Chef-d’œuvre de l’âge du jazz, « Gatsby le Magnifique » continue de hanter ses lecteurs bien après la dernière page. Ses personnages aux rêves démesurés et ses fêtes étourdissantes donnent envie de retrouver ailleurs cette atmosphère unique. Que lire ensuite pour prolonger cette émotion ? Romans de la même époque, récits d’ascensions sociales contrariées ou portraits intimes d’êtres en quête d’eux-mêmes… voici une sélection d’ouvrages qui dialoguent avec l’univers de Fitzgerald, chacun à sa manière.
1. Z – Le roman de Zelda (Therese Anne Fowler, 2013)
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« Z – Le roman de Zelda » de Therese Anne Fowler retrace la vie de Zelda Sayre Fitzgerald, épouse de Francis Scott Fitzgerald, depuis sa jeunesse en Alabama jusqu’à ses dernières années, marquées par la maladie et l’enfermement. On suit sa rencontre avec Scott, leur mariage éclatant au moment du succès de « L’envers du paradis », leurs années dorées entre New York, Paris et la Riviera, puis la dégradation progressive de leur relation. Zelda, artiste à part entière, lutte pour se faire entendre, pour écrire sous son propre nom, pour danser, peindre et vivre selon ses propres désirs. Mais la pression sociale, la mainmise de son mari et les diagnostics médicaux de l’époque l’étouffent. Ce livre donne voix à celle qui a longtemps été reléguée au second plan.
Si vous avez aimé « Gatsby le Magnifique », ce roman pourrait vous toucher pour plusieurs raisons. On y retrouve la même atmosphère insouciante et décadente des années folles, les fêtes démesurées, l’ivresse de la jeunesse et de la réussite – mais vues de l’intérieur, à travers le quotidien d’un couple réel qui incarne ce rêve américain. Comme Gatsby, Scott et Zelda brûlent leur vie par les deux bouts, poursuivant une idée de bonheur qui leur échappe peu à peu. On découvre aussi l’envers de ce décor, moins scintillant : la solitude, l’orgueil, l’épuisement.
Zelda, qui aurait pu être une héroïne de Fitzgerald, devient ici l’autrice de sa propre histoire. Le style simple et fluide de Fowler, mêlé à une narration à la première personne, rend cette lecture directe, intime, et souvent bouleversante. Lire « Z – Le roman de Zelda », c’est aussi relire « Gatsby » autrement, en comprenant ce que cette époque, cette vie, ont coûté à ceux qui l’ont incarnée.
Aux éditions MICHEL LAFON ; 426 pages.
2. Les règles du jeu (Amor Towles, 2011)
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Dans « Les règles du jeu », Amor Towles suit Katey Kontent, jeune femme d’origine modeste, installée à New York à la fin des années 30. Dactylo dans un cabinet juridique, elle partage une chambre avec sa colocataire Eve. Lors d’un réveillon, elles rencontrent Tinker Grey, séduisant banquier qui fréquente les beaux quartiers de Manhattan. Une relation se noue entre eux, mais un accident bouleverse la donne. Tandis qu’Eve emménage chez Tinker, Katey trace son chemin entre soirées mondaines, ambitions professionnelles et amitiés instables. Trente ans plus tard, un hasard lui rappelle cet épisode qui a influencé sa trajectoire.
Si vous avez aimé « Gatsby le Magnifique », ce roman devrait vous parler. On y retrouve l’Amérique des années 30, les décors luxueux, les fêtes qui masquent les désillusions, la quête sociale dans un monde régi par des apparences et des codes implicites. Tinker Grey, tout en retenue et en contradictions, évoque Jay Gatsby : même élégance, même mystère, même solitude derrière le vernis. Mais ici, c’est Katey, une femme, qui observe, juge, choisit ou renonce. Comme Nick Carraway, elle assiste aux faux-semblants de la haute société, mais elle y participe avec plus de lucidité.
Towles décrit une époque trouble avec le même mélange de nostalgie et de lucidité que Fitzgerald. Il montre comment les choix — assumés ou non — sculptent une vie. Et comme chez Fitzgerald, le style compte : fluide, précis, sans emphase. « Les règles du jeu » prolonge l’esprit de « Gatsby » en le déplaçant légèrement : moins tragique, plus ironique, mais tout aussi élégant.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 512 pages.
