Théophile Gautier naît le 30 août 1811 à Tarbes. À trois ans, sa famille s’installe à Paris où le jeune garçon montre rapidement des dispositions précoces pour la lecture. Après des études au collège Charlemagne, où il rencontre Gérard de Nerval, il se destine d’abord à la peinture avant de se tourner vers la littérature.
En 1829, sa rencontre avec Victor Hugo est déterminante : il participe avec ferveur à la bataille d’Hernani en 1830, arborant un gilet rouge qui marque les esprits. Il publie ses premiers poèmes, puis s’impose comme une figure majeure du romantisme avec la publication de « Mademoiselle de Maupin » en 1835.
Gautier devient rapidement un critique d’art et de théâtre influent, collaborant à de nombreux journaux. Ses voyages en Espagne, en Italie, en Grèce, en Turquie et en Russie nourrissent son œuvre littéraire. Sa passion pour le ballet le conduit à écrire le livret de « Giselle » en 1841 pour Carlotta Grisi, dont il tombe éperdument amoureux. Il entretient une relation avec la sœur de celle-ci, Ernesta, qui lui donne deux filles.
En 1852, la publication d’ « Émaux et Camées » confirme son statut de maître du Parnasse. Baudelaire lui dédie « Les Fleurs du mal », le qualifiant de « poète impeccable ». Malgré sa notoriété, il échoue à quatre reprises à l’Académie française. Son roman le plus célèbre, « Le Capitaine Fracasse », paraît en 1863.
Théophile Gautier meurt le 23 octobre 1872 à Neuilly-sur-Seine, laissant une œuvre diverse qui comprend des poèmes, des romans, des nouvelles fantastiques, des récits de voyage et de nombreuses critiques d’art. Son influence sur la littérature française du XIXe siècle est considérable, notamment par sa défense de l’art pour l’art et son travail sur la forme poétique.
Voici notre sélection de ses livres majeurs.
1. Le Capitaine Fracasse (roman, 1863)
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Résumé
Sous le règne de Louis XIII, entre 1637 et 1643, le baron de Sigognac mène une existence solitaire dans son manoir délabré des Landes. Dernier héritier d’une lignée prestigieuse, ce jeune noble désargenté n’a pour seule compagnie qu’un vieux serviteur, Pierre, un chat mutilé, Belzébuth, et un chien famélique, Miraut. Un soir d’hiver, le destin frappe à sa porte sous les traits d’une troupe de comédiens égarés à qui il offre l’hospitalité. Parmi eux se trouve la ravissante Isabelle, dont il tombe immédiatement amoureux.
Poussé par ses sentiments et l’espoir d’une vie meilleure, Sigognac décide de suivre la troupe jusqu’à Paris. Le destin le pousse à devenir acteur suite à la mort de l’un des comédiens dans une tempête de neige. Sous le masque du Capitaine Fracasse, il connaît le succès, mais s’attire aussi l’inimitié du duc de Vallombreuse, lui aussi épris d’Isabelle. Face aux refus de la jeune femme, le duc multiplie les tentatives pour éliminer Sigognac qu’il considère comme son rival. S’ensuivent duels, embuscades et enlèvements, jusqu’à ce qu’une révélation vienne tout bouleverser.
Autour du livre
Ce roman, paru d’abord en feuilleton dans La Revue nationale entre 1861 et 1863, fut le fruit d’une longue gestation. Gautier en avait annoncé l’écriture dès 1836, mais ne l’acheva que 27 ans plus tard, contraint par un contrat avec l’éditeur Charpentier. L’œuvre devait initialement se terminer de façon tragique, avec le suicide du héros dans la crypte familiale. Ce n’est que sur l’insistance de l’éditeur et les conseils de son épouse que Gautier opta pour une fin heureuse. Le succès fut tel que le roman connut de nombreuses adaptations, notamment une édition de luxe illustrée par Gustave Doré en 1866, et inspira plus d’une dizaine de films entre 1909 et 1990.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 537 pages.
