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Peter Robinson en 7 polars – Notre sélection

Peter Robinson en 7 polars – Notre sélection

Peter Robinson (1950-2022) est un écrivain canadien d’origine britannique, principalement connu pour ses romans policiers. Né à Castleford dans le Yorkshire de l’Ouest, il fait ses études à l’université de Leeds où il obtient une licence en lettres en 1974. La même année, il émigre au Canada où il poursuit son parcours universitaire sous la tutelle de Joyce Carol Oates à l’université de Windsor, obtenant une maîtrise en création littéraire en 1975, puis un doctorat à l’université d’York en 1983.

Sa carrière littéraire débute en 1979 avec un recueil de poésie, mais c’est en 1987 qu’il trouve sa voie avec la publication de « Gallows View », premier volet d’une série policière mettant en scène l’inspecteur Alan Banks. Ces romans, qui se déroulent dans la ville fictive d’Eastvale dans le Yorkshire, connaîtront un grand succès international et seront traduits en vingt langues. Son talent est récompensé par de nombreux prix, dont le grand prix de littérature policière en 2001 pour « Saison sèche ».

Tout en poursuivant sa carrière d’écrivain, Robinson enseigne dans plusieurs établissements de Toronto et à l’université de Windsor. Il partage sa vie entre Toronto, où il réside avec son épouse Sheila Halladay dans le quartier des Beaches, et le Yorkshire où il possède une résidence secondaire. Il s’éteint le 4 octobre 2022 à Toronto, à l’âge de 72 ans, laissant derrière lui une œuvre de plus de 25 romans.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Saison sèche (1999)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Années 1990. Un été caniculaire frappe le Yorkshire. Le lac artificiel de Thornfield s’assèche, révélant les ruines de Hobb’s End, un village submergé quarante ans plus tôt. Un adolescent y fait une macabre découverte : les ossements d’une main humaine dans une ancienne remise. L’inspecteur Alan Banks, en délicatesse avec sa hiérarchie depuis son divorce, hérite de cette enquête que tous jugent vouée à l’échec.

Secondé par le major Annie Cabbot, Banks remonte la piste jusqu’aux années 1940, quand Hobb’s End abritait une base de l’US Air Force. À travers le journal intime d’une romancière qui y vivait adolescente, l’histoire de Gloria, une jeune Londonienne réfugiée des bombardements, refait surface. Sa présence dans ce village rural, ses relations avec les soldats américains et sa liberté de ton avaient alors bousculé les conventions d’une Angleterre corsetée par la guerre.

L’enquête se déploie sur deux temporalités – les investigations de Banks dans le présent et le récit de la vie à Hobb’s End pendant la guerre – qui s’entremêlent habilement jusqu’à la résolution finale. Entre rationnement, couvre-feu, bals clandestins et amours interdites, le quotidien de l’époque se dessine page après page.

Autour du livre

Dixième opus de la série des enquêtes de l’inspecteur Banks publié en 1999, « Saison sèche » remporte l’Anthony Award, le Barry Award et le Grand Prix de Littérature Policière, tandis que Stephen King salue la série Banks comme « possiblement la meilleure série britannique depuis Patrick O’Brian ».

L’originalité du dispositif narratif se déploie à travers deux temporalités qui s’entrelacent. La première suit l’enquête contemporaine menée par Banks et sa nouvelle partenaire Annie Cabbot, tandis que la seconde nous transporte dans le Yorkshire des années 1940, au cœur d’un village marqué par la Seconde Guerre mondiale. Cette construction en diptyque permet à Robinson de livrer une chronique sociale de l’Angleterre rurale pendant le conflit, où les restrictions, le rationnement et le couvre-feu côtoient les bals avec les soldats américains.

Pour étoffer son récit historique, Robinson s’est livré à un travail de recherche sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Cette immersion l’a d’ailleurs conduit à écrire deux nouvelles situées dans le Yorkshire des années 1940 : « Missing in Action » et « In Flanders Fields », mettant en scène le personnage de Frank Bascombe, un policier spécial pendant la guerre. Une troisième nouvelle, « Cornelius Jubb », viendra compléter ce cycle, bien que des questions de droits d’auteur l’aient empêché d’utiliser le nom complet du personnage.

