Pierre Corneille naît le 6 juin 1606 à Rouen, dans une famille de la bourgeoisie de robe. Après de brillantes études chez les Jésuites et un cursus de droit, il devient avocat en 1624. Peu à l’aise dans le métier de plaideur, il se tourne vers l’écriture théâtrale tout en conservant ses charges d’avocat du roi qui lui assurent des revenus réguliers.
Sa première pièce, « Mélite », créée en 1629, rencontre un vif succès. Il enchaîne alors plusieurs comédies avant de connaître la consécration avec « Le Cid » en 1637. Malgré la « querelle du Cid » qui éclate suite à ce triomphe, Corneille persévère et compose ses plus grandes tragédies : « Horace » (1640), « Cinna » (1641), « Polyeucte » (1641).
En 1641, il épouse Marie de Lampérière, qui lui donnera huit enfants. Les années 1640-1650 sont marquées par une série de chefs-d’œuvre comme « Rodogune » (1644) et « Héraclius » (1647). Après l’échec de « Pertharite » en 1652, il se retire temporairement du théâtre pour se consacrer à la traduction de « L’Imitation de Jésus-Christ ».
Il fait son retour en 1659 avec « Œdipe » et s’installe à Paris en 1662. Dans les années 1660-1670, il doit faire face à la concurrence du jeune Racine, mais continue à produire des pièces remarquables comme « Sertorius » (1662), « Sophonisbe » (1663) et son ultime tragédie « Suréna » (1674).
Membre de l’Académie française depuis 1647, Corneille passe ses dernières années à Paris, où il meurt le 1er octobre 1684. Il laisse une œuvre considérable de 32 pièces qui lui vaut le surnom de « Grand Corneille » et pose les fondements de la tragédie classique française.
Voici notre sélection de ses pièces de théâtre majeures.
1. Médée (1635)
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Résumé
Dans la Corinthe antique se noue un drame qui marquera durablement l’histoire du théâtre. Médée, magicienne qui a tout abandonné par amour pour Jason, découvre que celui-ci s’apprête à la répudier pour épouser Créuse, fille du roi Créon. Le souverain, soutenant cette union qui promet à Jason la succession au trône, ordonne l’exil immédiat de Médée. Cette dernière n’obtient qu’un jour de sursis, durant lequel elle subit une ultime humiliation : Créuse exige de Médée sa précieuse robe, dernier souvenir de sa terre natale de Colchide.
Médée orchestre alors une vengeance aussi méthodique qu’impitoyable. Après s’être assuré l’asile politique auprès d’Égée, roi d’Athènes, elle piège sa rivale en lui offrant la robe tant convoitée, préalablement enduite de poisons mortels. Le vêtement provoque une agonie terrible de Créuse, bientôt rejointe dans la mort par son père qui tentait de lui porter secours. Pour anéantir définitivement Jason, Médée commet l’irréparable en égorgeant ses propres enfants. La pièce s’achève sur son départ triomphal dans un char tiré par des dragons, tandis que Jason, anéanti, met fin à ses jours.
Autour de la pièce
Cette première tragédie de Corneille marque une étape dans l’évolution du théâtre français, à mi-chemin entre baroque et classicisme. Les éléments spectaculaires – pouvoirs magiques, meurtres sur scène, deus ex machina final – côtoient une construction dramatique respectueuse des unités de temps et d’action. La réception mitigée de l’œuvre s’explique en partie par le contexte : Corneille venait d’être exclu du groupe des « cinq auteurs » patronné par Richelieu, s’attirant ainsi l’hostilité du puissant cardinal.
La pièce se démarque de ses modèles antiques, Euripide et Sénèque, par l’ajout de personnages qui tempèrent la culpabilité de Médée. La dimension psychologique gagne en intensité, notamment à travers le triangle amoureux formé par Égée, Jason et Créuse. Le fait de situer l’infanticide hors scène, conformément aux bonnes mœurs naissantes, témoigne d’une modernisation du mythe qui marque le début de la grande période du théâtre classique français.
Aux éditions FLAMMARION ; 192 pages.