2. Le Roman de la momie (roman, 1857)
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Résumé
En 1857, Théophile Gautier publie « Le Roman de la momie », qui débute par une découverte extraordinaire dans la Vallée des Rois. Un aristocrate anglais, Lord Evandale, et un égyptologue allemand, le docteur Rumphius, mettent au jour une tombe inviolée depuis plus de trois millénaires. Le sarcophage renferme, contre toute attente, non pas un pharaon mais la dépouille parfaitement préservée d’une femme d’une exceptionnelle beauté.
Un manuscrit ancien révèle alors l’histoire de cette mystérieuse défunte. Tahoser, fille du grand prêtre Pétamounoph, vit dans les fastes de Thèbes. Âgée de seize ans, elle repousse les avances du noble officier Ahmosis car elle s’est éprise de Poëri, un intendant juif. Pour se rapprocher de lui, elle abandonne son rang et sa demeure, se présente sous le nom d’Hora et sollicite l’hospitalité de celui qu’elle aime. Mais deux obstacles se dressent sur sa route : Rachel, la promise de Poëri, et le Pharaon lui-même qui, ébloui par sa beauté, ordonne qu’on la retrouve. Trahie par Thamar, la servante de Rachel, Tahoser est hélas contrainte de rejoindre le palais royal.
Le destin de la jeune femme se trouve alors mêlé aux événements de l’Exode. Tandis que Moïse exige la libération de son peuple, le Pharaon s’obstine, provoquant les dix plaies d’Égypte. Sa capitulation n’est que temporaire : parti à la poursuite des Hébreux, il périt avec son armée dans les flots de la mer Rouge. Tahoser accède brièvement au trône avant de s’éteindre peu après.
Autour du livre
Cette œuvre s’inscrit dans le sillage de l’égyptomanie qui déferle sur la France depuis l’expédition de Bonaparte. Gautier s’appuie sur les découvertes archéologiques récentes et les travaux de son ami Ernest Feydeau pour reconstituer le quotidien de l’Égypte ancienne. Le roman connaît plusieurs adaptations, notamment cinématographique en 1911 par Albert Capellani. La construction narrative originale, enchâssant le récit principal dans la découverte archéologique, offre une double lecture où l’amour transcende les millénaires, comme en témoigne la fin énigmatique où Lord Evandale, célibataire endurci, semble avoir succombé au charme de la belle momie.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 285 pages.
3. Mademoiselle de Maupin (roman, 1835)
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Résumé
Paris, 1835. Le jeune chevalier d’Albert se consume d’ennui dans une liaison sans relief avec la charmante Rosette. Hanté par la recherche d’une beauté parfaite qu’il ne trouve ni dans la statuaire antique ni chez les femmes de son temps, il voit son existence bouleversée par l’arrivée d’un séduisant cavalier du nom de Théodore de Sérannes. La troublante androgynie du nouveau venu éveille en lui des sentiments contradictoires, entre attirance inavouable et soupçon d’une féminité dissimulée.
Ce que d’Albert ignore encore, c’est que Théodore est en réalité Madeleine de Maupin, une aristocrate qui a choisi de se travestir pour étudier les hommes dans leur vérité nue. Sa quête lui révèle la vulgarité ordinaire de la gent masculine, tout en l’exposant à des situations périlleuses : elle doit notamment croiser le fer pour avoir refusé un mariage. L’intrigue culmine quand Madeleine/Théodore, après avoir suscité la passion tant de d’Albert que de Rosette, décide d’accorder une nuit d’amour à chacun avant de disparaître au petit matin.
Autour du livre
Premier grand succès de Théophile Gautier, ce roman épistolaire fit sensation autant pour son intrigue audacieuse que pour sa préface incendiaire. Cette dernière, en fustigeant les critiques moralisateurs et en proclamant l’inutilité essentielle de l’art, posa les jalons du mouvement de l’art pour l’art. « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. » Si le livre ne rencontra qu’un succès modeste à sa sortie, il devint une référence pour les générations suivantes d’écrivains, de Baudelaire aux décadents de la fin du siècle. Le roman fut adapté au cinéma en 1966 par Mauro Bolognini, avec Catherine Spaak dans le rôle-titre. Censuré aux États-Unis jusqu’en 1922 pour ses allusions homosexuelles, il attend 1997 pour être intégralement traduit en russe.