Le cadre géographique trouve son inspiration dans un lieu bien réel : le village englouti de West End, dont les ruines reposent sous le réservoir de Thruscross dans le Yorkshire. Robinson lui-même confirmera cette source d’inspiration lors d’un podcast pour Yorkshire Water en 2007. Cette assise dans le réel confère au récit une authenticité particulière, renforcée par la minutie avec laquelle l’auteur dépeint la vie quotidienne dans la campagne anglaise des années 1940.

« Saison sèche » se distingue également par l’introduction d’Annie Cabbot, personnage appelé à jouer un rôle majeur dans les volumes suivants. Sa relation naissante avec Banks, tous deux mis au ban de leur hiérarchie, ajoute une dimension émotionnelle qui transcende le simple cadre du polar procédural. Cette évolution de Banks, fraîchement divorcé après vingt ans de mariage, fait écho aux bouleversements plus larges qui traversent le récit.

Cette plongée dans l’histoire ne se fait jamais au détriment du suspense. Le roman maintient une tension constante entre passé et présent, entre vérités enfouies et révélations progressives. La résolution de l’énigme, qui prend son temps pour se dévoiler, débouche sur un dénouement aussi inattendu que troublant, où la justice ne triomphe que partiellement, laissant planer une ombre mélancolique sur l’ensemble du récit. Les critiques saluent unanimement ce roman comme un moment pivot dans la carrière de Robinson.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 544 pages.


2. L’été qui ne s’achève jamais (2003)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

L’inspecteur Alan Banks profite de vacances bien méritées en Grèce quand deux affaires le rappellent brutalement en Angleterre. Des ossements viennent d’être découverts sur un chantier : ceux de Graham Marshall, son ami d’enfance disparu mystérieusement en 1965 alors qu’ils n’avaient que 14 ans. Dans le même temps, à Eastvale où Banks officie habituellement, un adolescent s’évapore sans laisser de trace : Luke Armitage, fils d’une ex-mannequin et d’une star du rock qui s’est suicidée.

Banks se lance dans une double enquête qui le confronte à son passé. Il retourne dans sa ville natale de Peterborough pour aider l’inspectrice Michelle Hart à élucider la mort de Graham, tout en épaulant à distance son ex-compagne Annie Cabbot sur l’affaire Luke Armitage. Les deux disparitions, séparées par plus de trente ans, font remonter à la surface des secrets enfouis : réseaux de pornographie juvénile, violences policières, corruption généralisée.

Autour du livre

Treizième opus de la série mettant en scène l’inspecteur Alan Banks, « L’été qui ne s’achève jamais » se situe dans le Yorkshire de 2001, sur fond de crise de la fièvre aphteuse qui décime alors l’élevage britannique. La structure narrative joue sur deux temporalités à travers deux enquêtes parallèles concernant des adolescents assassinés.

L’originalité du roman réside dans sa capacité à transcender le simple cadre de l’enquête policière pour dresser un portrait sociologique de deux époques. Les années 1960 émergent à travers un prisme musical omniprésent – certains critiques pointent même un excès de références aux groupes et chansons de l’époque. Cette profusion musicale n’est pourtant pas gratuite : elle incarne la bande-son d’une génération en pleine mutation sociale et culturelle.

Michael Connelly souligne « l’empathie étonnante » de Robinson et « son oreille infaillible pour les dialogues ». Cette justesse se manifeste particulièrement dans le traitement des relations familiales. La confrontation de Banks avec ses parents, dépeints pour la première fois dans la série, éclaire les fêlures du personnage et son rapport complexe à l’autorité.

Le roman interroge notre capacité à véritablement connaître nos proches. Cette thématique traverse l’ensemble du récit, que ce soit à travers Graham Marshall, l’ami d’enfance dont Banks découvre la face cachée, ou Luke Armitage, l’adolescent contemporain dont les parents ignorent la vie secrète. Comme le note Tess Gerritsen, « Peter Robinson est un maître » dans l’art de révéler ces zones d’ombre.

La dimension psychologique s’enrichit d’une critique sociale acerbe. En filigrane transparaît une dénonciation des conséquences de l’ère Thatcher sur le tissu social britannique. Robinson esquisse également un tableau sans concession du milieu policier des années 1960, gangrené par la corruption et les protections occultes.

