John Updike naît le 18 mars 1932 à Reading en Pennsylvanie, fils unique de Linda Grace Hoyer et Wesley Russell Updike. Il grandit à Shillington jusqu’à ses onze ans, puis déménage à Plowville. C’est en observant sa mère écrivaine à son bureau qu’il développe son intérêt pour la littérature et l’écriture. Brillant étudiant, il entre à Harvard où il sort diplômé avec les honneurs en 1954. La même année, il épouse Mary Pennington.
Après un bref séjour d’études à Oxford, il rejoint l’équipe du New Yorker en 1955. Il s’installe à Ipswich, Massachusetts, où il commence véritablement sa carrière d’écrivain. Son premier roman publié, « Jour de fête à l’hospice », paraît en 1959, suivi de « Cœur de lièvre » en 1960. Sa carrière décolle véritablement avec « Le Centaure » qui remporte le National Book Award en 1963.
Au fil des décennies, Updike s’impose comme l’un des écrivains majeurs de sa génération. Il est particulièrement célèbre pour sa tétralogie Rabbit qui suit les aventures de Harry « Rabbit » Angstrom sur quatre décennies, et dont deux volumes (« Rabbit est riche » et « Rabbit en paix ») remportent le Prix Pulitzer. Son œuvre prolifique aborde les thèmes de la religion, du sexe, de la mort et de l’Amérique ordinaire, notamment à travers le prisme de la classe moyenne protestante des petites villes.
Après son divorce en 1976, il épouse Martha Bernhard en 1977 et s’installe à Beverly Farms, Massachusetts. Il continue d’écrire jusqu’à la fin de sa vie, produisant romans, nouvelles, poèmes et critiques littéraires. Son dernier roman, « Les veuves d’Eastwick », paraît en 2008. John Updike meurt d’un cancer du poumon le 27 janvier 2009 à l’âge de 76 ans.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. Cœur de lièvre (1960)
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Résumé
Au printemps 1959, Harry « Rabbit » Angstrom, ancien champion de basketball de son lycée, mène une existence morne dans la banlieue de Brewer, en Pennsylvanie. À 26 ans, il travaille comme démonstrateur d’ustensiles de cuisine et partage un appartement avec Janice, son épouse enceinte de leur deuxième enfant, et leur fils Nelson, âgé de deux ans.
Un soir, étouffé par cette vie étriquée et las des beuveries de sa femme, il monte dans sa voiture avec l’intention de fuir vers le Sud. Après une nuit d’errance, il revient finalement à Brewer mais, plutôt que de rentrer chez lui, se réfugie chez son ex-entraîneur de basket, Marty Tothero. Ce dernier lui présente Ruth Leonard, une prostituée occasionnelle avec qui Rabbit entame une relation et s’installe. Entre-temps, Janice retourne vivre chez ses parents.
Le révérend Jack Eccles, prêtre épiscopalien, tente de réconcilier le couple et noue une amitié ambiguë avec Rabbit en jouant au golf avec lui. Lorsque Janice accouche d’une petite fille, Rebecca June, Rabbit quitte Ruth pour revenir auprès de sa famille. Mais très vite, l’atmosphère du foyer retrouvé lui pèse à nouveau. Une dispute éclate quand Janice refuse ses avances et il s’enfuit une seconde fois, ignorant les conséquences dramatiques que son départ va entraîner…
Autour du livre
Rédigé à l’âge de 27 ans, « Cœur de lièvre » naît de l’observation par John Updike d’une génération d’hommes désemparés qui, ayant connu leur heure de gloire au lycée, se trouvent ensuite prisonniers d’une spirale descendante. Le manuscrit est terminé le 11 septembre 1959 et rapidement accepté par l’éditeur Alfred A. Knopf, sous réserve de coupes concernant les passages à teneur sexuelle. Updike s’y soumet avec l’aide d’un conseiller juridique et le roman paraît en novembre 1960. Pour l’édition de poche chez Penguin Books fin 1962, l’auteur obtient de restaurer les passages censurés et modifie certains détails du texte lors d’un séjour à Antibes.
