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Madame de La Fayette en 2 livres – Notre sélection

Marie-Magdëlaine Pioche de La Vergne naît en 1634 dans une famille de petite noblesse proche du cardinal de Richelieu. À quinze ans, elle perd son père. Sa mère se remarie un an plus tard avec un oncle du mari de Madame de Sévigné. La jeune fille reçoit une éducation littéraire raffinée auprès du grammairien Gilles Ménage, qui lui enseigne l’italien et le latin, et l’introduit dans les salons littéraires les plus en vue de l’époque.

À vingt-deux ans, elle épouse le comte François de La Fayette, un noble désargenté qui lui apporte son nom prestigieux. Après la naissance de leurs deux fils, le couple se distancie, et Marie-Madeleine partage sa vie entre Paris et l’Auvergne. Elle ouvre un salon littéraire qui connaît un grand succès et se lie d’amitié avec des personnalités importantes, notamment le duc de La Rochefoucauld et la duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre.

Sa carrière littéraire débute véritablement en 1662 avec « La Princesse de Montpensier », suivie de « Zaïde » en 1669. Son chef-d’œuvre, « La Princesse de Clèves », paraît anonymement en 1678 et rencontre un immense succès. Considéré comme l’un des premiers romans psychologiques modernes, elle n’en reconnaîtra jamais publiquement la maternité.

Après la mort de La Rochefoucauld en 1680 et celle de son mari en 1683, elle se retire progressivement de la vie mondaine. Elle meurt à Paris en 1693, laissant derrière elle plusieurs œuvres qui seront publiées à titre posthume.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. La Princesse de Clèves (roman, 1678)

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Résumé

1558. À la cour d’Henri II, Mademoiselle de Chartres, une jeune fille de seize ans d’une beauté exceptionnelle, fait son entrée dans le monde aristocratique. Sa mère, une veuve avisée, la guide avec rigueur dans cet univers de faux-semblants où « ce qui paraît n’est presque jamais la vérité ». Le Prince de Clèves s’éprend immédiatement de la jeune fille et la demande en mariage. Sur les conseils de sa mère, elle accepte cette union sans amour, mais fondée sur l’estime et le respect.

Peu après ses noces, la Princesse rencontre lors d’un bal le Duc de Nemours, homme séduisant décrit comme « un chef-d’œuvre de la nature ». C’est le coup de foudre réciproque. Commence alors pour la Princesse un combat intérieur déchirant entre sa passion naissante et son devoir d’épouse fidèle. La mort de sa mère, qui avait deviné et condamné cet amour, intensifie sa détresse morale.

Pour se protéger de ses propres sentiments, la Princesse prend une décision extraordinaire : elle avoue à son mari qu’elle aime un autre homme, sans désigner Nemours. Cet aveu sans précédent, motivé non par la culpabilité mais par la volonté de se préserver de la tentation, bouleverse le Prince. Malgré cette franchise inhabituelle, la jalousie le consume lorsqu’il comprend l’identité de son rival.

Tandis que Nemours, qui a surpris cet aveu, s’enhardit dans sa cour, la Princesse se retire à la campagne. Une série de malentendus s’ensuit, qui culmine avec la mort du Prince de Clèves qui, sur un malentendu, meurt persuadé que sa femme l’a trahi. Devenue veuve, la Princesse se trouve face à un dilemme : céder enfin à son amour pour Nemours ou rester fidèle à ses principes et à la mémoire de son mari.

Autour du livre

« La Princesse de Clèves » parut anonymement en mars 1678 et suscita immédiatement un vif intérêt. Madame de Lafayette, dans une lettre datée du 13 avril 1678, nie en être l’autrice : « Un petit livre qui a couru il y a quinze ans et où il plut au public de me donner part, a fait qu’on m’en donne encore à la Princesse de Clèves. Mais je vous assure que je n’y en ai aucune ». Cette dénégation s’accompagne pourtant d’un éloge du roman qu’elle juge « très agréable, bien écrit […] plein de choses d’une délicatesse admirable ». Cette posture résulte probablement du fait qu’à l’époque, le genre romanesque était encore considéré comme mineur, et qu’une femme de la haute société pouvait difficilement revendiquer publiquement la paternité d’un tel ouvrage.

Le roman se présente initialement sous le titre « Mémoires », changé ensuite pour celui que nous connaissons. Ce changement illustre la transition entre le roman historique traditionnel et une nouvelle forme narrative, centrée sur l’analyse psychologique. Madame de Lafayette le souligne elle-même : « il n’y a rien de romanesque, ni de grimpé ; aussi n’est-ce pas un roman, c’est proprement des mémoires ».