L’évolution des personnages récurrents de la série se poursuit. La relation entre Banks et Annie Cabbot continue de se développer, tandis qu’une nouvelle venue, l’inspectrice Michelle Hart, vient enrichir la dynamique des personnages. En dépit de quelques critiques sur la longueur du roman et l’abondance des références musicales, « L’été qui ne s’achève jamais » confirme la maîtrise de Robinson dans le polar psychologique.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 544 pages.


3. L’amie du diable (2007)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Deux femmes sont assassinées le même dimanche de mai dans le Yorkshire. À Eastvale, une étudiante est découverte sans vie dans un ancien entrepôt désaffecté après une soirée dans les pubs. Sur la côte, à Whitby, une femme paralysée est égorgée au bord d’une falaise. L’inspecteur Alan Banks et sa collègue Annie Cabbot mènent chacun leur enquête en parallèle.

La victime de Whitby s’avère être une figure tristement célèbre : surnommée « l’amie du diable », elle avait participé aux crimes d’un tueur en série quelques années plus tôt. Alors que Banks piétine dans son investigation du meurtre de l’étudiante, Cabbot doit rouvrir de vieux dossiers pour comprendre qui pouvait en vouloir à une femme tétraplégique. Les deux affaires, sans rapport apparent, commencent à révéler d’étranges connexions avec des meurtres non résolus.

Autour du livre

Dix-septième volet des enquêtes de l’inspecteur Banks, « L’amie du diable » entrecroise deux investigations menées en parallèle. D’un côté, Banks enquête sur le viol et le meurtre d’une jeune étudiante dans le quartier historique d’Eastvale. De l’autre, sa collègue Annie Cabbot se penche sur l’assassinat mystérieux d’une femme tétraplégique retrouvée égorgée au sommet d’une falaise. Cette construction en miroir permet à Robinson de déployer une mécanique narrative sophistiquée qui ne cesse de surprendre jusqu’au dénouement.

Les personnages principaux poursuivent leur évolution, Banks et Annie Cabbot traînant chacun leurs propres démons. Le lecteur découvre notamment Annie dans une situation délicate au réveil d’une soirée trop arrosée, entre les bras d’un homme qui pourrait être son fils.

La ville fictive d’Eastvale, proche de Leeds, constitue bien plus qu’un simple décor. Les pubs où coulent bière anglaise et whisky écossais, les ruelles tortueuses du quartier historique surnommé « The Maze », les falaises battues par les vents : tous ces éléments participent à créer ce que le Yorkshire Evening Post qualifie de « quintessence du polar anglais ».

La critique salue unanimement la capacité de Robinson à insuffler vie et consistance à ses personnages. Le Publishers Weekly souligne notamment que « le lecteur éprouve de l’empathie pour Banks et Cabbot, qui ne sont pas des héros parfaits ». Cette humanité se manifeste particulièrement dans la façon dont Banks mène ses enquêtes, faisant preuve de tolérance envers les marginaux tout en restant ferme face aux arrogants.

Le Monde met en exergue cette capacité de Robinson à transcender les clichés du genre : « L’art de créer une atmosphère, d’évoquer ces landes qu’affectionnaient les sœurs Brontë ou ce port de Whitby où le capitaine Cook tira ses premiers bords. » « L’amie du diable » se distingue ainsi comme un polar atmosphérique qui dépasse les conventions du genre pour proposer une réflexion sur la vengeance et les secrets enfouis. Le roman a fait l’objet d’une adaptation télévisée saluée par la critique, preuve supplémentaire de la force de son intrigue et de ses personnages.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 512 pages.


4. Noir comme neige (1991)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

À quelques jours de Noël, dans la petite ville d’Eastvale au Yorkshire, le corps de Caroline Hartley est découvert au pied de son sapin. La jeune femme gît nue, poignardée à plusieurs reprises, tandis qu’un disque de Vivaldi tourne en boucle sur le phonographe. C’est sa compagne, Veronica Shildon, qui fait cette macabre découverte en rentrant du travail.

L’inspecteur divisionnaire Alan Banks, secondé par le sergent Richmond et la détective Susan Gay, se lance dans l’enquête. Les soupçons se portent d’abord sur Veronica, puis sur son ex-mari, un compositeur de renom qui n’a jamais accepté leur séparation. Mais Caroline Hartley avait fait du secret son mode de vie : son passé trouble à Londres, ses années de prostitution, sa relation ambiguë avec son frère Gary… Autant de zones d’ombre que Banks devra éclaircir.

