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Dietrich Bonhoeffer en 2 livres – Notre sélection

Dietrich Bonhoeffer naît le 4 février 1906 à Breslau, sixième enfant d’une fratrie de huit, quelques instants avant sa sœur jumelle Sabine. Son père, Karl Bonhoeffer, est un éminent psychiatre et neurologue, tandis que sa mère Paula, née von Hase, est enseignante et issue d’une famille de théologiens et d’artistes.

En 1912, la famille s’installe à Berlin lorsque le père devient directeur de la clinique des maladies nerveuses de la Charité. Le jeune Dietrich, marqué par la mort de son frère Walter durant la Première Guerre mondiale, s’oriente vers des études de théologie qu’il commence à Tübingen en 1923, puis poursuit à Berlin.

À seulement 21 ans, Bonhoeffer soutient brillamment sa thèse de doctorat, et devient à 24 ans le plus jeune professeur habilité de théologie. Après un séjour à l’Union Theological Seminary de New York, il revient enseigner à l’Université de Berlin en 1931 et est ordonné pasteur la même année.

L’arrivée des nazis au pouvoir en 1933 marque un tournant. Contrairement à de nombreux protestants allemands, Bonhoeffer s’oppose immédiatement au régime hitlérien. Dans un essai intitulé « Die Kirche vor der Judenfrage » (« L’Église face à la question juive »), il est l’un des premiers théologiens à dénoncer la persécution des Juifs. Il rejette l’antisémitisme et critique l’Église pour son silence face aux injustices.

De 1935 à 1937, Bonhoeffer dirige le séminaire clandestin de Finkenwalde pour l’Église confessante, mouvement d’opposition aux « Chrétiens allemands » pro-nazis. Pendant cette période, il écrit « Vivre en disciple », où il développe sa vision d’un christianisme engagé dans le monde.

À partir de 1938, ses contacts avec son beau-frère Hans von Dohnanyi l’amènent à rejoindre le réseau de résistance organisé autour de l’amiral Canaris. Sous couverture de l’Abwehr (service de renseignement militaire), il entreprend plusieurs voyages à l’étranger pour informer les alliés de l’existence d’une opposition allemande au nazisme.

En janvier 1943, Bonhoeffer se fiance avec Maria von Wedemeyer. Mais le 5 avril de la même année, la Gestapo l’arrête. Pendant sa détention à la prison de Tegel, il écrit d’importantes lettres théologiques, rassemblées plus tard dans « Résistance et soumission », où il développe le concept de « christianisme non religieux ».

Après la découverte de documents compromettants et l’échec de l’attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, Bonhoeffer est transféré à la prison de la Gestapo, puis au camp de Buchenwald. Le 9 avril 1945, quelques semaines avant la fin de la guerre, il est pendu au camp de concentration de Flossenbürg, à l’âge de 39 ans, sur ordre direct d’Hitler.

La pensée théologique de Bonhoeffer, centrée sur Jésus-Christ, la grâce qui coûte et l’engagement dans le monde, ainsi que son témoignage de résistance, continuent d’inspirer de nombreux chrétiens et mouvements de justice sociale à travers le monde.

Voici notre sélection de ses livres majeurs.


1. Vivre en disciple (1937)

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Résumé

Dietrich Bonhoeffer finit d’écrire « Vivre en disciple » en 1937 dans le climat oppressif de l’Allemagne nazie. Face à la montée du Troisième Reich, Bonhoeffer devient directeur du Séminaire de formation théologique et pastorale de l’Église confessante à Finkenwalde (1935-1937). Le livre s’adresse aux jeunes théologiens qui s’interrogent : comment se comporter face au mal ? Faut-il résister ou se soumettre ? Quelle radicalité exige l’Évangile ?

Bonhoeffer structure son ouvrage en deux parties. La première examine le Sermon sur la Montagne et l’appel de Jésus aux disciples : « Suis-moi ». La seconde, intitulée « L’Église à la suite de Jésus-Christ », traite du baptême, des saints, du corps et de l’image du Christ, ainsi que de la communauté visible. Au cœur de sa réflexion se trouve la distinction entre « grâce à bon marché » et « grâce qui coûte ».

Pour Bonhoeffer, le chrétien n’a qu’un seul maître, le Christ, et pour être son disciple, il faut entendre et répondre à son appel : « Viens et suis-moi ». Cette exigence radicale, loin de n’être qu’un précepte moral, devient pour l’auteur une question de vie ou de mort dans un contexte où l’Église allemande cède aux compromissions avec le régime nazi.

