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Søren Kierkegaard en 4 livres majeurs – Notre sélection

Søren Aabye Kierkegaard (1813-1855) est un philosophe, théologien et écrivain danois, considéré comme le père de l’existentialisme chrétien. Il naît à Copenhague dans une famille aisée grâce à la fortune de son père Michael Pedersen Kierkegaard, et reçoit une éducation chrétienne stricte et austère.

Sa jeunesse est marquée par de nombreux drames familiaux : entre 1819 et 1834, il perd sa mère puis ses trois sœurs et deux de ses frères. Son père, qu’il respecte profondément, meurt en 1838, lui laissant un héritage confortable qui lui permet de se consacrer entièrement à l’écriture.

En 1840, il se fiance avec la jeune Regine Olsen mais rompt mystérieusement un an plus tard, une rupture qui le hantera toute sa vie. En 1841, il soutient sa thèse de doctorat sur « Le Concept d’ironie constamment rapporté à Socrate ».

Son œuvre prolifique, publiée en partie sous divers pseudonymes, évoque les questions fondamentales de l’existence humaine, la foi chrétienne et la subjectivité. Parmi ses œuvres majeures figurent « Ou bien… ou bien… » (1843), « Crainte et Tremblement » (1843) et « Traité du désespoir » (1849).

Dans ses dernières années, Kierkegaard mène une violente critique contre l’Église officielle danoise, qu’il accuse d’avoir dénaturé le véritable christianisme. Il meurt en 1855 à Copenhague, après s’être effondré dans la rue, alors qu’il prépare le dixième numéro de sa revue polémique « L’Instant ».

Sa pensée, qui met l’accent sur l’importance de l’expérience individuelle et de l’engagement personnel dans la foi, influence considérablement la philosophie, la théologie et la littérature du XXe siècle.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Traité du désespoir (1849)

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« Traité du désespoir », publié par Søren Kierkegaard en 1849, sonde les profondeurs de la condition humaine à travers le prisme du désespoir. Le philosophe danois y développe une thèse audacieuse : le désespoir n’affecte pas seulement quelques individus malheureux, mais constitue une maladie universelle de l’esprit, touchant même – et peut-être surtout – ceux qui pensent y échapper.

L’argumentation se déploie en deux mouvements. D’abord, une analyse du désespoir comme « maladie mortelle », qui ne tue pas mais condamne à une forme de mort-vivance spirituelle. Kierkegaard identifie trois manifestations : le désespoir inconscient, le refus d’être soi, et la volonté forcenée d’être soi. La seconde partie établit un lien entre le désespoir et le péché, ou comment le désespoir devient péché lorsqu’il se manifeste « devant Dieu ».

Ce traité s’inscrit dans un moment charnière de la pensée de Kierkegaard. Publié sous le pseudonyme d’Anti-Climacus, il marque l’aboutissement de sa réflexion sur l’existence individuelle et la foi chrétienne. L’œuvre a profondément influencé les philosophes existentialistes du XXe siècle, de Heidegger à Sartre, même si ces derniers ont sécularisé sa pensée. Son impact dépasse largement le cadre philosophique : le manga « Sickness Unto Death » s’en est inspiré, tout comme l’anime « Neon Genesis Evangelion » qui y fait explicitement référence.

Aux éditions FOLIO ; 251 pages.


2. Ou bien… ou bien… (1843)

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Publié en 1843 sous le pseudonyme de Victor Eremita, « Ou bien… ou bien… » s’ouvre sur une découverte insolite : celle de deux liasses de papiers dans un vieux secrétaire acheté chez un brocanteur. La première, signée « A », rassemble les écrits d’un esthète anonyme qui voue sa vie à la recherche du plaisir immédiat. À travers essais et aphorismes, ce personnage développe une philosophie centrée sur la jouissance et le refus de tout engagement durable. Son texte le plus marquant, « Le Journal du séducteur », met en scène Johannes, stratège machiavélique de la séduction qui manipule la jeune Cordélia jusqu’à obtenir la rupture de leurs fiançailles.

La seconde liasse contient les lettres d’un juge nommé Wilhelm (ou « B ») qui tente de convaincre l’esthète d’adopter une vie éthique fondée sur le devoir et l’engagement. Pour lui, le mariage représente l’accomplissement suprême de l’existence, permettant de concilier amour et responsabilité morale. Cette partie culmine avec « L’Ultimatum », une méditation religieuse sur la relation entre l’homme et Dieu.