L’enquête se déploie dans plusieurs directions : le milieu du théâtre amateur où Caroline répétait une pièce de Shakespeare, son ancienne vie londonienne, son cercle familial… Chaque nouvelle piste révèle de nouveaux suspects, et chaque suspect semble avoir quelque chose à cacher.

Autour du livre

Cinquième volet des enquêtes de l’inspecteur Banks publié en 1991, « Noir comme neige » reçoit la consécration du prestigieux Arthur Ellis Award en 1992.

Le Yorkshire hivernal, avec ses paysages enneigés et son atmosphère de Noël, constitue le décor de cette nouvelle enquête. Robinson y dépeint une société en pleine mutation où les préjugés et les tabous sociaux persistent encore fortement au début des années 1990, particulièrement vis-à-vis de l’homosexualité. Cette dimension sociologique transparaît notamment à travers le traitement du couple formé par Caroline Hartley et Veronica Shildon, dont la relation suscite des réactions contrastées parmi les habitants d’Eastvale.

L’inspecteur Alan Banks, désormais âgé de 39 ans, poursuit son évolution. Sa relation avec sa femme Sandra et ses enfants s’inscrit dans une certaine stabilité, bien que son penchant pour l’alcool et le tabac demeure omniprésent. L’introduction du personnage de Susan Gay, nouvelle recrue de la brigade criminelle, apporte un regard neuf sur les méthodes d’investigation. Sa présence permet d’aborder sous un angle différent les évolutions de la police britannique, notamment concernant la place des femmes dans l’institution. Le New York Times salue particulièrement « la finesse et la subtilité des caractérisations » tandis que l’Independent on Sunday n’hésite pas à qualifier Banks de « nouveau prétendant au trône de la fiction policière ».

La critique unanime apprécie la construction méticuleuse de l’intrigue, même si certains lecteurs pointent la prévisibilité du dénouement. Le San Diego Union-Tribune souligne la capacité de Robinson à insuffler une fraîcheur contemporaine aux codes du polar classique. Le Globe and Mail met en avant ce « cadre yorkshirien en or » qui sert d’écrin à des « personnages intrigants ».

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 480 pages.


5. Face à la nuit (2012)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

L’inspecteur-chef Alan Banks fait face à une affaire délicate : le meurtre à l’arbalète de Bill Quinn, un officier médaillé, dans l’enceinte d’un centre de soins pour policiers. Banks se voit confier l’enquête, épaulé par Joanna Passero des Affaires Internes. Des photos compromettantes retrouvées près de la scène de crime montrent Quinn en compagnie d’une très jeune femme, laissant planer le doute sur son intégrité.

Rapidement, un second meurtre – celui d’un journaliste estonien – vient complexifier l’enquête. Banks décèle des similitudes avec un dossier non résolu qui hantait Quinn : la disparition d’une jeune Anglaise à Tallinn six ans plus tôt. Pendant que Banks et Passero s’envolent pour l’Estonie, Annie Cabbot, sa partenaire habituelle tout juste rétablie d’une blessure par balle, démantèle un réseau d’exploitation de migrants clandestins dans le Yorkshire.

Autour du livre

Vingtième opus des enquêtes de l’inspecteur Banks, « Face à la nuit » s’ancre dans des problématiques sociétales contemporaines en abordant le trafic d’êtres humains et l’exploitation des travailleurs migrants d’Europe de l’Est. L’atmosphère des différents lieux où se déroule l’action est particulièrement bien rendue, qu’il s’agisse des landes du Yorkshire, des quartiers ouvriers de Leeds ou des ruelles pavées de Tallinn. Robinson excelle dans la description de ces décors, notamment la capitale estonienne qui porte encore les stigmates de l’ère soviétique.

Le roman marque également un tournant dans la série avec l’introduction du personnage de Joanna Passero des Affaires Internes, qui vient bousculer la dynamique habituelle entre Banks et son équipe. La relation entre Banks et Passero se révèle particulièrement tendue, notamment lors de leur séjour en Estonie. Comme le souligne Karen Brooks dans sa critique, le comportement de Banks envers Passero peut surprendre les lecteurs habitués à son professionnalisme, même si cette tension pourrait s’expliquer par une attraction naissante.