3. Madame Hemingway (Paula McLain, 2011)
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Dans « Madame Hemingway », Paula McLain retrace l’histoire d’Hadley Richardson, première épouse d’Ernest Hemingway. Ils se rencontrent en 1920 à Chicago, tombent amoureux très vite, se marient et partent vivre à Paris, où ils côtoient les grandes figures de la « génération perdue » : Gertrude Stein, Ezra Pound, James Joyce, Scott et Zelda Fitzgerald. Tandis qu’Ernest se bat pour faire émerger sa voix d’écrivain, Hadley, discrète mais loyale, reste à ses côtés. Leur relation traverse les fêtes, l’alcool, les tensions du milieu artistique, la pauvreté, la naissance de leur fils et, plus tard, l’infidélité. Au fil des années, Hadley doit choisir entre s’effacer ou se préserver.
Ce roman pourrait plaire à ceux qui ont aimé « Gatsby le Magnifique ». On y retrouve la même période – les années 1920 –, le même décor parisien et américain, les mêmes figures emblématiques de la littérature. Surtout, le roman donne à voir l’envers du décor : les rêves, les ambitions, la quête de reconnaissance, mais aussi les blessures et les sacrifices personnels que cette époque dorée exige. Comme Gatsby, Ernest Hemingway est habité par un idéal inaccessible. Et comme Daisy, Hadley incarne une forme d’innocence piégée par les illusions d’un monde en pleine mutation.
Mais ici, la voix est féminine. Paula McLain choisit de raconter cette époque à travers les yeux de celle qui n’écrit pas, qui n’est pas fêtée, mais qui observe tout, ressent tout. L’amour, la solitude, la déception. C’est ce basculement du regard qui fait toute la force de « Madame Hemingway ». Là où Fitzgerald donne à voir la surface éblouissante d’un monde en excès, McLain en révèle la tension intime. Les masques tombent, mais sans cynisme. Ce sont des vies qui se cherchent, avec sincérité.
Pour un lecteur de « Gatsby », ce roman permet donc d’approfondir cette époque en découvrant ses zones plus calmes, plus intérieures, sans pour autant perdre le charme ni les figures éclatantes qui la peuplent.
Aux éditions LE LIVRE DE POCHE ; 504 pages.
4. Jazz (Toni Morrison, 1992)
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Dans « Jazz », Toni Morrison raconte l’histoire de Joe et Violette, un couple afro-américain installé à Harlem dans les années 1920. Joe tue Dorcas, sa jeune maîtresse, et Violette, bouleversée, défigure le corps de la défunte lors de ses funérailles. Ce drame pousse les deux époux à revenir sur leur passé, à affronter leurs souvenirs et les blessures qui les ont façonnés. Leur histoire se déroule sur fond de jazz, cette musique qui emplit la ville, libère les corps et traduit les contradictions de l’époque. Entre passé rural et présent urbain, entre douleur et désir, Toni Morrison fait entendre des voix mêlées, parfois confuses, toujours pleines d’humanité.
Ce roman peut séduire un lecteur de « Gatsby le Magnifique » car il partage avec lui plusieurs points forts. Tous deux se déroulent dans les années 20, à New York, et montrent une société en mouvement, portée par l’espoir, la fête, mais rongée par des failles intimes. Gatsby comme Joe Trace cachent un passé difficile, qu’ils essaient d’effacer ou de transformer. Tous deux sont pris dans une passion amoureuse qui les dépasse, qui les consume.
Le jazz traverse ces deux romans comme un langage parallèle, parfois joyeux, parfois cruel, mais toujours chargé de tension. Chez Fitzgerald comme chez Morrison, l’élan vers une vie meilleure s’accompagne d’un vertige, d’une perte. Ce que l’un raconte à travers la haute société blanche, l’autre le fait à travers une communauté noire venue du Sud. Les univers sont différents, mais les émotions se répondent.
Aux éditions 10/18 ; 256 pages.
5. Retour à Brideshead (Evelyn Waugh, 1945)
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Dans « Retour à Brideshead », Charles Ryder, étudiant à Oxford dans les années 1920, devient proche de Sebastian Flyte, un jeune aristocrate fantasque et tourmenté. Invité dans la demeure familiale des Flyte, Charles découvre un monde régi par des traditions, une foi catholique pesante et des tensions familiales profondes. Au fil du temps, il s’éloigne de Sebastian, tombe amoureux de sa sœur Julia, puis revoit toute cette histoire à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il revient à Brideshead en tant qu’officier.