Aux éditions FOLIO ; 440 pages.
4. La Morte amoureuse (nouvelle, 1836)
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Résumé
Dans les premières pages de « La Morte amoureuse », le lecteur découvre Romuald, un prêtre âgé qui s’apprête à confesser l’événement le plus marquant de son existence. Son récit nous ramène au jour de son ordination, alors qu’il n’a que vingt-quatre ans et ignore tout du monde extérieur. En pleine cérémonie, une femme d’une beauté stupéfiante, Clarimonde, tente de le dissuader de prononcer ses vœux. Malgré son trouble intense, le jeune homme poursuit la cérémonie, mais ne peut oublier cette apparition.
Le récit prend un virage surnaturel lorsque Romuald, devenu prêtre de campagne, est appelé au chevet de cette même Clarimonde, présentée comme une célèbre courtisane. La trouvant morte, il ne résiste pas à l’envie de l’embrasser, geste qui la ramène brièvement à la vie. Dès lors commence pour lui une existence dédoublée : pasteur le jour dans sa modeste paroisse, il se métamorphose la nuit en aristocrate vénitien, amant passionné de Clarimonde. Un soir, il découvre que sa maîtresse le drogue pour se nourrir de son sang, révélant sa nature vampirique.
Autour du livre
Ce conte s’inscrit parmi les premiers récits vampiriques d’auteur, aux côtés du « Vampire » de Polidori et de « La femme vampire » d’Hoffmann. La mort de Cidalise, l’amante de Gautier, survenue l’année même de la publication, aurait significativement influencé l’écriture de cette nouvelle. Baudelaire lui-même la considérait comme le chef-d’œuvre de Gautier. Le récit a inspiré de nombreuses adaptations, dont un téléfilm de Peter Kassovitz en 1979 et un opéra composé par Frédéric Chaslin.
Aux éditions FOLIO ; 504 pages.
5. La cafetière (nouvelle, 1831)
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Résumé
Par une nuit pluvieuse des années 1830, Théodore arrive dans une demeure normande avec ses amis italiens. Épuisé par le voyage, il monte dans sa chambre, remarquant à peine la tabatière qui semble fraîchement utilisée dans cette pièce pourtant inoccupée depuis longtemps. Malgré la fatigue, le sommeil le fuit. Les yeux fixés sur la tapisserie murale, il observe les personnages éclairés par la lueur vacillante du feu.
Soudain, alors que minuit sonne, l’incroyable se produit : les figures peintes s’animent et sortent de leurs cadres. Une cafetière se déplace d’elle-même vers la cheminée, suivie par les fauteuils. Les portraits descendus de leurs cadres prennent place et dégustent du café. S’ensuit un bal où les couples tourbillonnent à un rythme effréné. C’est alors que Théodore aperçoit une jeune femme blonde aux yeux bleus, Angéla, qui reste à l’écart. Malgré un mystérieux avertissement – « Angéla, vous pouvez danser avec monsieur, si cela vous fait plaisir, mais vous savez ce qui en résultera » – ils valsent ensemble jusqu’à l’aube. Quand vient l’heure de se séparer, Angéla s’effondre, se brisant en mille morceaux : ce n’était que la cafetière.
Autour du livre
Cette nouvelle fantastique, parue en 1831 dans Le Cabinet de lecture sous le titre initial d’ « Angela », constitue l’un des premiers textes de Gautier. Elle préfigure les thèmes qui deviendront sa signature : l’irruption du surnaturel dans le quotidien et l’amour impossible entre un vivant et une morte. Gautier y joue adroitement avec l’ambiguïté entre rêve et réalité, laissant planer le doute jusqu’au dénouement tragique.
Aux éditions FOLIO ; 96 pages.