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Hélène Gestern en 5 romans – Notre sélection

Hélène Gestern en 5 romans – Notre sélection

Née en 1971, Hélène Gestern vit et travaille à Nancy où elle mène une double carrière d’écrivaine et d’enseignante-chercheuse. Au sein d’un laboratoire spécialisé dans l’étude du lexique, elle poursuit des recherches et coanime à Paris une équipe consacrée aux écrits personnels. Sa passion pour la photographie et l’autobiographie nourrit son œuvre littéraire.

Elle fait une entrée remarquée en littérature en 2011 avec « Eux sur la photo », un premier roman qui rencontre un grand succès (plus de 80 000 exemplaires vendus) et reçoit plusieurs distinctions. À travers ses romans suivants, dont « Portrait d’après blessure » (2014), « L’odeur de la forêt » (2016) et « L’eau qui dort » (2018), elle aborde les thèmes de la mémoire, de l’image et des secrets familiaux.

En 2020, elle publie « Armen », un essai biographique sur l’écrivain Armen Lubin, puis en 2022 « 555 », un roman autour des sonates de Domenico Scarlatti qui remporte le Grand Prix RTL/LIRE. « Cézembre » (2024) raconte la saga d’une famille malouine.

Traduite en plusieurs langues (anglais, allemand, espagnol, italien), Hélène Gestern s’impose comme une voix singulière de la littérature française contemporaine, mêlant enquête documentaire et fiction.

Voici notre sélection de ses romans majeurs.


1. Eux sur la photo (2011)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Hélène Hivert, 38 ans, ne garde aucun souvenir de sa mère, morte dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que trois ans. En vidant la maison familiale, elle découvre une coupure de journal datant de 1971 avec une photo sur laquelle sa mère pose aux côtés de deux hommes lors d’un tournoi de tennis à Interlaken. Désireuse d’en savoir plus sur cette femme dont son père n’a jamais voulu parler, Hélène publie la photo dans Libération. Stéphane Crüsten, un scientifique installé en Angleterre, reconnaît son père sur le cliché et contacte Hélène. S’ensuit une longue correspondance faite de lettres, courriels et SMS. Au fil de leurs échanges et des photos qu’ils exhument, ils reconstituent peu à peu l’histoire d’amour interdite qui a lié leurs parents dans les années 1960, tout en développant eux-mêmes une relation de plus en plus intime.

Autour du livre

« Eux sur la photo », premier roman d’Hélène Gestern paru en 2011 chez Arléa, renouvelle avec brio le genre du roman épistolaire. La construction s’articule autour de quatorze photographies minutieusement décrites en début de chapitre par un narrateur anonyme, avant de laisser place aux échanges entre Hélène et Stéphane. Cette structure originale permet d’interroger le rôle des images dans la mémoire familiale et leur capacité à révéler ou dissimuler la vérité.

L’enquête menée par les deux protagonistes les plonge dans le Paris des années 1960, où les conventions sociales et le poids des traditions, particulièrement dans la communauté des émigrés russes, dictaient encore largement les destins individuels. Le roman questionne les conséquences dévastatrices des non-dits familiaux sur les générations suivantes. Ni Hélène ni Stéphane n’ont réussi à construire leur vie affective, comme si le secret qui entourait leurs parents les avait empêchés d’avancer.

La proximité troublante entre le prénom de l’héroïne et celui de l’autrice a suscité des interrogations sur la part autobiographique du récit. Une autre particularité réside dans l’absence des photographies elles-mêmes dans le livre, bien qu’elles en constituent le fil conducteur. Seule une image ayant accompagné l’écriture du roman est accessible sur le site Internet d’Hélène Gestern – une plage déserte au crépuscule qui évoque les clichés réalisés par le père de Stéphane après son renoncement aux portraits de famille.

« Eux sur la photo » a reçu un accueil critique enthousiaste et plusieurs distinctions, dont le Prix Coup de cœur des lycéens de la Fondation Prince Pierre de Monaco, le Prix René-Fallet et le Prix premier roman de Culture et bibliothèques pour tous de la Sarthe en 2012. Son succès a conduit à des traductions en anglais et en italien.