L’originalité de l’œuvre réside dans sa construction en miroir qui oppose deux conceptions radicalement différentes de l’existence, sans jamais trancher définitivement en faveur de l’une ou de l’autre. Les circonstances de sa rédaction ajoutent une dimension autobiographique : Kierkegaard venait de rompre ses fiançailles avec Régine Olsen, et le personnage de Johannes semble inspiré de cette expérience douloureuse. Premier ouvrage majeur du philosophe danois, il pose les jalons de sa pensée sur les différents stades de l’existence (esthétique, éthique, religieux) et sa critique de la philosophie hégélienne. Sa traduction tardive en anglais, en 1944, n’a pas empêché son influence considérable sur la littérature et la philosophie, de Kafka à Sartre.

Aux éditions GALLIMARD ; 658 pages.


3. Crainte et Tremblement (1843)

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Publié en 1843 sous le pseudonyme de Johannes de Silentio, « Crainte et Tremblement » narre l’histoire biblique d’Abraham, sommé par Dieu de sacrifier son fils Isaac. Le récit suit le patriarche durant les trois jours et demi de son périple vers le mont Moriah, où il doit accomplir ce geste impensable. Abraham ne proteste pas, ne cherche pas à négocier – il obéit en silence. Pourtant, sa foi demeure inébranlable : il croit que son fils lui sera rendu, malgré l’absurdité apparente de la situation.

À travers cette méditation sur l’épisode biblique, Kierkegaard confronte deux dimensions qui semblent irréconciliables : l’éthique universelle qui condamne le meurtre, et la foi personnelle qui peut exiger des actes échappant à toute justification rationnelle. Abraham incarne ce paradoxe : aux yeux de la morale commune, il est un meurtrier ; dans la perspective de la foi, il est le « chevalier » qui transcende l’éthique par sa relation directe avec Dieu.

Le texte déploie cette réflexion en trois « problèmes » : la possibilité d’une suspension téléologique de l’éthique, l’existence d’un devoir absolu envers Dieu, et la légitimité du silence d’Abraham face à sa famille. Chaque question ouvre des perspectives vertigineuses sur la nature de la foi et ses rapports avec la morale.

L’œuvre marque une rupture avec la philosophie hégélienne dominante de l’époque, qui considérait la religion comme une étape vers la pensée philosophique. Des échos personnels résonnent dans ces pages : la rupture de Kierkegaard avec sa fiancée Régine Olsen transparaît dans les réflexions sur le silence et la résignation. Le livre, que son auteur considérait comme celui qui lui assurerait l’immortalité, continue d’interroger les fondements de la foi et de la morale, bien au-delà des cercles théologiques.

Aux éditions RIVAGES ; 237 pages.


4. Le Journal du séducteur (1843)

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Danemark, années 1840. Johannes, séducteur accompli, entreprend de conquérir le cœur de Cordélia, une jeune femme dont la naïveté l’attire. Son journal intime, retrouvé par un ami qui décide de le publier, dévoile sa stratégie minutieuse pour la faire tomber amoureuse. Chaque étape est calculée : d’abord les rencontres « fortuites », puis l’approche progressive à travers un jeu de lettres savamment orchestrées.

Johannes ne cherche pas la possession physique mais une forme de domination psychologique. Il veut amener Cordélia à s’abandonner totalement à lui, tout en conservant l’illusion de sa liberté. Le séducteur se pose en Pygmalion, prétendant élever sa proie vers un idéal féminin qu’il a lui-même façonné. Mais dès qu’il obtient ce qu’il désire – la reddition complète de Cordélia – il l’abandonne, selon un plan établi dès le début de sa conquête.

Le dénouement est révélé d’emblée : les lettres désespérées que Cordélia adresse à Johannes après leur rupture, lettres qu’il lui renvoie sans même les ouvrir, témoignent de sa cruauté calculée. Le séducteur poursuit déjà d’autres proies, laissant derrière lui une femme brisée qui a cru à ses promesses.

Publié en 1843 comme partie d’un ouvrage plus vaste intitulé « Ou bien… ou bien… », ce texte de Kierkegaard transcende le simple récit libertin pour incarner ce que le philosophe nomme le « stade esthétique » de l’existence. Johannes symbolise l’individu vivant dans l’instant, fuyant tout engagement durable, manipulateur virtuose capable de transformer sa vie en œuvre d’art – mais au prix d’un vide existentiel qui le condamne à recommencer sans cesse. Le texte prend une résonance particulière quand on sait que Kierkegaard venait de rompre brutalement avec sa fiancée Régine Olsen, dans des circonstances qui rappellent étrangement celles du roman. Cette dimension autobiographique voilée ajoute de l’épaisseur à ce qui reste l’une des analyses les plus pénétrantes des mécanismes de la séduction.

Aux éditions FOLIO ; 251 pages.

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