Thomas Hobbes (1588-1679) est un philosophe anglais majeur dont l’œuvre a profondément influencé la philosophie politique moderne. Né à Westport dans le Wiltshire, il montre très tôt des capacités intellectuelles remarquables, maîtrisant le latin et le grec dès l’âge de six ans. Il étudie à l’université d’Oxford avant de devenir précepteur dans la famille Cavendish, ce qui lui permet de voyager à travers l’Europe et de rencontrer des intellectuels importants comme Galilée et Mersenne.
La période troublée de la guerre civile anglaise marque profondément sa pensée. Partisan du roi, il s’exile à Paris de 1640 à 1651, où il écrit son œuvre majeure, « Léviathan » (1651). Il y développe sa théorie du contrat social et de la souveraineté, arguant que les hommes doivent renoncer à leurs droits naturels au profit d’un pouvoir souverain fort pour éviter le chaos de « l’état de nature » où règne « la guerre de tous contre tous ».
De retour en Angleterre après la guerre civile, il continue à écrire et à débattre, s’attirant de nombreuses controverses, notamment avec Descartes sur des questions philosophiques et avec l’Église sur des questions religieuses. Malgré ces controverses, il bénéficie de la protection de Charles II et continue son travail intellectuel jusqu’à sa mort en 1679 à Hardwick Hall.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Léviathan (1651)
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« Léviathan », œuvre phare de Thomas Hobbes parue en 1651, pose les bases d’une nouvelle conception de l’État et du pouvoir politique. Dans une Angleterre déchirée par la guerre civile, Hobbes élabore une théorie qui fait table rase des conceptions traditionnelles du pouvoir d’origine divine. Sa thèse centrale : les hommes, naturellement égoïstes et violents, ne peuvent échapper au chaos qu’en se soumettant volontairement à un pouvoir absolu.
Hobbes y démonte méthodiquement les mécanismes de la nature humaine : désirs insatiables, peur de la mort violente, quête perpétuelle de puissance. Sans l’État, affirme Hobbes, les hommes sont condamnés à une guerre perpétuelle qui rend impossible toute civilisation, tout progrès, toute sécurité. La solution ? Un pacte entre les citoyens qui transfèrent tous leurs droits à un souverain omnipotent, seul capable de maintenir la paix par la crainte qu’il inspire. Peu importe que ce pouvoir prenne la forme d’une monarchie, d’une aristocratie ou d’une démocratie, l’essentiel est qu’il soit absolu et indivisible.
Ce « dieu mortel », le Léviathan, doit disposer d’un pouvoir sans partage sur tous les aspects de la vie sociale, y compris la religion. Hobbes rejette ainsi l’idée d’un pouvoir spirituel indépendant du pouvoir temporel, position qui lui vaudra de violentes accusations d’athéisme.
Dès sa parution à Londres, « Léviathan » déclenche une tempête intellectuelle. L’ouvrage vaut à Hobbes d’être surnommé « la bête de Malmesbury » et d’être accusé d’athéisme. En 1683, l’université d’Oxford fait même brûler publiquement le livre. Cette hostilité s’explique par la radicalité des thèses défendues : subordination du pouvoir religieux à l’autorité civile, vision matérialiste de l’homme, rejet des traditions philosophiques héritées d’Aristote.
Traduit en plusieurs langues, commenté par les plus grands penseurs de Spinoza à Rousseau, « Léviathan » n’a cessé depuis d’alimenter les débats sur la nature du pouvoir politique. En 2017, le Guardian l’a classé parmi les cent meilleurs livres de non-fiction en langue anglaise. Le cinéaste Andreï Zviaguintsev s’en est inspiré pour son film « Léviathan » (2014), qui le transpose dans la Russie contemporaine.
Aux éditions FOLIO ; 1024 pages.
2. Du citoyen (1642)
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Rédigé en 1641 et publié à Paris en 1642, « Du citoyen » (De Cive) constitue l’une des œuvres majeures de Thomas Hobbes. Ce traité philosophique, initialement écrit en latin, examine les fondements de la société civile et la nature du pouvoir politique. L’ouvrage se structure en trois parties : Libertas (la liberté), Imperium (l’Empire) et Religio (la religion).
La première partie dépeint l’homme dans son état naturel, avant toute organisation sociale. Hobbes y développe sa vision d’une humanité gouvernée par ses instincts et ses désirs, où chaque individu poursuit son propre intérêt. C’est dans ces pages qu’apparaît pour la première fois la célèbre formule « bellum omnium contra omnes » (la guerre de tous contre tous), qui deviendra l’une des pierres angulaires de sa pensée politique. La deuxième partie expose la nécessité d’établir un gouvernement stable pour sortir de cet état de nature chaotique. La troisième aborde le rôle de la religion dans l’organisation sociale et politique.
La genèse de « De Cive » (Du citoyen) mérite une attention particulière. L’ouvrage devait initialement conclure une trilogie philosophique, après « De Corpore » (Du corps) et « De Homine » (De l’homme). Les troubles politiques en Angleterre poussent cependant Hobbes à bouleverser cet ordre. Il rédige « De Cive » en premier, pressentant l’urgence d’exposer sa théorie politique alors que son pays se dirige vers la guerre civile.
Le rayonnement de l’œuvre s’étend rapidement à travers l’Europe. Traduit en français dès 1649 par Samuel Sorbière, puis en anglais en 1651 sous le titre « Philosophicall Rudiments Concerning Government and Society », le texte suscite de vifs débats. Les critiques amènent Hobbes à réviser son travail pour les éditions ultérieures, dans lesquelles il ajoute des notes répondant à ses détracteurs. Les idées développées dans « Du citoyen » préfigurent celles du « Léviathan », qui paraîtra en 1651 et deviendra son œuvre la plus connue.
Aux éditions FLAMMARION ; 512 pages.
3. Éléments du droit naturel et politique (1640)
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En 1640, alors que l’Angleterre s’enfonce dans une crise politique sans précédent, Thomas Hobbes rédige « Éléments du droit naturel et politique », première pierre d’un édifice théorique qui révolutionnera la pensée politique occidentale. Le manuscrit circule d’abord confidentiellement avant que son auteur ne quitte précipitamment l’Angleterre pour la France, pressentant les troubles à venir.
L’ambition est monumentale : construire une science politique aussi rigoureuse que la géométrie. Pour y parvenir, Hobbes part des fondements mêmes de l’expérience humaine – sensations, passions, raison – et remonte progressivement jusqu’aux principes qui doivent régir la vie en société. Sa démonstration culmine avec la théorie du contrat social : les hommes, naturellement enclins à s’entre-déchirer, ne peuvent survivre qu’en instituant un pouvoir souverain capable de les maintenir en paix.
Le texte ne sera publié qu’en 1650, scindé en deux parties distinctes, alors que la guerre civile fait rage. Cette première version des théories hobbesiennes se caractérise par sa concision et sa clarté, qualités qui s’estomperont parfois dans les œuvres ultérieures, notamment le monumental « Léviathan ».
L’importance historique de l’ouvrage dépasse largement son contexte immédiat. Premier traité systématique de philosophie politique en langue anglaise, il inaugure une nouvelle manière de penser le politique, débarrassée des références théologiques traditionnelles. La postérité retiendra particulièrement sa méthode déductive et sa conception résolument moderne de la souveraineté, qui influenceront durablement la théorie politique jusqu’à nos jours.
Aux éditions VRIN ; 256 pages.