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Truman Capote en 6 livres – Notre sélection

Truman Capote en 6 livres – Notre sélection

Truman Streckfus Persons, dit Truman Capote, est un écrivain américain né le 30 septembre 1924 à La Nouvelle-Orléans et mort le 25 août 1984 à Los Angeles.

Après une enfance difficile marquée par le divorce de ses parents, il est principalement élevé par des cousines en Alabama, où il se lie d’amitié avec la future romancière Harper Lee. Très tôt passionné par l’écriture, il commence à écrire des nouvelles dès l’âge de 11 ans.

Sa carrière littéraire décolle en 1948 avec son premier roman « Les domaines hantés », suivi en 1958 par « Petit déjeuner chez Tiffany » qui le rend célèbre. Son chef-d’œuvre, « De sang-froid » (1966), inaugurant le genre du « roman non fictionnel », raconte un fait divers criminel dans le Kansas et lui apporte une renommée internationale.

Ouvertement homosexuel, il mène une vie mondaine intense dans la haute société new-yorkaise des années 1960-70, tout en entretenant une relation de longue durée avec l’écrivain Jack Dunphy. La publication d’extraits de son roman inachevé « Prières exaucées » en 1975, qui dévoile les secrets de ses amis de la haute société, provoque un scandale qui précipite sa chute sociale.

Les dernières années de sa vie sont marquées par l’alcoolisme et la toxicomanie. Il meurt en 1984 d’une maladie du foie compliquée par des abus de médicaments. Figure majeure de la littérature américaine du XXe siècle, Capote a laissé une œuvre importante qui mêle fiction, journalisme et autobiographie avec un style très personnel alliant préciosité et acuité d’observation.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. De sang-froid (roman, 1966)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Le 15 novembre 1959, dans la petite ville d’Holcomb au Kansas, quatre membres de la famille Clutter sont retrouvés assassinés dans leur ferme. Herbert Clutter, sa femme Bonnie et leurs deux plus jeunes enfants, Nancy et Kenyon, ont été ligotés puis tués par balles. Ce crime brutal secoue la paisible communauté de ce coin reculé des États-Unis.

Truman Capote retrace méticuleusement les événements qui ont mené à cette tragédie. Il suit en parallèle le quotidien des victimes avant leur mort et le parcours de leurs meurtriers, Perry Smith et Dick Hickock, deux anciens détenus qui projetaient initialement un simple cambriolage. L’auteur s’attache à décrypter leurs motivations, leur psychologie, leur enfance marquée par la violence. Il décrit leur errance à travers le pays après les meurtres, jusqu’à leur arrestation.

Il reconstitue ensuite le procès des deux hommes, leur attente dans le couloir de la mort et leur exécution par pendaison en 1965.

Autour du livre

À partir de ce fait divers sordide qui secoue le Kansas en 1959, Truman Capote entreprend une enquête minutieuse qui s’étend sur six années. Accompagné de son amie d’enfance Harper Lee, il recueille plus de 8000 pages de notes, interroge la population locale et les enquêteurs, puis noue une relation avec les deux meurtriers dans leur cellule. Cette immersion totale dans l’affaire bouleverse profondément l’écrivain, qui ne se remettra jamais de sa rencontre avec Perry Smith.

La publication initiale sous forme de feuilleton dans le New Yorker en 1965 provoque une onde de choc, notamment au Kansas où les exemplaires s’arrachent. L’ouvrage s’impose rapidement comme un classique de la littérature américaine du XXe siècle avec plus de huit millions d’exemplaires vendus. Il figure d’ailleurs au 54e rang des cent meilleurs livres policiers selon la Mystery Writers of America, tandis que le Guardian l’inclut dans sa liste des 100 meilleurs livres en langue anglaise.

« De sang-froid » inaugure un nouveau genre littéraire, le « non-fiction novel », bien que certains critiques rappellent que l’Argentin Rodolfo Walsh avait déjà expérimenté cette forme narrative dès 1957 avec « Operación Masacre ». La construction du récit alterne habilement entre trois fils narratifs : la vie des meurtriers, celle des victimes et le quotidien de la communauté rurale, créant une tension dramatique singulière malgré la connaissance préalable de l’issue.

La véracité de certains éléments du livre soulève néanmoins la controverse. Jack Olsen, auteur spécialisé dans le « true crime », pointe des fabrications de citations et de scènes entières. Le procureur Duane West conteste la place accordée aux véritables « héros » de l’enquête. Des habitants de Holcomb dénoncent des inexactitudes dans leurs témoignages rapportés. Ces critiques n’entament cependant pas le succès de l’œuvre.