Le retour d’Annie Cabbot après sa convalescence constitue un autre élément marquant du récit. Sa détermination à retrouver ses marques et à surmonter ses traumatismes offre une dimension psychologique supplémentaire à l’intrigue. Elle refuse les traitements de faveur et souhaite être considérée comme un membre à part entière de l’équipe.

La réception critique s’avère contrastée. Publishers Weekly note que « bien que n’atteignant pas le niveau des meilleurs romans de Robinson, cet opus mêle habilement enquête policière minutieuse et observations psychologiques perspicaces ». Kirkus Reviews se montre plus sévère, estimant que « l’histoire se déroule de manière réaliste mais sans grand intérêt, Banks étant le seul personnage véritablement mémorable ». Certains lecteurs reprochent un rythme parfois lent et une accumulation de détails qui alourdissent la narration. Les références musicales, marque de fabrique de la série, sont jugées trop nombreuses par certains critiques.

« Face à la nuit » a fait l’objet d’une adaptation dans le cadre de la série télévisée « DCI Banks » diffusée sur ITV1, avec Stephen Tompkinson et Andrea Lowe dans les rôles principaux.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 552 pages.


6. Moissons sanglantes (2014)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Un matin pluvieux dans le Yorkshire, l’inspecteur-chef Alan Banks revient de vacances en Italie pour se retrouver plongé dans une enquête qui démarre modestement : le vol d’un tracteur dernier cri chez un gentleman-farmer, ancien trader de la City reconverti dans l’agriculture. La nouvelle commissaire ayant fait de la délinquance rurale une priorité, il doit s’y atteler malgré sa réticence initiale.

L’affaire prend une tournure plus sombre quand un promeneur découvre une large flaque de sang dans un hangar désaffecté. Puis deux jeunes hommes du village disparaissent sans laisser de trace. La situation bascule définitivement dans l’horreur lorsqu’un camion transportant des carcasses d’animaux fait une sortie de route : parmi les cadavres destinés à l’équarrissage se trouve un corps humain atrocement mutilé.

Autour du livre

Vingt-deuxième opus des enquêtes de l’inspecteur Banks, « Moissons sanglantes » (2014) marque un virage dans la série en accordant une place prépondérante aux membres de l’équipe du commissariat d’Eastvale, reléguant presque le protagoniste principal au second plan. Les lecteurs retrouvent avec bonheur Annie Cabbot, désormais remise de ses blessures, et découvrent sous un nouveau jour Winsome Jackman, dont la personnalité se dévoile davantage au fil des pages.

Peter Robinson ancre son récit dans un Yorkshire rural confronté aux bouleversements économiques et sociaux contemporains. À travers la figure du gentleman-farmer Beddowes, ancien financier de la City reconverti dans l’agriculture, il dépeint les mutations d’un monde rural traditionnel bousculé par l’arrivée de néo-ruraux fortunés. Cette dimension sociologique s’inscrit dans une réflexion plus large sur la criminalité rurale, inspirée par un fait divers authentique : le vol de 1500 moutons en une nuit dans le Lincolnshire voisin.

L’originalité du roman réside dans son traitement des bas-fonds de l’industrie agroalimentaire. Les lecteurs sensibles sont prévenus : certains passages relatifs aux abattoirs, qu’ils soient légaux ou clandestins, s’avèrent particulièrement éprouvants. Louise Penny, autrice des enquêtes d’Armand Gamache, qualifie d’ailleurs le roman de « brillant », tandis que Michael Connelly loue le talent « stupéfiant » de Robinson.

La publication du livre aux États-Unis sous le titre « In the Dark Places » plutôt que « Abattoir Blues » témoigne des contraintes éditoriales auxquelles sont soumis les auteurs britanniques. Robinson confie sa frustration face à ce cinquième changement de titre imposé par son éditeur américain : « C’est comme rebaptiser l’enfant de quelqu’un », déplore-t-il. Cette anecdote illustre les différences culturelles persistantes entre les marchés du livre anglo-saxons.

La dimension musicale, marque de fabrique de la série, imprègne toujours le récit. Le titre original, « Abattoir Blues », fait référence à une chanson de Nick Cave, tandis qu’un critique y voit un clin d’œil à P.J. Harvey – ironie savoureuse puisque les deux artistes ont été en couple. Ces références musicales s’intègrent naturellement aux moments d’introspection de Banks, amateur d’opéra qu’on retrouve chez lui « installé devant un verre de vin, tout entier plongé dans l’écoute d’un disque de Janet Baker ».

