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Federico García Lorca en 3 pièces de théâtre – Notre sélection

Federico García Lorca en 3 pièces de théâtre – Notre sélection

Federico García Lorca naît le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros, près de Grenade, dans une famille aisée. Fils d’un propriétaire terrien et d’une maîtresse d’école sensible à la poésie et à la musique, il passe son enfance à la campagne où il développe un profond attachement à la terre et à la nature andalouse.

Très jeune, il se passionne pour la musique et le dessin. À Grenade, où sa famille s’installe en 1909, il fait la rencontre décisive de Manuel de Falla qui influence grandement son parcours artistique. Il étudie le droit et les lettres à l’université, mais c’est vers la création qu’il se tourne rapidement.

À Madrid, il se lie d’amitié avec les plus grands artistes de son époque, notamment Salvador Dalí et Luis Buñuel. Il devient l’une des figures majeures de la Génération de 27, un important mouvement littéraire espagnol. Son recueil de poèmes « Romancero gitano », publié en 1928, le propulse vers la célébrité.

En 1929, pour surmonter une période de dépression, il voyage aux États-Unis. Ce séjour inspire son recueil de poèmes « Poeta en Nueva York ». De retour en Espagne, il prend la direction de La Barraca, une compagnie de théâtre universitaire itinérante qui apporte le théâtre classique dans les campagnes espagnoles.

Il écrit alors ses grandes œuvres dramatiques : « Noces de sang » (1932), « Yerma » (1934) et « La maison de Bernarda Alba » (1936). Son théâtre, comme sa poésie, mêle traditions populaires, modernité et profondeur psychologique.

Lorsque la guerre civile éclate en juillet 1936, Lorca regagne Grenade malgré les risques. Le 16 août, il est arrêté par les forces nationalistes. Le 19 août 1936, à l’aube, il est fusillé sur le chemin entre Víznar et Alfacar. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Voici notre sélection de ses pièces de théâtre majeures.


1. Noces de sang (1932)

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Résumé

Dans un village andalou des années 1930, un jeune homme s’apprête à épouser une belle héritière. La mère du fiancé, qui a déjà perdu son mari et son fils aîné dans une vendetta familiale, accepte cette union à contrecœur. La promise, qui vit isolée avec son père dans une grotte typique du sud de l’Espagne, consent au mariage malgré les sentiments qui la lient encore à Leonardo, son ex amant désormais marié à sa cousine.

Le matin des noces, une rencontre fortuite entre Leonardo et la fiancée ravive leur passion dévorante. Si chacun tente d’abord de réprimer ses émotions, la cérémonie suit son cours dans le respect des traditions. Mais alors que la fête bat son plein, l’impensable survient : la mariée s’enfuit avec Leonardo, poussée par une force qui la dépasse. Le fiancé, fou de rage, se lance à leur poursuite dans la forêt où les forces de la nature semblent conspirer pour précipiter le destin tragique qui se dessine.

Autour de la pièce

Première pièce de la trilogie rurale avec « Yerma » et « La maison de Bernarda Alba », « Noces de sang » rencontre un succès immédiat lors de sa création au Teatro Beatriz de Madrid le 8 mars 1933. Publiée en 1935, elle est l’unique pièce de Lorca éditée de son vivant.

Elle puise son inspiration dans un fait divers survenu le 22 juillet 1928 au Cortijo del Fraile, dans la province d’Almería. Lorca découvre dans la presse l’histoire de Francisca Cañada Morales qui, quelques heures avant ses noces avec Casimiro Pérez Pino, s’enfuit avec son cousin Francisco Montes. Cette fugue amoureuse se termine tragiquement lorsque le frère du fiancé rattrape les amants et tue Francisco Montes. L’écrivaine Carmen de Burgos s’était déjà emparée de ce drame dans sa nouvelle « Puñal de claveles », qui nourrit également l’imaginaire de Lorca.