On retrouve ici la fascination d’un homme extérieur pour un milieu qu’il idéalise, l’élégance d’un monde doré en train de se fissurer, et surtout ce même sentiment d’une époque qui glisse entre les doigts. Charles, comme Nick Carraway, reste souvent en retrait. Il observe, il s’attache, il perd. Sebastian, comme Gatsby, semble se fuir lui-même, et la beauté de ses gestes cache un mal plus profond. Tous deux s’enfoncent dans une forme de déclin, chacun à sa manière.
« Retour à Brideshead » partage avec « Gatsby » un goût prononcé pour l’apparat, les contradictions sociales, et une certaine manière de raconter une jeunesse perdue. Il ne s’agit pas ici de jazz ou de champagne à Long Island, mais de châteaux anglais, de portraits d’ancêtres et de foi étouffante. Pourtant, le regard mélancolique, presque désabusé, est le même. Evelyn Waugh, comme Fitzgerald, sait raconter les illusions brisées sans jamais perdre en style ni en nuance.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 624 pages.
6. Le fil du rasoir (William Somerset Maugham, 1944)
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Larry Darrell, ancien pilote américain marqué par la guerre de 14-18, refuse la vie confortable que l’Amérique lui tend. Il s’éloigne de sa fiancée, Isabel, qui rêve d’un destin brillant et mondain, et part en quête de sens. Il étudie à Paris, travaille comme ouvrier en France, rencontre des moines en Allemagne, puis part en Inde, où il poursuit une recherche spirituelle intense. Pendant ce temps, Isabel épouse un homme riche, mais reste hantée par Larry.
Pourquoi ce roman peut plaire à celles et ceux qui ont aimé « Gatsby le Magnifique » ? Parce qu’il repose sur une même tension : celle qui oppose les rêves à la réalité, le refus des conventions à l’attrait du monde élégant, et l’amour sincère aux ambitions sociales. Comme Gatsby, Larry est un homme à part, fidèle à une idée qu’il se fait de la vie. Mais là où Gatsby mise tout sur une image et un amour idéalisé, Larry renonce. Il cherche une paix intérieure plutôt qu’une réussite éclatante. Dans les deux cas, la guerre agit comme un point de rupture. Elle casse l’élan initial, elle creuse un fossé entre les personnages et leur époque.
Enfin, les deux romans partagent une certaine manière de parler du milieu mondain avec distance. Fitzgerald le fait avec une mélancolie dorée ; Maugham, avec une ironie calme et un regard sans amertume. Tous deux savent que derrière les apparences brillantes, il y a souvent du vide — mais aussi, parfois, une forme de beauté.
Aux éditions POINTS ; 432 pages.
7. Accordez-moi cette valse (Zelda Fitzgerald, 1932)
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« Accordez-moi cette valse » narre l’histoire d’Alabama Beggs, une jeune femme du Sud des États-Unis qui épouse un artiste prometteur, David Knight. Ensemble, ils vivent une vie mondaine, rythmée par les fêtes et les séjours en Europe, jusqu’à ce que les tensions du couple prennent le dessus. Alabama, en quête de reconnaissance, décide de se consacrer à la danse avec une rigueur extrême. Elle rêve d’exister autrement que dans l’ombre de son mari. Leur relation, marquée par la distance, les non-dits et les désillusions, finit par se désagréger.
Ce bouquin peut intéresser un lecteur de « Gatsby le Magnifique » parce qu’il en éclaire l’envers. Là où Gatsby façonne son rêve autour d’une femme idéalisée, Alabama, elle, tente de construire sa vie contre l’image dans laquelle on cherche à l’enfermer. Les deux romans décrivent l’obsession, la chute, et ce besoin d’échapper à un rôle imposé. L’ambiance y est aussi familière : la Côte d’Azur, les excès, les illusions, les faux-semblants. On y retrouve les mêmes signes d’un monde en perdition, mais vus depuis un autre angle, plus intime, plus brutal.
C’est aussi un miroir tendu à Fitzgerald lui-même. Dans « Accordez-moi cette valse », Zelda écrit ce que Scott écrivait souvent : leur vie. Mais cette fois, c’est elle qui tient la plume. Ce décalage entre les deux points de vue peut être troublant pour qui a aimé Gatsby, et justement, c’est ce qui rend la lecture intéressante. Le style, parfois confus, ne plaît pas à tout le monde. Il colle pourtant parfaitement à l’état d’Alabama : fiévreuse, instable, en lutte. Ce n’est pas un livre lisse. C’est un livre en tension, qui bouscule.