« La Princesse de Clèves » marque un tournant décisif dans l’histoire du roman français. Contrairement aux romans baroques précédents, caractérisés par des intrigues alambiquées s’étalant sur des milliers de pages, l’œuvre de Madame de Lafayette tranche par sa concision et sa vraisemblance. Comme le notera plus tard Voltaire, ce fut « le premier roman où l’on vit les mœurs des honnêtes gens et des aventures naturelles décrites avec grâce ».

Le texte innove par son minimalisme événementiel : point d’aventures extraordinaires ou de rebondissements spectaculaires, mais une analyse minutieuse des mouvements de l’âme. Les grands événements historiques, comme la mort accidentelle d’Henri II lors d’un tournoi, servent de toile de fond à une intrigue centrée sur les tourments intérieurs de l’héroïne. « La Princesse de Clèves » inaugure ainsi le roman d’analyse psychologique français.

La modernité du roman réside également dans sa représentation novatrice des relations homme-femme. Loin des sentimentalités convenues, Madame de Lafayette dépeint lucidement les dangers de la passion et les défis d’une société où le mariage répond davantage à des impératifs sociaux qu’à des élans du cœur. Le dilemme moral qui taraude la Princesse entre désir et devoir expose les contradictions d’une femme qui refuse d’être réduite au statut d’objet de désir ou à celui d’épouse soumise.

À sa parution, « La Princesse de Clèves » suscite des réactions contrastées. Certains contemporains jugent « invraisemblable » l’aveu que fait la Princesse à son mari. Madame de Sévigné, amie de l’autrice, s’enthousiasme pourtant, décrivant le roman comme « une des plus charmantes choses » qu’elle ait jamais lues. Au fil des siècles, il acquiert progressivement son statut de classique. Le XVIIIe siècle trouve l’aveu « charmant », le XIXe le considère « immoral », tandis que le XXe siècle le juge parfois « idiot ». Albert Camus y voit néanmoins « une œuvre sèche et brûlante où se déroule sans une défaillance, jusqu’à l’échafaud, l’exercice supérieur d’une intelligence qui n’a de cesse qu’elle domine ». Jean Cocteau évoque une « orgie de pureté ».

La fortune critique du roman connaît un regain d’intérêt inattendu en 2006, lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, déclare : « Un sadique ou un imbécile […] avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. » Cette remarque provoque une levée de boucliers et transforme paradoxalement le roman en symbole de résistance culturelle. En 2008, les ventes augmentent de 40 % chez Hatier et doublent au Livre de Poche, preuve que la controverse a ravivé l’intérêt.

« La Princesse de Clèves » a inspiré de nombreuses adaptations cinématographiques. Jean Delannoy réalise en 1961 une première version avec Jean Marais et Marina Vlady, sur un scénario de Jean Cocteau. Suivront « La Lettre » de Manoel de Oliveira (1999), « La Fidélité » d’Andrzej Żuławski avec Sophie Marceau (2000), puis « La Belle Personne » de Christophe Honoré (2008), qui transpose l’intrigue au XXIe siècle. Régis Sauder propose en 2011 un documentaire, « Nous, princesses de Clèves », dans lequel des lycéens marseillais s’approprient le texte.

Le roman a également connu des adaptations théâtrales, notamment par Marcel Bozonnet en 1995, et par Magali Montoya à la MC2 de Grenoble en 2016. En 2022, le chorégraphe Julien Guérin en tire un ballet créé à l’opéra-théâtre de Metz. « La Princesse de Clèves » a aussi inspiré des œuvres musicales, comme l’opéra de Jean Françaix (1965), ainsi que des adaptations en bande dessinée et en livre audio.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 250 pages.


2. La Princesse de Montpensier (nouvelle, 1662)

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Résumé

En France, durant les guerres de religion sous le règne de Charles IX, Mademoiselle de Mézières, jeune héritière d’une grande beauté, aime en secret le duc de Guise. Mais ses parents la contraignent d’épouser le prince de Montpensier, homme qu’elle n’aime pas. Ce mariage arrangé crée une rivalité entre les deux hommes.

Appelé au combat, le prince confie sa jeune épouse aux soins du comte de Chabannes, son ami fidèle, chargé de parfaire son éducation. Ce dernier tombe lui aussi amoureux de la princesse, mais se voit repoussé avec douceur. Il devient néanmoins son confident.