Aux éditions ARLÉA ; 320 pages.


2. 555 (2022)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Paris, de nos jours. En restaurant un vieil étui de violoncelle, l’ébéniste Grégoire Coblence met au jour une partition ancienne qui porte les initiales « d » et « S ». Son associé Giancarlo Albizon, luthier de renom, propose de la montrer à la grande claveciniste Manig Terzian. Cette dernière confirme qu’il pourrait s’agir d’une sonate inédite de Domenico Scarlatti, qui viendrait compléter les 555 sonates connues du compositeur baroque italien. La nouvelle se répand rapidement dans le milieu musical, attirant l’attention d’un musicologue persuadé de tenir là l’occasion de relancer sa carrière et d’un richissime collectionneur belge. Mais le précieux document est dérobé avant même d’avoir pu être authentifié. S’engage alors une quête effrénée autour du document, entre authentification et convoitises, qui va bouleverser la vie de chacun des personnages.

Autour du livre

Ce roman choral alterne les points de vue des cinq protagonistes principaux, complétés par une mystérieuse sixième voix qui s’exprime en italique entre les chapitres. La construction métronomique, avec treize séquences pour chaque personnage, fait écho à la rigueur musicale des sonates de Scarlatti.

Avec « 555 », Hélène Gestern s’immisce dans les coulisses du monde de la musique classique, ses rivalités entre chercheurs, la dureté des conservatoires, la concurrence acharnée entre musiciens. Les métiers artisanaux y sont décrits avec minutie, qu’il s’agisse du travail du luthier ou de l’ébéniste. Le livre tire sa force de la manière dont il entrelace les destins de ses personnages, tous marqués par des blessures intimes : Grégoire ne se remet pas du départ inexpliqué de son épouse, Giancarlo est aux prises avec des dettes de jeu, Manig lutte contre l’arthrose qui menace sa carrière.

L’originalité du livre tient aussi au choix du compositeur : plutôt que d’opter pour des figures plus connues comme Bach ou Vivaldi, Hélène Gestern met en lumière Scarlatti, génie de la période baroque dont le mystère demeure entier puisqu’aucun manuscrit autographe de ses sonates n’est parvenu jusqu’à nous. Cette énigme historique nourrit naturellement l’intrigue contemporaine.

Couronné par le Grand Prix RTL-Lire en 2022, « 555 » mêle avec habileté les codes du thriller à une réflexion sur le pouvoir transcendant de la musique. La partition devient le catalyseur qui permet à chaque personnage de se confronter à son passé et d’envisager un nouveau départ. La fin du roman voit notamment Manig Terzian oser, à 77 ans, interpréter Scarlatti au piano plutôt qu’au clavecin, transgression artistique qui ouvre de nouvelles perspectives d’interprétation.

Aux éditions FOLIO ; 480 pages.


3. Cézembre (2024)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

À l’approche de la cinquantaine, Yann de Kérambrun, professeur d’histoire à la Sorbonne, quitte Paris pour s’installer dans la demeure familiale de Saint-Malo dont il vient d’hériter. En instance de divorce, épuisé par son métier, marqué par la mort récente de son père, il cherche refuge face à l’île de Cézembre qui a toujours exercé sur lui une attraction particulière. Dans le bureau paternel, il découvre les archives de son arrière-grand-père Octave, fondateur au début du XXe siècle d’une prestigieuse compagnie maritime. À travers les carnets personnels et la correspondance de son aïeul, Yann reconstitue peu à peu l’histoire de sa famille et met au jour des secrets enfouis depuis un siècle. Sa quête le mène à Rebecca, une mystérieuse joggeuse aux yeux hétérochromes, dont le passé s’avère étroitement lié au sien.