Lire « Accordez-moi cette valse », c’est donc aussi faire un pas de côté. C’est regarder une époque, un couple, une chute, depuis le bord. C’est suivre une femme qui essaie, coûte que coûte, de dire “je” dans un monde qui lui impose “nous”.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 434 pages.
8. Ces corps vils (Evelyn Waugh, 1930)
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Dans « Ces corps vils », Evelyn Waugh dépeint la vie d’Adam Fenwick-Symes, un jeune écrivain, et Nina, sa fiancée, tous deux pris dans un tourbillon de fêtes, de ragots et de désillusions. Le roman s’ouvre sur un retour en bateau vers l’Angleterre, mais dès les premières pages, l’essentiel est ailleurs : soirées costumées à répétition, commérages mondains, journalistes avides de scandales, aristocrates désabusés, évangélistes douteux… Tout ce petit monde s’agite sans but clair, dans une société où l’apparence prend toute la place. L’argent manque, la guerre approche.
Ceux qui ont aimé « Gatsby le Magnifique » retrouveront dans « Ces corps vils » une même obsession pour une jeunesse mondaine, désœuvrée, qui se cache derrière l’excès et le bruit. Comme Gatsby, les personnages de Waugh fuient quelque chose : la guerre passée, l’ennui, la chute d’un monde. Mais là où Fitzgerald raconte cette fuite avec tendresse et mélancolie, Waugh choisit le sarcasme. Il tire à vue sur les jeunes aristocrates londoniens qui, comme les invités de Gatsby, enchaînent les soirées sans jamais se parler vraiment. Leurs dialogues sonnent creux, leurs élans amoureux se perdent dans les non-dits.
« Ces corps vils » est moins romantique, plus décousu, parfois déroutant. Mais il en ressort une forme de lucidité plus brutale : ici, pas de rêve américain, seulement le constat d’un vide qu’aucune fête ne comble. Le ton est sec, rapide, souvent drôle, parfois absurde. Et c’est justement ce mélange de légèreté et de noirceur qui peut parler à ceux qui ont aimé la grâce désenchantée de « Gatsby ». Car si le style change, le fond reste : une génération paumée, étourdie par les lumières, qui court à sa perte en regardant ailleurs.
Aux éditions ROBERT LAFFONT ; 352 pages.
9. Clair-obscur (Nella Larsen, 1929)
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Chicago, 1927. Irène Redfield et Claire Kendry, deux femmes noires à la peau très claire, se retrouvent après des années de silence. Irène, mère de famille respectée, mène une vie bien réglée au cœur de la bourgeoisie noire de Harlem. Claire, elle, a coupé les ponts : elle vit sous une autre identité, mariée à un homme blanc raciste qui ignore tout de ses origines. Mais Claire cherche à renouer avec son passé. Ce rapprochement trouble Irène, qui voit son monde basculer peu à peu. Entre désir, jalousie, loyauté et ressentiment, leur relation devient un terrain miné, jusqu’à la chute.
Si vous avez aimé « Gatsby le Magnifique », « Clair-obscur » a toutes les chances de vous parler. Comme Gatsby, Claire Kendry construit une vie fondée sur le mensonge, dans l’espoir d’accéder à un monde qui ne veut pas vraiment d’elle. Elle joue un rôle, se façonne un personnage, fréquente des cercles qui pourraient la rejeter d’un seul mot. La tension qui monte au fil du roman, cette impression que tout peut s’effondrer à chaque instant, rappelle la mécanique implacable du texte de Fitzgerald. Ici aussi, les apparences tiennent lieu de vérité, jusqu’à ce qu’elles craquent.
Larsen, comme Fitzgerald, s’intéresse à ce que coûte l’ambition quand elle touche à l’identité. Tous deux montrent des personnages qui traversent la vie avec élégance, mais à contre-courant. Et derrière les décors — Harlem pour l’une, Long Island pour l’autre — se pose la même question : à quoi renonce-t-on pour devenir ce que l’on croit devoir être ?
« Clair-obscur » est un roman bref, tendu, d’une grande précision. Il capte, sans excès ni pathos, le vertige de celles et ceux qui vivent sur une ligne de faille. À lire si vous cherchez un récit qui, comme « Gatsby », dit la solitude de ceux qui ne trouvent leur place nulle part, même quand tout semble réussi.
Aux éditions J’AI LU ; 224 pages.