Le choix du présent de narration, novateur pour l’époque, permet à Updike de naviguer avec une remarquable fluidité entre les pensées, les objets et les événements. La force du livre réside dans sa capacité à rendre le personnage de Rabbit profondément humain malgré ses défauts. Ni héros ni antihéros, cet être égocentrique irresponsable incarne les aspirations et les lâchetés d’une Amérique des années 1950 en pleine mutation. Updike dépeint avec une précision chirurgicale l’étouffement de la vie conjugale, les errances sexuelles et la quête spirituelle de son protagoniste.
The New York Times salue cette « étude tendre et perspicace des désespérés et des affamés parmi nous ». La romancière Joyce Carol Oates compare Updike à Flaubert pour sa capacité à « nous hypnotiser par sa voix narrative tout en nous repoussant par les vanités du désir humain que son scalpel met à nu ». Le livre s’inscrit dans la lignée du « Sur la route » de Jack Kerouac, dont il constitue une réponse critique en montrant les dégâts causés par la fuite d’un père de famille.
Le roman est adapté au cinéma en 1970 par Jack Smight, avec James Caan dans le rôle de Rabbit. Toutefois, le film est un échec commercial, la Warner Bros perdant deux millions de dollars. Selon Updike, cet insuccès s’explique par l’incapacité du médium cinématographique à retranscrire « l’ombre de l’ambivalence morale » qui fait la force du livre. « Cœur de lièvre » inaugure une série de quatre romans suivant le parcours de Rabbit à travers les décennies : « Rabbit rattrapé » (1971), « Rabbit est riche » (1981) et « Rabbit en paix » (1990), complétés par la nouvelle « Souvenirs de Rabbit » (2001).
Aux éditions POINTS ; 360 pages.
2. Les sorcières d’Eastwick (1984)
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Résumé
Dans la bourgade fictive d’Eastwick, Rhode Island, à la fin des années 1960, trois femmes libérées des contraintes matrimoniales mènent une existence peu conventionnelle. Alexandra Spofford, sculptrice et veuve, Jane Smart, professeure de violoncelle divorcée, et Sukie Rougemont, journaliste également divorcée, forment un trio sulfureux qui scandalise la petite communauté. Leurs pouvoirs surnaturels, acquis après leur émancipation conjugale, leur permettent d’exercer une influence grandissante sur la ville.
L’arrivée de l’énigmatique Darryl Van Horne, qui s’installe dans un manoir abandonné, bouleverse leur équilibre. Ce personnage charismatique fortuné séduit tour à tour les trois femmes, attise leur créativité et les encourage à développer leurs dons occultes. Une relation polyamoureuse s’instaure entre Van Horne et les trois sorcières, jusqu’à ce qu’il jette son dévolu sur leur jeune amie Jenny. Cette trahison provoque la colère du trio qui décide d’user de ses pouvoirs pour se venger…
Autour du livre
John Updike publie « Les sorcières d’Eastwick » en 1984, dans un contexte où il souhaite répondre aux critiques féministes qui lui reprochent sa représentation stéréotypée des femmes dans ses œuvres antérieures. Le romancier décrit lui-même son livre comme une réflexion sur « le pouvoir féminin, un pouvoir que les sociétés patriarcales ont nié ». Cette intention se manifeste à travers ses trois protagonistes qui s’émancipent des conventions sociales et conjugales pour vivre selon leurs désirs.
La dimension surnaturelle du récit s’inscrit dans la tradition des légendes de sorcellerie de la Nouvelle-Angleterre. Updike ancre son histoire dans cette région marquée par les procès des sorcières de Salem, tout en transposant le mythe dans un contexte contemporain. Les pouvoirs des trois héroïnes symbolisent leur libération des carcans sociaux, mais cette puissance nouvellement acquise révèle aussi leur propre ambivalence morale.
La réception critique s’avère contrastée, particulièrement sur la dimension féministe. Certains saluent la capacité d’Updike à adopter le point de vue de personnages féminins complexes et émancipés. D’autres, en revanche, considèrent que le roman perpétue une vision misogyne en dépeignant des femmes dont l’épanouissement reste tributaire de la présence masculine. Le débat porte également sur l’ambiguïté du propos : s’agit-il d’une critique ou d’une célébration des archétypes féminins traditionnels ?
