Larry Tremblay naît le 17 avril 1954 à Chicoutimi, au Québec. Après ses études en théâtre à l’Université du Québec à Montréal, il part en Inde où il se spécialise en kathakali, une forme de théâtre dansé qui influence durablement son écriture. Dramaturge, romancier, poète et professeur, il enseigne le jeu et l’écriture dramatique à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.
Son œuvre, traduite dans plus d’une douzaine de langues, se déploie à travers différents genres : théâtre, romans, poésie et essais. Ses pièces sont jouées dans de nombreux pays et reçoivent plusieurs distinctions. Il se fait particulièrement remarquer avec des œuvres comme « Le ventriloque » (2001) et « L’orangeraie » (2013), ce dernier roman lui valant le Prix des libraires du Québec et le Prix littéraire des collégiens.
Fortement influencé par sa formation en kathakali, Tremblay accorde une importance particulière au travail corporel des comédiens. Cette préoccupation pour le corps de l’acteur traverse son œuvre et nourrit sa réflexion sur la transformation physique nécessaire à l’incarnation des personnages. Aujourd’hui, il continue d’enrichir la littérature québécoise avec ses créations qui touchent autant les enfants que les adultes.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. L’orangeraie (2013)
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Résumé
Dans un pays du Moyen-Orient en guerre, Amed et Aziz, deux frères jumeaux de neuf ans, mènent une existence paisible dans l’orangeraie familiale jusqu’au jour où une bombe détruit la maison de leurs grands-parents, les tuant sur le coup. Peu après, un chef local se présente chez eux avec une terrible requête : l’un des deux garçons devra porter une ceinture d’explosifs et se faire sauter en territoire ennemi pour venger la mort des aïeux. Le père, Zahed, doit alors choisir lequel de ses fils sera sacrifié.
La mère Tamara suggère d’envoyer Aziz, déjà condamné par une maladie incurable, mais le père préfère désigner Amed, plus robuste et donc plus apte à accomplir la mission. Les deux frères, avec la complicité de leur mère, décident secrètement d’intervertir leurs rôles. C’est finalement Aziz qui se fait exploser, échappant ainsi à une mort lente due à sa maladie.
Des années plus tard, Amed, désormais étudiant en théâtre au Canada, peine à se reconstruire, hanté par la culpabilité d’avoir survécu à son frère. À travers une pièce qu’il doit interpréter sur la guerre au Moyen-Orient, il tente d’exorciser ses démons.
Autour du livre
Avec « L’orangeraie », Larry Tremblay livre une réflexion percutante sur l’absurdité de la guerre et le fanatisme religieux. Il y aborde des sujets brûlants – l’endoctrinement, les enfants-soldats, le terrorisme – sans jamais sombrer dans le manichéisme ou le sensationnalisme. Le choix de situer l’action dans un pays non identifié confère une dimension universelle au propos.
Couronné par le Prix des libraires du Québec en 2014 et le Prix des collégiens en 2015, « L’orangeraie » s’impose comme une œuvre majeure sur la manipulation des consciences et le sacrifice de l’innocence. Sorj Chalandon salue d’ailleurs « un livre brutal, habité, hanté, vraiment superbe ». Le texte a inspiré une adaptation théâtrale en 2016 par Claude Poissant, tandis qu’un opéra composé par Zad Moultaka, initialement prévu pour 2020, a finalement vu le jour en 2021 malgré la pandémie.
Aux éditions FOLIO ; 160 pages.
2. Tableau final de l’amour (2021)
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Résumé
« Tu es venu pour me voler » : ainsi s’ouvre ce roman qui raconte la relation tumultueuse entre le peintre Francis Bacon et George Dyer, jeune cambrioleur surpris en pleine nuit dans l’atelier de l’artiste. De cette rencontre fortuite naît une passion dévorante qui durera huit ans, entre 1963 et 1971. Dyer devient le modèle et l’amant de Bacon, dans une relation marquée par l’excès sous toutes ses formes : alcool, drogue, violence, sexe.
En parallèle de cette histoire d’amour destructrice se dessine le portrait d’un artiste hanté par ses démons, de son enfance sous la coupe d’un père brutal jusqu’à sa consécration internationale. Le récit culmine avec le suicide de Dyer à Paris, dans une chambre d’hôtel, deux jours avant l’inauguration de la grande rétrospective Bacon au Grand Palais.
Autour du livre
Larry Tremblay a choisi une approche singulière pour raconter cette histoire : le texte prend la forme d’une longue confession de Bacon à son amant disparu. Le romancier ne cherche pas tant à retracer fidèlement la biographie de l’artiste qu’à restituer l’essence même de son art : la chair, le cri, la déformation des corps.
