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Julio Cortázar en 5 livres majeurs – Notre sélection

Julio Cortázar en 5 livres – Notre sélection

Julio Florencio Cortázar (1914-1984) est un écrivain argentin majeur du XXe siècle. Né à Ixelles en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, il passe ses premières années entre la Suisse et l’Espagne avant de s’installer avec sa famille en Argentine en 1918.

Son enfance à Banfield, dans la périphérie de Buenos Aires, est marquée par l’abandon de son père et une santé fragile qui le pousse vers la lecture intensive. Très précoce, il écrit ses premiers textes dès l’âge de 9 ans.

Après des études pour devenir professeur, il enseigne la littérature dans plusieurs villes argentines. En 1951, en désaccord avec le régime péroniste, il s’exile à Paris où il vivra le reste de sa vie, tout en conservant sa nationalité argentine. Il obtient également la nationalité française en 1981 en signe de protestation contre la dictature militaire argentine.

À Paris, il travaille comme traducteur pour l’UNESCO et se consacre à l’écriture. En 1963, la publication de « Marelle » (Rayuela) le propulse parmi les figures majeures du « boom » latino-américain aux côtés de García Márquez et Vargas Llosa. Son œuvre, marquée par le fantastique et l’expérimentation formelle, comprend des romans, des nouvelles et des poèmes.

Engagé politiquement à gauche, il soutient la révolution cubaine et les sandinistes du Nicaragua, et dénonce activement les violations des droits de l’homme en Amérique latine.

Marié trois fois (avec Aurora Bernárdez, puis Ugné Karvelis, et enfin Carol Dunlop), il meurt à Paris le 12 février 1984 d’une leucémie. Il est enterré au cimetière du Montparnasse aux côtés de sa dernière épouse, Carol Dunlop.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Marelle (roman, 1963)

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Dans le Paris bohème des années 1950, Horacio Oliveira, un intellectuel argentin, vit une liaison passionnée avec Lucia, dite « la Maga », une Uruguayenne plus jeune que lui. Leur relation se déroule entre les rues de la rive gauche et les réunions du « Club du Serpent », un groupe d’amis qui discutent de littérature, de jazz et de philosophie autour d’un verre.

L’arrivée de Rocamadour, le bébé malade de la Maga, bouleverse cet équilibre précaire. Une nuit, pendant que le groupe débat et que l’un des leurs tente de se suicider, l’enfant meurt sans que personne ne s’en aperçoive immédiatement. Suite à cet événement, la Maga s’évanouit dans Paris. Horacio regagne Buenos Aires où il retrouve son ami Traveler et sa femme Talita, dont la ressemblance avec la Maga le précipite dans une descente aux enfers qui le mènera des coulisses d’un cirque aux couloirs d’un asile psychiatrique.

Publié en 1963, ce roman constitue l’une des œuvres majeures du « boom » latino-américain. Sa particularité : il peut se lire de deux manières différentes. La première consiste à suivre les 56 premiers chapitres dans l’ordre. La seconde invite à « sauter » d’un chapitre à l’autre selon un parcours précis indiqué au début du livre, comme dans une partie de marelle – d’où son titre. Cette structure singulière, qui intègre des articles de journaux, des citations littéraires et des réflexions philosophiques, transforme la lecture en jeu actif. Le groupe Gotan Project lui a rendu hommage en 2010 avec le morceau « Rayuela », tandis qu’en 2015, un opéra expérimental inspiré du roman était monté à Los Angeles par Yuval Sharon.

Aux éditions GALLIMARD ; 602 pages.


2. Cronopes et Fameux (recueil de nouvelles, 1962)

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Publié en 1962, « Cronopes et Fameux » s’ouvre sur un questionnaire insolite : savez-vous lire l’heure en effeuillant un artichaut ? Poser correctement un tigre ? Dessiner une hirondelle sur le dos d’une tortue ? Six réponses positives à ces interrogations surréalistes font de vous un Cronope, l’une des créatures qui peuplent ce recueil aux côtés des Fameux et des Espérances.

L’ouvrage se divise en quatre parties. Le « Manuel d’instructions » enseigne l’art de monter un escalier ou de remonter une montre – cette « geôle d’air » qu’on attache au poignet. Les « Occupations bizarres » narrent les aventures d’une famille qui passe des années à chercher un cheveu perdu dans un lavabo, ou encore l’histoire d’un ours en peluche confronté aux réalités de l’existence. « Matière plastique » capture des moments fugaces où le réel bascule dans l’absurde : un chameau déclaré indésirable, des miroirs qui refusent leur reflet.

La dernière partie met en scène les Cronopes, « objets verts humides ébouriffés », les Fameux, bourgeois conventionnels, et les Espérances, êtres indécis oscillant entre ces deux polarités. Ces créatures singulières évoluent dans un Buenos Aires métamorphosé par l’imagination de Cortázar. Les Cronopes ratent systématiquement leurs trains et trouvent les hôtels complets, quand les Fameux planifient minutieusement chaque déplacement. Les Espérances, elles, préfèrent rester immobiles, « comme des statues qu’il faut aller voir ».

L’idée des Cronopes est née un soir de 1951 à Paris, lorsque Cortázar aperçut de mystérieux ballons verts flottant devant le théâtre des Champs-Élysées. Ce livre lui valut un siège au Collège de Pataphysique, institution dédiée à « la science des solutions imaginaires ». Les petites proses qui le composent déploient un humour absurde qui masque une satire de la société argentine des années 1960, notamment de sa bourgeoisie conformiste incarnée par les Fameux.

Aux éditions FOLIO ; 160 pages.