Autour du livre

La genèse de « Vivre en disciple » s’inscrit dans un contexte historique dramatique. Rédigé entre 1935 et 1937, alors que Bonhoeffer dirige clandestinement le séminaire de Finkenwalde, l’ouvrage naît d’une urgence spirituelle et politique. L’Église officielle allemande s’étant largement compromise avec le régime hitlérien, Bonhoeffer cherche à raviver une foi authentique et résistante chez ses étudiants. Le texte, issu de ses cours et de sa pratique communautaire, constitue un manifeste contre la « mise au pas » de l’Église par le pouvoir nazi.

L’opposition fondamentale entre « grâce à bon marché » et « grâce qui coûte » constitue le cœur théologique de l’œuvre. Pour Bonhoeffer, la « grâce à bon marché » représente une perversion du message évangélique qui transforme la grâce divine en simple absolution sans exigence de conversion profonde. Il dénonce cette conception comme « l’ennemi mortel de notre Église », car elle autorise le croyant à « continuer comme avant » tout en se croyant justifié. À l’inverse, la « grâce qui coûte » appelle à une transformation radicale de l’existence dans la suite du Christ, seul capable de rendre le croyant véritablement libre.

Cette conception s’enracine dans une relecture de la tradition luthérienne. Bonhoeffer, lui-même luthérien, s’oppose au détournement de la doctrine de la justification par la foi seule, devenue prétexte à une vie chrétienne sans engagement réel. Il rappelle que Luther lui-même avait sorti le christianisme « du cloître » pour le ramener dans le monde, non pour diminuer ses exigences mais pour les universaliser.

L’originalité de Bonhoeffer se manifeste dans sa vision de l’Église comme « corps du Christ » visible et concret dans l’histoire. Refusant toute spiritualisation désincarnée, il insiste sur la dimension communautaire et tangible de la foi. Cette ecclésiologie se révèle particulièrement prophétique dans le contexte totalitaire, affirmant la primauté de l’appartenance au Christ sur toute allégeance politique.

La méditation sur le Sermon sur la Montagne que propose Bonhoeffer bouleverse toute approche conventionnelle du texte évangélique. Là où beaucoup de commentateurs cherchent à atténuer la radicalité des paroles de Jésus, Bonhoeffer insiste sur leur caractère littéral et concret. « Il ne s’agit pas d’interpréter, d’expliquer, mais d’agir et d’obéir », écrit-il. Cette herméneutique de l’obéissance immédiate déstabilise toute tentative de domestication du message évangélique.

Le fruit spirituel, pour Bonhoeffer, demeure toujours un don mystérieux et gracieux. Dans un passage remarquable, il écrit : « Le fruit est toujours miraculeux ; jamais le résultat d’une volonté, mais toujours une croissance. Le fruit de l’Esprit est toujours un don de Dieu, et lui seul peut le produire. Ceux qui le portent en savent aussi peu que l’arbre connaît ses fruits. »

La critique a reconnu dans cet ouvrage une œuvre majeure de la théologie du XXe siècle. Bruce Hindmarsh considère Bonhoeffer comme « l’un des penseurs théologiques majeurs du XXe siècle, et probablement de n’importe quel siècle ». Un autre critique note que le livre « changera profondément votre compréhension de ce que signifie être une personne de foi dans le monde ».

Aux éditions LABOR ET FIDES ; 330 pages.


2. De la vie communautaire (1939)

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Résumé

Dans « De la vie communautaire » Dietrich Bonhoeffer présente sa vision de la communauté chrétienne authentique, fruit de son expérience au séminaire clandestin de Finkenwalde entre 1935 et 1937. Le théologien protestant allemand, qui s’oppose activement au régime nazi, dévoile les fondements d’une vie commune centrée sur le Christ. Il établit la distinction fondamentale entre deux types de communautés : la communauté « psychique », fondée sur la fusion des individus et la fascination pour un chef, et la communauté « pneumatique » ou spirituelle, ancrée dans les liens de l’Esprit saint qui impliquent distance et respect.

Bonhoeffer structure méthodiquement cette vie communautaire idéale, des prières matinales aux confessions du soir, en passant par le travail quotidien et les moments de solitude nécessaires. Il examine comment les chrétiens doivent naviguer entre leurs responsabilités individuelles et collectives, entre le silence et la parole, entre l’autorité et le service.