Le destin fait se recroiser les chemins de la princesse et du duc de Guise, ravivant leur passion mutuelle. Leur rencontre se déroule en présence du duc d’Anjou, frère du roi et futur Henri III, qui succombe également au charme de la princesse. La situation se complique lorsque la cour se rend à Paris, où la princesse devient le centre de toutes les attentions.

Déchirée entre son devoir d’épouse et ses sentiments pour Guise, la princesse franchit progressivement les limites de la bienséance. Elle accepte de correspondre avec lui, puis de le recevoir secrètement dans ses appartements, avec l’aide involontaire de Chabannes. Les quatre hommes – le mari jaloux, l’amant passionné, le confident dévoué et le prince royal éconduit – se livrent une guerre d’influence autour d’elle.

Cette situation explosive éclate lors d’une nuit fatidique, quand le prince de Montpensier surprend un visiteur dans la chambre de sa femme. Que choisira la princesse entre devoir et passion ?

Autour du livre

« La Princesse de Montpensier » est la première œuvre publiée de Madame de La Fayette. Parue anonymement en 1662, cette nouvelle marque les débuts littéraires d’une femme alors âgée de 28 ans, déjà mariée et mère de deux enfants. Sa création résulte d’une collaboration avec l’Abbé Ménage qui lui apporte son érudition historique pour construire la trame de fond des guerres de religion. Le texte, dont le privilège est accordé le 27 juillet 1662, sort des presses le 20 août suivant. Des copies manuscrites circulaient auparavant, ce qui précipite sa publication officielle. La nouvelle connaît un succès immédiat et sera réimprimée sept fois du vivant de son autrice.

Face aux romans-fleuves qui dominaient l’époque, comme ceux de Madeleine de Scudéry, Madame de Lafayette propose une forme brève, condensée, percutante. « La Princesse de Montpensier » est remarquable par son ancrage historique précis, devenant ainsi la première œuvre de la littérature française à utiliser l’Histoire de France comme trame romanesque. L’action se déroule sur six années, entre le mariage de l’héroïne en 1566 et le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572. L’autrice s’inspire notamment de l’Histoire de France de Mézeray et de l’Histoire des guerres civiles de Davila. Toutefois, elle prend des libertés avec les faits historiques pour servir son propos moral, en attribuant par exemple à la passion amoureuse le mariage du duc de Guise, alors qu’il fut en réalité motivé par des considérations politiques.

Cette nouvelle inaugure également une approche novatrice dans la psychologie des personnages. Madame de Lafayette dévoile la complexité des émotions humaines, leurs contradictions et leurs excès. Elle porte un regard sans complaisance sur les tourments provoqués par l’amour. Le personnage du comte de Chabannes, le seul entièrement inventé par l’autrice, incarne parfaitement cette dimension : « L’on est bien faible quand on est amoureux. » À travers lui, Madame de Lafayette développe un personnage d’une rare profondeur, qui atteint au sublime non dans le renoncement à l’amour, mais dans le sacrifice de soi.

La réception critique fut enthousiaste dès la parution. Charles Sorel attribue ce succès au style aristocratique du récit ainsi qu’à la possibilité d’y reconnaître des figures contemporaines sous les traits de personnages historiques. L’abbé de Villars loue quant à lui l’habileté de l’autrice : « Il ne faut pas s’étonner si ce petit livre flattant tout à la fois tant de faiblesses s’est acquis tant de réputation. […] ce n’est pas la raison qui fait le succès des livres, mais c’est l’adresse avec laquelle nous savons mettre le cœur de notre côté, et c’est un art et une affaire. » Certains critiques actuels expriment parfois leur préférence pour cette nouvelle par rapport à « La Princesse de Clèves » : « Oserais-je écrire que je préfère « La Princesse de Montpensier » à « La Princesse de Clèves » que je trouve trop précieuse à certains passages ? Oui. Oserais-je affirmer qu’au roman de la maturité, je préfère cette œuvre de jeunesse ? Oui, encore. » Un autre lecteur salue « la beauté de la langue française, la musique des tournures de phrase, la poésie du style, les sentiments et la grandeur des personnages ».

« La Princesse de Montpensier » a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par le réalisateur Bertrand Tavernier en 2010. Présenté en compétition au Festival de Cannes la même année, le film a reçu le César des meilleurs costumes en 2011. Tavernier parle lui-même d’une « lecture » personnelle plutôt que d’une adaptation stricte. En 2018, une « conférence-spectacle » musicale intitulée « À la recherche de la princesse de Montpensier » a également été créée par Aurore Évain et la compagnie La Subversive au Théâtre Municipal Berthelot de Montreuil.

Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 96 pages.

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