La pièce transcende le simple fait divers pour dépeindre l’affrontement entre les conventions sociales et les pulsions individuelles. La terre andalouse, omniprésente, impose son déterminisme aux personnages, tandis que les objets acquièrent une dimension symbolique prémonitoire : le couteau préfigure la mort, le cheval incarne la virilité et la passion primitive, la lune personnifiée guide les destins vers leur issue fatale. La structure même de la pièce, qui mêle vers et prose, réalisme et onirisme, témoigne de l’influence du surréalisme sur Lorca.

« Noces de sang » connaît de multiples adaptations au fil des décennies. Juan José Castro en fait un opéra en 1956, suivi par Wolfgang Fortner en 1957 et Sándor Szokolay en 1964. Au cinéma, Carlos Saura réalise en 1981 une version majeure inspirée du ballet d’Antonio Gades. Plus récemment, Paula Ortiz propose en 2015 une nouvelle adaptation cinématographique intitulée « La novia ».

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.


2. Yerma (1934)

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Résumé

Dans une Andalousie aride des années 1930, Yerma étouffe dans un mariage arrangé par son père. Depuis deux ans qu’elle partage la vie de Juan, son désir d’enfant la consume, tandis que son mari, tout entier voué au travail des champs, reste sourd à ses supplications. Son prénom même – qui signifie « stérile » en espagnol – semble la condamner à cette existence sans descendance.

À ses côtés, María, son amie enceinte après seulement cinq mois de mariage, incarne tout ce à quoi elle aspire. La présence de Víctor, son ami d’enfance, éveille en elle des sentiments troublants, mais son sens de l’honneur lui interdit toute infidélité.

Obsédé par sa réputation, Juan installe ses deux sœurs au domicile conjugal pour surveiller son épouse. Yerma se lance alors dans une quête effrénée de solutions : elle sollicite les conseils d’une vieille femme aux quatorze enfants, participe à des rituels nocturnes dans un cimetière, puis rejoint un pèlerinage dans un sanctuaire montagneux où les femmes stériles viennent implorer la grâce divine. Son désespoir grandit à mesure que son mari se mure dans son refus d’avoir un enfant.

Autour de la pièce

Federico García Lorca écrit « Yerma » en 1934, dans une Espagne traversée par de profondes tensions sociales. La pièce est créée la même année au Teatro Español de Madrid, avec Margarita Xirgu dans le rôle-titre. Elle s’inscrit dans un projet plus vaste, celui d’une trilogie théâtrale sur des thèmes controversés : la stérilité dans « Yerma », l’adultère dans « Noces de sang » et l’inceste dans une troisième pièce que Lorca ne pourra jamais écrire, assassiné en 1936 au début de la guerre civile espagnole.

La pièce transpose sur scène la condition féminine dans l’Espagne rurale du début du XXe siècle, où le rôle social des femmes se résume essentiellement à la maternité. Lorca tisse un réseau de symboles qui structurent l’œuvre : l’eau de pluie et la source représentent la fécondité, tandis que la pierre et le sable évoquent la stérilité. Le mur symbolise les obstacles insurmontables auxquels se heurte Yerma. Le titre même de la pièce porte cette symbolique : en espagnol, « yerma » signifie « stérile », « dépeuplée ».

La dimension poétique de la pièce se mêle à des éléments païens qui contrastent avec la rigidité de la morale catholique. Les rituels de fertilité, les incantations et les figures comme la vieille femme aux quatorze enfants créent une atmosphère où le sacré ancestral défie les conventions religieuses. Cette tension entre paganisme et catholicisme traverse toute la pièce, tout comme l’opposition entre les quatre éléments : la terre et l’eau, symboles féminins, contre l’air et le feu, attributs masculins.

« Yerma » a connu de nombreuses adaptations, notamment à la télévision italienne en 1977 par Marco Ferreri. Une version cinématographique est réalisée en 1998 avec Aitana Sánchez-Gijón. Le compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos en tire un opéra, créé en 1971. En 2017, Emilio Ruiz Barrachina propose une relecture contemporaine intitulée « Yerma: Barren ». La pièce continue d’être régulièrement montée sur les scènes du monde entier, preuve de sa résonance universelle.