3. Les armes secrètes (recueil de nouvelles, 1959)

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Publié en 1959, « Les armes secrètes » est un recueil de cinq nouvelles situées dans le Paris de l’après-guerre, balançant entre réel et surnaturel. La plus emblématique, celle qui donne son titre au recueil, met en scène Pierre, un jeune homme dont la fiancée Michèle refuse tout contact charnel. En l’absence des parents de Michèle, Pierre espère enfin connaître une intimité physique. Mais d’étranges visions l’envahissent, comme cette boule de cristal qu’il imagine sur la rampe d’escalier de la maison de Michèle, alors qu’il n’y est jamais allé. La tension monte jusqu’à ce que passé et présent se percutent dans une scène finale qui fait froid dans le dos.

Les autres nouvelles du recueil poursuivent cette exploration des frontières troubles entre normalité et étrangeté. Dans « Lettres de Maman », un Argentin exilé à Paris avec la fiancée de son défunt frère reçoit des missives inquiétantes de sa mère. « Les Fils de la Vierge » suit un photographe qui déjoue sans le vouloir une tentative d’enlèvement – nouvelle qui inspirera plus tard « Blow-Up » d’Antonioni. « L’Homme à l’affût » brosse le portrait d’un saxophoniste de génie inspiré de Charlie Parker, tandis que « Bons et Loyaux Services » dépeint une domestique âgée mêlée malgré elle à des intrigues sordides.

Ces récits dessinent une géographie mentale où le réel se dérobe constamment. Le basculement opère sans heurt, dans un glissement imperceptible qui ne laisse aucune échappatoire. Cette maîtrise narrative culmine dans « L’Homme à l’affût », où le temps lui-même se distord au rythme des improvisations jazz. Le recueil a profondément influencé toute une génération d’écrivains latino-américains, établissant Cortázar comme un maître du genre.

Aux éditions FOLIO ; 320 pages.


4. Fin d’un jeu (recueil de nouvelles, 1956)

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« Fin d’un jeu » réunit dix-huit nouvelles où le quotidien bascule dans l’étrange avec une subtilité déconcertante. La première nouvelle, « Continuité des parcs », met en scène un homme absorbé par sa lecture dans son fauteuil de cuir. Le livre qu’il lit raconte l’histoire de deux amants préparant un meurtre – celui d’un homme lisant dans son fauteuil. Cette mise en abyme vertigineuse donne immédiatement le ton du recueil.

D’autres textes marquants comme « Axolotl » relatent des métamorphoses impossibles. Un visiteur du Jardin des Plantes de Paris observe chaque jour des salamandres mexicaines aux « visages aztèques » derrière leur vitre, jusqu’à ce que sa conscience migre de l’autre côté de l’aquarium. Dans « Les Ménades », un concert d’anniversaire vire à l’orgie sanglante quand le public, électrisé par la musique, finit par dévorer littéralement le chef d’orchestre et ses musiciens. « N’accusez personne » transforme le simple acte d’enfiler un pull en combat épique et cauchemardesque.

Ce recueil, dont la première édition mexicaine ne comptait que neuf nouvelles en 1956, a doublé de volume lors de sa publication argentine en 1964. Roger Caillois, qui a traduit Cortázar en français, parle de récits construits comme « des exposés quasi-axiomatiques d’une situation abstraite qui, poussée à l’extrême en tout sens convenable, se révèle vertigineuse ». Mario Vargas Llosa a salué en Cortázar un « voyant qui détecte l’insolite dans l’habitude, l’absurde dans la logique ». Si certains rapprochements avec Borges semblent inévitables – tous deux manient brillamment le fantastique métaphysique – les nouvelles de Cortázar se distinguent par leur ancrage plus charnel, plus incarné. La frontière entre réel et surnaturel s’efface progressivement, laissant le lecteur dans un entre-deux troublant où la folie n’est jamais loin.

Aux éditions GALLIMARD ; 210 pages.


5. Tous les feux le feu (recueil de nouvelles, 1966)

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« Tous les feux le feu », recueil de huit nouvelles paru en 1966, débute par « L’autoroute du Sud ». Elle raconte un embouteillage qui s’étire pendant des mois sur l’autoroute menant à Paris. Les automobilistes immobilisés s’organisent progressivement en communauté. L’ingénieur de la 404 tombe amoureux de la conductrice de la Dauphine, tandis que les bonnes sœurs en 2CV distribuent des vivres et que la Porsche fait du trafic de nourriture.

Dans la nouvelle titre, deux récits s’entremêlent : à Rome, le proconsul organise un combat de gladiateurs pour humilier sa femme Irène, éprise de Marco, l’un des combattants. À Paris, des siècles plus tard, une conversation téléphonique tendue entre Roland et Jeanne révèle une liaison adultérine avec Sonia. Les deux récits convergent dans un incendie final qui consume simultanément l’arène romaine et l’appartement parisien.

Les autres nouvelles suivent cette même logique de basculement : un steward obsédé par une île grecque qu’il aperçoit chaque jour à midi depuis son avion, une famille qui cache la mort d’un fils à sa mère malade, un adolescent qui développe une étrange relation avec son infirmière.

« L’autoroute du Sud » inspire notamment le film « Le Grand Embouteillage » (L’ingorgo, 1979) du réalisateur italien Luigi Comencini tandis que plusieurs metteurs en scène adaptent d’autres de ces nouvelles au théâtre. En quelques pages, chaque texte installe une normalité familière avant de la faire dérailler subtilement. Ce mélange de situations ordinaires et d’éléments décalés crée un sentiment d’inquiétante étrangeté qui caractérise l’ensemble du recueil.

Aux éditions GALLIMARD ; 196 pages.

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