L’impact culturel perdure à travers de multiples adaptations : le film de Richard Brooks en 1967, qui reçoit quatre nominations aux Oscars, une mini-série télévisée en 1996, et plus récemment deux films centrés sur la genèse du livre – « Capote » en 2005 avec Philip Seymour Hoffman (Oscar du meilleur acteur) et « Infamous » en 2006. Une bande dessinée, « Capote in Kansas », paraît également en 2005-2006. L’œuvre inspire même un opéra en 1995, « Failing Kansas » de Mikel Rouse.

Ironie tragique, ce chef-d’œuvre qui consacre Capote comme figure majeure des lettres américaines précipite aussi sa chute. Profondément marqué par sa relation avec Perry Smith et incapable de surmonter le choc de son exécution, l’écrivain sombre dans une dépression dont il ne se relèvera pas, comme en témoigne sa correspondance publiée dans « Un plaisir trop bref » : « Ce fut une épreuve atroce. Dont je ne me remettrai jamais complètement. »

Aux éditions FOLIO ; 512 pages.


2. Petit déjeuner chez Tiffany (roman, 1958)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Au cœur de Manhattan pendant la Seconde Guerre mondiale, Holly Golightly mène une existence hors normes qui intrigue son voisin écrivain. Cette jeune femme de 19 ans enchaîne les soirées mondaines, collectionne les admirateurs fortunés et rend des visites hebdomadaires à un truand incarcéré. Entre deux fêtes qui font trembler l’immeuble, elle aime flâner devant la vitrine de la bijouterie Tiffany, refuge qui apaise ses moments de cafard.

Sous ses allures de starlette insouciante, Holly cache un lourd secret : ancienne épouse d’un vétérinaire du Texas qu’elle a épousé adolescente, elle a fui vers New York pour échapper à son milieu rural. Le narrateur, qu’elle surnomme Fred en souvenir de son frère, devient le témoin privilégié de sa quête d’indépendance et de ses tentatives pour se réinventer.

Autour du livre

L’originalité de « Petit déjeuner chez Tiffany » réside dans sa protagoniste, Holly Golightly, devenue une figure emblématique de la culture américaine. Cette jeune femme de dix-neuf ans incarne une forme particulière de liberté dans le New York des années 1940. Truman Capote la définit comme une « geisha américaine », nuançant ainsi la perception qu’on pourrait avoir de son mode de vie.

La genèse du personnage suscite de nombreuses spéculations, au point que Gerald Clarke, biographe de Capote, évoque des « Holly Golightly Sweepstakes » – une sorte de course à la revendication du titre de muse. Parmi les candidates : Gloria Vanderbilt, Oona O’Neill, Carol Grace, Maeve Brennan, Doris Lilly, et les mannequins Dorian Leigh et Suzy Parker. Les similitudes troublantes entre Holly et Nina Capote, la mère de l’auteur, ajoutent une dimension intime à l’œuvre : toutes deux quittent le Sud rural, changent leur prénom d’origine jugé trop provincial, et s’élèvent socialement à New York grâce à leurs relations avec des hommes fortunés.

Le texte brille par sa construction narrative : un récit enchâssé qui s’ouvre sur la découverte d’une mystérieuse statuette africaine ressemblant à Holly, avant de remonter dans le temps. Cette technique crée d’emblée une aura de mystère autour du personnage principal.

L’impact du roman s’affirme à travers l’éloge de Norman Mailer, qui déclare n’avoir pas voulu « changer deux mots dans Petit déjeuner chez Tiffany ». La critique littéraire établit des parallèles avec l’œuvre de Christopher Isherwood, notamment le personnage de Sally Bowles, tandis que Marie Rudisill, tante de Capote, rapproche Holly de Miss Lily Jane Bobbit, protagoniste de « Children on Their Birthdays ».

La publication du livre connaît des péripéties révélatrices des mœurs de l’époque. Initialement vendu à Harper’s Bazaar pour 2000 dollars, le texte se heurte à la censure des dirigeants de Hearst Corporation, inquiets des réactions potentielles de Tiffany’s, important annonceur. Capote le revend alors à Esquire pour 3000 dollars, insistant sur l’utilisation des photomontages de David Attie, première représentation visuelle de Holly Golightly. Le manuscrit original acquiert une valeur considérable : en 2013, l’entrepreneur russe Igor Sosin l’achète pour 306 000 dollars, avec l’intention de l’exposer à Moscou et Monte-Carlo.