Autour du livre

Cette saga familiale sur quatre générations s’inscrit dans la lignée des précédents romans d’Hélène Gestern, où documents d’archives et photographies servent de catalyseurs à la narration. L’enquête menée par Yann révèle progressivement les zones d’ombre d’une famille de la haute bourgeoisie malouine, tout en esquissant un portrait saisissant de la Bretagne industrielle du début du XXe siècle.

Pour écrire « Cézembre », l’autrice s’est nourrie de ses séjours réguliers à Saint-Malo depuis 2006. Elle a notamment attendu quinze ans avant de pouvoir accéder à l’île de Cézembre, interdite au public jusqu’en 2018 en raison des nombreux obus non explosés qui la jonchaient encore après les bombardements de 1944. Le naufrage décrit dans le roman s’inspire d’un fait historique : celui du paquebot Hilda en 1905, l’une des plus terribles catastrophes maritimes survenues dans la baie de Saint-Malo, qui fit au moins 125 victimes.

La mer occupe une place centrale dans le récit, véritable protagoniste dont les humeurs changeantes rythment la narration. Les descriptions de la Manche, de ses couleurs et de ses tempêtes scandent le texte avec une précision quasi picturale : « L’horizon qui rosissait à fleur d’eau se chargeait de nuances pailletées, avant de se dissoudre dans des bleus d’une infinie délicatesse. »

L’île de Cézembre constitue le point névralgique du roman. Cette terre minuscule au large de Saint-Malo, qui fut tour à tour monastère, bagne, garnison allemande et cible des plus intenses bombardements d’Europe en 1944, incarne la complexité de l’histoire familiale des Kérambrun.

La structure narrative alterne entre le présent de Yann et les événements du passé, révélés par fragments à travers les archives d’Octave. Des chapitres en italique, consacrés à l’histoire de Cézembre, ajoutent une dimension supplémentaire au récit. Cette construction complexe maintient le suspense jusqu’aux dernières pages.

Le roman aborde plusieurs thématiques : les relations père-fils, la transmission générationnelle, le poids des secrets familiaux, mais aussi les débuts de l’industrialisation maritime et ses conséquences sur l’environnement. Le personnage d’Octave, ingénieur visionnaire mais aussi père et époux tourmenté, illustre les paradoxes de la modernité naissante.

« Cézembre », qui a séduit 13 000 lecteurs dans les deux mois suivant sa parution, marque une nouvelle étape dans l’œuvre d’Hélène Gestern, couronnée du Prix RTL/Lire 2022 pour son précédent roman « 555 ». Les droits de traduction ont été vendus en Allemagne et en Italie.

Aux éditions FOLIO ; 656 pages.


4. L’odeur de la forêt (2016)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Elisabeth Bathori, historienne de la photographie, traverse une période de deuil après la perte de son compagnon. Sa vie bascule lorsqu’une vieille dame, Alix de Chalendar, lui confie un précieux fonds d’archives : la correspondance et les photographies de son oncle, le lieutenant Alban de Willecot, mort au front en 1917. Ces documents, adressés au célèbre poète Anatole Massis, constituent un témoignage exceptionnel sur la Grande Guerre. Avant de mourir, Alix lègue à Elisabeth sa maison dans l’Allier, à charge pour elle de poursuivre ses recherches sur l’histoire familiale. L’historienne s’immerge alors dans une enquête qui la conduit jusqu’au Portugal sur les traces de Diane, jeune femme dont Willecot était épris, et de Tamara, une résistante disparue pendant la Seconde Guerre mondiale. De découverte en découverte, elle reconstitue le destin de plusieurs familles hantées par les tragédies du siècle passé.

Autour du livre

« L’odeur de la forêt » d’Hélène Gestern, publié en 2016 chez Arléa, déploie sur 740 pages une fresque ambitieuse qui entrelace trois périodes historiques : la Grande Guerre, l’Occupation et l’époque contemporaine. La narration alterne entre lettres du front, extraits de journal intime et récit principal, créant un effet de puzzle dont les pièces s’assemblent progressivement.