10. Le soleil se lève aussi (Ernest Hemingway, 1926)
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Dans « Le soleil se lève aussi », Ernest Hemingway raconte l’histoire de Jake Barnes, journaliste américain installé à Paris, marqué à vie par une blessure de guerre qui l’a rendu impuissant. Jake est amoureux de Brett, une femme libre, instable et insaisissable, qui papillonne d’un homme à l’autre sans jamais pouvoir se fixer. Ensemble, avec une bande d’amis tout aussi cabossés, ils errent entre les bars parisiens et les arènes de Pampelune, enchaînant les beuveries, les tensions et les désillusions.
On retrouve ici une génération désenchantée, incapable de tourner la page d’un passé trop lourd. Comme Gatsby, Jake avance dans un monde fuyant, rattrapé par une histoire d’amour impossible. Brett, tout comme Daisy, reste une figure troublante, imprévisible, toujours hors de portée.
Les deux romans mettent en scène une société qui cherche à oublier par l’excès : l’alcool, la fête, la légèreté de façade. Mais cette agitation cache mal le vide. Il y a dans les deux livres une tension sourde, une tristesse diffuse, et cette même impression que tout ce qui pourrait être beau glisse inévitablement entre les doigts. Ceux qui ont été touchés par la solitude étouffée de Gatsby risquent de ne pas oublier celle de Jake.
Aux éditions FOLIO ; 352 pages.
11. Mrs Dalloway (Virginia Woolf, 1925)
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« Mrs Dalloway » raconte une journée de juin 1923 dans la vie de Clarissa Dalloway, une femme de la haute société londonienne, qui prépare une réception pour le soir même. Tandis qu’elle choisit ses fleurs, croise des visages familiers ou pense à ses amours passées, son esprit alterne entre présent et souvenirs. En parallèle, le lecteur suit Septimus Warren Smith, un ancien soldat marqué par la guerre et en proie à de graves troubles psychiques. Les deux ne se connaissent pas, mais leurs trajectoires se frôlent, reliées par un médecin commun et par un questionnement sur la vie et la mort.
Ce roman peut séduire un lecteur qui a aimé « Gatsby le Magnifique » car il partage avec lui un goût pour les contrastes entre éclat mondain et solitude intérieure. Comme chez Fitzgerald, la fête et la sociabilité servent de décor à des personnages hantés par les regrets et les choix passés. Clarissa, à l’instar de Gatsby, a sacrifié une part de ses désirs intimes pour s’accorder au rang social attendu, et se retrouve à interroger le sens de ce qu’elle a construit.
Londres, comme le New York de Fitzgerald, devient un personnage à part entière, rythmant les états d’âme et reflétant l’effervescence d’une époque marquée par les séquelles de la guerre. Woolf, par son écriture en flux de conscience, met à nu les émotions, les hésitations et les illusions qui font écho aux drames feutrés du roman de Fitzgerald.
Aux éditions FOLIO ; 368 pages.
12. Une tragédie américaine (Theodore Dreiser, 1925)
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Clyde Griffiths grandit dans une famille pauvre, dominée par la ferveur religieuse de ses parents. Dès qu’il découvre, grâce à un petit emploi dans un hôtel, le confort et l’aisance des classes supérieures, il nourrit l’espoir d’y trouver sa place. Une suite d’événements l’amène à travailler dans l’usine de son oncle fortuné, qui lui interdit toute relation avec les ouvrières. Clyde s’éprend pourtant de Roberta, une jeune employée, tout en se rapprochant de Sondra, héritière d’un milieu qu’il rêve d’intégrer. Lorsque Roberta tombe enceinte et le menace de tout révéler, Clyde élabore un plan pour s’en débarrasser.
Comme « Gatsby le Magnifique », « Une tragédie américaine » montre un homme prêt à tout pour franchir la barrière sociale qui le sépare du monde dont il rêve. Les deux romans racontent l’obsession de l’ascension et du paraître, mais aussi la fragilité de ces ambitions face aux réalités morales et sociales. Jay Gatsby et Clyde Griffiths sont animés par le même désir de se réinventer, portés par l’illusion qu’un amour et une réussite mondaine peuvent effacer un passé jugé indigne.
Là où Gatsby s’enferme dans un mythe romantique, Clyde s’enfonce dans des choix qui le compromettent irrémédiablement. Le roman de Dreiser, plus sombre, montre que la soif de reconnaissance peut conduire non seulement à la désillusion, mais aussi à la destruction de soi et des autres.
Aux éditions LITOS ; 840 pages.