Les nombreuses adaptations témoignent de la force du récit : le film de Blake Edwards avec Audrey Hepburn en 1961, plusieurs versions théâtrales, dont celle de Samuel Adamson en 2009 et celle de Richard Greenberg en 2013, ainsi qu’un projet de sitcom avorté en 1969. Initialement, Capote souhaitait Marilyn Monroe pour incarner Holly au cinéma, préférence qui souligne sa vision du personnage comme une blonde plus proche du tempérament de Monroe que du raffinement d’Hepburn.

Aux éditions FOLIO ; 192 pages.


3. La traversée de l’été (roman, 2005)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans le New York d’après-guerre, Grady McNeil, une jeune femme de dix-sept ans issue de la haute société, refuse de partir en Europe avec ses parents pour l’été. Ce qui la retient ? Une passion naissante pour Clyde, un modeste gardien de parking de Broadway. Alors que la canicule écrase la ville, Grady s’installe seule dans le luxueux appartement familial qui surplombe Central Park.

Les deux amants que tout sépare – l’argent, la religion, le milieu social – se lancent dans une idylle brûlante. Grady, rebelle et anticonformiste, brave les interdits avec la fougue de sa jeunesse. Clyde, lui, dissimule sa vulnérabilité derrière une apparente nonchalance. Dans l’air moite de Manhattan, leur relation s’intensifie et prend un tour de plus en plus dangereux.

Autour du livre

L’histoire de « La traversée de l’été » débute en 1943 dans les bureaux du New Yorker, où le jeune Truman Capote, alors âgé de dix-neuf ans, pose les premières lignes de ce qui deviendra son premier roman. Le manuscrit, composé de quatre cahiers d’écolier annotés de soixante-deux pages supplémentaires, témoigne d’un travail minutieux à travers une écriture dense parsemée de corrections manuscrites.

La genèse de l’œuvre s’étend sur près d’une décennie, pendant laquelle Capote alterne entre périodes d’écriture intense et moments de doute. En 1949, lors d’un séjour en Afrique du Nord, il annonce avec optimisme à son éditeur avoir accompli les deux tiers du projet, promettant une finalisation pour la fin de l’année. Cette promesse ne sera jamais tenue. Robert Linscott, son éditeur chez Random House, émet des réserves sur le premier jet : bien qu’il reconnaisse la qualité du texte, il considère que celui-ci ne met pas suffisamment en valeur la « voix artistique distinctive » de Capote.

Les années passent et le manuscrit sombre dans l’oubli jusqu’en 2004, lorsqu’un hasard providentiel le fait ressurgir. Une vente aux enchères chez Sotheby’s révèle son existence, sauvé de la destruction par l’occupant d’un appartement de Brooklyn Heights où Capote avait vécu. Le texte trouve finalement sa place dans la collection permanente Truman Capote de la New York Public Library.

La publication posthume en 2005 met en lumière un New York d’après-guerre où les frontières sociales et religieuses demeurent rigides. À travers le parcours de Grady McNeil, jeune protestante de la haute société, et de Clyde Manzer, gardien de parking juif, se dessine une critique acerbe des préjugés sociaux de l’époque. La tension narrative monte crescendo jusqu’à son paroxysme dans une fin brutale sur le pont de Queensboro.

Le roman connaît une seconde vie en 2013 lorsque Scarlett Johansson annonce son intention d’en faire son premier long-métrage en tant que réalisatrice. La dramaturge Tristine Skyler est chargée d’adapter le texte pour l’écran, marquant ainsi l’entrée de cette œuvre de jeunesse dans le paysage culturel contemporain.

Ce qui frappe dans « La traversée de l’été », c’est sa dimension prémonitoire : les thèmes qui feront plus tard la renommée de Capote – l’aliénation sociale, les relations familiales complexes, la transgression des normes établies – s’y trouvent déjà en germe. Le texte porte les marques d’une écriture en formation qui, malgré son caractère inachevé, laisse transparaître la sensibilité aigüe de son auteur aux tensions sociales de son temps.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 160 pages.