2. L’Illusion comique (1636)
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Résumé
« L’Illusion comique », écrite par Pierre Corneille en 1635 et créée au théâtre du Marais en 1636, débute dans une grotte en Touraine, où Pridamant, rongé par le remords d’avoir chassé son fils dix ans plus tôt, sollicite l’aide d’un magicien du nom d’Alcandre. Ce dernier lui dévoile, grâce à ses pouvoirs, le destin de son fils Clindor, qui s’est établi à Bordeaux au service d’un capitaine gascon, Matamore, personnage aussi fanfaron que lâche.
Dans cette vision magique se déroule une intrigue amoureuse : Clindor aime Isabelle, mais doit affronter la rivalité d’Adraste, soutenu par le père de la jeune femme. Le drame éclate lorsque Clindor tue Adraste en duel. Emprisonné et condamné à mort, il n’échappe à son funeste sort que grâce à l’intervention d’Isabelle et de sa servante Lyse, qui organise son évasion.
Deux ans plus tard, une scène troublante se joue. Clindor, devenu apparemment l’époux d’Isabelle, la trahit pour une autre femme : la princesse Rosine. La situation tourne au drame quand les hommes du prince Florilame assassinent Clindor et Rosine. Au moment où Pridamant sombre dans le désespoir, Alcandre lui révèle que son fils est bien vivant : toute la scène n’était qu’une représentation théâtrale, Clindor étant devenu comédien.
Autour de la pièce
L’innovation majeure de cette œuvre tient à sa structure vertigineuse : le public assiste simultanément à trois spectacles – celui de Pridamant observant son fils, celui des aventures de Clindor, et enfin la tragédie finale jouée par les personnages devenus acteurs. Cette construction en poupées russes permet à Corneille, alors âgé de 29 ans, de marier les genres théâtraux de son époque : la pastorale dans le premier acte, la comédie baroque avec le personnage de Matamore, et la tragédie dans le dénouement.
La pièce transcende les conventions de son temps en brouillant délibérément les frontières entre illusion et réalité. Son rayonnement perdure, comme en témoignent ses multiples adaptations, notamment celle de Tony Kushner pour la scène anglophone et la relecture contemporaine de Mathieu Amalric pour la télévision française en 2010, où la grotte du magicien devient un club de nuit et Matamore se métamorphose en concepteur de jeux vidéo.
Aux éditions FOLIO ; 240 pages.
3. Le Cid (1637)
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Résumé
Dans l’Espagne du XIe siècle, à Séville, deux nobles familles s’apprêtent à unir leurs enfants. Don Rodrigue et Chimène s’aiment d’un amour partagé, avec la bénédiction de leurs pères respectifs, Don Diègue et Don Gomès. Mais le destin s’en mêle : le roi choisit Don Diègue comme précepteur du prince, provoquant la jalousie de Don Gomès qui, dans un moment de colère, gifle son rival. Trop âgé pour se battre, Don Diègue demande à son fils de laver cet affront. Rodrigue se retrouve alors face à un dilemme déchirant : venger l’honneur de son père en tuant celui de sa bien-aimée, ou préserver son amour au prix du déshonneur familial.
Après avoir choisi l’honneur et tué Don Gomès en duel, Rodrigue affronte les conséquences de son acte. Chimène, bien qu’encore éprise de lui, réclame justice auprès du roi. Le sort offre alors à Rodrigue l’occasion de se racheter : une attaque des Maures menace le royaume. Par ses exploits guerriers, il gagne le surnom de « Cid » et devient un héros national. Mais Chimène persiste dans sa quête de vengeance et obtient du roi l’organisation d’un duel entre Rodrigue et Don Sanche, un autre prétendant, avec la promesse d’épouser le vainqueur.
Autour de la pièce
Cette tragédie cornélienne, créée en 1637, déclencha une célèbre querelle littéraire, « la Querelle du Cid ». Ses détracteurs, notamment l’Académie française sous l’impulsion du Cardinal de Richelieu, lui reprochèrent de transgresser les règles classiques du théâtre et de présenter une héroïne aux mœurs douteuses – Chimène acceptant d’épouser le meurtrier de son père. Malgré ces critiques, la pièce rencontra un succès populaire retentissant, immortalisé par les vers de Boileau : « En vain contre Le Cid un ministre se ligue / Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue ». L’œuvre a depuis inspiré de nombreuses adaptations, dont vingt-six opéras, parmi lesquels celui de Jules Massenet en 1885.
Aux éditions LIBRIO ; 128 pages.