13. Beaux et damnés (Francis Scott Fitzgerald, 1922)
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« Beaux et damnés » raconte la vie d’Anthony Patch, héritier d’un magnat de la finance, et de Gloria Gilbert, jeune femme d’une grande beauté. Mariés au début des années 1910, ils mènent une existence mondaine à New York, dépensent copieusement et comptent sur l’héritage du grand-père d’Anthony pour continuer à vivre ainsi. Mais la guerre, l’alcool, l’oisiveté et, surtout, la décision du vieil homme de les déshériter précipitent leur chute. Entre désillusions et querelles, ils s’accrochent à un mode de vie qui s’effrite inexorablement, jusqu’à un dénouement qui, malgré un regain de fortune, laisse un goût amer.
Si vous avez aimé « Gatsby le Magnifique », ce roman peut séduire par la parenté de ses thèmes et de son atmosphère. On y retrouve le New York de l’Âge du Jazz, le poids des ambitions contrariées, la fragilité des rêves bâtis sur l’argent et le statut social. Comme Gatsby, Anthony et Gloria vivent dans un décor fastueux, mais leur incapacité à évoluer face à un monde qui change les condamne.
Fitzgerald y affine déjà cette manière de montrer, derrière la fête et l’élégance, une profonde mélancolie. Lire « Beaux et damnés » après « Gatsby », c’est découvrir une version plus sombre et plus crue de cette illusion dorée, où la chute n’épargne ni les cœurs ni les illusions.
Aux éditions FOLIO ; 560 pages.
14. Le Temps de l’innocence (Edith Wharton, 1920)
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Dans « Le Temps de l’innocence », Newland Archer, jeune avocat de la haute bourgeoisie new-yorkaise des années 1870, s’apprête à épouser May Welland, incarnation parfaite de l’épouse idéalisée par son milieu. L’arrivée de la comtesse Ellen Olenska, cousine de May, qui a quitté un mari volage et veut divorcer, vient ébranler ses certitudes. Attiré par cette femme indépendante qui refuse de se plier aux conventions, Newland se retrouve pris entre ses sentiments pour elle et le poids des règles sociales. Ce tiraillement le conduit à sacrifier son désir d’une vie choisie à la sécurité d’un mariage conforme aux attentes de son monde.
Ce roman pourra séduire un lecteur de « Gatsby le Magnifique » car, comme Fitzgerald, Wharton peint un univers mondain à la beauté trompeuse, où l’apparence masque la solitude et les renoncements. Ici, le New York feutré de la fin du XIXe siècle remplace les fêtes étourdissantes de Gatsby, mais la mécanique est semblable : un héros fasciné par une figure féminine qui incarne à la fois la liberté et l’inaccessibilité, un milieu fermé qui protège ses codes au prix du bonheur individuel, et un amour condamné avant même d’avoir pu s’accomplir. Là où Fitzgerald montre le rêve américain perverti par l’argent et l’illusion, Wharton révèle l’étouffement provoqué par un ordre social qui transforme l’innocence en masque et l’amour en regret persistant.
Aux éditions FLAMMARION ; 320 pages.
15. L’envers du paradis (Francis Scott Fitzgerald, 1920)
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« L’envers du paradis » narre l’histoire d’Amory Blaine, jeune homme du Midwest, élevé par une mère fantasque et persuadé de sa destinée exceptionnelle. On le suit de son adolescence à son entrée dans l’âge adulte : ses années à Princeton, ses amours contrariées, ses ambitions, ses échecs, ses désillusions. Le roman, largement inspiré de la vie de Fitzgerald, brosse le portrait d’une jeunesse dorée des années 1920, avide de liberté mais prisonnière de ses contradictions, sur fond de Première Guerre mondiale et d’âge du jazz.
Si vous avez aimé « Gatsby le Magnifique », ce livre peut séduire par les échos qu’il entretient avec lui. On y retrouve le décor mondain et insouciant, les personnages séduisants mais imparfaits, l’attrait pour l’argent et ce qu’il promet, ainsi que le goût amer des rêves brisés.
Là où « Gatsby » déploie une intrigue resserrée et mystérieuse, « L’envers du paradis » suit un parcours plus éclaté, presque expérimental, mais déjà traversé par les thèmes qui feront la force de Fitzgerald : l’amour impossible, le poids du statut social, la quête de soi dans un monde en mutation. Lire ce premier roman, c’est voir se dessiner, parfois de manière maladroite, la voix qui portera quelques années plus tard l’un des récits les plus marquants de la littérature américaine.
Aux éditions GALLIMARD ; 352 pages.