Face au dilemme moral d’obéir aux autorités nazies ou de suivre les lois supérieures du Christ, Bonhoeffer développe une théologie de résistance qui puise sa force dans la communion fraternelle. La question centrale demeure : comment la communauté chrétienne peut-elle maintenir son intégrité spirituelle face à l’oppression politique ?

Autour du livre

« De la vie communautaire » (« Gemeinsames Leben » en allemand) voit le jour dans un contexte historique particulièrement sombre. Bonhoeffer rédige ce texte alors qu’il enseigne dans un séminaire clandestin sous le Troisième Reich, période où il s’implique également comme agent de liaison avec Gandhi et résistant contre le nazisme. Cette œuvre constitue donc le témoignage direct de son expérience vécue avec de jeunes candidats au ministère pastoral dans le Séminaire de Finkenwalde entre 1935 et 1937. Elle s’inscrit chronologiquement entre deux autres œuvres majeures de Bonhoeffer : « Vivre en disciple » publiée deux ans plus tôt, et une compilation de lettres écrites durant son emprisonnement.

La vision communautaire que développe Bonhoeffer s’articule autour d’une conception christocentrique des relations humaines. Pour lui, « Sans Christ, il y a discorde entre Dieu et l’homme et entre homme et homme […] Le Christ a ouvert la voie vers Dieu et vers notre frère. » Cette médiation christique constitue l’élément fondamental qui distingue une communauté authentiquement spirituelle d’un simple regroupement humain. Bonhoeffer affirme : « Le Christ se tient entre moi et les autres, » ce qui signifie que toute influence exercée sur autrui doit passer par cette médiation divine pour éviter la coercition ou la manipulation.

La méthodologie proposée par Bonhoeffer pour structurer la vie communautaire chrétienne révèle une approche qu’on pourrait qualifier « d’ingénierie allemande appliquée au christianisme ». Son plan précis inclut des moments dédiés à la prière commune (matin et soir), à la lecture des Écritures, au chant des hymnes, au travail, mais aussi des périodes essentielles de solitude et de silence. Cette alternance entre « le jour avec les autres » et « le jour seul » constitue l’équilibre nécessaire à une spiritualité saine : « Que celui qui ne peut être seul se méfie de la communauté. […] Que celui qui n’est pas en communauté se méfie d’être seul ».

La conception bonhoefférienne du ministère chrétien mérite une attention particulière. Plutôt que de valoriser uniquement la proclamation de la Parole, Bonhoeffer identifie plusieurs « ministères » essentiels à la vie communautaire : le ministère de retenir sa langue, celui de la douceur, de l’écoute, de l’aide pratique, du support mutuel, et seulement ensuite celui de la proclamation et de l’autorité. Cette hiérarchisation illustre sa compréhension organique de l’Église comme corps du Christ, où chaque membre remplit une fonction indispensable : « Dans une communauté chrétienne, tout dépend du fait que chaque individu soit un maillon indispensable d’une chaîne. Ce n’est que lorsque même le plus petit maillon est solidement verrouillé que la chaîne est incassable. »

L’approche de Bonhoeffer concernant la confession fraternelle représente l’un des aspects les plus novateurs de sa théologie communautaire. Pour lui, la confession verbale à un frère chrétien rend tangible la réalité du pardon d’une manière que la confession silencieuse à Dieu seul ne permet souvent pas. Cette pratique s’inscrit dans sa vision de la Cène comme « l’accomplissement suprême de la communion chrétienne » où les membres de la congrégation, « réconciliés dans leurs cœurs avec Dieu et les frères […] reçoivent le pardon, une vie nouvelle et le salut. »

Henri Nouwen, prêtre catholique décédé dans les années 90, considérait « De la vie communautaire » comme « un joyau de la littérature spirituelle ». De nombreux lecteurs témoignent de l’impact transformateur de cette œuvre sur leur conception de la communauté chrétienne. Comme le note un critique : « Je n’ai jamais lu Bonhoeffer auparavant, et je ne pouvais tout simplement pas croire à quel point il mariait bien une perspective céleste avec un pragmatisme terrestre. » Ce précieux équilibre, particulièrement rare dans la littérature spirituelle, assure à cette œuvre modeste par sa taille mais immense par sa profondeur une place de choix dans le canon de la littérature théologique du XXe siècle.

Aux éditions LABOR ET FIDES ; 239 pages.

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