Tremblay s’est nourri uniquement des interviews données par le peintre, refusant délibérément toute autre documentation pour préserver la part d’invention. Il multiplie les allers-retours entre l’intime et l’artistique, montrant comment l’expérience amoureuse nourrit la création picturale. La critique a salué ce roman qui évoque l’univers de Georges Bataille, couronné par de nombreux prix et traduit dans une vingtaine de langues.
Aux éditions J’AI LU ; 224 pages.
3. L’impureté (2016)
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Résumé
Dans le Québec des années 90, Alice Livingston, auteure reconnue, trouve la mort dans un accident à l’âge de 44 ans. Elle laisse derrière elle « Un cœur pur », un manuscrit qui sera publié à titre posthume. Son mari Antoine, enseignant en philosophie, découvre avec stupeur que ce dernier roman dévoile leur histoire commune.
La lecture le replonge dans sa jeunesse tumultueuse des années 70, à l’époque où, étudiant au cégep, il menait des expériences cruelles sur ses proches pour démontrer l’inexistence de la pureté en amour. Page après page, les souvenirs refont surface : sa relation avec son meilleur ami Félix, sa rencontre avec Alice, et les manipulations qui ont marqué leurs vies. Le roman devient alors un tribunal où Antoine doit faire face à son passé.
Autour du livre
Ce roman est construit comme une poupée russe : une histoire dans l’histoire. Le présent d’Antoine alterne avec les chapitres du roman d’Alice et les souvenirs qui remontent à la surface. La réflexion philosophique y occupe une place prépondérante, nourrie par les références à Sartre et Platon. Le personnage d’Antoine incarne cette quête intellectuelle qui questionne la nature même de l’amour : peut-il être détaché de tout désir ? Un cœur peut-il rester pur ? Ces interrogations résonnent avec la citation d’un personnage : « Je te parle de la pureté du cœur. Une force qu’on ne peut pas expliquer, qui se trouve en chacun de nous mais que très peu d’entre nous utilisent. »
« L’impureté » s’inscrit dans la continuité des questionnements moraux chers à Larry Tremblay, comme il l’explique lui-même : « La question du mal traverse toute mon œuvre. Ça me hante, parce que c’est une des plus grandes questions de la philosophie. » Cette obsession du mal et de la manipulation psychologique culmine dans un dénouement saisissant qui bouleverse toutes les certitudes établies.
Aux éditions ALTO ; 160 pages.
4. Le deuxième mari (2019)
Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac
Résumé
Dans un pays tropical non identifié, Samuel attend avec appréhension son mariage arrangé. Ses parents l’ont soigneusement préparé pour cette union, l’engraissant « comme une volaille » pour le rendre désirable. Le jeune homme, qui rêvait de poursuivre ses études, découvre avec effroi que son épouse est une femme âgée et autoritaire. Plus troublant encore, il apprend qu’il est son « deuxième mari », contraint de cohabiter avec le premier époux.
Dans cette société matriarcale, les hommes sont réduits à l’état d’objets : interdits d’éducation et de travail, ils doivent dissimuler leur barbe en public et se soumettre aux désirs de leurs épouses. Samuel tente d’abord de se révolter, avant de comprendre qu’aucune émancipation n’est possible dans ce monde où des vigiles armées traquent les hommes désobéissants. L’arrivée d’un troisième mari, plus jeune, bouleversera définitivement son existence.
Autour du livre
Cette dystopie inverse les rôles traditionnels pour mieux dénoncer la domination masculine qui persiste dans de nombreuses sociétés. En transposant sur les hommes les interdits et violences subis par les femmes – mariages forcés, restrictions vestimentaires, privation d’éducation – le roman agit comme un miroir déformant qui révèle l’absurdité des oppressions sexistes. Larry Tremblay a délibérément situé son récit dans un lieu imaginaire, évitant toute référence religieuse ou culturelle précise pour souligner l’universalité de ces mécanismes de domination.
La puissance du texte tient aussi à son traitement psychologique du protagoniste. Le cheminement de Samuel, de la révolte à la résignation puis à une forme de syndrome de Stockholm, met en lumière comment l’oppression systémique parvient à broyer les aspirations individuelles. Cette fable glaçante a valu à son auteur de nombreux éloges, notamment de Marie-Louise Arsenault qui souligne « qu’on n’en sort pas indemne » et de Rebecca Makonnen qui le qualifie « d’audacieux et bouleversant ».
Aux éditions ALTO ; 138 pages.