4. Horace (1640)
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Résumé
Dans les premières années de Rome, deux familles nobles s’unissent par des liens matrimoniaux : les Horaces de Rome et les Curiaces d’Albe. Le jeune Horace a épousé Sabine, une Albaine, tandis que sa sœur Camille est promise à Curiace, le frère de Sabine. L’harmonie vole en éclats lorsque la guerre éclate entre les deux cités. Pour éviter un bain de sang, chaque ville désigne trois champions qui s’affronteront en combat singulier. Le sort désigne les trois frères Horace pour Rome et les trois frères Curiace pour Albe.
Horace embrasse son devoir patriotique avec ferveur, tandis que Curiace, déchiré, déplore ce destin cruel qui l’oppose à son ami et beau-frère. Le combat tourne d’abord au désavantage de Rome : deux des Horaces périssent rapidement. Le dernier survivant, simulant la fuite pour diviser ses adversaires déjà blessés, parvient à les éliminer un à un, offrant la victoire à sa patrie. De retour triomphant, il tue sa propre sœur Camille qui, folle de douleur, maudit sa victoire et Rome.
Autour de la pièce
Cette tragédie, créée en 1640, s’inspire d’un épisode relaté par Tite-Live dans son « Histoire romaine ». Dédiée au cardinal de Richelieu, elle constitue la réponse de Corneille aux détracteurs du « Cid ». Elle met en scène un héros plus audacieux encore que Rodrigue, prêt à sacrifier famille et amitié sur l’autel du devoir civique. Elle a suscité plusieurs adaptations musicales, dont les opéras remarqués de Salieri et Cimarosa.
La pièce dissimule une énigme qui alimente les débats : un acrostiche formant les mots « SALE CUL » se cache dans sept vers de l’acte II, soulevant la question d’une possible malice de l’auteur. Ce mystère, relevé pour la première fois par Hubert Gignoux en 1962, continue d’intriguer les spécialistes. La probabilité d’apparition fortuite serait d’une sur 1045 milliards selon Bernard Pivot.
Aux éditions FLAMMARION ; 224 pages.
5. Cinna (1641)
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Résumé
En 41 après J.-C., Rome vit sous le règne d’Auguste depuis deux décennies. L’empereur, qui s’est emparé du pouvoir par la force quand il n’était encore qu’Octave, traîne derrière lui un passé sanglant. Parmi ses victimes se trouve Toranius, dont la fille Émilie n’a jamais pardonné l’exécution malgré la protection que lui accorde désormais Auguste. Consumée par la soif de vengeance, elle fait promettre à son amant Cinna de tuer l’empereur en échange de sa main. Ce dernier, descendant de Pompée, prépare alors minutieusement un attentat avec la complicité de Maxime.
L’intrigue prend un virage quand Auguste, accablé par le poids du pouvoir, sollicite l’avis de ces deux proches conseillers sur son éventuelle abdication. Si Maxime l’encourage à renoncer au trône, Cinna le convainc de rester – stratagème qui masque ses intentions meurtrières. Touché par leur loyauté apparente, Auguste les couvre de faveurs et consent au mariage de Cinna avec Émilie. Ces marques de confiance sèment le trouble dans l’esprit du conspirateur, partagé entre son serment amoureux et ses remords naissants. C’est alors qu’Euphorbe, l’affranchi de Maxime, révèle tout à l’empereur. Au terme d’une confrontation où chacun des conjurés assume sa responsabilité, Auguste opte pour le pardon plutôt que la vengeance.
Autour de la pièce
Cette tragédie, créée en 1641 au Théâtre du Marais, s’inscrit dans le contexte politique tendu de la fin du règne de Louis XIII. À travers le geste magnanime d’Auguste, Corneille livre une réflexion sur l’exercice du pouvoir absolu et les moyens de mettre fin au cycle de la violence. La pièce – qui puise son inspiration dans le « De Clementia » de Sénèque – rencontra un succès considérable, avec pas moins de 27 représentations sous Louis XIV. Elle fut même jouée devant Napoléon en 1806 à Saint-Cloud et en 1808 à Erfurt, signe de sa portée politique durable. Le jeune Molière l’intégra à son répertoire dès 1659, en la faisant suivre des « Précieuses ridicules » – pièce qui lança sa carrière d’auteur dramatique.
Aux éditions FOLIO ; 192 pages.