« Les sorcières d’Eastwick » connaît plusieurs adaptations, dont la plus célèbre reste le film de George Miller sorti en 1987. Jack Nicholson y incarne Darryl Van Horne aux côtés de Cher (Alexandra), Susan Sarandon (Jane) et Michelle Pfeiffer (Sukie). Si le long-métrage s’éloigne sensiblement de l’intrigue originale, il reçoit deux nominations aux Oscars pour sa bande originale et sa qualité sonore. Le roman inspire également plusieurs séries télévisées, dont « Eastwick » en 2009 avec Paul Gross dans le rôle de Darryl, ainsi qu’une comédie musicale créée à Londres en 2000 par John Dempsey et Dana P. Rowe, reprise notamment en Australie et aux États-Unis.
Aux éditions FOLIO ; 477 pages.
3. Couples (1968)
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Résumé
Tarbox, Massachusetts, début des années 1960. Cette petite ville cossue abrite un cercle fermé de dix couples, tous issus de la bourgeoisie locale : médecins, scientifiques, entrepreneurs. Parmi eux, Piet Hanema, séduisant entrepreneur en bâtiment, partage avec sa femme Angela une vie en apparence idyllique. Les couples se retrouvent régulièrement pour des dîners, des parties de tennis ou des cocktails. Sous ces mondanités se dissimule pourtant un jeu dangereux d’attractions et de désirs interdits.
Piet succombe d’abord aux charmes de Georgene Thorne, l’épouse du dentiste, avant de tomber éperdument amoureux de Foxy Whitman, la femme d’un brillant scientifique. D’autres couples du groupe s’adonnent eux aussi secrètement à l’adultère : Harold Smith et Janet Appleby entretiennent une liaison, tandis que leurs conjoints respectifs, Marcia et Frank, se consolent dans les bras l’un de l’autre. Le fragile équilibre de cette microsociété bascule lorsque Foxy annonce à Piet qu’elle attend un enfant de lui.
Freddy Thorne, le mari trompé de Georgene, propose alors son aide pour organiser un avortement clandestin. Mais il pose une condition qui pourrait faire voler en éclats toute la communauté de Tarbox : en échange de son aide, il exige de passer une nuit avec Angela, l’épouse de Piet. Cette demande met non seulement en péril le mariage des Hanema, mais aussi la cohésion de tout le groupe…
Autour du livre
John Updike compose « Couples » en 1968 alors qu’il réside à Ipswich, Massachusetts. Cette chronique de l’adultère en banlieue cossue s’inspire directement de ses observations sur son propre milieu social, notamment ses voisins, qu’il transforme en personnages de fiction.
Le roman s’ouvre le 24 mars 1962 et intègre des événements majeurs comme la perte du sous-marin USS Thresher en avril 1963, l’affaire Profumo et l’assassinat de Kennedy en novembre 1963. Cette toile de fond historique sert à illustrer les mutations que connaît la société américaine avec l’arrivée de la pilule contraceptive, ce que l’un des personnages nomme le « paradis post-pilule ».
La publication provoque un scandale retentissant. Le magazine Time, qui avait prévu de consacrer sa couverture à Updike avant même d’avoir lu le manuscrit, se trouve embarrassé par le contenu jugé trop sulfureux. Les descriptions explicites des relations charnelles, inhabituelles pour l’époque, contribuent à la notoriété du livre. Pourtant, sous les apparences d’un roman libertin se cache une réflexion plus profonde sur l’impossible conciliation entre la morale protestante traditionnelle et l’évolution des mœurs dans l’Amérique des années 1960.
Le romancier Wilfred Sheed, dans le New York Times Book Review, qualifie le livre d’ « ingénieux » et de « brûlant », soulignant que le traitement de la sexualité par Updike s’avère central dans sa méthode, comparable à celle d’un « biochimiste de fiction s’approchant de l’humanité avec un plateau d’instruments hypersensibles ». En 2009, USA Today évoque une véritable « capsule temporelle » de son époque. Seul Martin Amis exprime des réserves, classant « Couples » parmi les œuvres mineures de l’auteur.
« Couples » s’inscrit dans une trilogie informelle avec « Portnoy et son complexe » (1969) de Philip Roth et « Myra Breckinridge » (1968) de Gore Vidal, trois romans qui marquent l’avènement de la révolution sexuelle dans la littérature américaine. En 1993, l’illustrateur Edward Sorel immortalise d’ailleurs ces trois auteurs sous les traits de satyres, soulignant leur rôle déterminant dans l’évolution des mœurs littéraires.
Aux éditions GALLIMARD ; 640 pages.