4. Les domaines hantés (roman, 1948)

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Résumé

« Les domaines hantés » raconte l’histoire de Joel Harrison Knox, un garçon de douze ans qui n’a jamais connu son père. À la mort de sa mère, il reçoit une lettre de ce père absent qui le réclame à ses côtés. Joel quitte la Nouvelle-Orléans et part seul rejoindre le Landing, un manoir isolé dans les marais du Mississippi. À son arrivée, aucune trace de son père. Il découvre à la place une demeure délabrée où habitent sa belle-mère Amy, son cousin Randolph – un être tourmenté – et Missouri, une jeune servante noire. Chaque fois qu’il demande à voir son père, on lui répond « plus tard ».

Autour du livre

Premier roman publié par Truman Capote en 1948, « Les domaines hantés » s’inscrit dans la tradition du gothique sudiste américain tout en portant une forte dimension autobiographique, comme l’auteur le reconnaîtra lui-même en 1967 dans le magazine Harper’s. La conception de l’œuvre débute lors d’une promenade en forêt à Monroeville, Alabama – un moment d’inspiration qui pousse Capote à abandonner immédiatement son manuscrit « La traversée de l’été » pour se consacrer à ce nouveau projet. La rédaction s’étale sur deux ans, entre la Nouvelle-Orléans, la colonie d’artistes Yaddo à Saratoga Springs, et s’achève dans une maison louée à Nantucket.

Le livre suscite d’emblée l’attention : avant même sa publication, les droits cinématographiques sont acquis par la 20th Century Fox. Le magazine Life lui consacre un article important, plaçant Capote au même niveau que des écrivains établis comme Gore Vidal et Jean Stafford. La réception critique se révèle majoritairement positive, avec des comparaisons flatteuses à William Faulkner, Eudora Welty ou Carson McCullers. Somerset Maugham va jusqu’à qualifier Capote « d’espoir de la littérature moderne ».

Un élément marquant accompagne la sortie du livre : la photographie promotionnelle réalisée par Harold Halma, montrant Capote, alors âgé de 23 ans, dans une pose suggestive qui provoque la controverse. Cette image, loin d’être fortuite comme le prétendra l’écrivain, résulte d’une mise en scène délibérée qui contribue à forger sa personnalité publique.

Les thèmes centraux des « Domaines hantés » s’articulent autour de la quête d’un père – en l’occurrence « essentiellement imaginaire » selon les mots de Capote – et de l’acceptation de soi. L’œuvre se distingue dans la littérature gay de l’époque en évitant les conventions tragiques alors courantes (suicide, meurtre, folie ou mort accidentelle du protagoniste). Cette singularité lui vaut d’être classée en 26e position des 100 meilleurs romans gays et lesbiens par The Publishing Triangle en 1999.

Le succès commercial suit la réception critique : le livre reste neuf semaines sur la liste des best-sellers du New York Times, avec plus de 26 000 exemplaires vendus. Une adaptation cinématographique voit le jour en 1995 sous la direction de David Rocksavage, avec Lothaire Bluteau, David Speck et Anna Thomson dans les rôles principaux. Le film est présenté au Festival international du film des Hamptons avant sa sortie nationale en décembre 1997.

Aux éditions GALLIMARD ; 308 pages.


5. Cercueils sur mesure (nouvelle, 1980)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

En mars 1975, dans une petite ville de l’Ouest américain, une série de meurtres macabres secoue la population. Chaque victime reçoit par la poste un cercueil miniature décoré de sa photo, prélude glaçant à une mort violente qui survient quelques mois plus tard. Jack Pepper, agent du State Bureau of Investigation, mène l’enquête depuis cinq ans. Il est convaincu que Bob Quinn, un puissant propriétaire terrien, est l’auteur de ces crimes. Mais comment le prouver ?

Le narrateur, T. C. (Truman Capote lui-même), rejoint son ami Jack Pepper pour l’aider dans ses recherches. Les victimes ont toutes un point commun : elles ont voté en faveur d’un projet de dérivation de la Rivière Bleue qui traverse le ranch de Bob Quinn. Un jour, Addie Mason, l’amante de Jack Pepper, reçoit à son tour un sinistre cercueil…

Autour du livre

Extrait du recueil « Musique pour caméléons » paru en 1980, « Cercueils sur mesure » s’inscrit dans la veine des récits du genre « true crime » qui ont fait la renommée de Truman Capote. Le texte se présente sous une forme hybride qui mêle plusieurs genres : dialogues théâtraux, notes personnelles du narrateur et récit journalistique. Cette construction atypique permet de suivre l’enquête à travers les échanges entre T.C. (les initiales de l’auteur) et Jake Pepper, agent du State Bureau of Investigation.