6. Polyeucte (1641)
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Résumé
Dans l’Arménie du IIIe siècle, sous l’occupation romaine, le noble Polyeucte vit un bouleversement spirituel qui changera le destin de son entourage. Récemment marié à Pauline, la fille du gouverneur Félix, il se convertit secrètement au christianisme sous l’influence de son ami Néarque, bravant ainsi les lois impériales qui persécutent cette religion. Cette conversion survient alors même que Sévère, ancien prétendant de Pauline et désormais favori de l’empereur, fait son retour triomphal dans la ville.
La situation se complique lorsque Polyeucte, animé d’une ferveur nouvelle, profane publiquement les idoles païennes lors d’une cérémonie officielle. Félix, contraint par sa fonction de gouverneur, fait arrêter son gendre et exécuter Néarque, espérant que cet exemple ramènera Polyeucte à la raison. Pauline, déchirée entre son amour pour son époux et son devoir filial, tente désespérément de le convaincre d’abjurer sa foi. Polyeucte reste inflexible et, dans un geste d’abnégation ultime, confie même son épouse à Sévère avant d’accepter le martyre.
Autour de la pièce
Créée en 1641 au théâtre du Marais, cette tragédie est l’une des dernières pièces classiques à thème religieux du Grand Siècle. Elle transcende les conventions théâtrales de son époque en conjuguant intrigue politique, passion amoureuse et quête spirituelle. La dimension musicale de la pièce s’est révélée particulièrement féconde : Marc-Antoine Charpentier composa un ballet pour sa représentation en latin au collège d’Harcourt en 1680, tandis que Paul Dukas créa une ouverture en 1892. Plus récemment, en 2011, le compositeur polonais Zygmunt Krauze en propose une relecture dans son opéra « Polieukt », où il réinvente la relation entre Polyeucte et Néarque.
Aux éditions FOLIO ; 202 pages.
7. Le Menteur (1644)
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Résumé
En 1644, le jeune Dorante quitte Poitiers et ses études de droit pour découvrir Paris. À peine arrivé, il croise aux Tuileries deux ravissantes Parisiennes, Clarice et Lucrèce. Immédiatement épris de la première qu’il confond avec la seconde, il se lance dans une parade amoureuse teintée d’affabulations : ancien militaire couvert de gloire en Allemagne, il aurait secrètement soupiré pour elle depuis des années. Ce premier mensonge en entraîne une multitude d’autres, prélude à un tourbillon de quiproquos.
L’histoire se complique lorsque son père Géronte lui présente son projet de le marier à une jeune fille – qui n’est autre que Clarice. Pour échapper à cette union qui contrarierait ses plans, Dorante prétend avoir déjà épousé à Poitiers une certaine Orphise. Entre-temps, ses vantardises sur une prétendue fête nocturne sur la Seine éveillent la jalousie d’Alcippe, son ami d’enfance secrètement fiancé à Clarice. Les mensonges s’enchevêtrent jusqu’à ce que la vérité éclate, menant à un dénouement inattendu où chacun trouve finalement sa place.
Autour de la pièce
Cette comédie en cinq actes, librement inspirée de « La verdad sospechosa » de l’auteur espagnol Juan Ruiz de Alarcón, rencontra un triomphe éclatant lors de sa création au Théâtre du Marais. Le comédien Jodelet s’y illustra particulièrement dans le rôle de Cliton, le valet de Dorante. Son succès poussa Corneille à écrire une suite dès l’année suivante, bien que celle-ci ne connût pas la même fortune.
La transposition de l’intrigue dans le cadre parisien s’accompagne d’une transformation significative du protagoniste : moins moralisatrice que la version espagnole, la pièce fait du mensonge un art de vivre plutôt qu’un vice à condamner. Cette légèreté nouvelle, conjuguée au respect scrupuleux des unités classiques – l’action est resserrée dans l’espace (entre les Tuileries et la Place Royale) et le temps (24 heures) -, dessine les contours d’une comédie de caractère qui annonce, vingt ans à l’avance, les chefs-d’œuvre de Molière.
Aux éditions FLAMMARION ; 304 pages.