Le livre tire sa singularité de son approche documentaire minutieuse. Les photographies clandestines prises dans les tranchées, les correspondances censurées et le journal codé de Diane constituent autant de preuves tangibles qui éclairent les zones d’ombre de l’Histoire. Le personnage d’Alban de Willecot, astronome contraint d’abandonner ses études pour rejoindre le front, incarne la génération sacrifiée de 14-18.

La figure de Diane se distingue comme un personnage emblématique : jeune femme cultivée et rebelle qui étudie le grec et les mathématiques en secret, elle défie les conventions de son époque avant d’être mariée contre son gré une semaine après la mort d’Alban. Son destin tragique fait écho à celui de Tamara Zilberg, dont la disparition pendant la Seconde Guerre mondiale constitue l’un des fils conducteurs de l’enquête.

Hélène Gestern a consacré deux ans et demi à l’écriture de ce roman qui rend hommage à une autre Tamara – Tamara Isserlis, morte à Auschwitz en 1942 – évoquée dans « Dora Bruder » de Patrick Modiano. Elle y aborde également la question des « fusillés pour l’exemple » et dénonce l’absurdité des ordres militaires qui ont conduit tant de soldats à la mort. Cette dimension critique s’accompagne d’une attention particulière portée au rôle méconnu des femmes pendant les deux conflits mondiaux.

Les chapitres courts et la multiplicité des supports narratifs (lettres, journal intime, photographies) dynamisent la lecture de ce récit conséquent. La dimension historique s’enrichit d’une réflexion sur l’archivage et la conservation des traces du passé, interrogeant notre rapport à la mémoire collective et individuelle.

Aux éditions ARLÉA ; 743 pages.


5. Portrait d’après blessure (2014)

Disponible sur Amazon Disponible à la Fnac

Résumé

Le 19 septembre, une explosion ravage une rame de métro près d’Odéon à Paris. Parmi les victimes, deux collègues : Olivier, présentateur d’une émission sur la photographie, et Héloïse, archiviste. Dans le chaos qui suit l’attentat, un paparazzi prend en photo Olivier portant Héloïse inconsciente et partiellement dévêtue par le souffle de l’explosion. Le cliché, publié en une d’un magazine à sensation, devient viral. « Les amants du métro » font la une de tous les journaux. Cette image impudique, diffusée sans leur consentement, déclenche une tempête médiatique qui dévaste leurs vies privées. Mariés chacun de leur côté, ils doivent affronter les soupçons de leurs conjoints et les regards pesants de leur entourage. Une fois sortis de l’hôpital, Olivier et Héloïse n’auront qu’une obsession : faire disparaître cette image qui a tout pulvérisé sur son passage.

Autour du livre

Avec « Portrait d’après blessure », Hélène Gestern questionne la place démesurée de l’image dans notre société hyperconnectée. La narration alterne entre les voix d’Olivier et d’Héloïse, entrecoupées de témoignages sur des photographies historiques marquantes, dans un dialogue entre leur expérience personnelle et la portée universelle de leur combat.

La structure narrative fait écho à la double violence subie par les protagonistes : celle de l’attentat qui meurtrit leurs corps, puis celle de l’image qui blesse leur dignité. « Il est vrai qu’il n’y avait pas de mot dans le code pénal pour décrire ce geste très particulier qui consiste à violer la douleur avec un objectif ».

Le récit soulève des questions essentielles sur les limites entre droit à l’information et respect de la vie privée. Les personnages, qui travaillaient justement sur le pouvoir des images historiques, se retrouvent brutalement de l’autre côté de l’objectif. Cette ironie dramatique renforce la réflexion sur l’utilisation des photos de victimes dans les médias. « Depuis la découverte du magazine, je ne dors plus. Je passe mes nuits sur Internet à traquer les occurrences de la photo, les commentaires. » La viralité transforme un instant de vulnérabilité en spectacle permanent, illustration des dérives du voyeurisme médiatique à l’ère des réseaux sociaux.

Aux éditions ARLÉA ; 229 pages.

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