Né en 1970 en Moselle, Joël Egloff est un écrivain et scénariste français qui vit à Metz. Après l’obtention de son baccalauréat littéraire au lycée Jean-Victor-Poncelet de Saint-Avold en 1988, il poursuit des études d’histoire à Strasbourg avant d’intégrer l’École supérieure libre d’études cinématographiques (ESEC) à Paris. Il travaille d’abord dans le cinéma comme assistant-réalisateur et scénariste avant de se consacrer entièrement à l’écriture.
Son premier roman, « Edmond Ganglion & fils » (1999), lui vaut le prix Alain-Fournier. Il enchaîne ensuite les succès littéraires avec « Les Ensoleillés » (prix Erckmann-Chatrian 2000), « Ce que je fais là assis par terre » (Grand prix de l’Humour Noir 2004) et « L’étourdissement » (prix du Livre Inter 2005). En 2012, son recueil de nouvelles « Libellules » reçoit le grand prix SGDL de la Nouvelle.
Ses œuvres, qui allient poésie étrange et humour noir, font l’objet de plusieurs adaptations au théâtre et au cinéma, notamment « Grand Froid » (2017), adaptation cinématographique de son premier roman avec Jean-Pierre Bacri. En 2024, il publie « Ces féroces soldats » chez Buchet-Chastel.
Voici notre sélection de ses romans majeurs.
1. L’étourdissement (2004)
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Résumé
Dans un lieu innommé qui semble concentrer toutes les nuisances possibles, un jeune homme vit avec sa grand-mère acariâtre, coincé entre un abattoir, une décharge municipale et un aéroport. « Quand le vent vient de l’ouest, ça sent plutôt l’œuf pourri. Quand c’est de l’est qu’il souffle, il y a comme une odeur de soufre qui nous prend à la gorge », dit-il dès les premières pages. Le ciel perpétuellement gris laisse à peine filtrer quelques rayons de soleil, tandis que le brouillard omniprésent enveloppe ce décor sinistre d’une chape pesante.
Le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, travaille comme la plupart des habitants à l’abattoir du coin. Entre les lignes à haute tension qui grésillent au-dessus des toits et les avions qui décollent en rase-mottes, ses journées s’écoulent dans une routine abrutissante. Son seul ami est Bortch, un collègue de travail avec qui il partage quelques moments de répit. Les vacances se résument à des baignades dans les bassins de la station d’épuration, tandis que les promenades le mènent invariablement vers la décharge où il cherche des « trésors » parmi les détritus. Un jour, il croise une institutrice venue faire visiter l’abattoir à ses élèves. Celle-ci fait naître un espoir amoureux, mais la timidité du protagoniste l’empêche de concrétiser cette romance qui n’existera que dans son imagination.
Autour du livre
Prix du Livre Inter 2005, « L’étourdissement » s’inscrit dans une veine littéraire qui mêle l’absurde au social, rappelant tantôt l’univers de Beckett, tantôt celui de Charlie Chaplin. La noirceur du propos se trouve constamment contrebalancée par un humour grinçant qui transforme le sordide en absurde. Des scènes mémorables, comme celle où le narrateur tente maladroitement d’annoncer à une veuve le décès de son mari, illustrent cette capacité à extraire du comique des situations les plus tragiques.
Aux éditions FOLIO ; 144 pages.
2. Ces féroces soldats (2024)
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Résumé
En 1943, le père de Joël Egloff a 17 ans lorsqu’il est incorporé de force dans l’armée allemande. Comme 130 000 autres Alsaciens et Mosellans, il devient un « Malgré-nous », ces Français contraints de revêtir l’uniforme nazi pour éviter les représailles sur leurs familles. Son village de Moselle, annexé par le Reich en 1940, est devenu territoire allemand – un nouveau changement de nationalité dans une région qui en a connu quatre en moins d’un siècle. D’abord affecté dans une unité antiaérienne à Munich, le jeune homme est ensuite versé dans la Waffen-SS en raison de son apparence « aryenne idéale ».
À seulement 18 ans, il participe à ses premiers combats lors de la bataille des Ardennes, avant d’être envoyé sur le front russe puis en Hongrie. En mai 1945, il est fait prisonnier par l’armée américaine en Autriche. Il lui faudra attendre septembre pour être libéré, le temps que son statut particulier de « Malgré-nous » soit attesté et reconnu. De cette période, il ne parlera que très peu, comme tant d’autres revenus de cet enfer.
Des décennies plus tard, son fils entreprend de reconstituer ce parcours singulier à partir des rares confidences paternelles et d’une documentation minutieuse. « Je me suis perdu dans les livres […] J’ai tous les relevés météo de tous les jours de la bataille sur toute la ligne de front. Je connais l’évolution de la situation heure par heure. […] Pourtant, je ne sais rien sur toi, ou si peu de choses. »
Autour du livre
Cette quête intime s’écrit à la deuxième personne, comme une longue lettre adressée à ce père disparu en 2012. Plus qu’une simple biographie, elle met en lumière l’absurdité des guerres à travers le destin de ces hommes ballottés entre deux pays, deux langues, deux cultures. Sur les 130 000 « Malgré-nous », 40 000 ne sont jamais revenus. Ce texte donne enfin une voix à ces hommes longtemps restés dans l’angle mort de l’Histoire, « grain de sable dans le récit trop bien huilé du combat entre les héros et les lâches, les bons et les salauds ».
Aux éditions BUCHET-CHASTEL ; 240 pages.
3. Edmond Ganglion & fils (1999)
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Résumé
Dans le petit village de Saint-Jean, où la vie semble figée entre l’église, la mairie et le café du Soleil qui ne sert que sa légendaire prune maison, les pompes funèbres « Edmond Ganglion & fils » périclitent dangereusement. Le patron, qui n’a jamais eu de fils malgré l’enseigne pleine d’espoir, emploie deux fossoyeurs aux personnalités opposées : le vieux Georges, professionnel expérimenté, et le jeune Molo, aussi maladroit que philosophe. Tous trois attendent désespérément que les habitants daignent mourir, mais même la canicule estivale ne parvient pas à emporter les plus âgés du village.
L’arrivée inespérée d’un défunt ranime enfin les affaires. Georges et Molo sont chargés de conduire le corps jusqu’à un lointain cimetière après la cérémonie à l’église de Saint-Jean. Le convoi funèbre se transforme alors en périple rocambolesque : les deux employés, perdus sur des routes inconnues, accumulent les situations absurdes dans leur quête du cimetière introuvable. Leur détermination à mener à bien leur mission les conduit jusqu’à la mer, qu’ils découvrent par hasard, avant qu’un accident de la route ne vienne bouleverser définitivement leur voyage.
Autour du livre
Ce premier roman de Joël Egloff, paru en 1999, manie l’humour noir avec une finesse remarquable. Les situations improbables s’enchaînent sans jamais tomber dans la facilité, portées par des personnages à la fois loufoques et profondément humains. L’histoire a séduit le cinéma : en 2017, Gérard Pautonnier en tire le film « Grand froid », dans lequel Jean-Pierre Bacri incarne un Edmond Ganglion aussi grinçant qu’attachant.
Aux éditions FOLIO ; 176 pages.