8. Rodogune (1644)
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Résumé
Dans la cité de Séleucie, en Syrie antique, la reine Cléopâtre doit désigner lequel de ses fils jumeaux, Séleucus ou Antiochus, héritera du trône. Cette décision déterminera également qui épousera la princesse parthe Rodogune. Les deux princes, unis par une profonde affection fraternelle, tombent éperdument amoureux de la jeune femme, chacun prêt à renoncer à la couronne pour s’attirer ses faveurs. Mais sous les apparences d’une simple succession dynastique se dissimule un nœud de passions mortifères.
Car Cléopâtre, dévorée par sa soif de pouvoir, a déjà fait assassiner son époux Nicanor, père des jumeaux, lorsque celui-ci projetait d’épouser Rodogune. La reine propose alors un pacte macabre à ses fils : la couronne appartiendra à celui qui tuera Rodogune. Le dilemme s’intensifie quand Rodogune, à son tour, promet sa main à celui qui vengera la mort de leur père en tuant Cléopâtre. Les deux frères se retrouvent alors déchirés entre leur devoir filial et leur amour, tandis que les deux femmes s’affrontent dans une lutte sans merci pour le pouvoir.
La pièce atteint son paroxysme lors d’une scène finale d’une rare intensité : après avoir poignardé Séleucus dans l’ombre, Cléopâtre tente d’empoisonner les futurs époux lors de leur cérémonie de mariage. Mais son stratagème échoue et, plutôt que d’abandonner son trône, elle boit elle-même le poison mortel, maudissant son fils et sa future bru jusqu’à son dernier souffle.
Autour de la pièce
Cette tragédie, créée en 1644 à l’Hôtel de Bourgogne, innove en s’éloignant des sujets romains traditionnels pour puiser dans l’histoire orientale, tout en conservant la puissance dramatique caractéristique de Corneille. Le personnage de Cléopâtre incarne une figure démoniaque d’une ampleur inédite, dont la volonté de puissance transcende même l’instinct maternel. La pièce connut un retentissement considérable, s’imposant comme l’une des œuvres les plus représentées du répertoire cornélien à la Comédie-Française, avec plus de 400 représentations au fil des siècles.
Aux éditions FOLIO ; 224 pages.
9. Nicomède (1651)
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Résumé
Dans la Bithynie antique, le roi Prusias règne sous l’influence grandissante de Rome et de sa seconde épouse, l’ambitieuse Arsinoé. Son fils aîné Nicomède, héritier du trône et disciple d’Hannibal, revient victorieux de ses conquêtes en Cappadoce. Il découvre que sa belle-mère complote pour écarter sa succession au profit de son demi-frère Attale, élevé à Rome et récemment rentré au royaume. L’enjeu dynastique se double d’une rivalité amoureuse : les deux princes convoitent Laodice, jeune reine d’Arménie placée sous la tutelle de Prusias.
Les manœuvres d’Arsinoé s’intensifient. Après une tentative d’assassinat manquée contre Nicomède, elle obtient son éloignement en le livrant comme otage aux Romains. Le peuple se soulève alors pour réclamer son prince. Un mystérieux sauveur libère Nicomède de sa captivité, provoquant la fuite de Prusias et de l’ambassadeur romain Flaminius. Le libérateur s’avère être Attale lui-même, qui privilégie l’honneur aux intrigues de cour. Dans un geste magnanime, Nicomède pardonne à ses opposants et rétablit son père sur le trône, tout en affirmant son indépendance face à Rome.
Autour de la pièce
Présentée en 1651 sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne, cette œuvre trouve un écho saisissant dans le contexte de la Fronde. Le parallèle entre Nicomède et le prince de Condé, alors en conflit avec le pouvoir royal, n’échappe pas aux spectateurs. Corneille lui-même avoue sa prédilection pour cette pièce dans son « Examen » de 1660 : « Je ne veux point dissimuler que cette pièce est une de celles pour qui j’ai le plus d’amitié ».
Cette réflexion sur le pouvoir interroge les liens entre grandeur d’âme et nécessité politique. Si Corneille s’inspire d’un bref passage de l’historien Justin sur la politique romaine en Orient, il transforme profondément la matière historique. Le dramaturge invente notamment les personnages d’Arsinoé et de Laodice, ajoutant une dimension sentimentale à l’intrigue politique. Le dénouement, qui privilégie le pardon à la vengeance, bouscule les codes de la tragédie au point que certains critiques y voient davantage une comédie héroïque.
Aux éditions FOLIO ; 208 pages.