de cet homme flamboyant, marié trois fois, séducteur invétéré et créateur d’écoles prestigieuses.
À travers cette quête filiale surgit une autre histoire : celle de son grand-père Georges Huisman, haut fonctionnaire juif et directeur des Beaux-Arts sous Jean Zay. Sa trajectoire singulière le mène de la création du Festival de Cannes en 1939 à la fuite sur le Massilia pendant l’Occupation, puis à une vie de clandestinité. Entre intimité familiale et grande Histoire, « Les monuments de Paris » retrace le destin de deux hommes dont les existences se sont entremêlées aux soubresauts du XXe siècle.
Autour du livre
« Les monuments de Paris » s’inscrit dans la continuité de « Fugitive parce que reine », où Violaine Huisman brossait déjà le portrait de sa mère bipolaire. Cette fois, la quête mémorielle se déploie sur deux générations masculines, dans un jeu de miroirs entre l’intime et le collectif. Denis Huisman, figure controversée du Paris intellectuel, s’y révèle dans toute son ambivalence : « L’outrance, le trop, le toujours plus, l’hubris a été ton mode opératoire, ton équilibre ». Son succès dans l’édition scolaire avec le manuel « Vergez et Huisman », devenu référence pour des générations de lycéens, témoigne d’un sens aigu du marketing appliqué à la philosophie.
La dimension juive, d’abord mise en sourdine, émerge progressivement à travers le destin de Georges Huisman. Sa fuite sur le Massilia en 1940, aux côtés de Jean Zay et Pierre Mendès-France, illustre le sort tragique des élites républicaines face à la montée du nazisme. Le sauvetage des œuvres d’art qu’il organise avant l’invasion allemande – plus de 5200 camions mobilisés – ajoute une dimension épique à son parcours.
L’originalité du texte tient à sa structure en triptyque : après le portrait du père et l’enquête sur le grand-père, une troisième partie plus brève permet à Violaine Huisman de se réapproprier cette généalogie complexe. Les silences, les non-dits et les zones d’ombre familiales s’y dissolvent dans une écriture qui mêle tendresse et lucidité. La dimension monumentale évoquée par le titre renvoie moins aux bâtiments parisiens qu’à ces deux figures tutélaires qui ont marqué leur époque avant de connaître l’oubli.
Couronné du Prix Françoise Sagan pour son précédent ouvrage, ce nouveau récit confirme la capacité de Violaine Huisman à transcender l’exercice autobiographique pour toucher à l’universel. De New York à Paris, de l’Élysée au Palais de Chaillot, la géographie intime se mêle aux grands bouleversements historiques dans une narration qui évite les écueils de l’hagiographie.
Aux éditions GALLIMARD ; 288 pages.