La narration se déroule entre 1975 et 1979 dans une petite ville de l’Ouest américain, où le lecteur découvre une série de meurtres dont le mode opératoire singulier tient à l’envoi préalable aux victimes d’un cercueil miniature contenant leur photographie. L’obsession grandissante de Jake Pepper pour Bob Quinn, principal suspect qu’il ne parvient pas à confondre, constitue le véritable cœur du récit. La tension monte crescendo tandis que le détective s’enfonce dans une quête obsessionnelle de la vérité, notamment après qu’Addie, sa fiancée, reçoit elle aussi un funeste présage.

La puissance du texte réside dans son ambiguïté savamment entretenue. Si tout semble accuser Quinn, riche propriétaire terrien contrarié par une décision municipale concernant la Rivière Bleue qui traverse son ranch, aucune preuve tangible ne vient étayer les soupçons de Pepper. Plus troublant encore, T.C. développe une forme de connivence avec le suspect, laissant planer le doute sur sa propre objectivité de narrateur. Cette ambivalence culmine dans une fin ouverte qui refuse de trancher entre la culpabilité de Quinn et l’acharnement potentiellement aveugle de Pepper.

En concentrant son propos sur cent vingt pages incisives, Capote livre une réflexion sur la possibilité du crime parfait et sur la façon dont les relations d’influence dans une petite ville peuvent étouffer la vérité. Il interroge également la nature même du mal et la fascination qu’il peut exercer, y compris sur ceux chargés de le traquer.

Aux éditions FOLIO ; 128 pages.


6. Un été indien (nouvelle, 1986)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Dans les années 1930, sur les contreforts des Alleghanys en Virginie-Occidentale, le jeune Bobby vit une existence paisible dans la ferme familiale aux côtés de ses parents et de ses grands-parents. Cette vie simple mais heureuse va basculer le jour où son père décide de déménager pour lui offrir une meilleure éducation.

Pour Bobby, ce départ signifie l’abandon brutal de tout ce qui constituait son univers : la maison transmise de génération en génération, les champs où il aimait se promener, la rivière où il pêchait. Mais surtout, il doit dire adieu à ses grands-parents qu’il chérit profondément. Son grand-père, figure centrale de son enfance, lui promet alors de lui révéler un secret lors de son retour.

Autour du livre

Cette nouvelle de jeunesse de Truman Capote, rédigée à l’âge de 22 ans et offerte initialement à sa tante en 1947, ne sera publiée qu’après sa disparition, d’abord dans le magazine Redbook en décembre 1986. L’édition originale se distingue par ses pages surdimensionnées et ses dix illustrations en couleur réalisées par Barry Moser sur papier photographique glacé, chacune d’entre elles étant détachable.

La narration à hauteur d’enfant dévoile les mécanismes complexes qui président à la fin de l’innocence. Capote y met en scène le sacrifice d’un héritage ancestral – la ferme familiale transmise de génération en génération – sur l’autel du progrès social et de l’éducation. Cette rupture avec le passé s’incarne dans la figure du père qui, conscient que « c’est d’être ignorant qui m’a ôté ma liberté », impose ce déracinement pour offrir à son fils la possibilité d’étudier.

La dimension symbolique des saisons accompagne la trajectoire émotionnelle du récit : l’été indien aux couleurs flamboyantes – « les feuilles d’un vert sans éclat se mettaient à flamber dans des tons orangés, rouges, jaunes et cramoisis » – cède progressivement la place à la neige, métaphore de la solitude et du deuil qui s’installe. Cette opposition chromatique souligne la transformation irrémédiable d’un monde rural en déclin face à l’inexorable marche de la modernité.

Le texte se construit autour d’un secret jamais révélé entre le grand-père et son petit-fils, créant une tension narrative qui traverse l’ensemble de la nouvelle. Les lettres maladroites échangées entre l’enfant et son aïeul constituent le dernier fil ténu qui relie ces deux mondes désormais séparés, avant que le temps ne dissolve progressivement ce lien dans le silence des années.

Cette nouvelle d’une cinquantaine de pages cristallise ainsi les thématiques qui hanteront l’ensemble de la bibliographie de Capote : la solitude, l’abandon, la nostalgie d’une Amérique rurale en voie de disparition, la persistance des blessures de l’enfance dans la construction de l’identité.

Aux éditions RIVAGES ; 64 pages.

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