Aux éditions FOLIO ; 224 pages.


3. La maison de Bernarda Alba (1936)

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Résumé

Espagne rurale, début du XXe siècle. À la mort de son second mari, Bernarda Alba, matriarche tyrannique de soixante ans, décrète un deuil de huit ans pour sa maisonnée. Ses cinq filles se retrouvent séquestrées dans leur demeure aux murs blancs : Angustias, 39 ans, issue du premier mariage et seule héritière d’une fortune conséquente ; Magdalena, 30 ans ; Amelia, 27 ans ; Martirio, 24 ans ; et Adela, la benjamine de 20 ans.

L’arrivée de Pepe el Romano, séduisant jeune homme de 25 ans, vient perturber ce huis clos étouffant. Il demande la main d’Angustias, attiré par son héritage, mais entretient en secret une liaison passionnée avec Adela. Cette dernière, éprise d’un amour ardent, défie ouvertement l’autorité de sa mère tandis que Martirio, également amoureuse de Pepe, observe cette relation interdite d’un œil jaloux.

Dans une atmosphère de plus en plus oppressante, les passions s’embrasent et les sœurs se déchirent, menaçant de faire voler en éclats la façade d’honorabilité si chère à Bernarda Alba.

Autour de la pièce

Federico García Lorca achève « La maison de Bernarda Alba » en juin 1936, deux mois seulement avant son assassinat par les forces franquistes durant la Guerre civile espagnole. Il s’inspire d’une famille que ses parents avaient connue dans la petite ville de Valderrubio : une certaine Frasquita Alba, qui dirigeait d’une main de fer ses quatre filles, et un certain Pepe de la Romilla, qui avait épousé l’aînée pour sa dot avant de s’éprendre de la cadette.

La pièce dresse un tableau saisissant de l’Espagne rurale des années 1930, où le rôle des femmes demeure secondaire. Les thèmes de l’oppression, du conformisme et du poids des traditions s’entremêlent dans ce huis clos suffocant. La maison de Bernarda devient le symbole d’une société patriarcale dans laquelle les femmes sont prisonnières des conventions sociales. García Lorca interroge également la notion d’honneur, obsession de Bernarda qui sacrifie le bonheur de ses filles sur l’autel des apparences.

L’absence physique des hommes sur scène constitue un choix dramaturgique singulier : Pepe el Romano, bien qu’omniprésent dans l’intrigue, n’apparaît jamais. Son absence renforce le sentiment de claustration et met en lumière les rapports de force entre les personnages féminins. La progression de la tension dramatique s’accompagne d’un rétrécissement symbolique de l’espace : du premier acte qui se déroule dans la salle de réception au dernier qui prend place dans la cour intérieure, le drame s’enfonce littéralement dans les entrailles de la maison.

La première représentation a lieu le 8 mars 1945 au Teatro Avenida de Buenos Aires, sous l’égide de Margarita Xirgu. La pièce ne sera jouée en Espagne qu’en 1964, en pleine dictature franquiste. Les critiques saluent unanimement la force de cette œuvre testamentaire de Lorca, qui conjugue réalisme social et puissance poétique. Le Times Literary Supplement la qualifie de « chef-d’œuvre du théâtre moderne », tandis que Le Monde souligne sa « dimension universelle ».

« La maison de Bernarda Alba » connaît un rayonnement international considérable, avec des adaptations dans de nombreux pays. Mario Camus en réalise une version cinématographique en 1987, avec Irene Gutiérrez Caba dans le rôle de Bernarda. Le chorégraphe Mats Ek en propose une adaptation en ballet en 1978 pour le Cullberg Ballet de Stockholm. Plus récemment, en 2019, Griffin Candey la transpose en opéra sous le titre « The House of Bernarda Alba », sur un livret de Candad Svich.

Aux éditions FOLIO ; 272 pages.

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