Les critiques saluent unanimement la maîtrise de Robinson. Tess Gerritsen parle d’un roman « palpitant », tandis que Michael Connelly décrit Banks comme « un homme pour toutes les saisons ». Le Kirkus Review souligne néanmoins que cette enquête, « trop diffuse tant dans ses crimes que dans ses policiers », ne compte pas parmi les meilleures de la série. Cette réserve n’empêche pas le livre de figurer en tête des ventes au Royaume-Uni. Selon plusieurs critiques, le véritable tour de force de Robinson réside dans sa capacité à transformer un banal vol de tracteur en une enquête haletante aux ramifications complexes. Le rythme délibérément lent du début, qui déroute certains lecteurs, s’accélère progressivement pour culminer dans un final à couper le souffle dans les grottes de Swainsdale.

L’adaptation de la série en feuilleton télévisé par ITV, avec Stephen Tompkinson dans le rôle de Banks, confirme la popularité du personnage auprès du public britannique. Diffusée en France sur Arte, la série « DCI Banks » a contribué à faire connaître l’œuvre de Robinson au-delà du lectorat traditionnel du polar anglais.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 576 pages.


7. Ne jouez pas avec le feu (2004)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Par une glaciale matinée de janvier dans le Yorkshire, deux péniches désaffectées sont ravagées par les flammes. Dans les décombres, les enquêteurs découvrent deux corps : celui de Tom, un artiste solitaire à la carrière modeste, et celui de Tina, une jeune toxicomane de seize ans. Pour l’inspecteur principal Alan Banks et sa collègue Annie Cabbot, l’origine criminelle de l’incendie ne fait aucun doute.

L’enquête prend un nouveau tournant lorsqu’une caravane est incendiée quelques jours plus tard, avec à son bord le corps d’un ancien taulard. Les investigations révèlent des liens troublants entre les victimes : Tom et l’ex-prisonnier avaient tous deux laissé entendre qu’ils allaient bientôt toucher une importante somme d’argent. Une affaire de faux tableaux commence à se dessiner, tandis que le petit ami de Tina soupçonne son beau-père d’être impliqué dans sa mort.

Autour du livre

Quatorzième enquête de l’inspecteur Alan Banks, « Ne jouez pas avec le feu » paraît en 2004 et renforce une fois encore la place de Peter Robinson dans le polar britannique contemporain. Le Yorkshire, région natale de l’auteur désormais installé au Canada, sert de toile de fond à cette intrigue où les flammes dévorent non seulement les preuves mais aussi les apparences trompeuses.

Cette quatorzième aventure marque un tournant dans l’évolution psychologique du personnage principal. Banks, qui traverse une période personnelle complexe, se révèle plus sombre, plus tourmenté. Ses goûts éclectiques en matière musicale et son penchant pour les singles malts d’Islay deviennent presque obsessionnels, au point d’irriter certains lecteurs qui déplorent ces références constantes.

L’accueil critique s’avère globalement très positif. Si certains lecteurs perspicaces devinent l’identité du coupable assez tôt, la construction narrative et la montée en tension n’en demeurent pas moins efficaces. Le Times Literary Supplement salue particulièrement l’habileté de Robinson à tisser plusieurs fils narratifs : l’enquête criminelle, une possible arnaque à l’art et des secrets de famille particulièrement sombres. Andrew Taylor du Independent met en avant « l’injection bienvenue de réalisme dans l’enquête policière » qu’apporte Robinson. Le critique note que « le comté de Dieu a meilleur goût avec une touche d’amertume canadienne », faisant référence à la distance géographique de l’auteur avec son Yorkshire natal, qui lui permet peut-être un regard plus acéré.

Ce polar confirme la place de Peter Robinson parmi les maîtres du genre au Royaume-Uni, aux côtés d’Ian Rankin. Si « Ne jouez pas avec le feu » ne constitue peut-être pas le meilleur point d’entrée dans la série des enquêtes de Banks, il représente néanmoins une pièce importante dans l’évolution du personnage et démontre la capacité de Robinson à maintenir la qualité de sa série sur la durée.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 576 pages.

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